RFO 158 1 Revue francophone d'orthoptie 2014;xx:1
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Une rue artificielle pour les malvoyants§ L'Institut de la vision a reproduit en intérieur une rue pour tester des produits d'aide à l'autonomie Il est une petite rue parisienne dans laquelle vous ne mettrez probablement jamais les pieds. Nichée au creux de l'Institut de la vision, cette « ruelle artificielle » de 9 mètres de long est une plateforme de recherches, destinée à la conception et l'étude de dispositifs aidant à la mobilité des non ou malvoyants. « Lors d'un partenariat avec Essilor, nous nous étions aperçus que les méthodologies existantes pour estimer l'impact de ces innovations sur la vie quotidienne des personnes handicapées étaient trop sommaires pour tester efficacement les innovations », raconte le Pr. José-Alain Sahel, chef du service d'ophtalmologie à l'hôpital des QuinzeVingts, directeur de l'Institut de la vision et instigateur de la société Streetlab, à l'origine du projet. Contrôler les paramètres Il s'ingénie alors, avec son équipe, à concevoir des simulateurs permettant de reproduire divers handicaps visuels. « Mais il ne s'agissait que de réalité virtuelle, c'était assez artificiel », ajoute le Pr. Sahel. D'où la naissance d'un appartement témoin et la création d'une zone de tests dans une rue parisienne. « Cela présentait plusieurs inconvénients,
nuance l'ophtalmologiste. D'abord, il peut être dangereux de réaliser les tests dans la rue. Et surtout, on ne contrôle pas tous les paramètres ». La rue « indoor » permet de mener des expériences reproductibles, qui suivent des scénarios totalement contrôlés. Pas de sirène d'ambulance ni d'aboiement inopiné, les bruits du monde résonneront à la demande. Côté luminosité, l'expérimentateur décide de l'heure et de la saison en contrôlant l'intensité et la température de couleur de la lumière diffusée par des dalles au plafond. « Nous avons créé un environnement contrôlé et standardisé pour évaluer objectivement tous les paramètres, de la lumière aux différents distracteurs pouvant survenir dans un environnement urbain », explique le directeur général de Streetlab, Emmanuel Gutman. Entièrement modulable Le comportement des volontaires, bardés de capteurs, est traqué par les caméras dont la rue est truffée : mouvement, accélération, orientation, regard. . . rien n'échappe aux ergonomes, ergothérapeutes, opticiens, ingénieurs, neuro-ophtalmologues et autres spécialistes en accessibilité qui travaillent pour Streetlab. La rue est modulable : trottoirs, potelets ou trompe-l'œil, elle peut se transformer en quai de gare ou en magasin au gré des fantaisies des industriels
qui y testent leurs produits. Des projets de formation ou de sensibilisation à la mal voyance y seront aussi mis au point. Le projet aura coûté 2 millions d'euros, essentiellement apportés par l'État, la Ville de Paris, la région Ile-de-France, des associations de malades et la Caisse des dépôts. « Le fonctionnement est financé par les industriels ou institutions, à qui nous facturons le temps d'accès à la plate-forme et à ses spécialistes », explique José-Alain Sahel. Par exemple, la société du Grand Paris souhaite y travailler sur l'aménagement des gares ; le ministère de l'Équipement et l'association française de l'éclairage s'intéressent aux normes urbaines et de l'habitat, pour que les malvoyants ne souffrent pas des prétentions architecturales ou écologiques ; Essilor y peaufine entre autres ses lunettes électroniques ; les nouvelles rétines artificielles y sont testées pour leur impact sur l'autonomie. Et Streetlab fourmille d'autres projets : il est notamment prévu de travailler sur les aides aux déficients auditifs. § Article initialement paru le 27/02/2014 sur Sante. lefigaro.fr.
Soline Roy
http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2014.03.009 1
RFO 158 1