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Communication brève
Anomalies unguéales révélant une amylose systémique AL Nail abnormalities revealing AL systemic amyloidosis M. Étienne a,∗ , N. Denizon b , H. Maillard a a b
Service de dermatologie, centre hospitalier du Mans, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, France Service d’onco-hématologie, centre hospitalier du Mans, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Anomalies unguéales Amylose systémique Myélome multiple
r é s u m é Introduction. – Les manifestations cutanéo-muqueuses sont présentes dans 29 à 40 % des cas d’amylose systémique AL. Le purpura et la macroglossie sont les signes les plus fréquemment retrouvés. L’atteinte unguéale y est rarement observée. Nous rapportons un cas d’amylose systémique AL révélée par des anomalies unguéales. Observation. – Un homme de 76 ans consultait pour des lésions unguéales évoluant depuis plusieurs mois associant une hyperkératose sous-unguéale, une onycholyse distale et des hémorragies filiformes sousunguéales. Le reste de l’examen dermatologique mettait en évidence un discret érythème purpurique des paupières passées inaperc¸ues. Les explorations complémentaires confirmaient le diagnostic d’amylose systémique associée à un myélome multiple à chaînes légères lambda. Conclusion. – Les anomalies unguéales au cours de l’amylose systémique AL sont rarement décrites. Elles peuvent prendre diverses formes et peuvent parfois être la seule manifestation cutanée de l’amylose systémique. La biopsie cutanée de la matrice unguéale peut permettre de confirmer le diagnostic avec un risque d’onychodystrophie unguéale séquellaire. La biopsie des glandes salivaires semble être la méthode la plus sensible pour diagnostiquer une amylose systémique. © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
a b s t r a c t Keywords: Nail abnormalities AL amyloidosis Multiple myeloma
Introduction. – Mucocutaneous involvement in systemic amyloidosis occurs in 29 to 40%. Purpura and macroglossia are the most frequently signs. Nail involvement is rarely observed. We reported a case of systemic amyloidosis AL revealed by nail abnormalities. Case report. – A 76-year-old-man consulted for nail lesions lasting for several months with subungual hyperkeratosis, distal onycholysis and subungual splinter hemorrhages. The remainder of the dermatological examination highlighted a faint purpuric erythema of eyelid that was overlooked. Further diagnostic work-up confirmed the diagnosis of systemic amyloidosis associated with multiple myeloma lambda light chains. Conclusion. – Nail abnormalities in systemic amyloidosis AL are rarely described. They can take many forms and can sometimes be the only cutaneous manifestation of systemic amyloidosis. Skin biopsy of the nail matrix can confirm the diagnosis with a potential risk of sequela onychodystrophy nail. Labial salivary gland biopsy seems to be the most sensitive method for diagnosing systemic amyloidosis. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
1. Introduction L’amylose systémique AL est la plus fréquente des amyloses. Les signes cutanés et muqueux les plus fréquents de l’amylose systémique AL sont le purpura et la macroglossie décrits respectivement
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Étienne).
chez 15 et 20 % des cas. L’atteinte unguéale est rare et nous rapportons un cas d’amylose systémique AL révélées par des anomalies unguéales. 2. Observation Un homme, âgé de 76 ans, consultait pour des anomalies unguéales évoluant depuis plusieurs mois. Il avait pour principaux antécédents des thromboses veineuses profondes récidivantes
0248-8663/$ – see front matter © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.002
Pour citer cet article : Étienne M, et al. Anomalies unguéales révélant une amylose systémique AL. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.002
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Fig. 3. Érythème purpurique des paupières supérieures.
Fig. 1. Onycholyse distale avec hyperkératose des ongles.
sous classes (IgM : 0,44 g/L, IgG : 5,09 g/L, IgA : 0,34 g/L). Les chaînes légères kappa et lambda étaient respectivement à 4,18 mg/L et à 2147,5 mg/L. Il existait une protéinurie totale à 0,3 g/24 h, de Bence Jones élevée à 43,4 mg/L, constituée de chaînes légères lambda. Les radiographies du crâne et du rachis, du bassin et des fémurs ne mettaient pas en évidence de lésion ostéolytique. L’IRM rachidienne ne retrouvait pas de lésion osseuse suspecte. Il n’y avait pas d’hypercalcémie et la fonction rénale était normale. Le myélogramme mettait en évidence une infiltration de plasmocytes dystrophiques à 10 %. Le diagnostic de myélome à chaînes légères était ainsi confirmé. Un traitement par lénalidomide et dexaméthasone 21 jours sur 28 était débuté. Malgré ce traitement, l’atteinte unguéale et l’érythème purpurique persistaient avec un recul de 18 mois. 3. Discussion
Fig. 2. Hémorragies sous unguéales distales, filiformes.
secondaires à une résistance à la protéine C activée, une maladie athéromateuse diffuse (sténose carotidienne, de l’artère sous-clavière droite) et une épilepsie. Son traitement comprenait simvastatine, fluindione et aspirine à dose anti-agrégante. L’examen clinique révélait une onycholyse distale avec hyperkératose de tous les ongles des doigts (Fig. 1) associées à des hémorragies sous-unguéales distales, filiformes (Fig. 2). Il n’y avait pas de dystrophie unguéale majeure. Ces lésions faisaient discuter l’hypothèse d’une photo-onycholyse aux statines entraînant l’arrêt de la simvastatine. Il n’y avait pas d’onycho-atrophie, ni de ptérygion pour évoquer un lichen unguéal, ni d’acrosclérose pour une sclérodermie. Le type d’atteinte unguéale ainsi que l’absence de lésion cutanée à distance n’était en faveur d’un psoriasis. Les examens immunologiques (anticorps antinucléaires, anticorps anti-DNA, anticorps anti-Scl 70, anticorps anti-SSA et anti-SSB, anticorps anti-centromères) étaient négatifs. La biopsie unguéale était refusée par le patient craignant la douleur et le risque de saignement en raison de la prise d’anticoagulant. Deux mois plus tard, et ce malgré l’arrêt de la simvastatine, les lésions unguéales persistaient et on notait un érythème purpurique des paupières supérieures négligé (Fig. 3). Le diagnostic d’amylose systémique était évoqué. L’examen histologique de la biopsie cutanée profonde périombilicale mettait en évidence des dépôts amyloïdes biréfringents à la coloration par le rouge Congo confirmant le diagnostic d’amylose. L’électrophorèse des protéines sériques montrait une hypogammaglobulinémie à 5,3 g/L avec une baisse de toutes les
L’amylose systémique AL constitue la forme la plus fréquente d’amylose. Elle peut être primitive en rapport avec une prolifération plasmocytaire occulte ou associée à un myélome multiple. Les manifestations cutanées et muqueuses sont observées dans 29 à 40 % des cas d’amylose systémique AL [1]. Les plus fréquentes sont liées à la fragilité capillaire (purpura, pétéchies, ecchymoses) et d’autres liées à l’infiltration des dépôts amyloïdes (macroglossie, papules, nodules) [1,2]. Les anomalies unguéales sont rarement observées. Elles sont peuvent constituer la seule manifestation cutanée au cours des amyloses AL [3]. Ces anomalies peuvent être une atrophie unguéale, des hémorragies filiformes sous-unguéales, des striations longitudinales, une onycholyse, une anonychie partielle ou complète ou encore des paronychies chroniques [4–10]. Dans notre cas, les anomalies unguéales étaient la première manifestation de l’amylose systémique AL. L’association ultérieure à un érythème purpurique des paupières était fortement évocatrice d’une amylose systémique. Le diagnostic a été confirmé par la biopsie de la graisse péri-ombilicale. En cas d’amylose systémique avec atteinte unguéale la biopsie cutanée de la matrice de l’ongle montre également des dépôts amyloïdes, mais entraîne une onychodystrophie séquellaire [6]. Dans le cadre des amyloses systémiques immunoglobulinémiques AL ou réactionnelles AA, le diagnostic d’amylose repose sur l’examen histologique avec la mise en évidence d’une substance extracellulaire amorphe, éosinophile, colorée par le rouge Congo, dichroïque (jaune-vert) en lumière polarisée. La biopsie peut être orientée vers un organe atteint comme le foie, le cœur, le rein, mais avec un risque hémorragique du fait de la fragilité vasculaire. La peau est plus accessible, mais les lésions cutanées spécifiques d’amylose s’observent surtout dans l’amylose primitive AL. Devant le caractère systémique de la maladie amyloïde, plusieurs sites de biopsie systématique ont été évalués pour confirmer ce diagnostic même en l’absence de point d’appel clinique. Il s’agit de la biopsie rectale, de la graisse péri-ombilicale et des glandes salivaires accessoires. La sensibilité de ces trois techniques a été évaluée avec respectivement, selon les séries, une sensibilité de 75 à 85 % pour la
Pour citer cet article : Étienne M, et al. Anomalies unguéales révélant une amylose systémique AL. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.002
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biopsie rectale [11], de 73 à 96 % pour la biopsie de la graisse périombilicale [12–15] et de l’ordre de 86 à 99 % pour la biopsie des glandes salivaires [12,16,17]. L’évaluation de ces différentes techniques pour confirmer la présence de dépôts amyloïdes peut varier selon le type d’amylose. En ce qui concerne l’amylose AL, il a été proposé, après avoir confirmé la production anormale de la chaîne légère, de réaliser une biopsie de la graisse abdominale (sensibilité supérieure à 70 %), puis secondairement une biopsie médullaire (sensibilité supérieure à 85 % avec ce deuxième prélèvement). En l’absence de mise en évidence des dépôts amyloïdes après ces deux prélèvements, il faut envisager la biopsie d’un organe atteint en fonction de l’orientation clinique [18,19]. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Wong CK. Mucocutaneous manifestations in systemic amyloidosis. Clin Dermatol 1990;8:7–12. [2] Modiano P. Amyloses cutanées. Ann Dermatol Venereol 2005;132:62–70. [3] Mancuso G, Fanti PA, Berdondini RM. Nail changes as the only skin abnormality in myeloma-associated systemic amyloidosis. Br J Dermatol 1997;137: 471–2. [4] Fanti PA, Tosti A, Morelli R, Galbiati G. Nail changes as the first sign of systemic amyloidosis. Dermatologica 1991;183:44–6. [5] Blanc D, Kienzler JL, Faivre R, Hory B, Coulon G, Saint-Hillier Y, et al. Amylose primitive systémique avec alopécie et onychodystrophie généralisée. Ann Dermatol Venereol 1982;109:877–80.
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Pour citer cet article : Étienne M, et al. Anomalies unguéales révélant une amylose systémique AL. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.002