Table ronde Os en croissance et nutrition à l’adolescence
Activité physique et os en croissance J.-F. Duhamela,*, M Lauransa, J.-Y. Guincestreb, J. Brouarda 1Service
de Pédiatrie, CHU Côte de Nacre, Caen. Régional de Médecine du Sport, CHU de Caen
2Institut
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armi les évolutions frappantes de notre société, figurent le développement et la médiatisation des activités physiques [1,2]. Dans la période la plus récente en France et sur le modèle des pays Anglo-Saxons, des expériences d’aménagements scolaires ont été décidées dans des collèges pour la prochaine rentrée, afin de faciliter la pratique sportive et de permettre ce que suggèrent les spécialistes Européens et Américains : au moins 1 heure de sport par jour de 10 à 20 ans. Ceci conduit naturellement à une interrogation : la pratique plus intense de l’activité physique a-t-elle un retentissement sur le développement du squelette ? [3-6]. La réponse à cette question est complexe. En effet, les déterminants de la masse osseuse sont multiples : facteurs génétiques, nutriments : apports protidiques, calciques, phosphorés, magnésium, vitamine D et plus récemment vitamine K conduisant d’ailleurs à une interrogation quant au niveau des apports recommandés en cette vitamine probablement plus élevés que ceux précédemment proposés [7]. Pour le calcium et entre 10 et 19 ans, les apports conseillés par l’AFSSA en 2001 : 1200 mg par jour dont les 2/3 sous forme de laitage [2,6] sont fréquemment inférieurs chez les jeunes filles, de même que ceux en magnésium 370 mg par jour [8]. Quant aux apports conseillés en vitamine D, dans la tranche d’âge de 10 à 20 ans, soit 5 μg par jour, de nouvelles données font prévoir dans l’avenir une augmentation de cette proposition [9]. Aux facteurs génétiques et nutritionnels, s’ajoutent les facteurs endocriniens, illustrés par l’augmentation de l’absorption et de l’accrétion calcique qui peut atteindre 400 mg par jour aux stades 2 à 4 de Tanner [8], et l’activité physique. Concernant l’activité physique : peut-elle intervenir au niveau du développement et de la composition du squelette ? Des observations troublantes ont d’abord montré que dans les pays en voie de développement comme développés, les enfants et adolescents peuvent acquérir une masse squelettique proche de la normale avec des apports bas en calcium [3]. Par ailleurs, il a été observé qu’il existait d’une façon générale, une relation forte entre masse musculaire et masse osseuse et ceci dans les 2 sexes chez les sujets sportifs. De plus, ce développement intense intéresse particulièrement les parties du corps les plus sollicitées par l’exercice physique, dans les 3 premières décennies de la vie [3]. C’est ainsi que chez les joueurs de tennis, le contenu * Auteur correspondant. e-mail :
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minéral du bras dominant est supérieur à celui du côté opposé et que chez les skieurs ou hockeyeurs, les membres inférieurs sont privilégiés par rapport aux membres supérieurs. Un début de l’activité physique avant la puberté renforce cette évolution. Pour atteindre un stock squelettique calcique de 1 400 g chez les hommes et de 1 200 g chez les femmes à l’âge de 20 ans, il existe chez les sportifs des adaptations du métabolisme puisque ces valeurs s’observent même avec des apports calciques journaliers ne dépassant pas 1 000 mg [3]. Les contraintes mécaniques liées à l’activité physique interfèrent également sur l’architecture du squelette, allongement du bras dominant de quelques millimètres chez le joueur de tennis, probablement par une adaptation positive du tissu osseux trabéculaire en sachant que les techniques actuelles sont insuffisantes pour analyser la micro architecture osseuse [10]. Deux éléments doivent encore être soulignés quant au rôle respectif sur le développement squelettique d’une supplémentation en calcium et de l’exercice. Le bénéfice de la supplémentation calcique semble cesser avec l’arrêt de celle-ci, l’amélioration du peak-bone mass réduit les risques de fracture [4]. En 2006, Janz et al, chez 370 enfants sportifs suivis sur 8 ans 6 mois, observent une augmentation du BMC de 14 % au niveau du trochanter et 5 % sur l’ensemble du corps et ceci par rapport à des témoins [5]. En revanche, une limite au côté bénéfique de l’activité physique est observée dans les sports dits à silhouette, gymnastique, GRS, danse, patinage, où se conjuguent d’une part un niveau d’entraînement individuel pouvant atteindre 30 heures par semaine et des apports énergétiques, minéraux et vitaminiques réduits. Ici, et particulièrement dans le sexe féminin, le développement staturopondéral et pubertaire est retardé, mais de plus le développement osseux est aussi retardé, avec une masse osseuse réduite. Nous nous situons alors dans la triade : troubles alimentaires voire anorexie, aménorrhée, ostéoporose : évolution prévisible quand l’énergie dépensée dépasse les apports journaliers [11]. Dans ces situations les risques de fracture de fatigue sont renforcés, d’autant que les apports en calcium sont insuffisants, que le statut en vitamine D est anormal et le taux de parahormone élevé [12].
Conclusion L’activité physique au moins 1 heure par jour est bénéfique à tous les enfants et adolescents. Elle facilite le développement physique, squelettique et participe à un meilleur équilibre psychologique.
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J.-F. Duhamel, et al.
Il est justifié d’être attentif à la qualité des apports protéiques calciques, magnésium et en vitamine D et K, ceci d’autant que les sports sont pratiqués en salle. Un entretien diététique annuel, lors de l’examen de non contreindication à la pratique du sport est nécessaire, des contrôles biologiques également souhaitables, dès que la pratique sportive dépasse 10 heures par semaine. Les propositions de l’AFSSA pour les enfants et adolescents de 10 à 20 ans : vitamine D, 5 μg par jour et vitamine K 45 μg par jour devraient être réévaluées. Pour les enfants et adolescents pratiquant le sport plus de 15 heures par semaine, une surveillance médicale renforcée s’impose tant sur le plan clinique que biologique et osseux, des conseils nutritionnels sont ici fondamentaux.
Références [1] [2]
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