Cas clinique
ACTINOMYCOSE ABDOMINALE A PROPOS DE 3 CAS Kaoutar Znati &*, Nabila Nabih a, Areal Harmouch a, Najat Mahassini a, Zakia Bemoussi a Ahmed Jahid a, Fatima Mansouri a, Azzouz El Hachimi a
1. Introduction U
actinomycose est une affection rare caractedsee par une inflammation granulomateuse, chronique et progressive caus~e par une bacterie de type Actinomyces [5, 7, 9]. Le principal agent causal des actinomycoses chez rhomme est Actinomycete israelii et beaucoup plus rarement Actinomycete meyei [10]. Uactinomycose atteint la region cervico-faciale dans 50 % des cas, rabdomen dans 20 % et le thorax darts 15 % des cas [5, 7, 9]. Le diagnostic precis pre-operatoireest generalement tres diflicile. Seal I'examen histologique permet de poser le diagnostic de certitude. La Iocalisation abdominale reste tres rare. Sa frequence est en hausse depuis rutilisation des dispositifs intra-utbrins qui sont b rorigine d'une inflammation chronique.
urgence, a revele une masse abc~dee de 9 x 5,7 x 3 cm prenant naissance & partir de I'epiploon, reposant sur le deme vesical et s'etendant jusqu'b la paroi musculaire anterieure. Uexamen extemporane ne permettait pas de diagnostic. Une resection complete du processus tumoral a donc ete realisde. I 'examen histologique des differents prelevements effectues au niveau de la masse montrait un tissu de granulation associant des polynucleaires, des lymphocytes, des plasmocytes et des histiocytes macrophages. Au centre des foyers de necrose, existaient des amas bacteriens volumineux ayant un aspect filamenteux en pdripherie. IIs etaient bien colores par le PAS, par le Gram et par le Grocott (figure 1). La coloration de Ziehl etait negative. Les lesions ont regresse sous antibiotherapie prolongee b base de penicilline. Uevolution etait favorable sans recidives.
Nous rapportons trois observations d'actinomycose abdominale chez trois patientes &gdes de 41 b 52 ans qui se sont revelees par un syndrome tumoral abdominal.
2.2. O b s e r v a t i o n 2
2. Observations
Une femme de 49 ans, sans antecedents pathologiques, consultait en octobre 2003 pour une masse abdominale associee b une fievre de 38,5 ~ I 'examen clinique montrait une volumineuse tumeur de la fosse iliaque droite, renitente et douloureuse.
2.1. O b s e r v a t i o n 1 Une femme de 52 ans, connue diabetique depuis 10 ans, a consulte en mai 2002 pour une vague douleur abdominale associee bun syndrome anemique. Uexamen clinique montrait une masse hypogastrique de consistance ferme et mesurant 9 cm de diametre. Uexamen tomodensitometrique abdominal confirmait la presence d'une tumeur epipldfque multinodulaire se rehaussant de fagon heterog~ne awes injection du produit de contraste. Une tumeur maligne dtait fortement suspectee. Une biopsie b I'aiguiUe fine montrait un tissu de granulation sans aucun element pathog~ne. Une laparotomie, realisee en
Le bilan biologique trouvait une andmie hypochrome microcytaire, une hyperleucocytose etune augmentation de la VS et de la CRP. La TDM abdominale montrait une collection liquidienne cloisonnee de 13 cm de diametre (figure 2). Un plastron appendiculaire etait fortement suspect& La laparotomie revelait la presence d'une masse de la fosse iliaque droite de 13 x 7 x 4 cm recouverte d'un enduit fibrineux, adherente au caecum et b rintestin grele. La resection de cette masse a ete effectuee et son etude histologique montrait une importante reaction inflammatoire granulomateuse et purulente et de nombreux grains d'actinomycose. Les cultures etaient negatives. L'evolution etait favorable awes traitement & base de penicilline pendant 12 semaines.
2.3. O b s e r v a t i o n 3 a Laboratoirecentral d'anatomiepathologique HepitalAvienne Centre hospitalieruniversitaire Rabat Said - Maroc * Cerrespondance Mme Znati Kaoutar Secteur 6 - bloc G 5, av. Mehdi Benbarka- Hay Riad. 10100 Rabat- Maroc
[email protected] article re~u le 10 juln 2005, accept6 le 16 Janvler 2006.
9 ElsevierSAS. RevueFrancophonedes Laboratoires,avri12006, N" 381
Une femme de 41 ans, portant un DIU depuis 10 ans, consultait en fevrier 2004 pour des douleurs abdominales evoluant depuis deux mois. L'examen clinique retrouvait une masse de la fosse iliaque droite et de rhypogastre, ferme et douloureuse. L'examen tomodensitometrique montrait une masse mesocolique de 13 x 7 • 4 cm adherente au grand epiploon et a la come uterine droite. Les biopsies effectuees secondairement montraient une importante fibrose comportant par place quelques grains actinomycosiques, PAS positif. Le frottis cervice-vaginal realise chez cette patiente n'a pas mis en evidence d'agent actinomycosique. La resection large de la masse, du grand ~piploon et de la come uterine a donc ete r6alisee. L'evolution etait favorable apr6s traitement prolong~ par penicilline. 73
A. (HE x I00). Autrefois commune chez I'homme et dans le b6tail, cette infection est devenue rare. La majorit6 des infections sont osseuses et cervico-faciales. On retrouve souvent & I'origine un traumatisme p6n6trant ou une contusion. L'6thylisme, un mauvais 6tat bucco-dentaire y pr~disposent [7, 9, 11]. Cette bact6rie appartient & la farnille Actinomycetaceae, genre Actinomyces. C'est une bacterie Gram positive, filamenteuse, non-sporulante ; elle se d~veloppe en atmosph6re micro a6rophile, facultativement ana6robie ou strictement ana6robie [11 ]. I 'actinomycose a une distribution geographique tr~s large avec une fr~quence ~gale chez les populations rurale et urbaine. Son incidence est estim6e entre 1/19 000 et 1/400 000. La Iocalisation abdominale reste rare. En effet, elle represente 20 % de toutes les Iocalisations. Son incidence a manifestement augmentee ces dernieres armies depuis I'utilisation accrue des dispositifs intra-ut6rins. e. PAS.
Cliniquement, la 16sion n'a aucun caractere sp~cifique. Elle peut se traduire par un processus tumoral, comme ce fut le cas de nos 3 patientes, des douleurs ou des crarnpes abdominales, une anorexie, une perte de poids, une fi6vre et une diarrh~e [9]. Un tableau exoeptionnel de perforation intestinale a 6te rapporte [6]. Le bilan biologique r6v61e g~n~ralement une an~mie, une hyperleucocytose et une augmentation du taux des marqueurs de I'inflammation [9]. La tomodensitom6trie perrnet la raise en ~vidence d'une masse sonde avec la presence de quelques foyers hypodenses plut0t que de v6ritables cavit~s kystiques. Elle a souvent tendance & infiltrer les tissus de voisinage [8, 13]. Le diagnostic est g~n6ralement histologique. En effet, les cultures sont souvent n6gatives (dans 76 % des cas) et n~cessitent un mat6riel frais maintenu dans un milieu ana6robie strict pendant ? jours en moyenne [3].
3. Discussion Les actinomyc6tes peuvent donner des infections bact6riennes chroniques suppur~es dans toutes les structures anatomiques. IIs appartiennent & la flore indig6ne des surfaces muqueuses, celle de la bouche en particulier. Ces infections sont presque toujours d'origine endog6ne. 74
L'examen macroscopique peut parfois montrer des granulations jaun&tres au sein d'un tissu purulent. Uetude histologique permet d'observer un granulome centr~ par un abc6s oe se trouvent les colonies d'actinomyc6tes, souvent associ6es & d'autres bact~ries. Les actinomyc6tes s'agencent classiquement en grains plus ou moins visibles sur I'h~matoxyline ~osine, mais sont fortement color,s par le Gram, le Grocott et le PAS. Les grains sont de taille variable, bord~s par des filaments de Iongueur irr~guliere mais de diam~tre toujours inf~rieur & 1 micron. Leur pr6sence est cependant inconstante. Des histiocytes spumeux et des cellules g~antes multinucl6ees peuvent s'observer en p6riph6rie de I'abc6s. La fibrose extensive peut 6tre RevueFran?aisedes Laboratoires,avri12006,N~381
Cas clinique
parfois predominante rendant difficile la d6tection des grains actinomycosiques. Compte tenu de I'aspect tomodensitometrique et macroscopique de cette infection : masse ou abc~s, le diagnostic differentiel fait surtout discuter des lesions malignes (sarcome, ou lymphome, etc.), une tuberculose intestinale, une appendicite chronique, une amibiase, une maladie diverticulaire ou encore une maladie de CrShn. Sur le plan histologique, d'autres bact~ries filamenteuses peuvent se discuter, en particulier les Nocardia dont les filaments sont plus larges, avec des branchements & angle droit et se disposant en caract~res chinois.
R6f6rences [3] Dayan K., Neufeld D,, Ziss~.~R~ B~nheim J., Paran H., Schwartz I.,
IIs sont fortement colores par le Ziehl. La fibrose est rarement associ6e [1 ]. Le traitement de ractinomycose associe une chirurgie d'ex6r6se large des foyers infectieux et des abc6s, une antibiotherapie pendant plusieurs semaines & base de p~nicilline [2, 4, 12]. L'evolution est parfois marqu6e par lee r~cidives des ~pisodes infectieux. Nos trois patientes ont (~t~ trait(~es par une chirurgie large associ6e & une antibioth~rapie par voie veineuse pendant 12 semaines en moyenne. Aucune r~cidive n'a ~t~ d~cel~e apres un recul de 3 ans pour notre premi6re patiente, un an et demi pour la seconde et un an et trois mois pour la troisi~me.
[7] ~ A,, BenningerJ.,Niedobitek G. et al., ~ a(:~inomy.-..osis: c o m p t ~ of endoscopic stenting inchroniopsncreatitie?Endoscopy33 (2001) 1066-1069. . _ r
71 (2001) 261-263.
4. Conclusion E
n conclusion, ractinomycose abdominale est une infection rare dont la presentation clinique et radiologique est souvent trompeuse. D'ou la n6cessit6 d'une bonne ~tude histologique sur un maximum de pr~l~vements pour etablir le diagnostic.
Revue Fran?aise des Laboratoires, avri12006, N~ 381
[13] Weese W.~, Smith LM~A e t ~ 0f57 ~ti~m 3e-year period,Archllintern. Meal. 135 (!e75) ~!562,1568 . . . .
~ra
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