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Le praticien en anesthésie réanimation © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
rubrique pratique Anesthésie pour chirurgie urologique laparoscopique et rétropéritonéoscopique David Vandroux (photo), Jean-Philippe Marsaud, Alain Bougault
D Correspondance : David Vandroux, Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, CHRU Dupuytren, 2 avenue Martin Luther King, 87042 Limoges.
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Points essentiels • Le bénéfice principal des voies cœlioscopiques est la réduction de la morbidité périopératoire et de la durée de séjour à l’hôpital. • La voie laparoscopique permet de minimiser les pertes sanguines au cours des prostatectomies radicales. • La position de Trendelenburg est exagérée pour permettre la vision de l’espace péri-prostatique, avec une baisse de compliance thoracique plus importante que lors d’une intervention viscérale. • La cœlioscopie réduit l’importance des cicatrices de néphrectomie et diminue le retentissement respiratoire secondaire aux phénomènes algiques. • La diffusion du dioxyde de carbone est plus importante en rétropéritonéoscopie qu’en laparoscopie. • La durée de clampage rénal lors de la néphrectomie partielle est un élément majeur du pronostic fonctionnel rénal. • Comme pour les interventions à ciel ouvert, il existe un risque hémorragique.
epuis quelques années, l’évolution des techniques cœlioscopiques a fait modifier la prise en charge des patients opérés en chirurgie urologique (tableau 1). Certaines indications de la cœlioscopie n’ont rien de spécifique par rapport à d’autres interventions (curages ganglionnaires, cure de reflux, calculs urétéraux), mais ce n’est pas le cas des néphrectomies et des prostatectomies radicales. Les avantages de la cœlioscopie dans ces indications sont une diminution des complications respiratoires postopératoires après néphrectomie et une réduction du saignement après prostatectomie.
Prostatectomie radicale La prostatectomie radicale est l’un des traitements du cancer de prostate non métastasé. Ses résultats sont identiques à ceux de la radiothérapie au cours des dix premières années. Elle s’adresse à des patients chirurgicaux (ASA I-II, rarement III) dont l’espérance de vie dépasse dix ans. Réalisée pour la première fois en 1991, la prostatectomie radicale laparoscopique (PRL) s’est rapidement répandue, malgré une courbe d’apprentissage chirurgicale difficile et des durées d’intervention initialement longues (1). Les pertes sanguines sont moindres et la récupération postopératoire est plus rapide.
Tableau 1 Classification européenne des interventions laparoscopiques en urologie. Faciles
Lymphocèle, varicocèle, kyste rénal.
Difficultés moyennes
Néphrectomie pour maladie bénigne, surrénalectomie, prolapsus génito-urinaire, jonction pyélo-urétérale, lithiase urétérale ou pelvienne, réimplantation urétérovésicale, curage ilio-obturateur.
Difficiles
Prostatectomie radicale, néphrectomie élargie, néphro-urétérectomie, néphrectomie partielle, cystectomie, curage ganglionnaire para-aortique.
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Description de l’intervention La PRL s’effectue sous anesthésie générale classique avec intubation et ventilation contrôlée. Deux voies veineuses périphériques de bon calibre sont mises en place. L’installation dépend du type de table d’opération et du matériel disponible. Les membres inférieurs doivent pouvoir être écartés pour un accès rectal. Dans notre établissement, les bras sont placés le long du corps et entourés de draps maintenus par le poids du corps. Un billot ou un drap roulé est disposé au-dessus des épaules pour servir d’appui lors du Trendelenburg et enveloppé d’un drap installé sous le dos du patient. Les points d’appui et de compression sont vérifiés et protégés. Pince d’oxymètre de pouls, brassard pour pression artérielle non invasive et voies veineuses sont vérifiés, fixés et protégés, puis le matelas à air pulsé est installé sur la moitié supérieure du corps. L’insufflation et l’abord peuvent être trans- ou sous-péritonéaux. La dissection de la prostate doit être minutieuse pour éviter une lésion du plexus de Santorini. L’anastomose vésico-urétrale est parfois difficile. La prostate, enveloppée dans un sac, est extraite avant l’exsufflation par une incision pariétale limitée.
Retentissement hémodynamique et respiratoire La cœlioscopie, qu’elle soit intra- ou extrapéritonéale, augmente la pression artérielle et diminue le débit cardiaque par augmentation d’origine humorale des résistances vasculaires périphériques. La résorption du CO2, le pneumopéritoine et l’inclinaison de Trendelenburg ont des répercussions ventilatoires non négligeables. L’expansion pulmonaire est limitée par le poids des organes sousdiaphragmatiques. La baisse de compliance et le risque d’atélectasies basales font recommander l’adjonction d’une pression expiratoire positive de quelques mmHg. Le mode de ventilation en volume contrôlé comporte alors un risque d’hyperpression et l’utilisation d’un mode de ventilation en pression contrôlée à débit décélérant se justifie.
Pertes sanguines La cœliochirurgie est moins hémorragique que la chirurgie traditionnelle. Ainsi, en comparant rétrospectivement les variations de l’hématocrite entre la période préopératoire et le lendemain de l’intervention pour les prostatectomies réalisées dans notre établissement au cours de l’année 2004, on a constaté que les pertes sanguines en ml de globules rouges étaient de 303 +/– 34 pour la prostatectomie cœlioscopique contre 406 +/– 33 pour la prostatectomie ouverte. Notre équipe avait depuis plusieurs années opté pour la réalisation de protocole de transfusion autologue différée (TAD) pour les prostatectomies radicales, sur les critères suivants :
perte de sang d’environ un litre, espérance de vie des patients supérieure à 10 ans, consultation préopératoire des patients pouvant s’effectuer à distance de l’acte grâce au dépistage précoce, à l’évolution lente de la maladie et à la prescription d’antiandrogène. Le taux d’utilisation de nos culots d’autotransfusion a nettement diminué avec l’utilisation de la laparoscopie (tableau 2). Le surcoût calculé sur une année pour l’utilisation du protocole de TAD était de 17 250 euros, pour un bénéfice quasi nul. Nous ne réalisons donc plus de TAD pour les prostatectomies laparoscopiques.
Période postopératoire Le taux de complications postopératoires : lâchage de suture urinaire, hémorragies postopératoires, iléus… diminue avec l’apprentissage (2). La douleur postopératoire est habituellement modérée. Une association paracétamol-néfopam en perfusion discontinue ou paracétamol-AINS durant 48 heures assure l’essentiel de l’analgésie, la morphine n’étant utilisée qu’en ultime recours. Un emphysème sous-cutané, parfois marqué, est fréquent en postopératoire mais il régresse rapidement. Le risque thrombotique (néoplasie, gêne au retour veineux peropératoire) impose une prophylaxie par HBPM durant 15 jours, que nous associons au port de bas de contention dès le début de
Tableau 2 Transfusions effectuées pour des prostatectomies radicales au CHU de Limoges pour l’année 2004. Voie ouverte (n = 35)
Cœlioscopie (n = 33)
26
17
Hb à la consultation
14,6 +/– 0,2
14,5 +/– 0,2
Ht préopératoire
38 +/– 0,5
38,8 +/– 0,6
ns
Durée d’intervention (minutes)
107 +/– 5
209 +/– 9
< 0,01
Estimation des pertes sanguines
406 +/– 33
303 +/– 34
< 0,05
13
2
< 0,05
Autotranfusion différée
Patients transfusés
p
ns
ATD : nombre de patients entrant dans un protocole de transfusion autologue différée ; Hb : hémoglobine en g/dl ; Ht : Hématocrite ; Pertes sanguines en ml de globules rouges estimées selon la formule : 0,7 × poids × (hématocrite préopératoire-hématocrite le lendemain de l’intervention) + 200 ml × nombre de culots transfusés.
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l’intervention. La voie d’abord cœlioscopique ne modifierait pas le risque inhérent à l’intervention (3), même si la déambulation est plus précoce. Aucune étude n’a été réalisée et n’a évalué le risque induit par le pneumopéritoine (diminution du retour veineux) et la durée plus longue de l’intervention.
Néphrectomie Sous le terme de néphrectomie élargie, on désigne actuellement l’ablation du rein tumoral, de la graisse péri-rénale, du fascia de Gerota et des ganglions hilaires. La surrénale peut être légitimement conservée pour des tumeurs éloignées du pôle supérieur, mesurant moins de 60 mm et en l’absence d’anomalie tomodensitométrique.
Technique chirurgicale Comme pour la chirurgie à ciel ouvert, il existe deux voies d’abord possibles du rein par voie cœlioscopique. Parallèlement à la voie d’abord antérieure, le chirurgien peut choisir la laparoscopie (ou voie transpéritonéale) : l’abord est intrapéritonéal, avec création d’un pneumopéritoine, puis on expose le rein par décollement colique. Le patient est positionné en décubitus latéral pour faciliter l’exposition. Le chirurgien peut opter pour une rétropéritonéoscopie, comportant la création d’un espace artificiel entre le rein et le psoas. Cette technique a les mêmes avantages que la lombotomie (espace clos, abord artériel premier) mais le faible espace libéré rend le travail du chirurgien plus complexe. Le patient est installé en position de lombotomie classique, c’està-dire en décubitus latéral avec billot lombaire pour dégager l’espace entre la crête iliaque et les dernières côtes. Le bras homolatéral est mis sur un arceau et les points d’appui sont protégés avec une attention d’autant plus grande que l’intervention peut être longue. Après avoir suivi le psoas, le chirurgien entre dans la loge lombaire et retrouve facilement la veine génitale à gauche, l’uretère, la veine cave inférieure à droite, et le pédicule rénal. Après repérage, il procède à la dissection la plus large possible des vaisseaux afin de clipper puis de sectionner habituellement l’artère en premier lieu, puis la veine. Le pédicule contrôlé, il faut disséquer le rein dans sa loge en séparant le fascia de Gerota du péritoine et de la paroi abdominale. Parfois une brèche péritonéale est créée. L’uretère est sectionné lors de l’abord du pôle inférieur. Systématiquement un curage pédiculaire emporte les ganglions du pédicule rénal. L’extraction se fait dans un sac de bonne dimension introduit par un trocart, via une incision de 6
à 10 cm ne nécessitant pas forcément de curarisation. Une fois l’hémostase vérifiée, la loge lavée, la mini-laparotomie est fermée.
Retentissements respiratoire et hémodynamique La voie transpéritonéale induit des variations hémodynamiques et respiratoires identiques à celles observées pour la chirurgie digestive (fig. 1). Tel n’est pas le cas de la rétropéritonéoscopie où la résorption de CO2 est majorée (4) et où les variations hémodynamiques sont moindres. Au plan respiratoire, la diffusion du CO2 est 3 à 4 fois plus importante que par voie laparoscopique et impose habituellement une hyperventilation. La plupart des néphrectomies cœlioscopiques n’imposant pas de mesure invasive de la pression artérielle (de par la technique mais surtout de par la sélection des indications par le chirurgien), la capnographie est l’élément primordial de la surveillance. Encore faut-il intégrer que la position latérale, la diminution de la compliance par compression de l’hémidiaphragme supérieur, et l’éventuelle baisse du retour veineux vont augmenter l’espace mort physiologique et donc le gradient alvéolo-artériel de CO2. Toutefois, il est toujours possible d’effectuer des gazométries peropératoires. L’utilisation d’une pression d’insufflation
160
IC
140
3 120 100
2,5
80
2
60 40 20 0 DLD
I
FI VES
M3
M10
M30
PAM
Figure 1. Volume d’éjection systolique (VES en ml), index cardiaque (IC en l/min/m2) et pression artérielle moyenne (PAM en mmHg) d’une femme de 47 ans bénéficiant d’une tumorectomie rénale par laparoscopie transpéritonéale. Évaluation par Doppler œsophagien CardioQ®. DLD valeur de base en décubitus latéral avec billot ; I au début de l’insufflation ; FI Insufflation réalisée ; M3 3 minutes après FI ; M10 10 minutes après FI ; M30 30 minutes après FI. Le temps d’éjection corrigé et la fréquence cardiaque ne présentaient pas de variations significatives.
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contrôlée et d’un débit décélérant peut faciliter l’obtention de la normocapnie. Au plan circulatoire, les variations hémodynamiques apparaissent moindres que lors d’un pneumopéritoine. En chirurgie digestive, c’est en théorie le pneumopéritoine qui abaisse le débit cardiaque par gêne au retour veineux et augmentation humorale de la postcharge (la distension du péritoine induit un relargage de vasoconstricteurs tels que l’ADH et les catécholamines). Lors de la rétropéritonéoscopie, la pression intra-abdominale n’augmenterait que modérément, comme l’atteste une étude animale (5). Pour optimiser la volémie, le Doppler œsophagien semble préférable à la mesure de la pression veineusse centrale (6) qui varie avec le décubitus latéral et le pneumopéritoine (voie transpéritonéale).
obèses. La voie d’abord cœlioscopique ne modifierait pas le risque thrombo-embolique inhérent à l’intervention. Dans le service d’urologie de notre établissement, 56 néphrectomies élargies par voie rétropéritonéoscopique ont été réalisées entre 1998 et 2003. Pour un score ASA moyen de II, la durée moyenne de séjour était de 6 jours, la quantité moyenne de morphine délivrée par PCA de 17,4 mg en association avec du paracétamol, et 3 patients ont dû être transfusés. Cinq complications ont été notées dans cette série : un hématome de paroi, deux éventrations, une embolie pulmonaire et un infarctus du myocarde. Il n’y a pas eu de complication respiratoire. À noter l’année suivante un choc hémorragique avec arrêt circulatoire (récupération sans séquelle) survenu à J6, le lendemain de la sortie de la patiente sous HBPM.
Complications périopératoires Il existe un risque de lésion vasculaire, mais différent de celui de la laparotomie. Les plaies artérielles les plus fréquentes sont les plaies de l’artère rénale. Le risque de lésion est essentiellement un risque de lésion cave pour l’abord rénal droit, et on se rapproche alors des risques de la chirurgie ouverte. En cas de lésion cave ou veineuse, le saignement reste relativement faible par tamponnement par la compression secondaire au rétropéritoine mais le risque d’embolie gazeuse devient alors majeur. Enfin, un saignement veineux peut apparaître après l’exsufflation. Une plaie digestive peut être repérée durant l’intervention ou être de révélation tardive ; on l’évoque en postopératoire devant un météorisme, une diarrhée ou des douleurs sur l’orifice de trocart. La diffusion du gaz d’insufflation peut être à l’origine d’un emphysème sous-cutané, surtout pour les interventions prolongées, d’un pneumoscrotum, d’un pneumothorax ou d’un pneumomédiastin. Les complications les plus courantes semblent être les plaies vasculaires et digestives : 2,6 % et 1 % selon l’institut d’urologie Buchanan Brady de Baltimore (7). Pour la même équipe, il n’y a pas de contre-indication particulière chez les patients obèses, sous réserve de modifications techniques mineures, les temps opératoire, de déambulation, d’hospitalisation, les pertes sanguines et la consommation de morphine étant identiques (8). On note toutefois, quoique de façon non statistiquement significative, des taux de conversion et de complications majeures plus importants par rapport au groupe non obèse.
Période postopératoire Le bénéfice théorique de la cœliochirurgie du rein est la réduction du risque de complications respiratoires postopératoires. Les principaux bénéficiaires en seraient les insuffisants respiratoires et les
Néphrectomie partielle L’évolution constante des examens d’imagerie médicale, tant en qualité qu’en quantité, permet de découvrir souvent de façon fortuite un nombre croissant de tumeurs rénales parfaitement asymptomatiques et de petite taille. Ainsi, en 1997, les cancers du rein étaient de découverte fortuite dans 40 % des cas contre 10 % trente ans auparavant. Même avec un rein controlatéral normal, la néphrectomie partielle est devenue l’intervention de référence pour les tumeurs accessibles de moins de 4 cm de diamètre.
Particularités chirurgicales Le but de la technique est de préserver le capital néphronique afin d’éviter une insuffisance rénale terminale. Les indications courantes de néphrectomie partielle sont donc les cancers sur rein unique fonctionnel ou anatomique, les cancers rénaux bilatéraux synchrones et les cancers rénaux avec rein controlatéral à risque de pathologie évolutive pouvant altérer la fonction rénale. D’autres indications s’adressent à des pathologies bénignes : angiomyolipome, lithiase rénale enclavée avec destruction du parenchyme rénal adjacent, complications des duplicités et bifidités excrétrices, tuberculose rénale. L’intervention se réalise parfois en deux temps. Dans un premier temps, on met en place un drainage de la voie excrétrice (sonde urétérale ou sonde double J) en position gynécologique. Le deuxième temps est celui de la néphrectomie partielle. Le patient est installé en position de lombotomie classique comme pour une néphrectomie totale. L’intervention se poursuit par la dilatation de l’espace rétropéritonéal, la dissection puis le clampage de l’artère rénale.
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En effet, pour minimiser les pertes sanguines, on recommande un clampage vasculaire qui peut être partiel, sélectif, avec dissection intra-hilaire ou total par clampage de l’artère rénale à son origine. On ne pratique généralement pas de clampage veineux afin de minimiser l’effet de l’ischémie rénale. On considère qu’un clampage isotherme de moins de trente minutes n’entraîne pas de lésion ischémique chez l’homme. Les pertes néphroniques sont en fait proportionnelles au temps de clampage artériel. Ainsi, un clampage de 50 minutes induit la perte totale de la fonction du rein. Pour palier ce risque, plusieurs moyens ont été mis en œuvre : clampage froid avec environnement rénal glacé, hydratation peropératoire, perfusion de 25 g de mannitol 10 minutes avant le clampage. Des technologies nouvelles permettent de travailler sans clampage (bistouri harmonique Ultracision® ou pince à micro-ondes Ligasure®).
Complications La cœlioscopie réduit considérablement les complications qui découlaient des grandes incisions (abcès de paroi, éventration, éviscération). Les risques peropératoires liés à la laparoscopie ou à la rétropéritonéoscopie sont identiques à ceux de la néphrectomie totale. Le risque hémorragique reste important ; le rein est un organe richement vascularisé (20 à 25 % du débit cardiaque). Les importantes variations anatomiques de la vascularisation rénale imposent un bilan topographique précis obtenu soit par artériographie soit, de nos jours, par scanner spiralé avec reconstruction en trois dimensions ; dans 70 % des cas, le rein est vascularisé par une seule artère hilaire, dans 12 % par une artère hilaire et une branche polaire supérieure, dans 10 % par deux artères hilaires, etc. Le saignement moyen paraît être de 470 ml mais avec d’importants écarts types pouvant imposer transfusions, embolisations sélectives, reprises chirurgicales voire néphrectomies d’hémostase. La fistule urinaire est une autre complication classique de la néphrectomie partielle. Elle découle de l’importance de l’ouverture des cavités excrétrices rénales et de la taille de la tumeur. Elle impose rarement une reprise chirurgicale car la fistule se tarit à l’aide de sondes de drainage urétéral et vésical simple. L’utilisation de colle biologique sur les tranches de section assure une hémostase locale complémentaire et colmate les éventuels pertuis des cavités excrétrices. Une insuffisance rénale postopératoire reste possible, la préservation néphronique étant parfois difficile à obtenir. Le rein peut être lésé de deux manières : par le volume de la néphrectomie partielle ou par ischémie parenchymateuse survenant soit lors du clampage soit par dévascularisation partielle secondaire à la chirurgie. Rappelons que la seule
méthode permettant de diminuer l’incidence de l’insuffisance rénale postopératoire est le maintien d’un remplissage vasculaire adéquat. Il n’est pas retrouvé de complication à long terme telles qu’hypertension artérielle, protéinurie ou détérioration secondaire de la fonction rénale (9). Les taux de survie semblent identiques à long terme entre néphrectomie élargie et partielle pour des tumeurs de même volume.
Curage lymphonodal pelvien Le curage lymphonodal pelvien fait partie du bilan d’extension des néoplasies prostatiques ; il peut être réalisé par voie laparoscopique, soit dans le même temps soit isolément. Les chaînes lymphatiques pelviennes sont emportées ; plus leur nombre est élevé, meilleure est la rentabilité diagnostique mais un curage étendu est grevé d’une morbidité plus importante, poussant actuellement les chirurgiens à un curage limité emportant les chaînes ganglionnaires iliaques internes, dont les ganglions obturateurs. Le curage standard emporte les ganglions iliaques internes, externes et primitifs et le curage étendu emporte en plus les ganglions sacrés. Le curage modifié permet l’exérèse des ganglions lymphatiques iliaques internes, notamment obturateurs, alors que le curage obturateur n’emporte que les ganglions obturateurs. Généralement, on se limite à un curage de type modifié ou obturateur ; le curage est indiqué dans les néoplasies prostatiques localisées ou étendues de stade T3 (10 % d’envahissement lymphatique à ce stade par franchissement capsulaire ou envahissement des vésicules séminales). Les contre-indications du curage ganglionnaire laparoscopique sont essentiellement d’ordre anesthésique, notamment par le retentissement respiratoire que peut avoir le pneumopéritoine chez l’insuffisant respiratoire. La position de Trendelenburg va refouler les viscères, limitant la course diaphragmatique, de même que le pneumopéritoine, imposant parfois une ventilation mécanique en pression contrôlée à débit décélérant. Les antécédents de chirurgie abdominale peuvent, par l’existence d’adhérences et de brides, rendre la dissection difficile et ne permettre qu’un geste chirurgical limité unilatéral. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale, en position de Trendelenburg en décubitus dorsal, jambes maintenues par contention et bras placés le long du corps. L’accès aux organes génitaux est laissé libre afin de permettre un sondage vésical et une traction sur le cordon spermatique pour libérer le canal déférent.
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Complications Il faut principalement se méfier de complications d’ordre hémorragique par lésion vasculaire lors de la dissection, notamment de la veine iliaque externe ou de la veine obturatrice. Généralement, une dissection et une hémostase soigneuses limitent ces hémorragies, mais une plaie passée inaperçue peut être responsable d’une déglobulisation et d’un hématome imposant une reprise chirurgicale. La complication la plus fréquente est le lymphocèle dont la prévention repose sur la pose de clip lymphatique et sur une dissection large et méticuleuse. Souvent asymptomatique et plus fréquente au cours des curages par voie rétropubienne, la lymphocèle impose généralement une ponction/drainage échographique. Enfin, il faut noter de rares plaies digestives avec risque de péritonite secondaire.
Période postopératoire Les suites sont habituellement simples, avec ablation précoce de la sonde urinaire et l’alimentation légère est rapidement réintroduite. Un traitement antalgique parentéral est généralement suf-
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5.
6.
7.
fisant. Une prophylaxie anti-thromboembolique par HBPM est instaurée pendant une dizaine de jours.
Conclusion La cœlioscopie est amenée à se développer en urologie durant les prochaines années. Certaines indications non abordées ici deviendront classiques : prélèvements de rein chez le donneur vivant, cystoprostatectomie, reconstruction vésicale… D’autres pays européens, tel le Royaume Uni ont mis en place des programmes d’apprentissage pour les chirurgiens. Les équipes anesthésiques se heurtent aux mêmes complications qu’en France : hypercapnie, reprises pour hémorragie, variations hémodynamiques (10). Même si les temps opératoires sont allongés, les bénéfices de ces techniques demeurent importants dans le contexte d’une prise en charge périopératoire générale. Remerciements : aux docteurs Nicolas Lesaux et Emmanuel Kessler, chirurgiens urologues, pour leur aide et leurs explications.
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