Sinusites maxillaires

Sinusites maxillaires

EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 160–173 http://france.elsevier.com/direct/EMCORL/ Sinusites maxillaires Maxillary sinusitis L. Gilain (Professeu...

723KB Sizes 1 Downloads 213 Views

EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 160–173

http://france.elsevier.com/direct/EMCORL/

Sinusites maxillaires Maxillary sinusitis L. Gilain (Professeur des Universités, praticien hospitalier) *, S. Laurent (Chef de clinique-assistant des Hôpitaux) Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU Clermont-Ferrand, rue Montalembert, BP 69, 63001 Clermont-Ferrand cedex 1, France

MOTS CLÉS Sinusite ; Sinus maxillaire ; Dents ; Mycoses ; Chirurgie endoscopique

Résumé Les sinusites maxillaires sont le plus souvent consécutives à une obstruction ostiale ou à un foyer dentaire. En fonction de leur évolution on distingue les sinusites maxillaires aiguës, subaiguës, aiguës récidivantes et chroniques. Les sinusites maxillaires aiguës se développent le plus souvent dans les suites d’une infection virale aiguë des voies aériennes supérieures. Le diagnostic de sinusite maxillaire aiguë est basé sur des signes cliniques tels que fièvre, congestion nasale, rhinorrhée purulente et douleur ou pesanteur faciale unilatérale. Le diagnostic de sinusite maxillaire chronique est plus difficile en raison de l’absence de critères diagnostiques bien définis et référencés dans la littérature. Les procédures diagnostiques font appel à l’évaluation clinique, à l’examen endoscopique des méats moyens et à l’examen tomodensitométrique (TDM). Un bilan dentaire est systématique pour rechercher une lésion des apex dentaires. Un Dentascan est intéressant dans l’évaluation de l’état dentaire. Le traitement de première intention des sinusites maxillaires bactériennes est basé sur l’antibiothérapie. La chirurgie est indiquée en cas d’échec du traitement médical. La technique chirurgicale de référence dans le traitement des sinusites maxillaires est la méatotomie moyenne sous contrôle endoscopique. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS Sinusitis; Maxillary sinus; Teeth; Fungal diseases; Endoscopic surgery

Abstract Maxillary sinusitis usually results from obstruction of the ostia or from a periodontal disease. Depending on the course of the disease, maxillary sinusitis has been characterized as acute, subacute, recurrent acute, and chronic maxillary sinusitis. Acute bacterial maxillary sinusitis occurs most commonly after an acute viral upper respiratory tract infection. The diagnosis of acute maxillary sinusitis is based on clinical symptoms as fever, nasal congestion, purulent rhinorrhea and unilateral facial pressure or pain. The diagnosis of chronic maxillary sinusitis is more difficult due to the lack of universally accepted guidelines for its diagnostic. The diagnostic procedures include physical examination, endoscopic examination of the middle meatus, and computed tomography (CT). Dental examination is required in diagnosing a periodontal disease. The Denta-scan can be appropriate in dental disease. Antibiotics are the primary therapy for bacterial maxillary sinusitis. Surgery can be performed in case of maxillary sinusitis refractory to medical therapy. The gold standard of maxillary sinusitis surgery is the endoscopy-assisted endonasal middle meatotomy. © 2004 Publié par Elsevier SAS.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Gilain). 1762-5688/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.emcorl.2004.10.005

Sinusites maxillaires

Introduction Les sinusites maxillaires sont des atteintes inflammatoires et/ou infectieuses d’origine virale, bactérienne ou fongique développées au niveau du sinus maxillaire. Elles peuvent être isolées ou associées à une atteinte d’un ou plusieurs sinus adjacents. les formes aiguës sont caractérisées par un tableau algique le plus souvent typique et ne posent habituellement pas de problème diagnostique et thérapeutique. Les formes chroniques sont caractérisées par un tableau aspécifique et le diagnostic de sinusite maxillaire chronique est souvent porté par excès soit devant une opacité du sinus maxillaire soit devant une rhinite chronique isolée. Les sinusites maxillaires d’origine fongique se divisent en formes non invasives et en formes invasives indolentes ou fulminantes. Enfin, les complications infectieuses des sinusites maxillaires sont rares chez l’adulte.

161 entre origine dentaire et sinusite maxillaire est parfois évidente comme dans une communication buccosinusienne, ou parfois de diagnostic plus difficile nécessitant une recherche approfondie.3 L’atteinte directe du sinus maxillaire, en dehors de toute obstruction ostiale, par atteinte directe inflammatoire ou infectieuse de la muqueuse du sinus est un mécanisme plus rare et plus difficile à mettre en évidence dans la mesure où une obstruction ostiale secondaire partielle ou complète mais d’origine intrinsèque se développe progressivement et vient ajouter un phénomène rétentionnel à l’origine de la sinusite maxillaire. La rapidité de développement du mécanisme étiopathogénique à l’origine de la sinusite maxillaire entraîne selon les cas des manifestations aiguës, subaiguës ou chroniques.

Formes cliniques

Étiopathogénie

Sinusite maxillaire aiguë d’origine virale et/ou bactérienne isolée non compliquée

La sinusite maxillaire peut être consécutive à une cause extrinsèque comme une atteinte nasale et sera alors dite d’origine rhinogène ou consécutive à un foyer dentaire et sera alors dite d’origine dentaire. Elle peut, à l’inverse, être purement endogène, alors développée à partir de la muqueuse du sinus maxillaire, sans cause dentaire ou rhinogène apparente. Dans les causes rhinogènes ou ostiales, l’atteinte de la muqueuse du sinus maxillaire débute au niveau de l’ostium du sinus maxillaire dont la zone de drainage est située au niveau du méat moyen sous le cornet moyen. Toutes les rhinites inflammatoires et/ou infectieuses sont susceptibles de diffuser au sinus maxillaire par voie ostiale et/ou d’entraîner un œdème de la région du méat moyen favorisant la rétention maxillaire.1,2 Les autres causes dites rhinogènes sont représentées par les obstructions ostiales extrinsèques endonasales liées soit au développement devant l’ostium du sinus maxillaire d’une masse tumorale ou d’un polype inflammatoire, soit à une sténose morphologique iatrogène postopératoire de l’ostium avec rétention, inflammation et infection sinusienne maxillaire secondaire. Les rétrécissements morphologiques de la région du méat moyen par une déviation septale, un cornet moyen bulleux ou inversé ne jouent qu’un rôle favorisant dans le développement d’une sinusite maxillaire d’origine rhinogène. Dans les causes dites d’origine dentaire, l’atteinte de la muqueuse du sinus maxillaire s’étend à partir d’un foyer infectieux dentaire. La relation

Elle se définit comme une infection aiguë de la muqueuse du sinus maxillaire. C’est une affection fréquente vue dans le cadre de l’urgence. C’est une complication évolutive de la rhinite aiguë d’origine virale.4 Environ 0,5 à 2 % des rhinites virales se compliquent de sinusite.5 La sinusite maxillaire aiguë est une des causes les plus fréquentes de prescription d’antibiothérapies.5 Outre la rhinite aiguë virale qui est la condition pathologique la plus fréquemment à l’origine des sinusites maxillaires aiguës, on décrit d’autres conditions favorisantes comme les rhinites chroniques allergiques ou non allergiques, les rhinosinusites chroniques, la polypose nasosinusienne, différents facteurs mécaniques d’obstruction ostiale (déviation septale, concha bullosa, cellules de Haller), les affections parodontales, l’immunodépression, l’utilisation abusive de gouttes nasales et la pratique de la natation et de la plongée.5 Le caractère aigu de l’infection sinusienne maxillaire traduit un blocage ostial d’origine œdémateux inflammatoire avec rétention sinusienne en amont. La colonisation bactérienne de la muqueuse sinusienne s’effectuant soit d’emblée par contamination nasale, soit secondairement favorisée par la dépression endosinusienne consécutive au blocage ostial. La douleur constitue le symptôme et le signe d’appel le plus constant. Elle traduit le caractère aigu de l’infection. Il s’agit typiquement d’une douleur unilatérale, de localisation sous-orbitaire,

162 irradiante vers l’arcade dentaire et/ou l’orbite et le front, de caractère pulsatile. Son exacerbation lors des mouvements de la tête est évocatrice de l’origine sinusienne. La douleur est continue et habituellement résistante aux antalgiques prescrits en première intention. La douleur est rarement le seul symptôme de la sinusite maxillaire. La douleur est inconstamment associée à une fièvre comprise entre 38° et 39°C. Les autres signes se confondent avec ceux de la rhinite aiguë inaugurale. Ce sont la rhinorrhée antérieure et postérieure muqueuse, mucopurulente ou franchement purulente et l’obstruction nasale. À la différence de la rhinite aiguë où les signes sont bilatéraux, c’est le caractère ou le renforcement unilatéral de ces signes qui orientent vers le diagnostic de sinusite maxillaire aiguë. Une forme bilatérale de sinusite maxillaire aiguë est possible mais beaucoup plus rare. Le diagnostic est ainsi évoqué sur des éléments symptomatiques associant douleur sous-orbitaire, fièvre, obstruction nasale et rhinorrhée avec deux spécificités évocatrices, le caractère unilatéral des symptômes et leur survenue dans un contexte de rhinite aiguë.6 L’examen clinique confirme le diagnostic. La mobilisation de la tête du patient vers le bas confirme le caractère positionnel de la céphalée et l’origine sinusienne. L’existence d’une douleur provoquée à la pression de la face antérieure du sinus maxillaire est évocatrice du diagnostic. L’examen de la cavité buccale peut retrouver une traînée mucopurulente sur la paroi postérieure du pharynx. La rhinoscopie antérieure permet de visualiser une fosse nasale congestive tapissée de sécrétions mucopurulentes. Ces constatations cliniques permettent de confirmer le diagnostic de sinusite aiguë. L’exploration endoscopique ou fibroscopique des fosses nasales n’est pas indispensable au diagnostic mais cette exploration permet de localiser l’origine de l’écoulement purulent et d’en faire un prélèvement. Cette exploration est réalisée après préparation des fosses nasales par anesthésie locale et rétraction muqueuse. Son objectif est d’examiner la région du méat moyen et de l’ostium du sinus maxillaire. La constatation d’une obstruction inflammatoire de l’ostium et/ou d’un éventuel écoulement purulent au niveau du méat moyen permet de confirmer le siège sinusien antérieur de l’atteinte infectieuse. En l’absence d’écoulement purulent spontané, la palpation douce et prudente par un aspirateur boutonné de la région du méat moyen peut induire l’extériorisation de pus. Un prélèvement bactériologique protégé et dirigé sous contrôle endoscopique apporte une identification bactériologique et permet de réaliser un antibiogramme. Le diagnostic de sinusite maxillaire aiguë est donc principalement clinique et en pratique cou-

L. Gilain, S. Laurent rante aucun examen complémentaire n’est utile avant de débuter le traitement. Cependant, beaucoup d’auteurs insistent sur le grand nombre de diagnostics de sinusite maxillaire aiguë faits par excès conduisant eux-mêmes à un nombre excessif et injustifié de prescription d’antibiotiques.5,7 Ces mêmes auteurs recommandent pour un diagnostic fiable la réalisation d’examens radiographiques ou échographiques des sinus maxillaires. Ils recommandent en effet, en pratique générale, de réaliser systématiquement en complément de l’examen clinique un examen échographique et/ou radiographique, ce qui permet de réduire significativement le nombre de diagnostics de sinusite maxillaire aiguë abusifs.7,8 En pratique spécialisée, ceci semble moins utile du fait de l’apport de l’examen endoscopique ou fibroscopique des fosses nasales. L’examen radiographique standard permettant de visualiser les sinus maxillaires est le cliché en incidence de Blondeau. Seront considérées comme évocatrices du diagnostic les images d’opacité complète du sinus maxillaire, de niveau liquide intrasinusien ou d’épaississement de la muqueuse sinusienne supérieur à 6 mm. La présence de ces images en les confrontant au tableau clinique permet de confirmer de façon objective le diagnostic de sinusite maxillaire aiguë. L’examen tomodensitométrique (TDM) n’est jamais demandé en première intention devant un tableau clinique évocateur de sinusite maxillaire aiguë. En revanche, il est systématique en cas de complications infectieuses de voisinage (orbitaires, cérébroméningées) et recommandé avant la réalisation d’un drainage du sinus maxillaire si celui-ci est indiqué. L’examen échographique est recommandé par certains auteurs et réalisé fréquemment dans les pays d’Europe du Nord.7,8 Le prélèvement des sécrétions pour analyse bactériologique est en pratique généraliste rarement réalisé, essentiellement pour des raisons techniques. Quand il est pratiqué, un germe n’est isolé que dans environ 50 % des cas. Il s’agit par ordre décroissant de Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Branhamella catarrhalis, diverses entérobactéries, Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus.4 Le traitement de première intention est médical et repose sur l’antibiothérapie.4 Mais afin de ne pas traiter par excès toute rhinosinusite aiguë virale contemporaine de rhinopharyngite banale, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)9 élabore des critères en faveur d’une surinfection bactérienne responsable de sinusite aiguë maxillaire purulente dont : la présence d’au moins deux des trois critères ma-

Sinusites maxillaires jeurs suivants : la persistance, voire l’augmentation, des douleurs sinusiennes infraorbitaires n’ayant pas régressé malgré un traitement symptomatique (antalgique, antipyrétique, décongestionnant) pris pendant au moins 48 heures, le caractère unilatéral et/ou pulsatile et/ou majoré par la position penchée en avant ou pendant la nuit de la douleur, ou l’augmentation de la purulence de la rhinorrhée. Certains critères mineurs, associés aux signes précédents renforcent la suspicion diagnostique : persistance de la fièvre au-delà du 3e jour d’évolution, obstruction nasale, éternuements, gêne pharyngée, toux persistant au-delà des quelques jours d’évolution habituelle de la rhinopharyngite. Ainsi, selon l’AFSSAPS, l’antibiothérapie est indiquée lorsque la sinusite maxillaire aiguë purulente est établie sur les critères définis cidessus, en cas d’échec d’un traitement symptomatique initial, en cas de complication, en cas de sinusite maxillaire unilatérale associée à une infection dentaire manifeste homolatérale de l’arc dentaire supérieur, en cas de sinusite frontale, ethmoïdale, sphénoïdale. La réalisation d’un prélèvement bactériologique est, en pratique standard, rarement effectuée et l’antibiothérapie sera largement probabiliste. La durée du traitement est en moyenne comprise entre 5 et 10 jours selon le type d’antibiotique choisi. Le choix de l’antibiotique est basé sur son spectre d’action et sur la bonne connaissance par le prescripteur des résultats de son action publiés dans la littérature et des recommandations de l’AFSSAPS :9 • l’association amoxicilline-acide clavulanique en 2 prises de 1 g/j (10 jours) ; • les céphalosporines orales de deuxième génération (céfuroxime axétil : 500 mg par jour en 2 prises pendant 5 jours) et certaines céphalosporines orales de troisième génération (cefpodoxime proxétil : 400 mg par jour en 2 prises ; céfotiam hexétil : 400 mg par jour en 2 prises) ; • la pristinamycine en cas d’allergie aux bêtalactamines à la dose de 2 à 3 g/j en 2 ou 3 prises (10 jours) ; • les fluoroquinolones actives sur le pneumocoque (lévofloxacine, moxifloxacine) ont montré leur efficacité dans le traitement des sinusites aiguës mais la majorité des auteurs français ne recommandent pas de les utiliser en première intention dans le cas particulier des sinusites maxillaires aiguës. Ils redoutent en effet un usage excessif de ces molécules et le développement secondaire de résistance du pneumocoque. Ils réservent leur usage en seconde intention après échec d’un premier traitement antibiotique, ou dans les situations cliniques les plus sévères et susceptibles de complications

163 graves telles que les sinusites frontales ou sphénoïdales. Le choix des fluoroquinolones fait appel à la lévofloxacine (500 mg en 1 prise par jour) et à la moxifloxacine (400 mg en 1 prise par jour). L’association de vasoconstricteurs locaux permet de faciliter le drainage ostial. Les traitements antalgiques et antipyrétiques sont administrés parallèlement en fonction de l’évaluation clinique. Les corticoïdes peuvent être utilisés en cure courte, en traitement adjuvant à une antibiothérapie efficace dans les sinusites aiguës hyperalgiques. L’évolution durant les 48 premières heures conditionne l’indication ou non de la ponction ou du drainage chirurgical. Ce drainage chirurgical est parfois indiqué d’emblée devant le caractère hyperalgique ou hyperpyrétique de l’atteinte. Il permet dans ce cas de faire un prélèvement bactériologique si celui-ci n’avait pas été réalisé. Il est réalisé le plus souvent sous contrôle endoscopique par la voie du méat inférieur.

Sinusite maxillaire chronique isolée Elle se définit classiquement par une atteinte inflammatoire et/ou infectieuse du sinus maxillaire évoluant depuis au moins 3 mois. Plusieurs aspects évolutifs sont rencontrés. La forme chronique pure se définissant par une symptomatologie et des signes qui restent patents pendant toute la durée d’évolution de la sinusite sans véritable poussée aiguë. La forme récidivante se définissant, à l’inverse, par l’existence de poussées de sinusite aiguë émaillant l’évolution d’une sinusite chronique dont les signes sont patents ou absents entre chaque épisode aigu. À part, on décrit la forme subaiguë de durée d’évolution inférieure à 3 mois et caractérisée par la persistance d’une symptomatologie résistante au traitement médical et développée dans les suites d’une sinusite maxillaire aiguë. La forme chronique pure est de diagnostic difficile. Elle est souvent confondue avec une rhinite chronique ou d’autres affections de voisinage telles qu’une affection dentaire isolée, voire une atteinte de l’articulation temporomandibulaire avec irradiations douloureuses au sinus maxillaire. Le diagnostic de sinusite maxillaire chronique est souvent porté en excès en raison de l’absence de spécificité de sa symptomatologie chronique. En pratique généraliste, le terme de « sinusite » recouvre en effet divers tableaux symptomatologiques et cliniques et ne répond pas à la définition d’une entité précise.10 Cela peut générer des thérapeutiques inadaptées prenant pour cible le sinus maxillaire et conduire à des situations d’échecs thérapeutiques. La mise en évidence dans ce contexte d’une opacité du sinus

164 maxillaire sur l’examen radiologique devrait représenter une véritable aide au diagnostic. En fait, la découverte d’une opacité du sinus maxillaire peut ajouter à la confusion diagnostique si l’opacité radiologique est elle-même mal interprétée, voire directement interprétée comme une sinusite chronique. En effet, dans un contexte clinique très aspécifique, l’existence d’une opacité du sinus maxillaire doit poser le problème de la relation pathologique entre l’opacité radiologique et le tableau clinique. Le diagnostic de sinusite chronique doit en pratique reposer sur un faisceau d’arguments incluant l’histoire étiopathogénique, la symptomatologie, l’examen endoscopique des fosses nasales et l’examen tomodensitométrique. La forme étiopathogénique la plus fréquente est la sinusite chronique d’origine dentaire où une lésion dentaire est identifiée de façon précise comme cause de la sinusite.3 La fréquence de cette forme rend systématique la recherche d’une cause dentaire devant une sinusite maxillaire chronique. Signes cliniques Ils sont aspécifiques.1,11 Ce sont les signes habituels de la pathologie nasosinusienne inflammatoire ou infectieuse. La rhinorrhée postérieure muqueuse ou mucopurulente, l’obstruction nasale, la pesanteur faciale et la toux chronique nocturne ou matinale sont les signes les plus fréquents. Ils sont diversement associés. D’autres signes sont décrits comme une asthénie chronique, des difficultés de concentration et des signes visuels mineurs comme un léger flou visuel. La fièvre est habituellement absente. Des douleurs dentaires orientent vers une étiologie dentaire. Examen endoscopique des fosses nasales C’est l’examen déterminant du diagnostic.10 En effet, toute sinusite maxillaire chronique se traduit dans la majorité des cas par des anomalies siégeant au niveau du méat moyen homolatéral à l’atteinte maxillaire. L’existence d’un méat moyen parfaitement normal en endoscopie doit faire reconsidérer le diagnostic de sinusite chronique ou tout du moins remettre en cause son caractère patent ou évolutif. L’examen endoscopique recherche des facteurs morphologiques d’obstruction ostiale comme une déviation septale, un cornet moyen bulleux ou inflammatoire, des polypes ou une lésion tumorale localisés au méat moyen. Il recherche des signes indirects de sinusite maxillaire comme un œdème de la région infundibulaire, des polypes inflammatoires réactionnels à l’infection d’amont ou des sécrétions mucopurulentes, voire purulentes, s’écoulant du sinus maxillaire vers le méat moyen puis vers le rhinopharynx. Le trajet de ces sécré-

L. Gilain, S. Laurent tions est souvent caractéristique et bien visualisé par l’examen endoscopique. Ces sécrétions peuvent être prélevées pour examen bactériologique et antibiogramme. Examen bactériologique Les résultats sont dépendants du siège où s’effectue le prélèvement (méat ou endosinusien), de la qualité du prélèvement et du transport au laboratoire, et de l’attention que l’on porte à l’isolement de germes anaérobies. Dans la littérature, les cultures sont stériles dans 16,9 à 45 % des cas.12 Les chiffres les plus élevés sont le fait d’études rétrospectives alors que le chiffre de 16,9 % est issu d’une étude prospective contrôlée.12 Ce dernier chiffre est vraisemblablement le plus proche de la réalité. En cas de positivité des cultures, des germes anaérobies sont retrouvés dans 25 % des cas. D’autres études rapportent des chiffres plus élevés mais les prélèvements sont réalisés sur différents sinus et non exclusivement au niveau du sinus maxillaire. Parmi les germes aérobies isolés dans 75 % des cas on retrouve diversement associés Staphylococcus aureus, Streptococcus viridans, Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae et diverses entérobactéries. Enfin, dans le groupe des pneumocoques, 10 % ont une sensibilité diminuée à la pénicilline et environ 28 % sont résistants aux macrolides. Ces données doivent être bien connues du prescripteur en cas d’antibiothérapie probabiliste.12 Examen buccodentaire L’analyse de l’état dentaire et la recherche d’antécédents de soins dentaires sont systématiques. En fonction de cette analyse seront demandés un bilan de l’état dentaire à un dentiste et un bilan radiographique par Dentascan et clichés occlusaux.13 Il est essentiel d’orienter ce bilan clinicoradiologique dentaire vers la recherche d’une sinusite maxillaire en apportant au dentiste et au radiologue les éléments importants du contexte clinique. Examen tomodensitométrique des sinus L’examen TDM a totalement remplacé les clichés radiographiques standards dans l’exploration radiologique des sinus. Il est réalisé en coupes axiales et coronales sans injection de produit de contraste. Des coupes coronales non reconstruites sont préférables à des reconstructions obtenues à partir des coupes axiales. Tous les sinus doivent être parfaitement visualisés ainsi que leurs parois osseuses. L’examen TDM recherche des opacités du sinus maxillaire. Plusieurs types d’image sont compatibles avec le diagnostic de sinusite maxillaire chronique :

Sinusites maxillaires • opacité complète sans modification des parois osseuses (Fig. 1 et 2) ; • opacité complète avec remaniement et épaississement des parois osseuses témoignant de l’ancienneté de l’atteinte sinusienne ; • opacité incomplète localisée au niveau du basfond sinusien d’aspect arrondi, kystique ou polypoïde (Fig. 3 et 4) ; • opacité en « cadre » du sinus maxillaire témoignant de l’épaississement des parois muqueuses (Fig. 3) ;

Figure 1 TDM, coupe coronale passant par l’ostium du sinus maxillaire : opacité homogène du sinus maxillaire droit et de la région ostioméatale.

Figure 2 TDM, coupe coronale passant par la région du méat moyen en regard de la bulle ethmoïdale : opacité complète homogène du sinus maxillaire droit avec lyse de la cloison inter-sinuso-nasale et image de corps étranger.

165 • aspect de corps étranger intrasinusien avec ou sans opacité associée (Fig. 5) ; • la présence de calcifications oriente vers le diagnostic de mycose sinusienne (Fig. 6 et 7). L’examen TDM analyse également l’aspect endonasal (anomalies morphologiques ou muqueuses des méats moyens), recherche des atteintes sinusiennes associées (ethmoïde antérieur) ou des lésions dentomaxillaires (Figs. 8–11). La présence d’une opacité du sinus maxillaire sur l’examen TDM ne permet pas, à elle seule, de faire

Figure 3 TDM, coupe coronale passant par la région du méat moyen : opacité incomplète d’allure kystique du sinus maxillaire droit et opacité incomplète en « cadre » du sinus maxillaire gauche.

Figure 4 TDM, coupe coronale passant par la région du méat moyen en regard de l’ethmoïde postérieur : opacité incomplète d’aspect kystique du sinus maxillaire droit avec orifice de drainage accessoire de Giraldès.

166

L. Gilain, S. Laurent

Figure 5 A. TDM, coupe coronale région bullaire : opacité incomplète du bas-fond du sinus maxillaire gauche avec image de corps étranger. B. TDM, coupe sagittale : opacité incomplète du bas-fond du sinus maxillaire gauche avec image de corps étranger. C. TDM, coupe axiale : opacité incomplète du bas-fond du sinus maxillaire gauche avec image de corps étranger et image en cocarde.

le diagnostic de sinusite maxillaire. En effet, devant une opacité sinusienne il est impossible d’affirmer sur des caractéristiques radiologiques isolées de tout contexte que celle-ci est évolutive ou simplement séquellaire d’épisodes rhinosinusiens anciens. En revanche, les caractéristiques de cette opacité interprétées à la lumière des données cliniques et endoscopiques permettent éventuellement de retenir le diagnostic de sinusite maxillaire chronique évolutive. À l’inverse, en l’absence d’opacité sinusienne et devant un aspect sinusien normal (muqueuse et parois) il est difficile de retenir le diagnostic de sinusite chronique évolutive. Le seul cas où l’examen TDM peut être normal est le cas des sinusites aiguës récidivantes avec retour à la normale clinique et radiologique entre chaque épisode. Au total, c’est la synthèse des données

cliniques endoscopiques à la lumière des données radiologiques qui permettra de porter le diagnostic ou non de sinusite maxillaire chronique : • présence d’une opacité sinusienne et examen endoscopique pathologique ; le diagnostic est hautement probable ; • présence d’une opacité sinusienne et examen endoscopique normal ; le diagnostic est peu probable ou la sinusite est non évolutive. L’examen endoscopique devra être répété en cas d’évolutivité clinique ; • absence d’opacité sinusienne et examen endoscopique pathologique ; on doit s’orienter vers une pathologie endonasale pure (rhinite chronique) éventuellement à l’origine d’une sinusite maxillaire intermittente réactionnelle mais le

Sinusites maxillaires

Figure 6 TDM, coupe coronale en fenêtres osseuses passant par la région bullaire : opacité complète et calcifications évoquant un aspergillome.

167

Figure 8 TDM, coupe coronale passant par la région ostiale : opacité incomplète avec épaississement des parois de l’ostium du sinus maxillaire droit. Déviation septale droite et impaction de la tête du cornet moyen dans la région ostioméatale droite.

Figure 9 TDM, coupe coronale passant par le méat moyen : opacité complète d’allure kystique. Image de lyse apicodentaire sous-jacente à l’opacité sinusienne.

Figure 7 TDM, coupe coronale en fenêtres tissulaires passant par la région bullaire : opacité complète et calcifications évoquant un aspergillome. Lyse de la paroi inter-sinuso-nasale. Épaississement des parois osseuses du sinus maxillaire témoignant du caractère chronique de l’atteinte.

diagnostic de sinusite maxillaire chronique ne peut être retenu ; • absence d’opacité sinusienne et examen endoscopique normal ; le diagnostic de sinusite maxillaire chronique est éliminé. Bilan radiographique dentaire Il fait référence à trois examens ; le panoramique dentaire, les clichés rétroalvéolaires ou occlusaux et le Dentascan.

Le panoramique dentaire est souvent insuffisant pour déceler de petites lésions apicales et préciser le cas échéant le rapport précis de ces lésions avec le plancher du sinus maxillaire. En dehors de lésions évidentes bien visibles comme un kyste dentaire ou une communication buccosinusienne, le panoramique dentaire est rarement contributif dans la recherche d’une étiologie dentaire d’une sinusite maxillaire et moins performant que le Dentascan dans la recherche et le diagnostic d’une ostéite (Fig. 12 et 13). Les clichés rétroalvéolaires sont utiles au dentiste dans l’identification de lésions apicales parodontales et dans la conduite du traitement de ces lésions. Ces clichés sont réalisés au cabinet dentaire alors qu’une lésion dentaire a déjà été iden-

168

L. Gilain, S. Laurent

Figure 10 Image de lyse apicodentaire témoignant d’une lésion apicale dentaire. Figure 13 Panoramique dentaire : implants dentaires et relation de leurs apex avec le bas-fond sinusien.

Figure 11 TDM, coupe coronale passant par le méat moyen. Opacité complète du sinus maxillaire gauche avec communication buccosinusienne sous-jacente. Opacité complète du sinus maxillaire droit après méatotomie moyenne.

Figure 12 Panoramique dentaire précisant l’état des apex dentaires.

tifiée. Ces clichés sont alors limités à l’analyse de la dent atteinte et ne procurent pas une vision d’ensemble des rapports entre les arcades dentaires et les sinus. Le Dentascan est le meilleur examen radiographique actuel dans l’analyse des lésions dentaires apicales et de leur relation avec le sinus maxillaire.13 Cet examen différencie les différentes racines en relation avec le sinus maxillaire et détermine leur position dans l’espace (Fig. 14 et 15). Les coupes axiales permettent une analyse vestibulopalatine ou vestibulolinguale inaccessible à l’imagerie conventionnelle. Les reconstructions coronales précisent les rapports entre les racines et les éléments anatomiques sus-jacents comme les fosses nasales et les sinus maxillaires. Enfin, cet exa-

Figure 14 Dentascan : opacité complète du sinus maxillaire droit et relation avec les apex dentaires.

Sinusites maxillaires

Figure 15 Dentascan : opacité complète du sinus maxillaire gauche avec image de lyse apicodentaire sous-jacente. Opacité séquellaire arrondie du sinus maxillaire droit et apex intrasinusien d’un implant dentaire.

men permet le diagnostic de lésions apicales débutantes qui sont souvent difficiles à visualiser sur les clichés rétroalvéolaires ou panoramiques en raison de leur superposition avec les sinus. Plusieurs types de lésions dentaires peuvent être identifiés :13 • lésions périapicales caractérisées par des zones d’ostéolyse centrées sur un apex ou latéralisées en forme de croissant (lésion débutante) ; • complications de traitement dentaire : dépassement de pâte dentaire, fistule buccosinusienne, obturation incomplète d’un canal ; • lésions kystiques d’origine dentaire ; • communications buccosinusiennes d’origine infectieuse, traumatique ou iatrogène ; • ostéite sous forme de zones lacunaires au sein de l’os maxillaire ; • enfin, le Dentascan permet une localisation exacte des corps étrangers du plancher sinusien et une étude de leur relation avec les structures avoisinantes. L’existence d’une ou de plusieurs de ces lésions dentaires sur le Dentascan permet de rapporter l’origine d’une sinusite maxillaire chronique à une cause dentaire. Traitement Le traitement est toujours médical en première intention.14,15 Il fait appel à l’antibiothérapie, la corticothérapie et aux traitements locaux.16 Le traitement chirurgical est indiqué en cas d’échec du traitement médical. L’abord chirurgical du sinus maxillaire fait appel aux techniques de ponctiondrainage, de méatotomies moyennes et inférieures

169 et pour certains à la technique de CaldwellLuc.17,18 À côté de ces traitements de référence, il existe de nombreux traitements adjuvants de la sinusite maxillaire chronique parmi lesquels on peut citer les thérapeutiques soufrées, fluidifiantes, antiœdémateuses, l’aérosolthérapie et les cures thermales. Le recours à l’antibiothérapie a pour objectif de traiter la composante infectieuse de la sinusite maxillaire chronique. Le choix de l’antibiotique est basé sur le profil bactériologique habituel des sinusites chroniques.19 En l’absence d’identification bactériologique et d’antibiogramme, on choisit soit l’association amoxicilline-acide clavulanique soit l’association quinolone et Flagyl®. La durée de l’antibiothérapie est habituellement de 10 jours. Elle pourra être éventuellement prolongée en cas de suspicion d’ostéite. La corticothérapie par voie orale est prescrite toujours en association avec l’antibiothérapie. Elle a pour objectif de traiter la composante inflammatoire de la sinusite chronique. Elle est prescrite à dose efficace sur une courte durée ne dépassant pas 10 jours. Les traitements locaux ont pour objectif de faciliter l’aération et le drainage du ou des sinus maxillaires. Ils reposent sur l’utilisation de décongestionnants associés à des lavages de nez pluriquotidiens par sérum physiologique. Des décongestionnants généraux peuvent également être prescrits en complément. La ponction-drainage du sinus maxillaire par voie du méat inférieur avec ou sans pose de drains a beaucoup été utilisée dans le traitement des sinusites maxillaires chroniques.17 Les progrès de l’antibiothérapie d’une part et de la chirurgie endoscopique des sinus d’autre part ont considérablement fait reculer les indications de ponction-drainage des sinus maxillaires. L’objectif de cette technique était de vider le sinus maxillaire de son contenu, d’en faire une analyse bactériologique puis de mettre en place un drain qui maintenait l’aération du sinus ponctionné. Le drain permettant en postopératoire de réaliser des lavages du sinus et/ou des instillations de solution antibiotique. Cette technique associée au traitement général donnait de bons résultats. Son utilisation en première intention a été progressivement abandonnée en raison de son caractère invasif et remplacée par la prescription d’une antibiothérapie performante. Certains utilisent toujours cette technique en deuxième intention. En pratique, en cas d’échec du traitement médical l’abord du sinus maxillaire par voie de méatotomie moyenne a complètement remplacé la ponction-drainage du sinus maxillaire. La méatotomie moyenne a pour objectif de réaliser une ouverture chirurgicale du sinus maxillaire

170 dans le méat moyen en incluant dans cette ouverture l’ostium naturel du sinus. Cette intervention est réalisée par voie endonasale sous contrôle endoscopique. Elle permet un abord large du sinus maxillaire, la réalisation de prélèvements à visée bactériologique et histologique et l’exérèse de lésions pathologiques (corps étranger, muqueuse pathologique). La méatotomie peut être élargie vers le bas par la réalisation d’une méatotomie inférieure en réalisant une biméatotomie. Cet élargissement vers le bas permet une vision élargie du bas-fond du sinus maxillaire. Enfin, la méatotomie moyenne réalise une ouverture large et définitive du sinus maxillaire dans la fosse nasale qui maintient l’aération du sinus et permet la surveillance postopératoire et à distance. Cette intervention à très faible morbidité est considérée comme une technique dite mini-invasive du sinus maxillaire. La technique dite de Caldwell-Luc, qui réalise un abord du sinus maxillaire par voie antérieure souslabiale, a été progressivement réduite à quelques indications, en raison de son caractère invasif et des fréquentes séquelles douloureuses qu’elle générait. Actuellement, cette technique est utilisée en complément des techniques de méatotomie moyenne et inférieure pour aborder le bas-fond du sinus maxillaire ou sa face antérieure et interne, zones d’accès plus difficile par voie de méatotomie. Dans ce cas il s’agit d’un « mini Caldwell-Luc » qui réalise une trépanation réduite de la face antérieure du sinus maxillaire. Cette trépanation autorisant le passage d’instruments ou d’un endoscope. Actuellement, ces techniques de « mini CaldwellLuc » sont indiquées en complément des techniques de méatotomies et ne sont jamais utilisées isolément. Les autres traitements utilisés dans la prise en charge de la sinusite maxillaire chronique n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Il s’agit des thérapeutiques fluidifiantes, de l’aérosolthérapie et des cures thermales. Le traitement de l’étiologie et des causes favorisantes est un élément essentiel pour éviter les récidives et obtenir la guérison.20,21 Il comprend : • le traitement d’une éventuelle allergie respiratoire ; • le traitement des lésions dentaires ; • la correction des anomalies morphologiques endonasales pouvant retentir sur la perméabilité du méat moyen.

Complications des sinusites maxillaires bactériennes aiguës et chroniques Les complications sont rares. On distingue les complications oculo-orbitaires, les ostéites et les com-

L. Gilain, S. Laurent plications endocrâniennes. Elles sont la conséquence de la diffusion de l’atteinte sinusienne infectieuse aux structures et tissus adjacents. Les complications oculo-orbitaires se développent dans des atteintes infectieuses aiguës du sinus maxillaire. En fait, ces complications sont rares quand l’atteinte du sinus maxillaire est isolée. Il s’agit le plus souvent d’atteintes ethmoïdomaxillaires ou fronto-ethmoïdo-maxillaires et la diffusion du processus infectieux s’effectue généralement à partir de l’atteinte ethmoïdale vers l’orbite. Cinq types de complications oculo-orbitaires sont décrites par ordre de gravité. • œdème inflammatoire ou cellulite périorbitaire ; • cellulite orbitaire ; • abcès sous-périosté orbitaire ; • abcès intraorbitaire ; • thrombophlébite du sinus caverneux. Les ostéites du maxillaire supérieur sont de diagnostic difficile.13 Elles peuvent être la conséquence d’une infection chronique du sinus maxillaire ou d’une atteinte dentaire chronique. L’existence d’une ostéite pourrait expliquer certaines infections récidivantes du sinus maxillaire qui persistent malgré des traitements répétés. L’apport du scanner et surtout du Dentascan est intéressant pour rechercher soit des zones hypodenses caractéristiques de destruction osseuse soit des zones de sclérose avec condensation osseuse évoquant une infection osseuse chronique. La réalisation de scintigraphies au technétium 99, au gallium 67 ou aux polynucléaires neutrophiles marqués est indiquée en cas de suspicion d’ostéite. La cartographie obtenue servira à circonscrire la région atteinte et servira de référence à l’évaluation postthérapeutique. Les complications endocrâniennes peuvent se rencontrer dans les formes aiguës ou chroniques des sinusites maxillaires.22–24 Le sinus maxillaire semble pour certains être le sinus le moins fréquemment en cause dans l’origine de ces complications alors que d’autres reconnaissent sa responsabilité dans environ 40 % des cas. En fait, il s’agit le plus souvent d’atteintes infectieuses affectant plusieurs sinus de la face. Les complications rencontrées sont : • abcès intracrâniens ; • méningites ; • empyèmes sous-duraux ; • thrombophlébites cérébrales ; • atteintes de paires crâniennes.

Sinusite maxillaire d’origine fongique Les mycoses du sinus maxillaire sont des entités pathologiques bien décrites dans la littérature.25–27

Sinusites maxillaires Elles représentent pour certains environ 15 à 20 % des sinusites maxillaires chroniques.25 L’étiopathogénie de l’atteinte du sinus maxillaire est mal connue. La contamination sinusienne s’effectuerait par inhalation directe de spores fongiques qui deviendraient pathologiques dans certaines conditions. Parmi les facteurs locaux, l’hypoventilation sinusienne secondaire à un blocage ostial mécanique ou inflammatoire favorisant l’anaérobiose semble jouer un rôle important. Parmi les facteurs généraux favorisants sont décrits le diabète, la corticothérapie et toute situation entraînant une immunodépression. Ces phénomènes étiopathogéniques conduisent au développement au niveau du sinus maxillaire de formes chroniques non invasives ou « balles fongiques » ou de formes invasives chroniques indolentes et aiguës fulminantes.25 La sinusite fongique allergique n’ayant à notre connaissance jamais été décrite sous une forme isolée au niveau du sinus maxillaire.25 Le sinus maxillaire est en termes de fréquence le sinus le plus fréquemment atteint avant le sinus sphénoïdal et avant les sinus ethmoïdaux et frontaux. L’atteinte préférentielle du sinus maxillaire par les mycoses sinusiennes explique que pendant longtemps les sinusites maxillaires fongiques aient été confondues avec les sinusites d’origine dentaire. Actuellement, les sinusites maxillaires d’origine dentaire et les sinusites maxillaires d’origine fongique sont considérées comme des entités différentes, ce qui n’exclut pas leur association. Enfin, une sinusite d’origine dentaire comme toute autre sinusite constitue un terrain favorisant au développement d’une mycose. Sinusite maxillaire fongique non invasive chronique ou « balle fongique » maxillaire C’est la forme la plus fréquente des sinusites maxillaires d’origine fongique.25,28 La symptomatologie est comparable à celle de la sinusite maxillaire chronique. La rhinorrhée postérieure chronique mucopurulente ou purulente est le symptôme principal, parfois associée à une toux chronique et à une cacosmie. L’obstruction nasale est le deuxième symptôme par ordre de fréquence. Elle traduit l’existence de la congestion de la fosse nasale consécutive à l’infection sinusienne. Ces formes s’expriment dans certains cas sous une forme aiguë avec fièvre. Dans d’autres cas c’est une longue histoire de sinusite maxillaire chronique unilatérale avec des poussées aiguës récidivantes et/ou résistantes aux antibiotiques. Le diagnostic de mycose doit toujours être évoqué devant des poussées de sinusites aiguës maxillaires récidivantes malgré des traitement antibiotiques adaptés.

171 L’endoscopie nasale permet de faire le diagnostic de sinusite maxillaire. L’examen de la région de l’ostium du sinus maxillaire retrouve un aspect quasiment toujours pathologique, soit polypoïde inflammatoire, soit inflammatoire avec des sécrétions mucopurulentes parfois noirâtres pouvant faire évoquer alors directement le diagnostic d’atteinte mycotique. L’endoscopie nasale est exceptionnellement normale quand une symptomatologie est présente au moment de l’examen. L’examen TDM retrouve soit une opacité homogène non spécifique avec dans certains cas des parois osseuses épaissies témoignant du caractère chronique de l’atteinte ou une opacité avec présence d’une image spontanément hyperdense irrégulière et le plus souvent centrée qui fait évoquer le diagnostic de balle fongique. Dans ces formes non invasives il n’existe pas de lyse osseuse associée. L’IRM n’apporte pas de renseignements supplémentaires et montre dans la forme typique une image en T1 de signal intermédiaire avec en son centre un hyposignal caractéristique de la balle fongique. Le traitement est chirurgical. La méatotomie moyenne éventuellement associée à une méatotomie inférieure est réalisée par voie endonasale sous contrôle endoscopique.29 Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence dans le sinus maxillaire d’un amalgame noirâtre caractéristique de balle fongique. L’exérèse des lésions est réalisée par aspiration et lavage de la cavité sinusienne. Les prélèvements sont adressés pour examen mycologique et anatomopathologique. L’analyse anatomopathologique met en évidence la présence de filaments mycéliens. L’examen mycologique direct et après mise en culture permet d’identifier l’espèce fongique incriminée. L’agent fongique en cause le plus souvent retrouvé est Aspergillus fumigatus ou flavus mais d’autres espèces peuvent être isolées. L’analyse histologique de la muqueuse du sinus maxillaire, si elle est réalisée, montre des signes d’inflammation non spécifiques sans signes d’envahissement fongique et confirme le caractère non invasif de cette forme. Un examen bactériologique réalisé sur les sécrétions peut mettre en évidence une éventuelle surinfection bactérienne surajoutée. Aucun autre traitement n’est nécessaire et la guérison est assurée par le maintien d’une méatotomie moyenne ouverte. La surveillance est clinique et endoscopique et ne requiert aucun autre examen complémentaire. Sinusite fongique invasive chronique indolente et aiguë fulminante Les sinusites maxillaires fongiques invasives indolentes sont rares.25 L’atteinte du sinus maxillaire

172

L. Gilain, S. Laurent

est la plus fréquente. L’expression clinique fait évoquer une pathologie tumorale maligne ou une granulomatose. L’examen histologique et mycologique permet d’en faire le diagnostic. Les sinusites maxillaires fongiques aiguës fulminantes se rencontrent chez les sujets immunodéprimés atteints du syndrome d’immunodépression acquise (sida) ou d’hémopathies malignes.25 L’atteinte ne se limite jamais au seul sinus maxillaire. La localisation la plus fréquente est ethmoïdomaxillaire. Elles se caractérisent par la fréquence des complications orbitaires, le plus souvent révélatrices. Outre le terrain sur lequel elles surviennent, les signes permettant d’évoquer le diagnostic sont l’importance des céphalées, le plus souvent rétro-orbitaires, l’existence d’une fièvre parfois élevée et une altération de l’état général. En fait, le plus souvent le tableau est d’emblée compliqué et le patient se présente avec une ou plusieurs complications déjà décrites dans le chapitre sur les complications. L’examen TDM met en évidence une opacité ethmoïdomaxillaire avec signes de lyse osseuse et confirme l’existence de la diffusion de l’atteinte aux organes adjacents. L’IRM permet d’analyser l’étendue de la diffusion du processus infectieux. Le traitement doit être institué en urgence. La méatotomie ethmoïdomaxillaire permet de réaliser plusieurs prélèvements permettant de confirmer le diagnostic d’atteinte fongique et d’identifier l’agent fongique en cause. Le traitement repose sur l’administration d’antifongiques (amphotéricine B ± itraconazole) par voie parentérale. Des lavages par antifongiques de la cavité de sphénoïdotomie peuvent être associés. Certains conseillent un débridement chirurgical large par voie externe. Le pronostic est lié à l’importance de la diffusion de l’infection, à la rapidité de mise en route du traitement, à la gravité de l’immunodépression, et pour certains aux possibilités d’éradication chirurgicale.

Références 1. 2. 3.

4. 5.

Chester AC. Chronic sinusitis. Am Fam Physician 1996;53: 877–87. Spector SL, Berstein IL. Sinusitis practice parameters. J Allergy Clin Immunol 1998;102:S108–44. Kretzschmar DP, Kretzschmar JL, Salem W. Rhinosinusitis: review from a dental perspective. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 2003;96:128–35. Gehanno P. Sinusites aiguës de l’adulte. Diagnostic - Prise en charge. Lettre ORL Chir Cervicofac 2003;282:11–6. Garau J, Dagan R. Accurate diagnosis and appropriate treatment of acute bacterial rhinosinusitis: minimizing bacterial resistance. Clin Ther 2003;25:1936–51.

6.

Young J, Bucher H, Tschudi P, Periat P, Hugenschmidt C, Welge-Lussen A. The clinical diagnosis of acute bacterial rhinosinusitis in general practice and its therapeutic consequences. J Clin Epidemiol 2003;56:377–84.

7.

Varonen H, Kunnamo I, Savolainen S, Makela M, Revonta M, Ruotsalainen J, et al. Treatment of acute rhinosinusitis diagnosed by clinical criteria or ultrasound in primary care. A placebo-controlled randomised trial. Scand J Prim Health Care 2003;21:121–6.

8.

Varonen H, Mäkelä M, Savolainen S, Laara E, Hilden J. Comparison of ultrasound, radiography, and clinical examination in the diagnosis of acute maxillary sinusitis: a systematic review. J Clin Epidemiol 2003;53:940–8.

9.

Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de Santé (AFSSAPS). Recommandations. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante : sinusite aiguë de l’adulte, juillet 2001.

10.

Bonfils P, Elbez M, Paoli C, Trotoux J, Halimi P. Sinusites chroniques de l’adulte. Rev Prat-Méd Gén 1994;8:37–40.

11.

Youngs R. Sinusitis in adults. Curr Opin Pulmon Med 2000; 6:217–20.

12.

Sédallian A, Alami M, Branger C. Epidemiology of chronic sinusitis: a french multicenter study of 536 patients. Wien: 7th European congress of clinical microbiology and infectious diseases; 1995.

13.

Sarazin L, Teman G, Lacan A, Sarazin G. Indications du Dentascan en odontologie. Rev Odontostomatol 2002;31: 109–23.

14.

Eloy P, Bertrand B, Rombaux P. Medical and surgical management of chronic sinusitis. Acta Otorhinolaryngol Belg 1997;51:271–84.

15.

Jordan S, Josephson S. Current advances in the therapy of sinus disease. Adv Ther 1992;9:255–64.

16.

Kaliner M. Medical management of sinusitis. Am J Med Sci 1998;316:21–8.

17.

Bertrand B, Eloy P. Temporary nasosinusal drainage and lavage in chronic maxillary sinusitis. Statistical study on 847 maxillary sinuses. Ann Otol Rhinol Laryngol 1993;102: 858–62.

18.

Pang YT, Willatt DJ. Do antral washouts have a place in the current management of chronic sinusitis? J Laryngol Otol 1996;110:926–8.

19.

Legent F, Bordure P, Beauvillain C. Étude comparative de la ciprofloxacine et de l’amoxicilline/acide clavulanique dans le traitement des sinusites chroniques. Med Mal Infect 1993;23:8–13.

20.

Bertrand B, Eloy P, Rombeaux P. Allergy and sinusitis. Acta Otorhinolaryngol Belg 1997;51:227–37.

21.

Slavin RG. Chronic sinusitis. Immunol Allergy Clin North Am 1996;16:35–48.

22.

Clayman GL, Adams GL, Paugh DR, Koopman JR. Intracranial complications of paranasal sinusitis: a combined institutional review. Laryngoscope 1991;101:234–9.

23.

Gilain L, Manipoud P. Complications crâniennes et endocrâniennes des infections nasosinusiennes. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-445-A-10, 1995: 6p.

24.

Younis RT, Anand VK, Childress C. Sinusitis complicated by meningitis: current management. Laryngoscope 2001;111: 1338–42.

25.

Braun JJ, Castillo L, Coste A. Infection fongique et rhinologie. In: Les mycoses en ORL. Société Française d’ORL et de Chirurgie de la face et du cou; 2003. p. 63–112.

Sinusites maxillaires 26.

27.

De Gaudemar I, Ebbo D, Leconte F. Les mycoses du sinus maxillaire. À propos de 40 cas. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1993;110:198–202. Saeed SR, Brookes GB. Aspergillosis of the paranasal sinuses. Rhinology 1995;33:46–51.

173 28.

Ferreiro JA, Carlson BA, Cody 3rd DT. Paranasal fungus balls. Head Neck 1997;19:481–6.

29.

Klossek JM, Serrano E, Peloquin L, Percodani J, Fontanel JP, Pessey JJ. Functional endoscopic sinus surgery and 109 mycetomas of paranasal sinuses. Laryngoscope 1997;107:112–7.