Presse Med. 2012; 41: 216–219 ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Accouchement prématuré dans un contexte fébrile, chez une femme d’origine africaine Guillaume Desoubeaux1, Léonard Veyer2, Thomas Charbonnier1, Fanny Dujardin3, Thanh Haï Duong1, Jacques Chandenier1
1. CHRU Bretonneau, service de parasitologie–mycologie–médecine tropicale, 37044 Tours cedex 09, France 2. CHRU Bretonneau, service de gynécologie–obstétrique, 37044 Tours cedex 09, France 3. CHRU Bretonneau, service d’anatomie et cytologie pathologiques, 37044 Tours cedex 09, France
Correspondance : Disponible sur internet le : 31 août 2011
Guillaume Desoubeaux, CHRU Bretonneau, service de parasitologie–mycologie– médecine tropicale, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours cedex 09, France.
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Premature delivery of an African woman in a febrile context
Observation
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Il s’agissait d’une patiente de 28 ans, originaire de GuinéeConakry, vivant en France depuis 14 ans. Sur un rythme annuel, elle retournait voir sa famille qui séjournait encore dans son pays natal, en zone rurale. Lors de ces séjours, elle ne prenait habituellement aucune chimioprophylaxie antipalustre. Son dernier voyage en date s’était étalé de juin à octobre. Neuf jours après son retour, elle avait un épisode fébrile pour lequel elle consultait aux urgences d’un hôpital de la région parisienne. Le diagnostic d’accès palustre à Plasmodium falciparum était retenu, avec une parasitémie à 0,7 %. Un traitement par quinine en intraveineuse était mis en place. Devant l’apparition de signes d’intolérance digestive, les doses habituelles étaient revues à la baisse (500 mg deux fois par jour pendant sept jours, avec relais per os). Le contrôle parasitologique effectué au troisième jour de thérapie antipalustre était rassurant, ne montrant que quelques rares gamétocytes. La patiente ne se présentait pas aux contrôles sanguins ultérieurs. Trois mois après ce premier épisode infectieux, la patiente consultait aux urgences obstétricales du CHRU de Tours pour
suspicion de rupture prématurée des membranes à 26 semaines d’aménorrhée. Jusque-là, cette grossesse primigeste débutée en Afrique au mois d’août mais non déclarée au moment du premier épisode infectieux, s’était déroulée normalement avec des contrôles échographiques satisfaisants. L’examen trouvait une hyperthermie à 39,5 8C, associée à un syndrome inflammatoire biologique. Devant ce tableau de chorio-amniotite, une extraction foetale par césarienne était décidée et donnait naissance à un enfant vivant de sexe féminin pesant 780 g. La délivrance manuelle était rendue difficile par un placenta postérieur bas inséré. La césarienne se compliquait d’une hémorragie de la délivrance ayant nécessité une triple ligature selon Tsirulnikov et une plicature du segment inférieur par des points séparés. Le saignement total était estimé à 2300 cm3. La patiente recevait six culots globulaires et trois plasmas frais congelés en peropératoire. À l’observation macroscopique, le placenta paraissait eutrophique mais très fragmenté, incomplet. Les résultats d’anatomopathologie notaient que le cordon ombilical ainsi que les membranes et le chorion étaient le siège d’une réaction
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Accouchement prématuré dans un contexte fébrile, chez une femme d’origine africaine
Figure 2 Structure syncitiale au sein du placenta (coloration de Giemsa, au grossissement 1000)
Figure 1 Leucocyte chargé de pigment, présent dans le placenta à l’examen anatomopathologique (coloration de Giemsa, grossissement 1000)
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Quel est votre diagnostic ?
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inflammatoire polymorphe à prédominance de polynucléaires neutrophiles. Par places, le tissu conjonctif renfermait des micro-abcès. Un abondant pigment brunâtre, plus ou moins réfringent en lumière polarisée, était présent dans tout le
placenta et dans les membranes. Il ne s’agissait pas de dépôt ferrique car la coloration de Perls était négative. Après coloration au Giemsa, les images suivantes étaient observées (figures 1 et 2).
G Desoubeaux, L Veyer, T Charbonnier, F Dujardin, TH Duong, J Chandenier
Paludisme d’importation chez une femme enceinte La figure 1 montre un leucocyte mélanifère, chargé de pigment malarique. La figure 2 met en évidence un des très rares érythrocytes maternels parasités par des plasmodies au stade de schizontes. Devant ces éléments, ajoutés à une fièvre persistante, une recherche de parasites plasmodiaux était effectuée sur le sang périphérique de la patiente, trois jours après l’accouchement et ce, malgré un traitement antipaludique initial bien suivi plusieurs mois auparavant, en milieu hospitalier. Le frottis sanguin et la goutte épaisse mettaient alors en évidence de très rares éléments parasitaires (environ 0,01 % de trophozoïtes et gamétocytes de P. falciparum). L’antigénémie effectuée grâce au kit ICT Malaria NowW Binax confirmait le résultat par détection d’HRP-2. Un paludisme transfusionnel était écarté car des frottis sanguins antérieurs aux transfusions, mais observés rétrospectivement, retrouvaient déjà des érythrocytes parasités et à plus forte parasitémie (0,2 %). La patiente était alors mise sous atovaquone-proguanil (MalaroneW) à la posologie de quatre comprimés par jour pendant trois jours. Les contrôles parasitologiques sanguins effectués à j3 et j7 demeuraient négatifs et la détection d’antigènes HRP-2 s’estompait progressivement. Le contrôle parasitaire à j28 n’était pas réalisé. Chez l’enfant, la recherche de paludisme effectuée à la naissance était négative. L’évolution clinique était favorable. Une nouvelle recherche de paludisme à 40 jours de vie était négative, ce qui semblait exclure une transmission maternofoetale.
Discussion
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Le Centre national de référence du paludisme rapporte chaque année en France une soixantaine de cas notifiés de paludisme d’importation chez la femme enceinte. Il s’agit principalement de migrantes qui ont séjourné en zone palustre, essentiellement sur le continent africain. La femme enceinte présente une susceptibilité accrue à l’infection palustre, surtout si elle est primigeste. En effet, la gravité des symptômes classiques du paludisme se retrouve accentuée avec notamment un risque majoré d’hypoglycémie, d’insuffisance rénale, d’oedème pulmonaire et d’anémies profondes apparaissant plutôt vers la vingtième semaine d’aménorrhées [1]. Bien que toutes les formes cliniques puissent se rencontrer dans cette population particulière, l’infection à Plasmodium provoque ainsi, de façon globale, une importante morbidité et mortalité non seulement maternelle, mais également foetale et périnatale. Dans le cas de notre patiente, du fait d’une certaine immunité résiduelle due à des séjours récurrents en Guinée, le paludisme est resté latent et n’a été suspecté qu’au moment de la menace d’accouchement prématuré devant une fièvre persistante, une anémie sévère et la notion d’antécédents d’infection palustre. Pourtant prescrit en milieu hospitalier, le traitement initial par quinine, donné à une posologie suboptimale pour cause
d’intolérance, a en fait masqué l’infection palustre sans l’éradiquer complètement. Rajoutons qu’après ce premier épisode, la patiente n’a pas les contrôles post-thérapeutiques nécessaires à j7 et j28. La grossesse était ignorée à ce moment-là, or les structures placentaires constituent un excellent sanctuaire pour les hématies parasitées. De masse classiquement inférieure aux organes sains, les placentas impaludés, peu irrigués, deviennent compacts et foncés avec, macroscopiquement, des dépôts blanchâtres de fibrine périvillositaires. Microscopiquement, une infiltration macrophagique intervilleuse avec épaississement de la membrane basale, une dégénérescence hyaline des villosités et des foyers de nécrose syncitiale sont volontiers associés. La présence de pigment malarique doit être recherchée sur le syncytiotrophoblaste et permet d’apprécier la chronicité de l’infection [2]. Le cycle schizogonique du parasite peut se dérouler sur le long terme dans les structures placentaires, sans expression clinique. Ainsi, dans une étude de 143 cas de paludisme chez la femme enceinte en Guyane, les auteurs rapportaient 21,1 % de formes asymptomatiques de découverte fortuite [3]. En France, si le délai diagnostique médian d’accès palustre à P. falciparum est de dix jours après le retour de la zone endémique dans la population générale [4], quelques cas de paludisme tardifs rares peuvent ainsi concerner la femme enceinte (environ 3 %) [5]. Chez notre patiente, le tableau septique de fièvre sur un terrain de chorio-amniotite mal documentée a provoqué la mise en route d’un accouchement prématuré, alors que nous étions plusieurs mois après le retour de zone d’endémie. En effet, la mauvaise vascularisation placentaire provoquée par les hématozoaires séquestrés explique l’hypoxie et la mauvaise assimilation des nutriments qui ont un retentissement sur le développement foetal : des retards de croissance intra-utérine, des risques de prééclampsie sont fréquemment notés. Les naissances prématurées, observées dans le cadre de dystocies dynamiques, surviennent plutôt à l’approche du terme [6]. Dans notre cas, l’accès palustre maternel n’a pas eu d’incidence sur la survenue de maladie congénitale puisque le nouveau-né est resté indemne de toute transmission. En France, cette entité demeure d’ailleurs exceptionnelle avec environ un cas par an. En Afrique, malgré la fréquence des placentites palustres supérieure à 30 % dans certaines zones endémiques, la prévalence de réels cas congénitaux rapportés reste faible (inférieure à 5 %). La transmission de globules rouges maternels parasités par voie placentaire jusqu’à la circulation foetale avec ou sans manifestation clinique, est corrélée à la parasitémie placentaire et sanguine maternelle ainsi qu’à l’état de prémunition de la mère parturiente. Le remplacement progressif de l’HbF par l’HbA [7,8] ainsi que la disparition des anticorps maternels transmis [8] en quelques semaines expliquent en partie le risque de survenue de maladie palustre congénitale apparaistome 41 > n82 > février 2012
sant à distance de l’accouchement. Des contrôles parasitologiques doivent ainsi être effectués chez l’enfant même plusieurs mois après l’accouchement (délais s’étalant de moins d’une semaine à 2–3 mois post-accouchement), et sans spécificité clinique (asymptomatique, ictère, organomégalie, fièvre, troubles de l’humeur, perte de l’appétence. . .) ou biologique associée (syndrome inflammatoire, hyper-leuconeutrophilie, thrombopénie et anémie). En conclusion, la recherche de paludisme à P. falciparum doit être réalisée de façon rapide et systématique chez toute femme enceinte migrante à partir de zones d’endémie palustre. Si le
diagnostic de paludisme est classiquement évoqué chez ces patientes sur la notion de voyage récent en pays d’endémie et en cas de présentation clinique évocatrice, l’absence de séjour rapproché et une symptomatologie éloignée des formes classiques ne permettent pas d’exclure ce diagnostic. Compte tenu des complications possibles, une surveillance obstétricale rapprochée est donc recommandée en cas d’accès palustre, même traité.
En pratique
Accouchement prématuré dans un contexte fébrile, chez une femme d’origine africaine
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références
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