L’ascite réfractaire chez les malades atteints de cirrhose

L’ascite réfractaire chez les malades atteints de cirrhose

Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 703—704 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ÉDITORIAL L’ascite réfractaire chez les ma...

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Gastroentérologie Clinique et Biologique (2008) 32, 703—704 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

L’ascite réfractaire chez les malades atteints de cirrhose Refractory ascites in patients with cirrhosis

L’ascite réfractaire survient chez 10 % des malades atteints de cirrhose avec une ascite [1]. Une ascite est réfractaire lorsqu’elle résiste à un traitement diurétique intensif, maximum ou lorsqu’elle n’est pas traitable par les diurétiques, ceux-ci ayant induit des complications sévères [2,3]. Dans tous les cas, les malades avec une ascite réfractaire ont une rétention sodée et hydrique (celle-ci étant liée à celle-là) très marquées en raison d’une activité intense des systèmes antinatriurétiques endogènes : le système rénine—angiotensine—aldostérone et le système nerveux sympathique [4,5]. Les tubules rénaux ne répondent plus à l’effet des peptides natriurétiques endogènes qui, pourtant, ont des taux circulants très élevés [6]. De plus, ces malades ont une hypersécrétion de vasopressine qui, en stimulant ses récepteurs V2 du tube collecteur, augmente la réabsorption d’eau libre contribuant à la formation d’ascite [7]. Chez certains maladies, la rétention hydrique excessive est responsable d’une hyponatrémie de dilution [8]. De plus, chez les malades avec une ascite réfractaire, l’hyperactivité neurohumorale est responsable d’anomalies hémodynamiques rénales, c’est-à-dire, d’une vasoconstriction rénale responsable d’une diminution du débit sanguin rénal et parfois d’une diminution du débit de filtration glomérulaire [9]. Dans ce dernier cas, les malades ont une insuffisance rénale fonctionnelle appelée syndrome hépatorénal de type 2 [2]. L’hyperactivité neurohumorale qui caractérise l’ascite réfractaire est une réponse homéostatique à la diminution du volume artériel efficace, elle-même résultant d’une vasodilatation artérielle splanchnique/systémique à laquelle s’associe parfois une diminution relative du débit cardiaque [10]. Puisque les malades avec une ascite réfractaire ont une probabilité de survie à un an de 50 % [11], la transplantation hépatique doit être envisagée pour eux [3]. Actuellement, le système d’attribution des greffons est seulement fondé sur le score du Model for End-stage Liver Disease (MELD) 0399-8320/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.gcb.2008.05.001

[12]. Or il faut savoir que le risque de décès précoce chez les malades atteints de cirrhose avec une ascite réfractaire est fréquemment sous-estimé par le score MELD [12,13] de sorte que l’accès de ces malades à la transplantation est probablement insuffisant. Il faut donc améliorer le score MELD. Cette amélioration pourrait être obtenue en prenant en compte d’autres variables qui ont une valeur pronostique indépendante, en premier lieu la natrémie [13]. En l’attente de la transplantation hépatique ou en son absence, la prise en charge globale comprend : le traitement de la cause de la cirrhose lorsqu’il y en a un, la prévention des autres complications de la cirrhose (hémorragie digestive, infection spontanée du liquide d’ascite) et le traitement de l’ascite elle-même. Les paracentèses évacuatrices répétées sont le traitement de première intention de l’ascite réfractaire [3,14]. Le volume d’ascite retiré par paracentèse étant généralement abondant, la ponction est associée à l’administration intraveineuse d’albumine [3,14,15]. En effet, les ponctions de grand volume induisent une dysfonction circulatoire qui peut être à l’origine de complications cliniquement significatives [16]. La mise en place d’une anastomose intrahépatique porto-systémique (TIPS) est une alternative efficace aux paracentèses [17] mais sa place exacte dans la stratégie thérapeutique n’est pas encore clairement établie [18]. Le traitement de l’hyponatrémie de dilution est fondé sur la restriction des apports hydriques en attendant que des médicaments « aquarétiques » (les vaptans qui sont des antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine) soient disponibles [19]. Le traitement du syndrome hépatorénal de type 2 n’est pas encore établi [10]. Chacun des aspects de l’ascite réfractaire, c’est-à-dire sa physiopathologie, son pronostic et son traitement font l’objet d’une revue spécifique dans ce Cahier de formation médicale continue.

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R. Moreau a,∗,b , F. Durand a,b , D. Lebrec a,b a

Inserm U773, centre de recherche biomédicale Bichat-Beaujon (CRB3), hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92118 Clichy, France b Service d’hépatologie, hôpital Beaujon, 92118 Clichy, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Moreau). Disponible sur Internet le 9 juillet 2008