Détérioration du contrôle moteur dans les lombalgies chroniques

Détérioration du contrôle moteur dans les lombalgies chroniques

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BBS 2010

Congrès

Cécile Fayt

%ÏUÏSJPSBUJPOEVDPOUSÙMFNPUFVS dans les lombalgies chroniques Mécanismes cérébraux Deterioration of motor control in chronic low back pain: cerebral mechanisms Les ajustements posturaux anticipateurs sont altérés chez le sujet lombalgique. L’organisation fonctionnelle des cortex sensoriel et moteur est également modifiée. Un entraînement approprié pourrait réduire ces remaniements corticaux et améliorer le contrôle moteur.

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es lombalgies chroniques (LC) sont associées à un EÏGJDJU EV DPOUSÙMF NPUFVS EFT NVTDMFT EV USPOD  TF manifestant notamment par une altération des ajustements posturaux anticipateurs. Normalement, lors de mouvements volontaires rapides du membre supérieur, l’activation de différents muscles du tronc (diaphragme, muscles paraspinaux, muscle transverse (TrA), muscles du plancher pelvien) précède celle du deltoïde. Cet ajustement postural anticipateur permet de réduire la perturbation de la stabilité du tronc induite par le mouvement EVCSBT4PODPOUSÙMFFTUTPVTDPSUJDBM$IF[MFTVKFUMPNbalgique, la contraction du TrA survient après le début de l’activation du deltoïde. Il ne s’agirait pas d’une réaction à la douleur en tant que telle mais de la manifestation d’un changement de stratégie posturale lié à la peur de la douleur. Ce retard d’activation posturale du TrA est associé à une réorganisation fonctionnelle du cortex moteur primaire (M1). La zone de M1 évoquant, par la stimulation magnétique transcrâniale, une réponse motrice du TrA est élargie et déplacée latéralement et vers l’arrière [1]. De plus, l’ampleur de la réorganisation de M1 est corrélée avec le retard d’activation du TrA. L’activation posturale davantage corticalisée du TrA chez le patient lombalgique vise probablement à augmenter la stabilité vertébrale mais pourrait être contreproductive à long terme : la perte EV DPOUSÙMF NPUFVS TÏMFDUJG FU MB DPNQSFTTJPO BDDSVF BV niveau des structures vertébrales seraient des facteurs de risque pour l’apparition de douleurs et de lésions, entraînant le patient dans un cercle vicieux. L’approche thérapeutique et préventive des lombalgies basée Haute École Léonard de Vinci, Institut d’Enseignement Supérieur sur des exercices de stabiliParnasse - Deux Alice, sation lombo-pelvienne est Avenue Mounier, 84 efficace dans ce contexte. 1200 Bruxelles, Belgique. [email protected] Par ailleurs, deux semaines

d’un entraînement par contractions volontaires isolées du TrA ont permis de rétablir rapidement et de façon durable son activité posturale anticipatrice. Cette amélioration du comportement moteur était associée à un retour vers la normale de la représentation corticale motrice du TrA, ainsi qu’à une réduction des douleurs [2]. Les remaniements fonctionnels de M1 observés dans la LC font partie des importants phénomènes de plasticité cérébrale qui caractérisent également d’autres syndromes douloureux chroniques comme la douleur du membre GBOUÙNF %.'  FU MF TZOESPNF EPVMPVSFVY SÏHJPOBM complexe (SDRC). Les modifications cérébrales observées sont fonctionnelles, structurales et neurochimiques. Leur ampleur est corrélée avec l’intensité et la durée de la douleur. Chez l’amputé du membre supérieur présentant des DMF, la zone de représentation corticale du membre amputé au niveau du cortex somesthésique primaire (S1) et de M1 est envahie par celle de la face [3]. Des modifications similaires sont constatées chez des sujets présentant un SDRC. Chez le sujet lombalgique, la zone de représentation du dos au niveau de S1 est par contre élargie et déplacée médialement <> 6OF BUSPQIJF EF MB substance grise ainsi qu’une diminution de la concentration du neurotransmetteur N-acetyl-aspartate ont été constatées au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) de sujets lombalgiques [5, 6]. Ces observations laissent supposer une diminution permanente de l’activité de cette région. Or le CPFDL diminue normalement la perception de la douleur en modulant l’activité de voies cortico-corticales et cortico-sous-corticales. Certaines caractéristiques comportementales des patients douloureux chroniques peuvent être mises en relation avec les remaniements corticaux constatés. Les sujets lombalgiques sont plus sensibles à des stimuli nociceptifs, y compris dans des régions éloignées de la région douloureuse [7]. Cette hyperalgésie généralisée pourrait être liée

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%BOTMFT-$ MFEÏGJDJUEVDPOUSÙMFNPUFVSEFTNVTDMFTEV tronc pourrait être lié à un remaniement cortical sensorimoteur sur lequel il serait possible d’intervenir efficacement par des entraînements ciblés. O RÉFÉRENCES 1. Tsao H et al. Reorganization of the motor cortex is associated with postural control deficits in recurrent low back pain. Brain 2008;131:2161-71. 2. Tsao H et al. Driving plasticity in the motor cortex in recurrent low back pain. Eur J Pain 2010;14(8):832-9. 3. Lotze M et al. Phantom movements and pain: an FMRI study in upper limb amputees. Brain 2001;124(11):2268-77. 4. Flor H et al. Extensive reorganization of primary somatosensory cortex in chronic back pain patients. Neuroscience Letters 1997;224:5-8. 5. Apkarian AV et al. Chronic back pain is associated with decreased prefrontal and thalamic gray matter density. J Neurosci 2004;24(46):10410-5. 6. Grachev ID et al. Abnormal brain chemistry in chronic back pain: an in vivo proton magnetic resonance spectroscopy study. Pain 2000;89(1):7-18. 7. GieseckeT et al. Evidence of augmented central pain processing in idiopathic chronic low back pain. Arthritis Rheum 2004;50(2):613-23. 8. Moseley GL. I can’t find it! Distorted body image and tactile dysfunction in patients with chronic back pain. Pain 2008;140:239-43. 9. Luomajoki H, Moseley GL. Tactile acuity and lumbopelvic motor control in patients with back pain and healthy controls. Br J Sports Med 2010 Jun 17. In press. doi:10.1136/bjsm.2009.060731. 10. Maclver K et al. Phantom limb pain, cortical reorganization and the therapeutic effect of mental imagery. Brain 2008;131:2181-91. 11. Harris AJ. Cortical origin of pathological pain. Lancet 1999;354:1464-6. 12. Flor H et al. Effect of sensory discrimination training on cortical reorganisation and phantom limb pain. Lancet 2001;357:1763-4. 13. Moseley GL et al. Tactile discrimination, but not tactile stimulation alone, reduces chronic limb pain. Pain 2008;137:600-8. 14. Wand BM et al. Cortical changes in chronic low back pain: current state of the art and implications for clinical practice. Man Ther 2010 Jul 23. In press. doi:10.1016/j.math.2010.06.008. 15. Boudreau SA et al. The role of motor learning and neuroplasticity in designing rehabilitation approaches for musculoskeletal pain disorders. Man Ther 2010;15:410-4.

Kinésithérapie la revue

à un traitement augmenté de la douleur par le système nerveux central, et/ou à une diminution de l’efficacité des systèmes anti-nociceptifs descendants. Dans les LC et le SDRC, le schéma corporel de la région douloureuse est altéré et les acuités tactile et proprioceptive sont diminuées, ce qui peut être mis en relation avec les remaniements de S1 [8]. Chez le sujet lombalgique, la diminution de l’acuité tactile est corrélée avec la détérioration du DPOUSÙMFNPUFVSMPNCPQFMWJFOWPMPOUBJSF [9]. Depuis quelques années, le concept d’entraîner le cerveau pour soulager des douleurs pathologiques fait l’objet de recherches pour les DMF et le SDRC. Des techniques comme la thérapie par le miroir et l’imagerie motrice conduisent à une diminution des douleurs associée à une réduction de la réorganisation corticale [10]. Chez le sujet amputé, la diminution des DMF suite à l’application de ces techniques mais également à celle d’une prothèse pourrait résulter d’une réappropriation sensori-motrice du membre. Il a en effet été suggéré que des douleurs sans cause nociceptive périphérique pourraient être liées à une discordance entre l’intention motrice et les feed-backs sensoriels [11]. La perturbation de la carte de représentation du corps au niveau de S1 pourrait être à l’origine de cette discordance, étant EPOOÏ RVF MF DFSWFBV MVUJMJTF QPVS DPOUSÙMFS MFT NPVWFments. Chez des sujets amputés avec des DMF, un entraînement à la discrimination tactile a permis de diminuer la douleur et d’annuler la réorganisation au niveau de S1 [12]. Ce type d’entraînement est également efficace dans le SDRC [13]. Il est envisagé chez le sujet lombalgique chez qui l’amélioration de l’acuité tactile pourrait aider à norNBMJTFS MF DPOUSÙMF NPUFVS MPNCPQFMWJFO WPMPOUBJSF <> Plus largement, l’entraînement du cerveau chez le patient lombalgique chronique est une orientation thérapeutique qui commence à être explorée [14, 15]. Des techniques rééducatives comme l’imagerie motrice, l’entraînement à la discrimination tactile, mais encore l’entraînement isolé d’un muscle ont en commun d’exiger un effort cognitif soutenu du sujet. Cet effort d’apprentissage est susceptible d’entraîner une réorganisation corticale associée à une amélioration clinique et/ou fonctionnelle, sans nécessiter un très grand nombre de répétitions. La qualité de l’entraînement est donc essentielle. En effet, chez le sujet lombalgique, la capacité à contracter le TrA de manière isolée est corrélée avec l’amélioration dans le timing d’activation posturale anticipatrice de ce muscle.

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