TABLE RONDE
Mddecine
etMaladies
Infectieuses
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1988 - S p d c i a l
Ddcembre
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763 b. 764
ACTIVITE ET TOXICITE DE LA ZIDOVUDINE (AZT). ETUDE PROSPECTIVE CHEZ 365 MALADES ATTEINTS D'ARC OU DE SIDA par E. DOURNON**, S. MATHERON**, W. ROZENBAUM**, S. GHARAKHANIAN**, C. MICHON**, P.M. GIRARD**, C. PERRONNE**, D. SALMON**, P. DE TRUCHIS**, C. LEPORT**, E. BOUVET**, B. REGNIER** et Comit~ A Z T de I'H6pital Claude Bernard** J
La zidovudine, ou azidothymidine (AZT) a fait la p r e u v e d'une certaine activit6 ~ court terme (suivi moyen des malades : 1 7 semaines) chez les malades atteints d'ARC et dans un sous-groupe particulier de malades atteints de SIDA (malades ayant eu une pneumocystose dans les 4 mois pr~c6dant le d6but du traitement) (1, 2). Nous avons 6valu6 de fa§on prospective I'activit6 et la toxicit6 de I'AZT chez 365 malades cons6cutifs (ARC : 80 ; SIDA : 285) suivis de 8 ~ 52 semaines (moyenne : 31). L'AZT 6tait donn6e raison de 200 rag/4 h Iorsque I'h6moglobine (Hb) ~tait sup~rieure ~ 9 g/100 ml et les polynucl6aires (PN) sup6rieurs ~ 1000/ram 3. Pour les autres malades (7 g/100 ml < Hb < 9 g/100 ml et/ou 750/ mm 3 < PN < 1 0 0 0 / m m 3), la posologie ~tait de 200 rag/8 h. La moyenne d'~ge des malades 6tait 36 ans, 90 % 6talent des hommes. Les principaux facteurs de risque ~taient I'homosexualit6 (70 %) et la toxicomanie (10 %). Les caract6ristiques des malades Iors du d6but du traitement sont indiqu6es dans les Tableaux I et II. Le nombre moyen d'infection opportuniste (IO) par malade ~tait de 1,3 , 159 (60,2 %) des malades avaient eu une pneumocystose qui 6tait la seule manifestation du SIDA chez 97 d'entre eux ; 50 malades avaient eu une toxoplasmose, 37 une can-
TABLEAU I Caract~ristiques des malades au d~but du traitement par AZT
Index de Karnofsky Moyenne Extremes Leucocytes/ram3 H6moglobine (g/100 ml) Lymphocytes/mm3 T4/mm 3
763
SIDA
(n = 285)
92,4 % 70-100 % 4040 + 1510 13,0+ 1,8 1218 + 600 140 + 105
84,1% 20-100 % 3455 + 1618 11,4+ 1,8 909 -+ 547 75 + 90
TABLEAU I! Manifestations du SIDA avant la mise sous AZT (285 malades)
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* Communication pr&ent~e au 37dine Congr~s de la Soci~t~ de Pathologie infectieuse de Langue £ran~aise, tenu ~t Pads le 2 D~cembre 1988, sous le titre ~ Le Sida et les infections rc~trovixales >>. ** D6partement de Pharmacologie Clinique, H6pital Claude Bernard, 10 Av. de la Porte d'Aubervilliers, F-75019 Paris.
ARC
(n = 80)
Infection(s) opportuniste(s) seule(s)
-
Infection(s) opportuniste(s) + sarcome de Kaposi
-
Infection(s) opportuniste(s) + lymphome
- Sarcome de Kaposi seul -
Manifestations neurologiques dues au HIV
190 72 2 19 2
didose oesophagienne, 43 une r6tinite et/ou une atteinte digestive ~ CMV, 38 une tuberculose, 14 une infection par une mycobact6rie atypique, 9 une cryptococcose, 6 une isosporose, 3 une infection herp~tique chronique et 2 une septic6mie r6cidivante h salmonelles. Le diagnostic de SIDA avait 6t6 fait en moyenne 5,5 mois (extremes : 0,5-36) avant le d6but du traitement par AZT ( 7 1 % des malades ont 6t6 trait6s dans les 6 mois suivants le diagnostic de SIDA).
6 malades qui se sont aggrav6s pendant les 6 premieres semaines de traitement, sur les 74 malades restants : 6 ont eu au moins une infection opportuniste, un sarcome de Kaposi (SK) est apparu chez deux malades et deux sont morts. Chez les malades atteints de SIDA, suivis 33 semaines en moyenne (m6diane : 33, extr6mes : 8-52), 167 IO sont survenues (chez 108 malades). Un SK est apparu chez 7 malades et les 16sions se sont 6tendues chez 28 (30,8 %) des 91 malades qui avaient un SK avant le d~but du traitement. Par ailleurs, 8 lymphomes et un carcinome sont apparus sous AZT. Parmi les 285 malades atteints de SIDA, 53 (18,6 %) sont morts et le taux de mortalit6 ~ 9 mois a 6t6 de 25 % (28/112). La mortalit6 a ~t6 identique (18/97) chez les malades qui n'avaient eu qu'une pneumocystose avant d'etre trait~s par AZT. Si I'on exclue les 48 malades chez lesquels une IO, un SK ou la mort est survenu avant la 7~me semaine de traitement, les r6sultats sont les suivants : survenue d'au moins une IO chez 28,7 % des malades, apparition d'une affection maligne chez 5,5 % et d6c~s de 12,2 % des malades.
La posologie initiale d'AZT a ~t~ 1200 mg/24 h chez 260 malades (64 ARC, 196 SIDA) et 600 mg/ 24 h pour 105 malades. Ces posologies n'ont pu ~tre maintenues int6gralement pendant 6 mois que chez respectivement 2 1 % et 25 % des malades. Les principales raisons qui ont conduit h r6duire la posologie ou ~ suspendre le traitement ont 6t6 la toxicit6 h6matologique de I'AZT (leucop6nie associ6e ou non ~t une an6mie, an6mie et plus rarement pancytop~nie) et la survenue d'lO. Par rapport ~ leur valeur initiale, I'indice de Karnofsky et le poids des malades ont augment6 significativement ~ partir du 2~me mois et jusqu'au 6~me mois de traitement. UIt6rieurement, ces deux indices ont baiss6 pour atteindre des valeurs inf~rieures ~ celles de J0. Pour I'ensemble des malades, l e s T4 ont augment6 de 49 % et 46 % (p < 0.01) apr~s respectivement 1 et 2 mois de traitement. II est int6ressant de noter que cette augmentation a 6t6 relativement plus importante chez les malades trait~s par 600 rag/24 h (+120 % au 2~me mois) que chez ceux trait6s par 1200 mg (+30 %). Cette augmentation n'a cependant 6t6 que transitoire au 8~me mois pour les ARC et d~s le 5~me mois pour les SIDA le hombre moyen des T4 6tait retomb6 son niveau initial ; chez les malades atteints de SlDA, le nombre moyen de T4 6tait significativement inf6rieur ~t celui de J0 ~ partir du 8~me mois de traitement.
Ces r6sultats sont moins satisfaisants que ceux de I'essai phase 2 (1). Ceci est d0 en pattie ~ des diff6fences de m6thodologie. Contrairement ~ notre travail, 1'6rude am6ricaine ne concernait qu'un sousgroupe particulier de malades. Par ailleurs, contrairement aux auteurs am6ricains, nous n'avons pas exclu de malades de 1'6rude, m~me Iorsque I'AZT a dO atre arrat6e pr6cocement en raison d e s a toxicit6. En fair, la diff6rence est surtout due ~ ce que le suivi moyen des malades a ~t6 de 120 jours dans I'~tude am~ricaine (1) et de 217 jours dans notre travail. L'effet b6n6fique de I'AZT, d~montr6 dans I'essai am6ricain et ayant conduit h son interruption pr~matur~e, a ~t6 retrouv6 pendant les premiers mois de notre 6rude, Malheureusement, comme les auteurs am6ricains I'avaient d'ailleurs envisag~ (1, 2), cet effet ne persiste pas au-del~ de quelques mois en raison de la toxicit6 du produit et semble-t-il de 1'6puisement de son activit& Au total, chez les malades atteints d'ARC ou de SIDA, l'effet b6n6fique de I'AZT est de courte dur6e.
Quatorze (17,5 %) des 80 malades atteints d'ARC (suivis de 8 h 52 semaines, moyenne 24,6) sont passes au stade de SIDA et 4 d'entre eux sont morts apr~s le d~but de I'AZT. Si I'on exclue les
BIBLIOGRAPHIE 1.
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