Anatomie fonctionnelle du drainage lymphatique du sein : apport de la technique du lymphonœud sentinelle

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Annales de chirurgie 131 (2006) 608–615 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/ Article original Anatomie fonctionnelle du drainage lymphatique du...

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Annales de chirurgie 131 (2006) 608–615 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/

Article original

Anatomie fonctionnelle du drainage lymphatique du sein : apport de la technique du lymphonœud sentinelle Functional anatomy of the lymphatic drainage of the breast: contribution of sentinel lymph node biopsy J.-B. Oliviera,*, J.-L. Verhaeghea, M. Butarellib, F. Marchala, G. Houvenaeghelb a b

Département de chirurgie. centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54500 Vandoeuvre-Lès-Nancy, France Département de chirurgie. institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France Disponible sur internet le 05 juillet 2006

Résumé Objectifs de l’étude. – Faire une mise au point sur les données récentes de la littérature concernant l’anatomie fonctionnelle du drainage lymphatique mammaire, observée au cours des interventions de prélèvement du lymphonœud sentinelle ; comparer l’anatomie descriptive au regard de ces nouveaux résultats. Patients et méthodes. – La population de notre étude anatomique descriptive est composée de cinq patientes. Toutes les patientes ont subi une mastectomie radicale au cours de laquelle, une injection de 2 ml de bleu patenté, réalisée au niveau périaréolaire a permis d’observer les vaisseaux lymphatiques glandulaires. Les recherches bibliographiques ont été menées sur le site Internet de la National Library of Medicine, ainsi que sur le site Internet de la bibliothèque d’anatomie de la faculté de médecine des Saints-Pères (Paris). Résultats. – L’anatomie lymphatique du sein a été décrite depuis plus d’un siècle à partir de travaux menés sur des sujets anatomiques. Des travaux récents, réalisés au cours d’une intervention de prélèvement de lymphonœud sentinelle, ont enrichi ces données descriptives de nouvelles données anatomiques fonctionnelles sur le drainage lymphatique de la glande mammaire. Ainsi, les voies de drainage lymphatique superficielles déjà décrites par Sappey, drainaient le parenchyme glandulaire superficiel jusque dans les lymphonœuds axillaires. Un réseau profond décrit plus récemment par Hidden drainait le parenchyme glandulaire profond jusque dans la chaîne mammaire interne et dans les lymphonœuds axillaires. Les résultats de notre étude sur sujets vivants ont corroboré les données descriptives et fonctionnelles connues. Conclusion. – Grâce à la technique du lymphonœud sentinelle, l’anatomie descriptive décrite depuis 1885, s’enrichit de nouvelles données fonctionnelles qui permettent d’une part de mieux comprendre l’anatomie descriptive et d’autre part, d’appréhender le risque métastatique lymphonodal dans le cancer du sein. Ces données récentes sont d’un intérêt réel, tant anatomique que thérapeutique, et constituent un axe de recherche intéressant. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – To make a development on the recent data of the literature concerning the functional anatomy of the lymphatic drainage of the breast, observed during interventions of sentinel lymph node biopsy; to compare the descriptive anatomy taking into consideration these new results. Methods. – The population of our descriptive anatomical study is made-up of five patients. All the patients underwent a radical mastectomy during which, an injection of 2 ml of patented blue, realized at the periareolar area allowed to observe the glandular lymphatic vessels. Bibliographic researches were undertaken on Internet site of the National Library of Medicine and on Internet site of the library of anatomy (Faculté de médecine des Saints-Pères Paris).

* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-B. Olivier).

0003-3944/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anchir.2006.06.011

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Results. – Lymphatic anatomy of the breast was described since more than one century starting from works undertaken on anatomical subjects. Recent works, completed during sentinel lymph node biopsy, enriched these descriptive data of new functional anatomical data on the lymphatic drainage of the breast. Thus, the superficial ways of lymphatic drainage already described by Sappey, drain the surface glandular parenchyma until in the axillary lymph node. A deep plexux described more recently by Hidden drain the deep glandular parenchyma until in the internal mammary lymph nodes and the axillary lymph nodes. The results of our in vivo study corroborated the descriptive and functional data ever known. Conclusion. – Thanks to the sentinel lymph node biopsy technique, the descriptive anatomy described since 1885, grows rich by new functional data which make it possible on the one hand, to understand at best the descriptive anatomy, and on the other hand, to apprehend the lymphonodal metastatic risk in breast cancer. These recent data are of an interest real, as well anatomical as therapeutic, and constitute a interesting research orientation. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Lymphatique ; Sein ; Lymphonœud ; Sentinelle ; Anatomie Keywords: Breast; Sentinel lymph node biopsy; Anatomy; Lymphatic

1. Introduction L’anatomie descriptive des lymphatiques de la glande mammaire est connue depuis plus d’un siècle. Cette même anatomie envisagée sous un angle fonctionnel, est d’un intérêt capital dans la compréhension de l’atteinte métastatique lymphonodale dans le cancer du sein. Dans ce cadre-là, la technique du lymphonœud sentinelle, qui repose sur le concept d’anatomie fonctionnelle du drainage de la glande mammaire et de son rôle dans l’atteinte métastatique lymphonodale apporte de nouvelles connaissances anatomiques. Nous proposons une mise au point sur ces nouvelles notions d’anatomie fonctionnelle. Pour ce faire, nous rapportons dans un premier temps, des résultats anatomiques observés sur sujets vivants de manière à décrire l’anatomie des lymphatiques mammaires telle qu’elle est observée in vivo. Dans un second temps, une revue exhaustive de la littérature ancienne et récente est menée sur ce sujet. Nous comparons nos résultats à ceux de la littérature. 2. Patients et méthodes Notre étude de cas a été réalisée de janvier 2005 à avril 2005 dans le service de chirurgie oncologique de l’institut Paoli-Calmettes (232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France). La population étudiée était composée de cinq patientes vivantes. Toutes les patientes présentaient un carcinome mammaire intracanalaire étendu (> 5 cm) pour lequel était indiquée une mastectomie totale, ainsi que le prélèvement chirurgical du lymphonœud axillaire sentinelle homolatéral à la lésion après repérage de celui-ci par méthode radio-isotopique et colorimétrique combinée. Notre étude portait sur l’observation anatomique peropératoire des canaux lymphatiques glandulaires. Ces lymphatiques étaient visualisés après coloration au moyen d’une injection de 2 ml de bleu patenté V sodique 2,5 % (Guerbet, Roissy–Charles-de-Gaulle France). L’injection sous dermique était réalisée dix minutes avant l’incision de mastectomie et se situait au niveau périaréolaire, en regard des quadrants glandulaires où siégeait la lésion. Après l’injection, un massage léger en regard du site d’injection permettait

une diffusion rapide et homogène du colorant bleu dans l’ensemble du réseau lymphatique glandulaire. L’injection de bleu patenté V étant responsable de choc anaphylactique dans 0,2 à 2,7 % des cas [1,2], cette méthodologie n’a pu s’inscrire, pour des raisons éthiques, que dans un cadre thérapeutique et non expérimental. Le nombre restreint de telles indications thérapeutiques expliquait l’importance modeste de notre population. La recherche bibliographique a été réalisée d’une part sur le site Internet de la National Library of Medicine (http://www. nlm.nih.gov/hinfo.html), à partir de Medline/Pubmed. Les mots clés suivants ont été utilisés : breast and neoplasms, anatomy, lymphatic, sentinel node biopsy. D’autre part, la recherche d’ouvrages et d’articles anatomiques spécifiques a été menée sur le site Internet de la bibliothèque d’anatomie de la faculté de médecine des Saints-Pères (http://www.biomedicale.univparis5.fr/biblianat/bibli.php). Les mots clés suivants ont été utilisés : lymphatiques et sein. À partir de ces premières recherches, les articles, documents et ouvrages les plus pertinents et représentatifs de l’ensemble de la littérature ont été sélectionnés pour servir de base à cette étude. Les résultats de notre étude s’articulaient selon deux axes. Dans un premier temps, nous avons décrit l’anatomie modale des lymphatiques de la glande mammaire au regard de la revue de la littérature exhaustive que nous avons réalisée. Parallèlement, nous avons confronté nos observations menées sur les sujets vivants de notre étude aux résultats de la littérature. 3. Résultats Les anatomistes s’attachent à décrire les lymphatiques du sein en distinguant le réseau lymphatique superficiel drainant la peau de la région mammaire, du réseau plus profond drainant la glande mammaire à proprement parler. Nous avons suivi ce même plan descriptif. 3.1. Réseau lymphatique cutané Comme le décrit Rouvière [3], les lymphatiques cutanés issus de la région mammaire forment un réseau dense au niveau

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de l’aréole et du mamelon : le réseau aréolaire superficiel. Hidden et al. [4] observent également ce réseau lymphatique superficiel immédiatement après injection d’une masse colorée sur des sujets frais à pannicule adipeux développé. Ces collecteurs cheminent sur la face profonde du derme. Grant [5] aboutit aux mêmes observations sur des sujets vivants. Nous avons systématiquement identifié l’existence de ce plexus aréolaire superficiel sur l’ensemble de notre population. Celui-ci apparaissait coloré en bleu quelques minutes après l’injection de bleu patenté. De ce réseau aréolaire, partent en profondeur de petits canaux qui se jettent dans un plexus sous-dermique : le plexus sous-aréolaire décrit par Sappey [6] (Fig. 1). Celui-ci reçoit une grande partie des lymphatiques de la glande mammaire et constitue le centre anastomotique principal entre le réseau glandulaire et le réseau cutané. Il est formé par des troncs volumineux et bosselés. L’ensemble de ce plexus représente un disque percé à sa partie centrale d’un orifice qui circonscrit la base du mamelon. En dehors de l’aréole, ce plexus sous-aréolaire devient de moins en moins dense pour former le plexus circu-

Les lymphatiques glandulaires naissent au niveau des lobules glandulaires par de vastes sacs périlobulaires. Ces sacs ne sont pas contenus à l’intérieur des lobules, mais ils s’étalent à leur surface. Au niveau des conduits galactophores, le réseau d’origine est formé par des capillaires, dont la direction générale est parallèle à celle des conduits excréteurs et qui s’unissent entre eux par des anastomoses transversales. Des sacs périlobulaires partent deux ordres de collecteurs : les uns gagnent le plexus sous-aréolaire de Sappey en cheminant entre les conduits galactophores, et de là, gagnent les lymphonœuds axillaires. Ils forment la voie de drainage principale de la glande mammaire. Les autres, émergent au niveau de la périphérie de la glande : ils forment plusieurs voies accessoires. (Fig. 2)

Fig. 1. Voie de drainage axillaire principale. (1. Lymphonœuds sous-claviculaires ; 2. Plexus sous-aréolaire de Sappey ; 3. Tronc interne ; 4. Tronc externe ; 5. Lymphonœuds du groupe inférieur de la chaîne mammaire externe ; 6. Lymphonœud paramammaire sous-cutané de Sorgius ; 7. Lymphonœuds du groupe moyen de la chaîne mammaire externe ; 8. Lymphonœuds du groupe supérieur de la chaîne mammaire externe ; 9. Lymphonœuds sous-scapulaires).

Fig. 2. Voies de drainage axillaire accessoires. (1. Lymphonœud intercalaire rétropectoral de Grossmann ; 2. Lymphonœuds sous-claviculaire ; 3. Voie lymphatique accessoire transpectorale ; 4 et 6. Plexus rétromammaire ; 5. Réseau lymphatique superficiel ; 7. Anastomoses lymphatiques entre les réseaux profonds et superficiels ; 8. Voie lymphatique accessoire rétropectorale).

maréolaire. Il existe une communication sur la ligne médiane des réseaux lymphatiques cutanés des deux régions mammaires. Le réseau cutané superficiel se draine essentiellement dans les lymphonœuds axillaires. 3.2. Origine des lymphatiques mammaires

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3.3. Lymphatiques glandulaires Le drainage lymphatique de la glande mammaire est tributaire de trois régions lymphonodales : ● la région axillaire, qui constitue la voie de drainage principale selon Poirier [7]. Par ailleurs, cette voie est la seule reconnue par Sappey en 1885. (Tableau 1) ; ● la région mammaire interne ; ● la région sus-claviculaire. Les vaisseaux d’origine glandulaire, tributaires des lymphonœuds axillaires suivent trois voies : l’une principale, et deux autres accessoires. L’origine de la voie de drainage axillaire principale naît de deux troncs partant de la périphérie du plexus sous-aréolaire de Sappey. Le tronc externe se porte transversalement en dehors et vers l’aisselle, et reçoit comme affluent principal un collecteur qui provient de la partie supérieure de la glande. Le tronc interne, plus volumineux, passe en dessous de l’aréole en décrivant une courbe concave en haut ; il gagne ensuite, comme le précédent, la base de la région axillaire en cheminant dans le tissu cellulaire sous-cutané, le long du bord inférieur du grand pectoral, qu’il croise au niveau de la troisième côte. Il reçoit également un ou deux affluents principaux issus de la région inférieure de la glande. (Fig. 1) Ces deux troncs principaux traversent l’aponévrose du creux axillaire après avoir contourné le bord antérieur de la base de l’aisselle, puis se terminent dans un ou deux lymphonœuds placés sur la paroi interne de l’aisselle à l’aplomb de la troisième digitation du grand dentelé. Ces lymphonœuds constituent le groupe supérieur de la chaîne mammaire externe. Les voies accessoires axillaires sont de deux sortes (Fig. 2) : ● la voie transpectorale est composée de lymphatiques qui émergent de la face postérieure du parenchyme de la glande mammaire. Les uns traversent le grand pectoral avec les ramifications des artères thoraciques supérieures et acromiothoraciques, et se rendent aux lymphonœuds sousclaviculaires. Caplan [8] identifie ce pédicule mammaire postérieur ou rétromammaire transpectoral dans 4 % des cas (n = 8/200). Les autres sont satellites des rameaux artériels

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qui perforent le muscle grand pectoral, au dessous du bord inférieur du petit pectoral. Ils se drainent dans les lymphonœuds de l’aisselle. Au long de leur trajet, se situent quelques lymphonœuds intercalaires de Rotter avec une fréquence de 1 % (n = 2/200). Lesquels ont été identifiés dans 11 % des cas (n = 22/200) dans l’étude de Caplan [8]. Ces lymphatiques proviennent d’un quelconque des quatre quadrants de la glande mammaire ; ● la voie rétropectorale est constituée par un ou deux vaisseaux qui contournent le bord inférieur du grand pectoral et montent directement vers les lymphonœuds sousclaviculaires, en passant soit en arrière du petit pectoral, le long de la veine axillaire, soit entre les deux muscles pectoraux. Dans ce cas, on peut rencontrer des lymphonœuds interpectoraux. Cette voie accessoire n’a pas été décrite par Caplan [8]. Rarement, un tronc lymphatique naît de la partie supérointerne de la glande, monte en arrière des muscles pectoraux ou entre ces deux muscles avant de s’engager sous la clavicule pour se drainer dans des relais lymphonodaux sus-claviculaires (Fig. 3). Cette disposition correspond au type V décrit par Mornard [9]. L’auteur a rencontré cette disposition dans 3 % des cas (n = 3/100). Cette disposition, bien que rare, explique les atteintes métastatiques sus-claviculaires directes au cours de l’évolution d’un carcinome mammaire, sans atteinte des lymphonœuds axillaires. Les collecteurs de la voie de drainage mammaire interne naissent de l’extrémité interne du sein. Ils suivent le trajet des artérioles que l’artère mammaire interne envoie à la glande mammaire. Caplan [8] retrouve un pédicule mammaire interne chez 38 % de ses sujets (n = 76/200). Celui-ci peut provenir d’un des quatre quadrants de la glande mammaire avec une légère prédominance pour les deux quadrants internes. Toujours selon les observations de Caplan [8], il existe deux types de pédicules secondaires. Le premier, prépectoral (32 %) parcourt la face antérieure du grand pectoral avant de pénétrer dans ses fibres. Ce pédicule perfore les muscles intercostaux au niveau des 2e (1 %), 3e (9 %), 4e (20 %) et 5e (2 %) espaces intercostaux, puis il se jette dans les lymphonœuds de la chaîne mammaire interne (Fig. 4). Le second, sous-pectoral (6 %), après être sorti de la glande mammaire, se dirige vers le bord inférieur du muscle grand pectoral. Il longe ensuite la face

Tableau 1 Fréquence des différentes voie de drainage lymphatique : revue de la littérature Auteurs, (années) Sappey [6], (1885) Grossmann [22], (1893) Poirier [7], (1902) Mornard [9], (1916)

Rouvière [3], (1932) Caplan [8], (1975)

Voie axillaire principale Décrite 100 % 45 % (n = 45/100) Type 1a Décrite 94,5 % (n = 189/200)

Voies axillaires accessoires ND 10 % (n = 3/30) Décrite 54 % (n = 27/50) Type 3 Décrite 19 % (n = 38/200)

ND : non décrite par l’auteur. a Forme observée de manière bilatérale sur un même sujet dans 25 % des cas (n = 12/50).

Voie sus-claviculaire rétromammaire ND

Voie mammaire interne ND

ND 3% (n = 3/100) Type 5 ND 0,5 % (n = 1/200)

Décrite 16 % (n = 8/50) Type 6 Décrite 36 % (n = 72/200)

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Fig. 3. Voie de drainage sus-claviculaire rétromammaire. (1. Lymphonœuds sus-claviculaires ; 2. Vaisseaux lymphatiques rétropectoraux ; 3. Rameaux lymphatiques perforants)

Fig. 4. Voie de drainage lymphatique mammaire interne. (1. Lymphonœuds parasternaux ; 2. Rameaux lymphatiques perforants).

profonde de ce muscle avant de perforer les espaces intercostaux (Fig. 4), pour rejoindre les lymphonœuds mammaires internes (au nombre de 3,5 par individu et par côté en moyenne [10]). Cette voie de drainage représente le type VI décrit par Mornard [9]. L’auteur l’a rencontré dans 16 % des préparations (n = 8/50). La revue de la littérature concernant l’anatomie modale des voies lymphatiques est présentée dans le Tableau 1. Plus récemment, Hidden et al. [4], ont montré que le drainage lymphatique de la glande mammaire se faisait par deux plexus anastomosés. Le premier, superficiel a déjà été observé depuis 1885 : le plexus sous-aréolaire de Sappey [6]. Le second, profond : le plexus rétromammaire (Fig. 2) s’étale sur la totalité de la face postérieure de la glande. Il se draine essentiellement vers la chaîne ganglionnaire mammaire externe par un canal efférent de gros calibre qui chemine profondément, au contact de l’aponévrose prépectorale. Il existe un réseau lymphatique anastomotique qui unit ces deux plexus selon un axe antéropostérieur. Ces mêmes auteurs précisent que l’origine de la glande mammaire, par invagination d’un bourgeon ectodermique dans la couche adipeuse sous-cutanée, explique qu’elle

paraisse interposée entre le plexus sous-aréolaire et le plexus rétromammaire. Pour démontrer cela, Hidden et al. [4] réalisaient une injection unique de colorant au niveau du plexus sous-aréolaire. Le plexus rétromammaire était coloré dans 100 % des cas (n = 22) grâce à de larges anastomoses entre les deux plexus lymphatiques. Ces observations conduisaient les auteurs à conclure qu’il n’existait dans le sein, ni secteurs, ni quadrants individualisables puisque la totalité du réseau lymphatique glandulaire était toujours injecté par un point de ponction unique. Mornard [9] ayant injecté 100 préparations constatait déjà également au début du siècle, l’absence de territoires lymphatiques systématisés. Au cours de notre travail, l’examen de la face postérieure de la glande après dissection de l’aponévrose prépectorale montrait de manière constante que l’injection réalisée au niveau du plexus sous-aréolaire de Sappey intéressait également l’ensemble du plexus rétromammaire d’où émergeait de fins lymphatiques qui perforaient le grand pectoral (Fig. 5). Ces observations corroboraient les données de Hidden et al. [4]. Au cours de nos observations peropératoires, l’injection de colorant nous a permis de visualiser les canaux lymphatiques perforants dans 60 % des cas (n = 3/5).

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(Au198). Après injection, de forts taux de comptage étaient retrouvés, in vivo, tant au niveau axillaire qu’en regard des lymphonœuds parasternaux, et ce, quelque fut le site d’injection du colloïde radioactif. Dahl-Iversen et al. [10] montraient de manière similaire que des métastases ganglionnaires pouvaient survenir dans le territoire mammaire externe lorsque les lésions siégeaient dans les quadrants internes (16 % ; n = 3/19). Les auteurs retrouvaient également des métastases ganglionnaires mammaires internes dans 12 % des tumeurs externes, et dans 30 % des tumeurs siégeant dans les quadrants internes. Ces nouvelles données indiquaient qu’il n’existait pas, dans le sein, de corrélation entre le quadrant tumoral et la région ganglionnaire de drainage. La chaîne mammaire interne pouvait alors être considérée comme un centre de drainage lymphatique de l’ensemble de la glande, tout comme la chaîne mammaire externe. Fig. 5. Identification peropératoire du plexus rétromammaire.

Notre étude ne nous a pas permis de mettre en évidence les voies de drainage sus-claviculaire et mammaire interne puisqu’il n’était pas réalisée de dissection de ces régions. En revanche, la voie de drainage mammaire externe était disséquée systématiquement pour réaliser l’exérèse du lymphonœud sentinelle, ce qui nous a permis d’observer dans 100 % des cas, une coloration d’un ou plusieurs lymphonœuds de cette chaîne alors même que les injections de colorant n’intéressaient pas les mêmes quadrants mammaires. 4. Discussion 4.1. Évolution de l’état des connaissances anatomiques Le système lymphatique de la glande mammaire est étudié depuis le XVIIIe siècle (Cruikshank, 1786) [11]. Cet auteur fut le premier à observer chez l’homme, un double drainage lymphatique mammaire externe et mammaire interne. Un siècle plus tard, Sappey [6] décrivant les lymphatiques du sein, nia formellement l’existence de vaisseaux lymphatiques postérieurs se drainant dans la chaîne mammaire interne (Tableau 1). Au début du XXe siècle, des études menées sur la dissémination lymphatique du cancer du sein [12] mettaient en évidence le rôle du plexus lymphatique rétromammaire. Ainsi, à la description initiale de Sappey, Poirier [7] ajoutait deux voies de drainage accessoires (Tableau 1). En 1916, Mornard [9] décrivait les lymphatiques du sein et leurs variations en six types. Il était alors admis par les anatomistes que le drainage lymphatique du sein se faisait dans les lymphonœuds axillaires pour les quadrants externes, et dans les lymphonœuds de la chaîne mammaire interne pour les quadrants internes. Dans les années 1950, cette théorie fut contredite par de nombreuses études réalisées in vivo dans le cadre du traitement chirurgical radical du cancer du sein. Hultborn et al. [13] réalisèrent une étude anatomique fonctionnelle des lymphatiques mammaires en injectant, dans différents sites de la glande mammaire, un traceur radioactif

4.2. Anatomie fonctionnelle et technique du ganglion sentinelle Plus récemment, avec l’avènement du prélèvement chirurgical du lymphonœud sentinelle dans le cancer du sein localisé, ces données de la littérature ont été confirmées : ainsi, pour Johnson et al. [14], il semble que la localisation tumorale ne permette pas de prédire la localisation d’une atteinte ganglionnaire quand elle est présente. L’auteur démontre que les tumeurs localisées dans les quadrants externes métastasent parfois dans les lymphonœuds de la chaîne mammaire interne. Pour ce faire, il procède au prélèvement du lymphonœud sentinelle de la chaîne mammaire interne après repérage radioistopique. Un lymphonœud sentinelle mammaire interne est alors identifié chez 7,5 % (n = 6/80) des patientes présentant une tumeur localisée dans les quadrants externes. Chez trois de ces patientes, on observait une atteinte métastatique du lymphonœud sentinelle. La technique actuelle d’identification du lymphonœud sentinelle par méthode radio-isotopique et/ou colorimétrique repose sur des données anatomiques. Il est classiquement préconisé de réaliser une injection d’isotope radioactif et/ou de colorant dans la région périaréolaire [12,15,16], en sousdermique, en regard de l’orientation horaire de la tumeur, et ce, en raison de l’existence du plexus sous-aréolaire de Sappey. De cette manière, et pour les raisons anatomiques déjà décrites, le colorant suit le flux lymphatique jusque dans les lymphonœuds axillaires. Parallèlement, le drainage lymphatique tumoral se fait, via le plexus sous-aréolaire de Sappey, vers les mêmes lymphonœuds, ce qui explique la sensibilité importante de cette technique d’injection périaréolaire [17]. D’autres sites d’injection du traceur ont été étudiés. Ainsi, l’injection de colorant au niveau du parenchyme glandulaire péritumoral [17], ou au niveau sous-dermique à l’aplomb de la tumeur [18], permet d’identifier les mêmes lymphonœuds axillaires que la méthode d’injection périaréolaire, et ce, quelle que soit la localisation tumorale [16,19]. Ces observations fonctionnelles sont clairement expliquées par l’anatomie précédemment décrite.

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4.3. Un nouveau modèle anatomique fonctionnel : apport de la technique du ganglion sentinelle Nous avons dit précédemment que la chaîne mammaire externe comme la chaîne mammaire interne constituaient des lymphocentres où pouvaient se drainer les lymphatiques issus d’un quelconque quadrant de la glande mammaire. Pourtant, tandis qu’une injection de colorant ou de radio-isotope au niveau du plexus sous-aréolaire de Sappey permet d’identifier un ganglion sentinelle de la chaîne axillaire dans 93 [19] à 94 % [17] des cas (98 % pour Pelosi et al. [18]), cette même injection ne permet d’identifier un ganglion sentinelle dans la chaîne mammaire interne que dans 15 % des cas [17] au mieux (Van Der Ent et al. [20] procédant avec la même technique a un taux d’identification de ganglion sentinelle appartenant à la chaîne mammaire interne égal à 0 %, tandis que Johnson et al. [14] retrouvent dans 12 % des cas (n = 10/80) un ganglion sentinelle au sein de la chaîne parasternale). Un modèle anatomique fonctionnel proposé par Shimazu [21], permet d’expliquer ces observations (Fig. 6) : les auteurs démontrent que le drainage lymphatique du plan profond du parenchyme mammaire s’effectue vers la chaîne mammaire interne et vers la chaîne axillaire, tandis que le parenchyme glandulaire superficiel ne se draine que dans la chaîne axillaire (Fig. 6). Dans leur étude, une injection de colorant et/ou de radio-isotope dans le parenchyme profond (en pratique, sous la lésion tumorale) permet d’identifier un lymphonœud sentinelle au sein de la chaîne mammaire interne dans 37,5 % (n = 15/40), tandis qu’une injection périaréolaire, intradermique ou péritumorale ne permet d’identifier un lymphonœud de la chaîne mammaire interne que dans 0 à 4 % des cas (n = 3/70). Par ailleurs, une étude rétrospective menée sur 1297 mastectomies radicales avec curages ganglionnaires mammaires internes, montre que l’atteinte lymphonodale mammaire interne est significative-

ment plus importante (p < 0,005) pour des lésions profondes (23,2 %) que pour des lésions superficielles (15,8 %) [21]. Shimazu et al. précisent que dans le cas de tumeurs profondes présentant une atteinte massive de la chaîne mammaire interne, le drainage lymphatique peut emprunter la voie superficielle pour rejoindre la chaîne axillaire. C’est ce qu’observaient également Johnson et al. [14], puisque dans leur étude, lorsque l’atteinte métastatique touchait les ganglions de la chaîne mammaire interne, les ganglions de la chaîne mammaire externe étaient alors aussi métastatiques. Ces nouvelles données recueillies grâce à l’apport de la technique du lymphonœud sentinelle, incitent à envisager le drainage fonctionnel de la glande mammaire, non pas selon une segmentation en quarts, mais plutôt selon un axe antéropostérieur où la partie superficielle se drainerait dans le creux axillaire comme les anatomistes des siècles passés l’on décrit, et où la partie profonde de la glande se drainerait dans les chaînes mammaire interne et mammaire externe. 5. Conclusion L’anatomie des vaisseaux lymphatique de la glande mammaire est décrite depuis plus d’un siècle. Ces descriptions se sont enrichies progressivement de nouvelles données anatomiques grâce à de nombreux travaux réalisés sur des sujets anatomiques. Parallèlement, l’inflation grandissante de l’incidence du cancer du sein a conduit de nombreux auteurs à mener des travaux anatomiques sur sujets vivants, pour réviser cette même anatomie, non plus uniquement sous un angle descriptif, mais aussi de manière fonctionnelle. Dans ce domaine, l’apport de nouvelles techniques chirurgicales telles que le prélèvement du lymphonœud sentinelle est constructif. Une revue de la littérature récente montre sur ce sujet de nouvelles données anatomiques fonctionnelles, permettant d’expliquer des descriptions anatomiques plus anciennes. Ainsi, les voies de drainage lymphatique mammaire semblent s’organiser de la manière suivante : un premier réseau lymphatique superficiel (déjà décrit par Sappey [6]) draine le parenchyme glandulaire superficiel jusque dans les lymphonoeuds axillaires, et un réseau profond (décrit plus récemment par Hidden et al. [4]) draine le parenchyme glandulaire profond jusque dans les chaînes mammaires interne et externe. Ces données récentes sont d’un intérêt réel, tant anatomique que thérapeutique, et elles constituent un axe de recherche intéressant. Références

Fig. 6. Voies de drainage lymphatique fonctionnel du parenchyme glandulaire (interprétation schématique des résultats de l’étude de Shimazu et al. [21]). (1. Drainage du parenchyme profond vers la chaîne mammaire interne ; 2. drainage du parenchyme profond vers la chaîne mammaire externe ; 3. drainage du parenchyme profond dans la CME, via le réseau lymphatique superficiel ; 4. drainage lymphatique du parenchyme superficiel dans la CME ; a. parenchyme superficiel ; b. parenchyme profond ; c. muscle grand pectoral ; CME : chaîne mammaire externe ; CMI : chaîne mammaire interne).

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