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Neurophysiol Clin (1991) 21, 449-458 © Elsevier, Paris
Article original
Analyse topographique des potentiels ~voqu~s endog~nes chez des sujets fig~s d~prim~s et chez des sujets atteints de d~mence de type Alzheimer MH de Brionnel, B Gueguen 1,, MC Bourdel 2, S Guillou 2, C Derouesn6 3, G Loas 4, MF Poirier 2, H Loo 2, B S a m u e l - L a j e u n e s s e 4 1Service de neurophysiologie elinique, h6pital Sainte-Anne; 2service hospitalo-universitaire de sant~ mentale, h6pital Sainte-Anne, Paris; 3service de neurologie, hOpital de La Salp6tribre, Paris; 4elinique des maladies mentales et de l'enc~phale, hOpital Sainte-Anne, 75674 Paris, France (Regu le 17 juin 1991 ; accept6 le 18 novembre 1991)
R~sum6 - Les latences, les amplitudes et la localisation des m a x i m a des pics des r6ponses 6voqu~es auditives tardives ont 6t6 6tudi6es dans trois groupes de sujets fig6s: n o r m a u x , d6prim6s et d6ments de type Alzheimer (DTA) probable. Les r6ponses 6voqu~es par un paradigme oddball simple ont 6t6 recueillies avec 16 61ectrodes dispos6es d'apr6s le SI 10-20 au cours de deux situations exp6rimentales: comptage des stimulations rares et r6ponse motrice avec mesure du temps de r6action (TR). Aucune diff6rence n'est observ6e entre les trois groupes en ce qui concerne les amplitudes. U n e diff6rence significative est observ6e pour les latences de P3 en comptage m e n t a l e n t r e les groupes D T A et d6prim6s mais pas entre D T A et t6moins ou t6moins et d6prim6s. Cette diff6rence n'atteint pas le seuil de significativit6 pour la r6ponse motrice. Le m a x i m u m d'amplitude du pic P3 se situe sur les r6gions ant6rieures chez la plupart des sujets d6ments alors qu'il a un m a x i m u m post6rieur chez les sujets d6prim6s et chez les t6moins. Ainsi, l'6tude de la r6partition topographique de la r6ponse P3 pourrait permettre de caract6riser, au stade pr6coce, certaines D T A alors que les amplitudes et les latences sont encore dans les limites de la normale. potentiels endog~nes / d~pression / maladie d'Alzheimer
Summary - Topographic analysis of evoked endogenous potentials in depressed old people and in patients suffering from dementia of the AIzheimer type. Latencies, amplitudes and localization o f the maxi-
mum o f the peaks o f late onset evoked responses have been studied in 3 groups o f elderly people: normal, depressed and demented (probable dementia o f Alzheimer type DA T) at the early stage o f the disease.
* Correspondance et tirds ~t part.
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MH de Brionne et al
Evoked responses with an auditory oddball paradigm have been recorded with 16 electrodes in 2 situations: counting the target sounds, and motor response with measurement o f the reaction time. No difference in amplitude was observed between the 3 groups. Only a significant difference f o r P3 latency was observed between the D A T and the depressed groups and only in the counting situation. The maximum P3 response was most often f o u n d on the anterior areas in the DA T group and in the posterior areas in the normal and depressed groups. The topographic localization o f the P3 peak couM therefore be o f some help in the characterize o f subjects with probable DA T at the early stage o f the disease.
endogenous potential / depression / Alzheimer's disease
Introduction
Chez le sujet gtg6, les critEres cliniques et les examens paracliniques usuels ne permettent pas toujours et notamment en d6but d'dvolution, de diffdrencier un 6tat d6pressir d'une ddt6rioration d6butante, voire du vieillissement physiologique et c'est, en g6n6ral, l'6preuve th6rapeutique ou l'6volution qui tranche. Les potentiels 6voqu6s endog+nes, notamment la P300, n'apparaissent que si le sujet est soumis hun contexte exp6rimental particulier et refl~tent l'activit6 c6r6brale r6gionale mise en jeu lors du traitement cognitif d'une information sensorielle. Ils permettent l'analyse pr6cise de la fenatre temporelle entre stimulus et r6ponse, v6ritable chronom6trie des opdrations mentales (Hillyard et al, 1978) avec une meilleure compr6hension des m6canismes cognitifs sous-tendant des comportements physiopathologiques particuliers (Les~vre, 1986). L'amplitude de l'onde P3 diminue et sa latence augmente proportionnellement ~tl'~ge (Goodin et al, 1978a; Duffy et al, 1979; Pfefferbaum et al, 1980 et 1984a; Syndulko, 1982; Gordon et al, 1986; Patterson et al, 1988; Maurer et al, 1989), ce qui serait li6 ~ une prise de d6cision plus lente (Ford et al, 1979) ou au ralentissement du traitement cognitif des informations (Squires et al, 1980). Des modifications du marne type mais plus marqudes ont 6t6 not6es dans les d6mences de type Alzheimer (Goodin et al, 1978b ; Squires et al, 1980; Pfefferbaum et al, 1984b; Saint-Clair et al, 1984). Ces alt6rations sont corr616es positivement au degr6 de ddt6rioration mais la sensibilit6 de la m6thode apparak variable d'un travail h l'autre, oscillant entre 50°-/o (Pfefferbaum et al, 1984b) et 80% (Goodin et al, 1978b). Elle est, en fait, d'autant plus faible que la d6t6rioration est 16g6re (Canter et al, 1978; Slaets et Fortgens, 1984). De plus, 2/~ 5% des sujets ~tg6s normaux mais aussi 5 h 20°7o des schizophr6nes et environ 12% des sujets d6prim6s, selon les s6ries, peuvent 6galement avoir des anomalies de la latence de la P300 (Goodin et al, 1978b; Squires et al, 1980; Pfefferbaum et al, 1984b; Gordon et al, 1986). La P300 constituerait donc un indicateur sensible mais de sp6cificit6 faible dans le diagnostic des ddmences d6g6n6ratives. Chez les sujets d6primds, les caract6ristiques de l'onde P3 semblent pr6servdes (El Massioui et al, 1988 ; Patterson et al, 1988), bien que Pfefferbaum et al (1984b) ait constat6 une diminution de l'amplitude de P3.
Potentiels 6voqu6s endog6nes chez les sujets fig6s d6prim6s et atteints de la maladie d'Alzheimer
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L a q u e s t i o n se p o s a i t d o n c de s a v o i r si d ' a u t r e s / d o n n 6 e s descriptives et, en p a r t i culler, l ' a n a l y s e de la r6partition t o p o g r a p h i q u e des potentiels 6voqu6s p o u v a i t a p p o r ter des 616ments de d i s c r i m i n a t i o n s u p p l 6 m e n t a i r e s . Ainsi, certains a u t e u r s o n t m o n t r 6 que les sujets d6ments se d i s t i n g u a i e n t p a r une r6ponse de P3 plus a m p l e sur les r6gions ant6rieures ( M a u r e r et al, 1989) m a i s cette r 6 p a r t i t i o n 6tait d i f f 6 r e n t e p o u r d ' a u t r e s : c e n t r o p a r i 6 t a l e s y m 6 t r i q u e p o u r Squires et al (1980) ou lat6ralis6e & droite p o u r C a n t e r et al (1982).
M~thode
Sujets Sujets ddprimds Onze patients hospitalis6s fig6s de 67,1 ans (77-60) r6pondant aux critbres de d6pression majeure du DSM-III ont 6t6 6tudi6s. L'intensit6 de l'6pisode d6pressif a 6t6 quantifi6e avec l'6chelle de d6pression d'Hamilton 17 items ( > 18) (Hamilton, 1960) et l'6chelle de ralentissement d6pressif de Widlocher ( > 22) (Widlocher, 1981). Une p6riode de wash-out de 8 jours a 6t6 observ6e en cas de traitement psychotrope ant6rieur. En cas d'utilisation des sismoth6rapies, un d61ai minimal de 2 mois a 6t6 demand6 avant de pouvoir inclure les sujets dans l'6tude. Les sujets d6prim6s suspects de d6t6rioration, du fait d'une diminution du score au MiniMental State de Folstein ( < 25) (Folstein et al, 1975) ou de signes de ralentissement h I'EEG n'ont pas 6t6 inclus.
Sujets ddments Dix patients ambulatoires, atteints de d6mence d'Alzheimer probable selon les crit6res du NINCDS-ADRDA work group (Mc Khann et al, 1984) et DSM-III R (1983) fig6s de 71,5 ans (87-62) ont 6t6 inclus. Le score de Hachinski 6tait pour chaque patient inf6rieur ~ 4. Un bilan neuropsychologique classique a 6t6 effectu6 ainsi qu'un TDM c6r6bral et un 6cho-doppler des vaisseaux cervicaux. L'intensit6 de la d6t6rioration a 6t6 appr6ci6e par le MMS de Folstein. L'absence d'6pisode d6pressif a 6t6 v6rifi6e ~t l'aide du questionnaire de Zung d6pression (Zung, 1965) et des crit~res du DSM-III.
Sujets tdmoins Dix sujets normaux ambulatoires ~g6s de 72,4 ans (83-62) ont 6t6 enregistr6s pour lesquels le brian a 6t6 le m~me que celui des sujets atteints de maladie d'Alzheimer (MMS, bilan neuropsychologique, EEG, TDM et 6cho-doppler). Les sujets des trois groupes 6taient tous droitiers. Les caract6ristiques d'~ge, de sexe et les scores moyens du MMS sont expos6es dans le tableau I. I1 n'existe pas de diff6rence significative pour l'fige entre les trois groupes; la r6partition, selon le sexe, est seule diff6rente selon les groupes. Les valeurs du MMS diff6rent significativement entre les sujets d6ments et t6moins d'une part et les sujets d6ments et d6prim6s d'autre part (P < 0,001). En revanche, on ne retrouve pas de diff6rence significative entre les sujets d6prim6s et t6moins.
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MH de Brionne et al
Tableau 1. Caract6ristiques de sexe, d'age et de score MMS des groupes de sujets ~tg6s: normaux, d6prim6s et atteints de DTA. Le MMS est significativement diff6rent (P < 0,01) entre t6moins et DTA d'une part et DTA et d6prim6s d'autre part. T6moins et d6prirn6s ont des scores MMS 6quivalents. L'hge n'est pas significativement diff6rent dans les groupes. MMS: Mini-Mental State. Sexe
Normaux D6prirn6s DSTA
H
F
3 7 4
7 4 -6
,'~ge
MMS
72,4 +_6,4 67,1 _+4,8 71,5 +__7,4
29,1-2_ 0,8 28,1 + 1,5 19,2 _+5,4
Enregistrement
Les sujets ont 6t6 enregistr6s en position semi-assise dans une piece prot6g6e du bruit, avec un 6clairage att6nu6. L'enregistrement a 6t6 effectu6 avec 16 61ectrodes cupules A g / A g C I col16es ~t la bentonite dispos6es selon le syst6me international 10-20 modifi6 (avec deux 61ectrodes m6dianes FZ-PZ). Une r6f6rence oreilles reli6es a 6t6 utilis6e pendant l'enregistrement avec contr61e sur papier des art6facts par enregistrement E E G et E O G continus. L'acquisition du signale et la quantification ont 6t6 r6alis6es avec un Cartovar-Reega 2000, utilisant une bande passante de 15-3000 Hz, un gain de 10000, et un 6chantillonnage de 128 points par voie. Les stimulations auditives ont 6t6 effectu6es selon un protocole oddball simple, avec deux sons (fr6quent 1 0 0 0 H z , rare 2000 Hz) ayant une probabilit6 d'occurrence de 0,2 (25 stimulations cibles en moyenne). L'intensit6 6tait de 80 db SL, la dur6e de 50 ms et l'intervalle interstimulus de 1 + 0,8 s. Deux s6ries de stimulations ont 6t6 r6p6t6es pour chaque situation: comptage mental et r6ponse motrice, apr~s un enregistrement du trac6 de base o~ aucune consigne n'6tait donn6e au sujet, cette phase ayant surtout pour but d'habituer le sujet aux conditions exp6rimentales. La r6ponse motrice consistait ~ appuyer sur une presselle permettant de mesurer le temps de r6action et de contr61er la bonne ex6cution de la t~che. L'ex6cution correcte du comptage mental 6tait contr616e en demandant au sujet le r6sultat du comptage ~t la fin de l'6preuve. Pour chacune des ondes endog6nes N1, P2, N2, P3 ont 6t6 mesur6es les latences et les amplitudes absolues en FZ pour N1 et P2, en P Z pour N2 et P3 ainsi que les diff6rences d'amplitude N I - P 2 , N2-P3. Les latences ont 6te mesur6es manuellement pour chaque courbe ~ l'aide d ' u n curseur positionn6 sur le pic consid6r6. L ' a m p l i t u d e 6tait automatiquement calcul6e par la machine h partir d'une ligne de base th6orique repr6sentant la moyenne des valeurs d'arnplitude mesur6es au temps z6ro. Le choix des pics 6tait valid6 pour chacune des quatre r6ponses 6voqu6es par la valeur des latences (elles doivent ~tre comprises dans la moyenne commun6ment admise pour chacun d'eux) et par la topographie du maxima du pic. L'6tude topographique des r6ponses endog6nes a 6t6 effectu6e ~t l'aide d ' u n logiciel de cartographie utilisant les donn6es digitalis6es stock6es sur un fichier ASCII et transf6r6es sur un compatible P C (logiciel Brainstat Taugagreinig). La localisation du maxima est d6termin6 par l'61ectrode o/1 il se situe. Les courbes que nous avons obtenues ne nous ont pas permis de distinguer pour chaque sujet une P3a et une P3b, chaque courbe ne comprenant q u ' u n seul pic positif dans la zone de latence usuelle de la P3.
Potentiels 6voqu6s endog6nes chez les sujets fig6s d6prim6s et atteints de la maladie d'Alzheimer
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o N1
P2
N2
Pa
Diff N1-P2
N1
P2
N2
p~
b
a
Fig 1. Amplitudes (a) et latences (b) des quatre pics des r[]onses 6voqu6es auditives tardives obtenues au cours d'une tfiche de comptage mental des stimulations rares. Aucune diff6rence significative n'est observ6e entre les trois groupes de sujets []6s : normaux (A) ; d[]rim6s (Dp) et d6ments (Dm) sauf pour la latence de P3 entre d6prim6s et d6ments (P < 0,05 seulement). Les r [ ] o n s e s N1 et P2 ont 6t~ mesur6es en FZ et les rdponses N2, P3 en PZ. * P < 0,05; ** P < 0,01. [ ] : A ; [ ] : DP; [ ] : DM.
Tableau 11. Notnbres d'erreurs et d'omissions commises par les sujets des trois groupes (normaux, d6prim6s et d6ments) lors de la r6ponse motrice h la stimulation auditive. Sur la ligne du haut est indiqu6 le nombre d'erreurs ou d'omissions. Les chiffres situ6s en regard de chacun des groupes indiquent le nombre de cas ayant pr6sent6 1, 2, 3, 4, 5 ou plus fausses r~ponses.
Omissions
T6moins D[]rimes
D6ments
1 2 1 1
2 -
1 1
3 . .
4 . .
Erreurs 5 ou plus ". . . . . . . .
1 . .
2 . . 1
3
4
5 ou plus
1
. .
. .
1
-
. .
.
Analyse statistique L'analyse statistique a ~t6 effectu6e fi l'aide de tests param6triques et d'une analyse de variance suivie d'un test de Tukey (pour la comparaison des groupes deux/t deux).
R~sultats Les sujets ont correctement effectu6s les []tches demand6es. Pour ce qui concerne le comptage mental, seuls ont 6t6 retenu dans l'[]ude les sujets ayant rapport6s en fin de s6ance un nombre de stimulations 6gal ~ 25 + 3. P o u r la t~che motrice le nombre d'omissions et d'erreurs effectu6es par les sujets qui ont 6t6 retenus sont donn6s dans le tableau II. Les temps de r6action sont donn6s dans la figure 1. Les scores des sujets d6ments sont sup6rieurs g ceux des deux autres groupes sans atteindre cependant le seuil de significativit6.
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MH de Brionne et al
ooOO I
~V
ms
20O
2 100 0
--
N1
P2
N2
P3
o
b
ms
350 250
N1
P2
N2
P3
Fig 2. Amplitudes (a) et latences (b) des quatre pics des r6ponses auditives tardives 6voqu6es par un paradigme oddball simple avec r6ponse motrice et mesure du temps de r6action (c), Aucune diff6rence significative n'est observ6e entre les trois groupes de sujets ag6s. Les r6ponses N1 et P2 ont 6t6 mesur6es en FZ et les r6ponses N2, P3 en PZ. * P < 0,05; * * P < 0 , 0 1 . [ ] : , A ; [~: DP;
@: DM.
Mesure des amplitudes et des latences des r~ponses ~voqu~es en Fz et Pz Aucune diff6rence significative n'est constat6e entre les groupes concernant les amplitudes absolues pour les quatre pics N1, P2, N2 et P3 quelle que soit la situation exp6rimentale, comptage mental ou r6ponse motrice (fig 2). En ce qui concerne les diff6rences d'amplitude interpics, une diff6rence ~ P < 0,05 est relev6e pour N1-P2 en comptage mental seulement entre les groupes t6moins et d6prim6s. La latence de P3 est plus longue dans le groupe des d6ments par rapport aux d6prim6s (P < 0,05) en situation de comptage mental. Seule une tendance dans le m~me sens est observ6e en r6ponse motrice. On ne note, par ailleurs, aucune diff6rence entre sujets d6ments et t6moins d'une part et entre d6prim6s et t6moins d'autre part.
R~partition topographique des maxima des r~ponses ~voqu~es Dans chacun des trois groupes l'onde N1 est toujours facilement rep6rable et toujours ~ maximum ant6rieur, m6dian centr6 sur FZ. L'onde P2 peut ~tre plus ou moins positive. La topographie de son maximum appara~t beaucoup moins stable que celle de l'onde N1. I1 en est de m~me pour N2, les caract6ristiques de ces deux ondes apparaissent tr~s influenc6es par les diff6rentiels d'amplitude et de latence entre N1 et P3. Cela rend l'6tude de la topographie des r6ponses N2 et P2 assez al6atoire notamment clans la perspective d'une utilisation en clinique. Le pic maxima de l'onde P3 appara~t r6parti diff6remment dans les trois groupes (tableau III). Le point culminant appara~t le plus souvent situ6 dans la r6gion pari6tooecipitale et notamment en PZ dans les groupes t6moins et d6prim6s. I1 est beaucoup plus souvent situ6 dans la r6gion ant6rieure et notamment en FZ (six fois sur
Potentiels 6voqu6s endog~nes chez les sujets hg6s d6prim6s et atteints de la maladie d'Alzheimer
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Tableau III. P(6partition topographique du maximum de la r6ponse P3 dans les trois groupes de sujets hg6s : DTA, t6moins et d6prim6s. Chaque chiffre repr6sente le nombre de cas pr6sentant une topographie du maxima ant6rieure (Ant-Fz), post6rieure (PO-PZ) iargement 6tendue sur les r6gions m6dianes (FZ + PZ) ou quelque peu lat6ralis6e h gauche (TG) ou h droite (TD). C : comptage mental; M : r6ponse motrice. Groupe
T6moins D6prim6s DTA
N
10 11 10
Ant-(Fz) c m
PO-(Pz) c m
Fz + P z c m
c
m
c
m
4 3 6
4 5 1
0 1 1
1 2 1
0 1 0
1 0 1
1 0 0
3 2 5
6 7 2
0 1 3
TG
TD
dix en c o m p t a g e mental et cinq fois sur dix en r6ponse motrice) dans le groupe D T A . (Z carr6 : P = 0,08 entre t6moins et d6ments ; P = 0,03 entre d6prim6s et d6ments). Le m a x i m u m de la r6ponse P3 est le plus souvent sur la ligne m6diane (Fz et Pz) sauf p o u r deux cas dans chacun des trois groupes, la r6ponse 6tant alors m a x i m a en t e m p o r a k d r o i t ou gauche (tableau III). A u c u n e asym6trie droite-gauche significative n ' a 6t6 observ6e pour chacun des pics entre les trois groupes. Les r6ponses P3 ont le plus souvent leur m a x i m u m sur la ligne m6diane.
Discussion Les param6tres classiques de description des r6ponses 6voqu6es tardives ne permettent pas, dans notre 6tude, de faire une discrimination nette entre sujets ~g6s t6moins, sujets fig6s d6prim6s et sujets ~g6s d6butant une d6mence de type Alzheimer (DTA). A u c u n e diff6rence significative n'est, en effet, observ6e entre D T A et t6moins pour les latences et les amplitudes en situation de c o m p t a g e mental c o m m e dans l'6tude de SIaets et Fortgens (1984) mais 6galement avec la r6ponse motrice. Nous ne retrouvons donc pas, dans notre 6tude, les diff6rences observ6es par d'autres avec les r6ponses endog6nes entre D T A et t6moins @6s (Goodin e t al, 1978 b; Squires e t a l , 1980; P f e f f e r b a u m e t a l , 1984 b). L'explication est vraisemblablement que nos sujets D T A , encore ambulatoires, sont mod6r6ment voire 16g6rement atteints sur le plan n e u r o p s y c h o l o g i q u e c o m m e en atteste le M M S m o y e n du g r o u p e ~t 19,2 + 5,4. U n biais d'6chantillonnage peut aussi expliquer cette absence de diff6rence entre t6moins et D T A , puisque le n o m b r e de sujets, dans chaque groupe, est faible et que la variance des param6tres de latence et d ' a m p l i t u d e n'est pas n6gligeable. Mais, c'est pr6cis6ment dans cette situation de d6ficit neuropsychologique mod6r~ avec une relative pr6servation des caract6ristiques de latence et d'amplitude des r6ponses endog+nes que I'6tude de la r@artition des m a x i m a des r6ponses nous paraTt pouvoir apporter des arguments de discrimination plus sensibles.
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MH de Brionne et al
De fait, la r6ponse P3 culmine le plus souvent sur les r6gions ant6rieures du scalp chez les sujets D T A alors qu'elle est le plus souvent post6rieure chez les sujets fig6s n o r m a u x et d6prim6s. Ces r6sultats sembleraient donc confirmer ce qui avait d6j~t 6t6 rapport6 par Maurer et al (1989). Cependant, cette modification de la r6partition du m a x i m a de la r6ponse P3 chez les sujets D T A pose un certain n o m b r e de questions auxqueUes on ne peut encore r6pondre: les sujets d6ments b, P3 ant6rieure se diff6rencient-ils sur le plan neuropsychologique ou 6volutif des sujets d6ments ~ P3 post6rieure ? Quelle est la signification de cette P3 antdrieure ? Est-ce une P3b dont la topographie a ~t6 modifi6e ou est-ce une P3a, r6ponse li6e ~ la r6action d'orientation (Squires et al, 1975 ; Naatanen et Gaillard, 1983 ; Renault, 1983) traduisant une modification des processus attentionnels chez les d6ments ? Nous n'avons pas pu chez nos sujets individualiser des composantes stables de la P3, la presque totalit6 des r6ponses ne comportant qu'un seul pic positif dans les zones de latence off l'on observe habitueUement la P3. Ou bien est-ce encore une diff6rence li6e ~ la diminution de la n6gativit6 ant6rieure c o m m e le sugg6rent Ford et Pfefferbaum (1991), la r6ponse P3 6tant elle-m6me modifi6e ou abolie ? L'6tude des effets de ia r6p6tition du stimulus et de la variation de la fr6quence d'occurrence sur cette r6ponse ant6rieure ainsi que l'6tude des r6ponses endog6nes lots de processus automatiques et contr616s permettront peut-~tre d'apporter des 616ments de r6ponse, de mieux comprendre les m6canismes des perturbations cognitives chez certains sujets d6ments au d6but de leur maladie et de confirmer l'int6r~t de l'6tude de la topographie des r6ponses endog6nes en clinique.
Remerciements
Nous remercions B Renault pour les conseils qu'il a bien voulu nous donner au cours du d6roulement de cette 6tude ainsi que M ne F Neillo pour la prdparation des manuscrits. Travail rdalis6 grace au support financier de l'Institut de recherches internationales Servier.
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