Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 136 (2019) 342–346
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Article original
Abcès prémaxillaire sans lyse osseuse : une complication inhabituelle des sinusites maxillaires aiguës de l’enfant夽 R. Luscan a , E. Truffert a , F. Simon a , K. Belhous b , B. Verillaud c , N. Garabedian a , N. Leboulanger a , F. Denoyelle a , V. Couloigner a,∗ a
Service d’oto-rhino-laryngologie pédiatrique, hôpital Necker Enfants Malade, université Paris-Descartes, AP–HP, 75015 Paris, France Service de radiologie pediatrique, hôpital Necker Enfants Malade, université Paris-Descartes, AP–HP, 75015 Paris, France c Service d’oto-rhino-laryngologie, hôpital Lariboisière, université Paris-Diderot, AP–HP, 75010 Paris, France b
i n f o
a r t i c l e
r é s u m é
Mots clés : Sinusite aiguë Infection Complication Abcès prémaxillaire Abcès parapharyngé
Objectifs. – Rapporter une complication inhabituelle des sinusites maxillaires aiguës de l’enfant : l’abcès prémaxillaire. Décrire la présentation clinique, radiologique et biologique ainsi que la stratégie thérapeutique et l’évolution. Matériel et méthodes. – Étude rétrospective incluant tous les patients pris en charge pour abcès prémaxillaire compliquant une sinusite maxillaire aiguë dans deux centres référents d’Oto-rhino-laryngologie entre 1999 et 2017. L’histoire de la maladie, la présentation clinique, les résultats biologiques et radiologiques, les modalités thérapeutiques et l’évolution ont été étudiés. Résultats. – Dix patients ont été inclus (âge moyen 10 ± 4,2 ans). Tous les patients présentaient de la fièvre, une rhinorrhée et un œdème prémaxillaire. Le scanner injecté retrouvait pour tous les patients une opacité complète du sinus maxillaire, sans lyse osseuse, et une collection étendue le long de la cloison inter-sinuso-nasale jusqu’à la région prémaxillaire. Dans trois cas, cette collection s’étendait en arrière vers l’espace parapharyngé. Les prélèvements bactériologiques retrouvaient le plus souvent un Streptococcus anginosus (n = 4 ; 40 %). Le traitement consistait en une antibiothérapie intraveineuse à large spectre associée à un drainage chirurgical des abcès prémaxillaires de diamètre supérieur à 10 mm (n = 9 ; 90 %). Parmi ces neuf patients, sept ont présenté une récidive de l’abcès nécessitant une reprise chirurgicale (78 %) et trois ont nécessité un troisième drainage (33 %). Tous les patients étaient guéris sans séquelle à un mois de suivi. Conclusion. – Une sinusite maxillaire aiguë avec œdème prémaxillaire doit faire évoquer le diagnostic d’abcès prémaxillaire. Le taux élevé de récidive observé suggère qu’un traitement chirurgical maximaliste associé à une surveillance clinique rapprochée avec examen radiologique sont essentiels. ´ ´ es. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv
1. Introduction
une complication [1]. Les complications retrouvées dans cette étude étaient les suivantes : abcès orbitaires (76 %), cellulite périorbitaire (15 %) et complications intracrâniennes (9 %). Les cellulites et abcès orbitaires compliquent, dans la majorité des cas, les ethmoïdites de l’enfant de moins de cinq ans tandis que les complications intracrâniennes (thrombophlébite, empyème et abcès) sont typiquement retrouvées dans les pansinusites de l’adolescent de sexe masculin [2–5]. Ces complications régionales des sinusites sont classiquement liées à une érosion osseuse, à une thrombophlébite septique de veines perforantes ou à une ostéomyélite [6–10]. Les sinusites aiguës maxillaires de l’enfant sont exceptionnellement associées à des complications et n’ont, à notre connaissance, jamais été associées à des complications spécifiques [2,3]. Dans cette étude, nous rapportons la première série pédiatrique de sinusites maxillaires aiguës compliquées d’abcès prémaxillaire, sans lyse osseuse des parois du sinus maxillaire. Nous discutons
Les sinusites bactériennes aiguës de l’enfant sont fréquentes et très rarement associées à des complications. Dans une large étude nord-américaine utilisant la base de données nationale des services d’urgences (Nationwide Emergency Department Sample database) de 2008 et incluant 101 660 enfants, seuls 0,7 % des enfants pris en charge aux urgences pour sinusite bactérienne aiguë présentaient
DOI de l’article original : https://doi.org/10.1016/j.anorl.2019.04.013. 夽 Ne pas utiliser pour citation la référence franc¸aise de cet article mais celle de l’article original paru dans European Annals of Otorhinolaryngology Head and Neck Diseases en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (V. Couloigner). https://doi.org/10.1016/j.aforl.2018.11.006 ´ ´ 1879-7261/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
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de la physiopathologie, de la présentation clinique et radiologique ainsi que du traitement et de l’évolution de cette complication inhabituelle.
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une atteinte droite. Aucun patient n’avait d’antécédent de sinusite. L’examen endoscopique retrouvait pour les dix enfants un œdème muqueux unilatéral de la cloison inter-sinuso-nasale et la présence de pus au méat moyen homolatéral.
2. Matériel et méthodes 3.2. Résultats biologiques Ce manuscrit a été rédigé en respectant les recommandations STROBE [11]. Nous avons mené une étude rétrospective portant sur tous les enfants (âge < 18 ans) pris en charge pour sinusite maxillaire bactérienne aiguë compliquée d’abcès prémaxillaire dans deux centres de références d’Oto-rhino-laryngologie entre janvier 1999 et janvier 2017. Les enfants étaient inclus dans l’étude selon les critères suivants : • sinusite maxillaire aiguë, définie par l’association de fièvre (≥ 38,5 ◦ C), rhinorrhée (purulente ou non) unilatérale avec opacité du sinus maxillaire homolatéral au scanner ; • abcès prémaxillaire, caractérisé par la présence d’un œdème facial et d’une collection liquidienne prémaxillaire (unité Hounsfield (UH) < 32) avec une prise de contraste périphérique partielle ou totale sur le scanner injecté [12,13]. Critères d’exclusion : • sinusite d’origine dentaire ; • données cliniques ou radiologiques incomplètes. Les données anthropométriques et cliniques ont été collectées grâce à notre base de données médicales institutionnelle. Les dossiers médicaux ont été relus et les données suivantes ont été collectées : âge, sexe, antécédents médicaux, histoire de la maladie et symptômes au moment de l’admission, taux de leucocytes et niveau de CRP (protéine C-réactive), prélèvements bactériologiques, compte rendu des scanners, traitements médicaux et chirurgicaux réalisés et évolution clinique. Tous les scanners ont été analysés par deux investigateurs indépendants : une radiologue spécialisée en oto-rhino-laryngologie pédiatrique et un ORL pédiatrique. Les données ont été analysées grâce au logiciel Microsoft Excel (Microsoft, Redmond, WA, USA). Les variables quantitatives sont exprimées par leur moyenne et écart-type alors que les variables qualitatives sont exprimées en pourcentage. Les parents ont signé un consentement pour tous les gestes chirurgicaux réalisés. Les patients et leurs parents ont tous rec¸u une information orale concernant l’étude. Cette étude a été approuvée par un comité éthique local. 3. Résultats Dix patients ont été pris en charge dans nos centres pour sinusite maxillaire aiguë compliquée d’un abcès prémaxillaire entre janvier 1999 et janvier 2017. Huit garc¸ons et deux filles ont été inclus. L’âge moyen était de 10 ± 4,2 ans (extrêmes : 2,5–17 ans). 3.1. Présentation clinique Tous les patients présentaient de la fièvre (≥ 38,5 ◦ C), une rhinorrhée et un œdème prémaxillaire. Huit patients avaient des signes cliniques d’ethmoïdite associée (œdème palpébral pour huit patients avec exophtalmie, diplopie et baisse d’acuité visuelle pour trois d’entre eux). Trois enfants avaient également un trismus et une dysphagie sans angine à l’examen endobuccal. Dans sept cas, l’atteinte était gauche alors que les trois autres patients avaient
On observait la présence d’une hyperleucocytose : moyenne 14 000 ± 4000 × 106/L (extrêmes : 8000–19 000 × 106) et d’une CRP élevée : 158 ± 95 mg/L (extrêmes : 29–306). 3.3. Constatations radiologiques Tous les patients ont eu un scanner injecté cérébral et des sinus. Pour tous les patients, le scanner retrouvait la présence d’une opacité complète du sinus maxillaire associée à une collection liquidienne homolatérale avec prise de contraste périphérique partielle ou totale au niveau sous muqueux de la cloison inter-sinusonasale, étendue en antérieur à l’orifice piriforme puis latéralement à l’espace prémaxillaire. Un exemple typique est présenté sur la Fig. 1. Aucun patient n’avait de lyse osseuse des parois des sinus. Un patient avait une lyse de l’os propre du nez en regard de la collection prémaxillaire (Fig. 2). Chez trois enfants, la collection sous muqueuse de la cloison inter-sinuso-nasale s’étendait postérieurement le long des fosses nasales pour atteindre l’espace parapharyngé (Fig. 1). Tous les patients avaient une opacité partielle ou totale du sinus ethmoïdal antérieur homolatéral et quatre enfants avaient une cellulite orbitaire avec abcès sous-périosté. 3.4. Constatations microbiologiques Les résultats des prélèvements bactériologiques sont présentés dans le Tableau 1. En résumé, les prélèvements de pus étaient positifs pour sept patients (70 %) et retrouvaient dix bactéries différentes. Parmi les dix bactéries retrouvées, cinq étaient des Streptococci (n = 5 ; 50 %) et, plus précisément, quatre appartenaient à la famille des S. anginosus. 3.5. Traitement Tous les patients étaient traités par antibiothérapie intraveineuse à large spectre. Les antibiotiques prescrits sont résumés dans le Tableau 1. Suivant les protocoles de nos services pour la prise en charge des sinusites compliquées de l’enfant, les patients recevaient en première une bi-antibiothérapie probabiliste à large spectre intraveineuse associant de la ceftriaxone et de la clindamycine (huit patient) ou de la ceftriaxone et du métronidazole (deux patients) (Tableau 1). Si nécessaire, cette antibiothérapie de première ligne était modifiée en fonction des résultats de l’antibiogramme. La durée moyenne d’antibiothérapie intraveineuse était de 9 ± 6 jours (extrêmes : 3–21). Après la sortie, un relai par antibiothérapie orale était réalisé pour une durée de 7 à 21 jours (moyenne ± écart-type : 13 ± 6 jours) : amoxicilline/acide clavulanique pour huit patients, clindamycine et amoxicilline/acide clavulanique pour un patient et métronidazole/clindamycine pour le dernier patient. Le choix de l’antibiothérapie à la sortie dépendait du protocole du service dans lequel l’enfant avait été pris en charge et des résultats de l’antibiogramme. Les abcès de plus de 10 mm de diamètre étaient drainés chirurgicalement [13,14]. Seul un patient n’a pas nécessité de traitement chirurgical car il présentait un abcès prémaxillaire de 5 mm de diamètre qui a répondu favorablement à une antibiothérapie intraveineuse probabiliste. Les neuf autres patients (90 %) ont nécessité un drainage chirurgical par voie combinée consistant en une méatotomie moyenne par voie endoscopique associée à un drainage de
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Fig. 1. Abcès prémaxillaire et parapharyngé compliquant une sinusite maxillaire gauche chez un enfant de 17 ans (patient #8). A–D. Scanner injecté, coupe coronale, fenêtre tissulaire. Flèche blanche : collection hypodense dans l’espace sous-muqueux de la paroi nasale latérale (chevron), s’étendant en avant le long du cornet inférieur (chevron) ; * : opacité du sinus maxillaire ; : obstruction de l’ostium du sinus maxillaire. E. Scanner injecté, coupe coronale, fenêtre tissulaire. Flèche : diffusion postérieure à l’espace parapharyngé de l’infection. F. Scanner injecté, coupe sagittale, fenêtre tissulaire. Atteinte antérieure prémaxillaire et postérieure parapharyngée (flèche) de l’infection sous-muqueuse de la cloison inter-sinuso-nasale (chevron). ITH : tête du cornet inférieur ; IT : cornet inférieur ; ITT : queue du cornet inférieur.
Fig. 2. Abcès prémaxillaire avec lyse osseuse de l’os nasal compliquant une sinusite maxillaire aiguë chez un enfant de 2,5 ans (patient #10). Scanner injecté en coupe coronale. A. Fenêtre tissulaire. Chevron : abcès prémaxillaire. B. Fenêtre osseuse. Flèche : lyse de l’os nasal.
l’abcès prémaxillaire par voie vestibulaire. La muqueuse du vestibule en regard du maxillaire était incisée et le périoste de la paroi antérieure du maxillaire était ruginée pour permettre le drainage de l’abcès prémaxillaire. Une lame de drainage de Delbet (Peters ® Surgical , Bobigny, France) était mise en place pour permettre de réaliser des irrigations à la povidone iodée (bétadine) deux fois par jours pendant deux jours au minimum. Les trois patients présentant un abcès parapharyngé ont également bénéficié d’un drainage de cet abcès par voie transorale et les quatre enfants présentant un abcès sous périosté intraorbitaire ont bénéficié d’une ethmoïdectomie antérieure par voie endoscopique associée à un drainage de l’abcès sous périosté par voie externe (incision cutanée au niveau du canthus interne de l’œil, dissection sous le périoste de la lame papyracée
permettant le drainage de l’abcès et mise en place d’un drain pour irrigation deux fois par jour avec de la povidone iodée diluée). Malgré ce premier traitement chirurgical associé à une antibiothérapie, sept des neuf patients opérés ont présenté une récidive de l’abcès prémaxillaire (78 %). Cette récidive survenait dans un délai moyen de 5 jours (extrêmes 1–14). Elle était suspectée cliniquement devant la persistance ou la réapparition de fièvre associée à une douleur et un œdème facial, et était confirmée par la réalisation d’un nouveau scanner des sinus avec injection de produit de contraste. Pour six patients, les récidives survenaient après l’ablation de la lame de drainage. Un enfant a eu une récidive précoce à un jour post-opératoire alors que la lame était encore en place. Pour six individus, les récidives survenaient avant
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Tableau 1 Résultats des prélèvements bactériologiques et traitements. Résultats de bactériologie
#1 #2 #3 #4 #5 #6 #7 #8 #9 #10
Strepto. constellatus Strepto. mitis, H. influenza Strepto. intermedius et Staph. intermedius Staph. aureus Strepto. milleri, Actinomyces odontolyticus Négative Veillonella sp Négative Strepto. anginosus Pas de prélèvement
Première ligne ATB IV
Deuxième ligne ATB
Troisième ligne ATB
MOL
DT
MOL
VA
DT
MOL
VA
DT
Quatrième ligne ATB Cinquième ligne ATB MOL
VA
DT
MOL
VA
DT
CRO + CLI + MTZ CTX + MTZ + FOF CRO + CLI
5 8 4
AMC AMC AMC
PO PO PO
7 6 10
CRO + CLI CTX + MTZ + FOF –
IV IV
7 8
TZP AMC –
IV PO
9 10
AMC + CLI – –
PO
21
CRO + CLI CRO + CLI
7 8
AMC SXT + CLI
PO PO
15 10
– –
– –
– –
CRO + CLI CRO + CLI CRO + MTZ CRO + CLI CRO + CLI
7 7 3 10 5
AMC AMC AMC AMC AMC
PO PO PO PO PO
10 7 8 10 15
– – – – –
– – – – –
– – – – –
ATB : antibiotiques ; DT : durée de traitement (en jours) ; MOL : molécules ; VA : voie d’administration ; Staph. : Staphylococcus ; Strepto. : Streptococcus ; sp. : espèces ; IV : intraveineux ; AMC : amoxicilline + acide clavulanique ; CTX : cefotaxime ; CRO : ceftriaxone ; CLI : clindamycine ; FOF : fosfomycine ; MTZ : metronidazole ; SXT : Triméthoprime Sulfamethoxazol ; TZP : Piperacilline-Tazobactam ; PO : per os.
modification de l’antibiothérapie intraveineuse. Seul un patient a eu une récidive après changement de l’antibiothérapie (récidive tardive à 14 jours post-opératoire). Les quatre abcès sous périostés et les trois abcès parapharyngés ont également récidivé. Ces sept patients ont bénéficié d’un nouveau drainage chirurgical. Trois de ces sept patients ont nécessité un troisième drainage chirurgical pour deux récidives d’abcès prémaxillaire et une récidive d’abcès sous périosté orbitaire. Malgré ces fréquentes récidives, tous les patients étaient guéris à un mois de suivi et aucune séquelle n’a été retrouvée. 4. Discussion Cette étude est, à notre connaissance, la première série de sinusites maxillaires aiguës bactériennes de l’enfant compliquées d’abcès prémaxillaires. Les scanners injectés montraient la présence d’une collection liquidienne avec prise de contraste périphérique au niveau sous muqueux de la cloison inter-sinuso-nasale qui s’étendait en avant vers la région prémaxillaire et parfois en postérieur jusqu’à la région parapharyngée, sans lyse osseuse des parois des sinus. Nous formulons l’hypothèse que ces abcès résultent de la diffusion du pus à partir du sinus maxillaire, par son ostium, à l’espace sous muqueux de la cloison inter-sinuso-nasale puis en avant ou en arrière aux régions prémaxillaire et parapharyngée. Cette voie de diffusion diffère des théories classiques qui suggèrent que les complications régionales des sinusites sont liées à une érosion osseuse, à une thrombophlébite septique de veines perforantes ou à une ostéomyélite [6–10]. De plus, cette complication doit être distinguée de l’ostéomyélite maxillaire de l’enfant qui entraîne de la fièvre et un œdème de la face mais dont la présentation clinique est différente [15–19]. En effet, cette affection touche préférentiellement les nouveau-nés et les petits nourrissons, est d’origine odontogène ou résulte de la diffusion par voie hématogène d’une infection à distance et est typiquement due au Staphylococcus aureus. Les abcès orbitaires sont très fréquents dans l’ostéomyélite maxillaire de l’enfant mais pas les abcès prémaxillaires. Par ailleurs, la présence d’une collection de l’espace sous muqueux de la cloison inter-sinuso-nasale n’a jamais été décrite dans cette affection. Trois patients avaient un abcès parapharyngé sans angine à l’examen endobuccal. La présence de ce type d’abcès est expliquée par la diffusion de la collection en postérieure le long de la cloison inter-sinuso-nasale. Une éthmoïdite antérieure était fréquemment associée à la sinusite maxillaire dans notre série, expliquant les quatre cas d’abcès orbitaire. Sur les dix bactéries retrouvées par les prélèvements bactériologiques, quatre appartiennent au groupe des S. anginosus qui est fréquemment associé à des
infections invasives [20]. En effet, une étude précédente portant sur 17 enfants a montré que les S. anginosi étaient les bactéries les plus fréquemment impliquées dans les sinusites compliquées d’empyème sous-duraux ou extra-duraux [6]. Cette flore bactérienne diffère de celle observée classiquement dans les sinusites bactériennes aiguës non compliquées : S. pneumonia (30 %), H. influenza (30 %), et M. catarrhalis (10 %) [21]. Le taux élevé d’échec du drainage chirurgical observé dans notre série suggère qu’une stratégie thérapeutique plus agressive peut être justifiée en première intention. Certains auteurs ont observé que la mise en place de drains chirurgicaux n’était pas absolument nécessaire dans la prise en charge des ethmoïdites compliquées d’abcès orbitaires [22]. Nos résultats suggèrent que pour les abcès prémaxillaires compliquant les sinusites aiguës maxillaires, la situation est différente du fait du risque très élevé de récidive malgré un traitement chirurgical bien réalisé. Nous recommandons donc la mise en place systématique de drains pour une durée de deux ou trois jours. Ces drains doivent être positionnés au niveau sous muqueux en regard de la cloison inter-sinuso-nasale, ce qui nécessite un abord direct (au niveau du méat inférieur), et au niveau prémaxillaire par l’incision vestibulaire. De plus, du fait du risque élevé de récidive des abcès, nous insistons sur l’importance d’une surveillance clinique rapprochée associée, en fonction de l’évolution clinique, à un scanner injecté. Les limites de notre étude sont son caractère rétrospectif et le faible nombre de patients inclus. Cependant, ce deuxième point souligne la rareté de cette complication des sinusites maxillaires aiguës de l’enfant. D’autres études devront être menées pour définir la stratégie de prise en charge optimale de cette complication. 5. Conclusions Les sinusites maxillaires aiguës de l’enfant peuvent se compliquer d’abcès prémaxillaire. Dans notre expérience, cette complication rare présente un taux inhabituellement élevé d’échec de drainage chirurgical. Cette étude suggère qu’un drainage chirurgical maximaliste associé à une surveillance clinique rapprochée avec examen radiologique précoce sont essentiels. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Remerciements Nous remercions le Professeur Stacey L. Ishman, Department of Pediatric Otolaryngology, Head & Neck Surgery, Cincinnati Children’s
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Hospital, Ohio, USA, pour ses commentaires utiles à l’écriture de ce manuscrit. Références [1] Sedaghat AR, Wilke CO, Cunningham MJ, et al. Socioeconomic disparities in the presentation of acute bacterial sinusitis complications in children. The Laryngoscope 2014;124:1700–6. [2] Leung AKC, Kellner JD. Acute sinusitis in children: diagnosis and management. J Pediatr Health Care 2004;18:72–6. [3] Hytönen M, Atula T, Pitkäranta A. Complications of acute sinusitis in children. Acta Otolaryngol Suppl 2000;543:154–7. [4] Oxford LE, McClay J. Complications of acute sinusitis in children. Otolaryngol Head Neck Surg 2005;133:32–7. [5] Sultész M, Csákányi Z, Majoros T, et al. Acute bacterial rhinosinusitis and its complications in our pediatric otolaryngological department between 1997 and 2006. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2009;73:1507–12. [6] Garin A, Thierry B, Leboulanger N, et al. Pediatric sinogenic epidural and subdural empyema: the role of endoscopic sinus surgery. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2015;79:1752–60. [7] Herrmann BW, Forsen JW. Simultaneous intracranial and orbital complications of acute rhinosinusitis in children. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2004;68:619–25. [8] Bambakidis NC, Cohen AR. Intracranial complications of frontal sinusitis in children: Pott’s puffy tumor revisited. Pediatr Neurosurg 2001;35:82–9. [9] Blumfield E, Misra M. Pott’s puffy tumor, intracranial, and orbital complications as the initial presentation of sinusitis in healthy adolescents, a case series. Emerg Radiol 2011;18:203–10. [10] Gupta S, Vachhrajani S, Kulkarni AV, et al. Neurosurgical management of extraaxial central nervous system infections in children. J Neurosurg Pediatr 2011;7:441–51.
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