Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée

Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée

Presse Med. 2009; 38: 366–376 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue systématique en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/rev...

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Presse Med. 2009; 38: 366–376 ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue systématique

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Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée Antoine Robelet1, Thibaut Caruba1, Aline Corvol2, Dominique Bégué1, Mathilde Gisselbrecht2, Olivier Saint-Jean2, Patrice Prognon1, Brigitte Sabatier1

1. service Pharmacie, Hôpital Européen Georges Pompidou, F-75015 Paris, France 2. service de gériatrie, Hôpital Européen Georges Pompidou, F-75015 Paris, France Reçu le 30 mai 2008 Accepté le 31 juillet 2008

Correspondance :

Disponible sur internet le : 8 novembre 2008

Thibaut Caruba, Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP) - Service Pharmacie, 20, rue Leblanc, F-75015 Paris, France. [email protected]

Summary Antibiotics given subcutaneously to elderly

366

Aim > To find out data of antibiotics efficiency and tolerance given subcutaneously (SC) to elderly. Method > A literature review based on subcutaneous route of antibiotic has been done in PubMedW and Cochrane LibraryW. Results > Seventeen studies about ten antibiotics have been selected. According to HAS recommendations, methodology of these articles is poor: 3 are level B and 14 level C. Only amikacin, ceftriaxon and thiamphenicol have an official mention about SC route. Our literature review indicates that other antibiotics have been injected by SC route sometimes with local complication: gentamicin, netilmicin, tobramycin, sisomicin, cefepim, ampicillin, teicoplanin and ertapenem. Aminoside SC administration seems to be contra-indicated in clinical practice because of skin necrosis. However for other antibiotics, studies reveal poor evidence-based medicine and non specific geriatric patient inclusion. For these reasons, SC route for elderly isn’t recommended. Conclusion > Antibiotics given SC are little documented despite the great interest for elderly. Reasons of administration are often non official mention engaging prescriber responsibility.

Résumé Objectif > Rechercher les données scientifiques d’efficacité et de tolérance des antibiotiques administrés par voie sous-cutanée (SC) chez des patients âgés. Méthode > Une revue de la littérature ciblée sur l’administration SC des antibiotiques chez l’adulte a été réalisée sur PubmedW et Cochrane LibraryW. Résultats > Un total de 17 études a été analysé correspondant à 10 molécules antibiotiques. Le niveau de preuve de ces études est faible : 3 de niveau B et 14 de niveau C, selon la grille de gradation des recommandations de l’HAS. Seuls le thiamphénicol, l’amikacine et la ceftriaxone possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) validant leur utilisation par voie SC. Selon notre analyse de la littérature, d’autres antibiotiques ont été injectés par voie SC avec ou sans complications locales. Il s’agit de la gentamicine, la netilmicine, la tobramycine, la sisomicine, la céfépime, l’ampicilline, la teicoplanine et l’ertapenem. Pour des raisons de nécrose cutanée, il paraît raisonnable de contre-indiquer l’injection de tout aminoside par voie SC. En revanche pour les autres antibiotiques, le faible niveau de preuve des études réalisées et l’inclusion de patients non spécifiques d’un service de gériatrie, ne nous permet pas de « valider » cette voie d’administration pour les sujets âgés. Conclusion > L’administration d’antibiotiques par voie SC est peu documentée malgré le réel intérêt que cette voie d’administration représente pour les personnes âgées. Il s’agit bien souvent d’une prescription hors AMM où le prescripteur engage sa responsabilité.

tome 38 > n83 > mars 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2008.07.018

epuis plusieurs années, l’utilisation de la voie souscutanée (SC) pour l’administration de médicaments ou solutions de réhydratation, appelée hypodermoclyse, connaît un regain d’intérêt [1–3]. En effet, ce mode d’administration offre de nombreux avantages, forts intéressants en gériatrie, à savoir : permettre une administration parentérale alors que la voie per os n’est pas possible, réaliser une administration parentérale par intermittence avec très peu de risque de thrombose, d’embolie gazeuse ou de septicémie comparativement à la voie intraveineuse (IV), assurer une épargne du capital veineux lorsque celui-ci est réduit, réaliser l’hydratation en alternative ou en complément de la voie IV. De plus, d’un point de vue technique, la pose d’une perfusion par voie SC est décrite par les soignants comme un geste facile à réaliser et dont la surveillance peut être effectuée dans un milieu non hospitalier [4,5]. A ce titre elle participe à la réduction de la durée de séjour hospitalier et des coûts de santé. Par ailleurs, la rareté des gros vaisseaux sous-cutanés au niveau des sites habituellement utilisés rend le risque de ponction vasculaire minime et limité à celui de la veine saphène interne. L’apparition de sang lors de l’insertion de l’aiguille devra alors conduire à changer de site d’injection. La littérature médicale présentant des données sur l’administration SC de thérapeutiques souligne surtout la possibilité d’administrer par cette voie des médicaments relevant de la situation des soins palliatifs : morphine, hydromorphone, halopéridol, midazolam [6–12] et peu d’études s’intéressent aux antibiotiques. Suite à plusieurs demandes des équipes médicales de notre établissement pour connaître la faisabilité de l’administration par voie SC de différents antibiotiques, nous avons voulu présenter l’ensemble des données disponibles sur cette classe thérapeutique.

Methode Dans un premier temps, 2 référentiels nationaux ont été consultés : le VidalW 2008 et le POPIW 2007. Ce dernier est le guide de traitement des maladies infectieuses et tropicales élaboré par le Collège des universitaires de maladies infectieuses et tropicales. L’analyse des ces 2 référentiels a permis d’établir la liste de tous les antibiotiques administrables par voie parentérale (IV, IM ou SC) et d’identifier ceux dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) valide officiellement la voie SC. Dans un second temps, nous avons effectué une revue de la littérature à partir des bases de données MedLineW et Cochrane LibraryW. La requête a été réalisée en croisant les mots clés suivant : « subcutaneous » AND « dénomination commune internationale de chaque antibiotique» ; ces 2 mots clés étant recherchés dans le titre et le résumé. Seuls les articles tome 38 > n83 > mars 2009

Resultats L’analyse des 2 référentiels VIDALW 2008 et POPIW 2007 a permis d’identifier 55 principes actifs antibactériens administrables par voie parentérale et répartis en 18 familles. (encadré 1).

Recommandations selon les référentiels nationaux Selon les données issues du VIDALW seuls l’amikacine, la ceftriaxone et le thiamphénicol possèdent une AMM précisant que l’administration par voie SC est possible et validée par des données scientifiques. Pour ces 3 molécules, les laboratoires ont donc présenté aux autorités compétentes des études dont le rapport bénéfice/risque a été favorable avec cette voie d’administration.

Revue de la littérature Quatre cent trente deux articles ont été identifiés lors de cette première recherche parmi lesquels 17 ont été conservés après lecture du titre et du résumé. Les 417 articles rejetés correspondaient à des articles présentant des maladies à localisation sous-cutanée (nodules, emphysème. . .), ou rapportant des infections au décours d’injection SC de médicaments autres que les antibiotiques (cas de l’insuline) mais dont la prise en charge a nécessité le recours aux antibiotiques. Parmi les 17

367

D

concernant l’Homme et publiés en français ou en anglais ont été retenus. La recherche a été effectuée pour tous les articles publiés avant janvier 2008. Cette recherche a été complétée par l’analyse de l’ensemble des références bibliographiques citées dans ces articles. L’analyse des données issues des articles a été standardisée et les informations suivantes systématiquement recueillies: auteur principal, titre, année de publication, lieu de publication, méthodologie, objectifs et principaux résultats. Chaque article a été évalué selon le « guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations » de la Haute autorité de santé (HAS). Ainsi, le niveau de preuve de l’information apportée par chaque article traitant de l’administration SC d’antibiotique a été gradé selon 3 niveaux [13]:  grade A (preuve scientifique e ´ tablie) : recommandation fonde´e sur une preuve scientifique e´tablie par des e´tudes de fort niveau de preuve, par exemple des essais comparatifs randomise´s de forte puissance et sans biais majeur, me´taanalyse d’essais controˆle´s randomise´s, analyse de de´cision base´e sur des e´tudes bien mene´es ;  grade B (pre ´ somption scientifique) : recommandation fonde´e sur une pre´somption scientifique fournie par des e´tudes de niveau interme´diaire de preuve : par exemple, essais comparatifs randomise´s de faible puissance, e´tudes comparatives non randomise´es bien mene´es, e´tudes de cohorte ;  grade C (faible niveau de preuve scientifique) : recommandation fonde´e sur des e´tudes de moindre niveau de preuve par exemple, e´tudes cas-te´moin, se´ries de cas.

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Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée

A Robelet, T Caruba, A Corvol, D Bégué, M Gisselbrecht, O Saint-Jean et al.

Encadre´ 1 Listes des principes actifs antibacte´riens administrables par voie parente´rale Pénicillines

Voie

Céphalosporines

Voie

Benzylpénicilline

IV lente, IM

Céfapirine (C1G)

IV

Benzylpénicilline benzathine

IM profonde

Céfazoline (C1G)

IV, IM

Oxacillline

IV, IM profonde

Céfalotine (C1G)

IV, IM

Cloxacilline

IV, IM

Céfuroxime (C2G)

IV, IM

Amoxicilline

IV, IM

Céfamandole (C2G)

IV, IM

Ampicilline

IV, IM

Céfotetan (C2G like)

IV, IM

Amox + ac clavulanique

IV

Céfoxitine (C2G like)

IV

Ticarcilline

IV, IM

Céfotaxime (C3G)

IV, IM

Ticarcilline + ac clavulanique

IV

Ceftriaxone (C3G)

IV, IM, SC*

Mezlocilline

IV

Ceftazidime (C3G)

IV

Piperacilline

IV, IM

Cefsulodine (C3G)

IV, IM

Piperacilline + tazobactam

IV

Céfépime (C3G)

IV, IM

Cefpirome (C3G)

IV

Carbapénèmes Imipénem

IV, IM

Ertapénem

IV

Méropénem

IV

Monobactams Aztréonam

IV, IM

Macrolides Spiramycine

IV

Gentamicine

IV, IM

Erythromycine

IV

Isépamicine

IV, IM

Clarithromycine

IV

Netilmicine

IV, IM

Amikacine

IV, IM, SC*

Tobramycine

IV, IM

Aminosides

Lincosamides Clindamycine

IV, IM

Lincomycine

IV, IM

Fluoroquinolones Ciprofloxacine

IV

Fosfomycine

Levofloxacine

IV

Fosfomycine

Ofloxacine

IV

Péfloxacine

IV

Imidazolés Métronidazole

IV

Ornidazole

IV

IV

IV

IV

Teicoplanine

IV, IM

Linézolide

IV

Thiamphénicol

IV, IM, SC*

Polymyxine

Acide fusidique Acide fusidique

Vancomycine

Phénicolé

Synergistine Quinupristine/dalfopristine

Glycopeptide

Oxazolidinone

Glycylcycline Tigécycline

IV

IV

Colistine (ou Polymyxine E)

IV, IM

Sulfamide Trimétoprime/sulfametoxazole

IV

368

SC *: voie d’administration SC validée par l’AMM.

tome 38 > n83 > mars 2009

Résultats des articles analysés. Auteur, année [référence]

Type d’étude

Caractéristiques des patients

N

Pharmacocinétique

Tolérance

Niveau de preuve

Plantin et al. 1993 [14]

Etude de cas

Amikacine 15 mg/kg/j en 2 injections voie SC - 7 j

- patient de 85 ans avec infection urinaire - fonction rénale normale

1

ND

Toxicité cutanée

C

Leng et al. 1979 [15]

comparative non randomisée

Amikacine 3 mg/kg en une injection IV pendant 3 j puis 7,5 mg/kg en une injection IM pendant 3 j puis 7,5 mg/kg en une injection SC pendant 3 j

- volontaires sains - âgés de 20 à 45 ans, non obèses - fonction rénale normale

5

- Tmax en SC de 60 à 90 min versus 30 min en IV - biodisponibilité de la voie SC : 54 %

ND

C

Duterque et al. 1985 [16]

Etude de cas Etude de cas

Gentamicine 3 mg/kg/j - voie SC - 15 j Sisomicine ND - voie SC - 10 j

- patient de 45 ans avec un érysipèle de la jambe - anticoagulé par héparinate de calcium - patient de 73 ans avec infection urinaire - anticoagulé

1 1

ND ND

Toxicité cutanée Toxicité cutanée

C C

Penso et al. 1984 [17]

Etude de cas

Gentamicine 160 à 240 mg/ j en 3 injections - voie SC - 16 j

- patient de 77 ans avec pyélonéphrite - anticoagulé par héparinate de calcium

1

ND

Toxicité cutanée

C

Gentamicine 180 mg/j en 3 injections - voie SC - 10 j

- patient de 82 ans avec dermite streptococcique - anticoagulé par héparinate de calcium

1

ND

Toxicité cutanée

C

Etude de cas Taillandier et al. 1984 [18]

369

Antibiotique: posologie – voie d’administrationdurée de traitement

Doutre et al. 1985 [19]

Etude de cas

Gentamicine 240 mg/j en 3 injections - voie SC – 8 j

- patient de 67 ans avec infection post-opératoire - anticoagulé par héparinate de calcium

1

ND

Toxicité cutanée

C

Bernard et al. 1987 [20]

Etude de cas

Netilmicine ND mg/kg en 3 injections - voie SC - 1j

- patient de 85 ans avec fasciite nécrosante streptococcique

1

ND

Toxicité cutanée

C

Revue systématique

Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée

tome 38 > n83 > mars 2009

Tableau I

370

Auteur, année [référence]

Type d’étude

Antibiotique: posologie – voie d’administrationdurée de traitement

Caractéristiques des patients

N

Pharmacocinétique

Tolérance

Niveau de preuve

- anticoagulé par héparinate de calcium Courcol et al. 1986 [21]

comparative non randomisée

Champoux et al. comparative non randomisée 1996 [22]

Babinet et al. 1976 [23]

comparative non randomisée

comparative Melin-Coviaux et al. 2000 [24] randomisée ouverte

Netilmicine 4-5 mg/kg/j en 1 ou 2 injections - voie SC - ND

- patients opérés pour endocardite répartis en 4 groupes : obèses ou non et nombre d’injection SC par jour (1 ou 2)

20 - Tmax : pas de ND différence entre les 4 groupes - Cmax significativement différent en fonction du nombre d’injection quotidien - le facteur « obésité » n’influence pas significativement la pharmacocinétique

C

Tobramycine 80 mg/j en 1 injection – voies SC ou IV - 1j

- volontaires sains - 10 sujets de moins de 50 ans et 10 sujets de plus de 65 ans

20 - Tmax allongé après injection SC par rapport à l’injection IV

Tolérance comparable

C

Tobramycine 1 mg/kg/j en 3 injections– voies IM ou SC - ND

- patients de réanimation - les patients traités par voie SC étaient anticoagulés par héparinate de calcium

73 - Cmax SC < Cmax IM - antagonisme calciparinetobramycine lorsqu’ils sont injectés sur le même.

ND

C

Ceftriaxone 1 g/j en une injection voies SC et IV - 7j

- patients d’âge moyen 86 ans et souffrants de broncho-pneumopathie

26 Cmax SC < à Cmax IV

Bonne tolérance de la voie SC : 1 érythème en SC versus 3 hématomes en IV

B

10 aucune différence sur les paramètres pharmacocinétiques entre les voies IV et SC

Bonne tolérance de la voie SC

B

tome 38 > n83 > mars 2009

Borner et al. 1985 [25]

comparative randomisée ouverte

Ceftriaxone 2 g en IV suivi de 0,5 g IV ou 0,5 g SC par jour – 1j

- patients jeunes (de 22 à 43 ans) - injection SC de lidocaïne quand la ceftriaxone est injectée en SC

Bricaire et al. 1988 [26]

comparative non randomisée ouverte

Ceftriaxone 2 g/j en IV de J1 à J3 puis 2 g/j en SC de J4 à J6

- patients d’âge moyen 8 67 ans souffrant de pyélonéphrite, d’une prostatite ou d’une septicémie

- cinétique de la voie SC plus étalée qu’avec la voie IV : T1h et T24h en IV < à T1h et T24h en SC

Tolérance C médiocre : 1 cas de nécrose cutanée après injection SC

A Robelet, T Caruba, A Corvol, D Bégué, M Gisselbrecht, O Saint-Jean et al.

Tableau I (Suite )

Auteur, année [référence]

Type d’étude

Walker et al. 2005 [27]

comparative non randomisée ouverte

Champoux et al. Etude comparative non randomisée 1996 [22]

Antibiotique: posologie – voie d’administrationdurée de traitement

Caractéristiques des patients

N

Pharmacocinétique

Tolérance

Niveau de preuve

Céfépime 1 g/j en une injection – voies en SC ou IM – 1j

- volontaires sains âgés de 22 à 45 ans

10 profils pharmacocinétiques similaires entre la voie SC et la voie IM

Bonne tolérance de la voie SC

C

Ampicilline 1 g/j en une injection – voies SC ou IV – 1j

- volontaires sains - 12 sujets de moins de 50 ans et 10 sujets de plus de 65 ans

22 Tmax allongé après injection SC par rapport à l’injection IV

tolérance comparable

C

Barbot et al. 2003 [29]

Etude comparative Teicoplanine randomisée ouverte 12 mg/kg/j en 2 injections IV à J1 et J2, puis 6 mg/kg/ j en une injection IV àç J3 et J4 puis 6 mg/kg/j en SC ou en IV – ND

- patients âgés de 18 à 75 ans et souffrants d’une infection nosocomiale - fonction rénale normale

12 pas de différence statistiquement significative sur les paramètres pharmacocinétiques entre les 2 voies

bonne tolérance de la voie SC

B

Frasca et al. 2008 [30]

Etude comparative non randomisée ouverte

- patients âgés de 19 à 82 ans souffrants d’une infection nosocomiale - fonction rénale normale

6

ND

C

Ertapénème 1 g/j en une injection IV jusqu’à l’état d’équilibre, 1 g/j en une injection SC – 7 j ou plus

la Cmax est statistiquement différente entre les 2 voies

N : nombre de patient. Cmax : concentration sérique maximale en antibiotique. Tmax : temps permettant d’obtenir la concentration sérique maximale. T1h : concentration sérique observée une heure après l’injection. T24h : concentration sérique observée 24 heures après l’injection. ND : donnée non précisée dans l’article.

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Revue systématique

Antibiotiques par voie sous-cutanée chez la personne âgée

tome 38 > n83 > mars 2009

Tableau I (Suite )

A Robelet, T Caruba, A Corvol, D Bégué, M Gisselbrecht, O Saint-Jean et al.

articles sélectionnés, 2 ont été exclus de notre analyse. En effet, un article présentait le cas d’une perfusion SC de fosfomycine en pédiatrie et un article a été compté 2 fois car rapportant l’injection SC d’ampicilline et tobramycine. Après lecture des 15 articles, 2 nouveaux articles ont été inclus (un article non référencé sur MedLineW ou Cochrane LibraryW et une communication affichée lors d’un congrès). Au total, 17 articles ont été analysés correspondant à 10 antibiotiques différents. D’un point de vue méthodologique, 6 articles sont des études de cas et 11 articles sont des études expérimentales dont 3 avec randomisation. Le niveau de preuve scientifique de ces 17 articles, selon la cotation de l’HAS, est faible : 3 études de niveau B et 14 de niveau C. (tableau I). Aminosides

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Les aminosides représentent la classe la mieux étudiée. En effet 10 des 17 articles sélectionnés présentent des données sur cette famille d’antibiotique. Ces publications soulignent avant tout la mauvaise tolérance cutanée de cette famille lorsque l’administration se fait par voie SC. Plantin et al. ont rapporté dans une étude de cas, une nécrose chez un patient de 85 ans diabétique insulinodépendant, à fonction rénale normale, souffrant d’une infection urinaire et traité pendant 7 jours par une bithérapie synergique ampicilline – amikacine [14]. Les posologies journalières ont été respectivement 2 g et 15 mg/kg en 2 injections. Malgré des doses conventionnelles d’antibiotiques, des lésions cutanées à type de nodules infiltrés purpuriques de 2 à 4 cm de diamètre évoluant vers des plaques de nécroses sont apparues au point d’injection 10 jours après l’arrêt du traitement. Les lésions ont régressé spontanément en plusieurs semaines. Aucune donnée concernant le suivi thérapeutique de l’amikacine (dosage de la concentration résiduelle) n’a été rapportée dans ce cas. Leng et al. ont été étudié la pharmacocinétique de l’amikacine chez des volontaires sains âgés de 20 à 45 ans après administration IV, IM et SC [15]. Par voie SC l’amikacine a été administrée à la dose unique de 7,5 mg/kg/j. La pharmacocinétique observée avec la voie SC diffère de celle de la voie IV : Tmax allongé avec la voie SC et biodisponibilité de 54 %. Après injection de cette dose non thérapeutique d’amikacine, les auteurs ne rapportent aucun effet secondaire local. Duterque et al. ont également observé l’apparition d’ulcérations nécrotiques profondes après injection SC de gentamicine survenues chez une patiente de 45 ans hospitalisée pour érysipèle et souffrant d’une maladie thromboembolique [16]. L’administration de gentamicine par voie intramusculaire (IM) étant associée à un fort risque d’hématome en raison de son traitement par héparine (dose préventive), il a été décidé d’utiliser la voie SC (posologie de 3 mg/kg/jour pendant 15 jours). A la fin du quinzième jour, des lésions cutanées infiltrées violacées sont apparues au site d’injection (face antérieure de la cuisse). La cicatrisation définitive n’a été

observée qu’après 6 mois. La même observation a été rapportée par Penso et al. chez une patiente âgée de 77 ans après 15 jours d’injection SC de gentamicine à la dose journalière de 160 à 240 mg [17]. L’examen histologique a montré un aspect de congestion vasculaire sans vascularite. Chacune des lésions correspondait à un point d’injection SC de gentamicine. Ces lésions ont nécrosé puis cicatrisé. Taillandier et al. ont rapporté un cas semblable survenue chez une femme de 82 ans après 10 jours d’injection SC de gentamicine à la posologie journalière de 180 mg [18]. Avec moins de précision sur la durée de traitement et la posologie journalière en gentamicine, Doutre et al. ont décrit un cas de nécrose cutanée où le siège des lésion correspondait exactement au site d’injection de cet antibiotique par voie SC [19]. Duterque et al. ont présenté un cas de nécrose cutanée survenue chez une femme âgée de 73 ans souffrant d’une infection urinaire et dont le traitement reposait sur l’injection SC de sisomicine pendant 10 jours; antibiotique non commercialisé en France [16]. Cette patiente étant traitée par de l’héparine la voie sous cutanée a également été préférée. Au treizième jour des lésions cutanées en regard des différents sites d’injection ont été observées et ces dernières ont nécrosé. L’injection SC de netilmicine est également associée à une mauvaise tolérance pouvant se traduire par la survenue de vascularite localisée [20]. La pharmacocinétique de la nétilmicine administrée à la dose de 4–5 mg/kg/j a été évaluée chez 20 patients traités pour une endocardite et répartis dans 2 groupes, obèses ou non [21]. Cette étude souligne la faisabilité de l’administration SC de la netilmicine, sans mettre en évidence de différence statistiquement significative sur les paramètres pharmacocinétiques suivis entre les patients obèses et non obèses. Aucune donnée de tolérance n’est rapportée dans cette étude. La seule molécule appartenant à la famille des aminosides et n’ayant pas été décrite comme mal tolérée par voie SC est la tobramycine [22]. Dans cette étude, la tobramycine a été administrée à la dose unique de 80 mg par voie SC chez des volontaires sains. Le Tmax obtenu après injection SC est retardé par rapport à la voie IV. L’administration SC de tobramycine à dose thérapeutique de 1 mg/kg/j a été évaluée chez 73 patients de réanimation anticoagulé par héparinate de calcium. Cette étude a mis en évidence une Cmax significativement inférieure avec la voie SC qu’avec la voie IM [23]. La Cmax obtenue avec la voie SC avait alors un intérêt clinique relatif car, comme le précise les auteurs, cette concentration sérique était supérieure à la concentration minimale inhibitrice de 8 des 20 souches de Pseudomonas aeruginosa testées. Céphalosporines Deux molécules appartenant à la famille des céphalosporines ont été étudiées, la ceftriaxone et la céfépime. Melin-Coviaux et al. ont réalisé une étude randomisée comparant l’efficacité, tome 38 > n83 > mars 2009

Pénicillines Une étude s’est intéressée à la pharmacocinétique de l’ampicilline chez des volontaires sains [22]. Dans cette étude 10 adultes âgés de moins de 50 ans et 10 adultes de plus de 65 ans (chaque sujet étant son propre témoin) ont reçu à J0 par voie IV tome 38 > n83 > mars 2009

et à J7 par voie SC une injection d’1 g d’ampicilline. Le temps pour atteindre la Cmax a été statistiquement plus long (p < 0.005) lorsque l’ampicilline a été administrée en SC (chez les sujets jeunes : Tmax en SC à 45  18 min versus Tmax en IV à 23  6 min ; chez les sujets âgés : Tmax en SC 49  18 min versus Tmax en IV 27  4 min). De même la SSC a été statistiquement plus importante (p < 0.05) avec la voie SC (chez les sujets jeunes : SSC en SC de 4527  1658 mg/mL versus SSC en IV de 3810  1033 mg/mL ; chez les sujets âgés : SSC en SC de 6795  2094 mg/mL versus SSC en IV de 4217  1518 mg/mL). Les auteurs rapportent avec la voie SC une bonne tolérance et une pharmacocinétique compatible avec une efficacité antibactérienne. Glycopeptides Barbot et al. ont omparé les paramètres pharmacocinétiques de la teicoplanine administrée en SC et en IV selon la posologie de 6 mg/kg/j chez des patients hospitalisés dans une unité intensive de chirurgie [29]. Cette étude randomisée effectuée sur 12 patients ne fait pas apparaître de différence statistiquement significative au niveau du profil pharmacocinétique des 2 voies, bien que le Tmax soit allongé pour la voie SC. Carbapénèmes Récemment, Frasca et al. ont étudié la pharmacocinétique de l’értapénème par voie SC [30]. Les résultats de cette étude ont permis d’observer avec la voie SC un une réduction d’environ un tiers de la Cmax par rapport à la voie IV (43  29 mg/mL versus 115  28 mg/mL et p < 0,01). Cependant, les SSC ont été significativement non différentes entre les 2 voies d’administration avec un rapport SSCSC/SSCIV = 0,99  0,18. Ces résultats ont permis de conclure à la bioéquivalence de l’ertapenem utilisé par voie SC et par voie IV à la dose journalière d’1 gramme.

Discussion L’espérance de vie s’allongeant, de plus en plus de personnes âgées sont hospitalisées pour des infections bactériennes. Ces infections communautaires ou nosocomiales sont particulièrement préoccupantes et sévères chez ces personnes qui, outre une poly-pathologie fréquente, possèdent souvent un capital veineux réduit et un traitement anticoagulant limitant respectivement les injections par IV et par voie IM. Par conséquent, le recours à l’administration des antibiotiques par voie SC est souvent envisagé et parfois effectué alors que l’AMM ne valide pas cette voie d’injection. Selon les données des AMM, seuls le thiamphénicol, l’amikacine et la ceftriaxone peuvent être injectés par voie SC. D’un point de vue clinique le thiamphénicol est très peu utilisé bien que cet antibiotique possède un spectre d’action large. Les 3 principales raisons de ce faible intérêt clinique sont une fréquence accrue de la résistance des entérocoques et des entérobactéries face à cet antibiotique, une action bactériostatique et non bactéricide, et

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la tolérance et la pharmacocinétique de la ceftriaxone par voie SC et IV à la dose de 1 g/jour pendant 7 jours [24]. Chez 26 patients, âgés en moyenne de 82 ans, et atteints de bronchopneumopathie, la tolérance clinique s’est avérée satisfaisante et comparable aux patients traités par voie IV. Concernant les critères pharmacocinétiques aucune différence significative n’a été observée entre la voie SC et la voie IV sur les paramètres demi-vie d’élimination et clairance plasmatique, respectivement 15,1 heures avec la voie SC versus 13,8 heures avec la voie IV et 0,65 L/h avec la voie SC versus 0,70 L/h avec la voie IV. De même, les moyennes des surfaces sous la courbe (notées SSC) sont statistiquement équivalentes, avec respectivement une SSC de 1574  74 mg/h/L avec la voie SC et 1500  103 mg/h/L avec la voie IV. Ceci permet de conclure à la bioéquivalence de la voie SC et de la voie IV. Seule la Cmax entre la voie SC et la voie IV sont statistiquement différentes : 97,3 mg/L versus 146,9 mg/mL (p = 0,003). Cette même conclusion a été rapportée par Borner et al. après avoir administré 0,5 g de ceftriaxone en IV et en SC chez 10 sujets jeunes (de 22 à 43 ans) [25]. Bricaire et al. reviennent sur l’utilisation de la ceftriaxone par voie SC lorsque celle-ci est utilisée à la dose journalière de 2 g [26]. Ils ont administré la ceftriaxone à 8 patients sur 2 périodes : de J1 à J3 en IV, puis de J4 à J6 en SC (chaque patient étant son propre témoin). A partir de la deuxième heure, les taux plasmatiques de la voie SC sont comparables à ceux de la voie IV et compatibles avec une efficacité thérapeutique. La tolérance s’est révélée différente entre les 2 voies d’administration. Tous les patients ont rapporté une tolérance locale médiocre lors des injections SC avec des douleurs au site d’injection. Chez un patient une nécrose cutanée a été observée. Les auteurs concluent que la tolérance peut être améliorée en réduisant la posologie, sachant qu’une dose journalière de 1 g est généralement suffisante dans toutes les indications (sauf en cas de purpura fulminans). L’injection par voie SC de la céfépime a été étudiée par Walker et al. [27]. Après avoir injecté une dose unique de 1 g de céfépime chez 10 volontaires sains, ils ont comparé les paramètres pharmacocinétiques à ceux obtenus après injection de la même dose par voie IM [28]. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les 2 voies d’administration (Cmax moyenne de 36,1 mg/L en SC versus 29,6 mg/L en IM ; SSC de 134,8 mg/h/L en SC versus 137 mg/h/L en IM). Les injections réalisées en SC ont été mieux tolérées que celles faites en IM. En effet, avec la voie SC aucun patient n’a rapporté de douleur ou eu de complication. Cependant, cette posologie de 1 g/j n’a aucun intérêt en pratique clinique.

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l’existence de cytopénie dose-dépendante précoce. L’intérêt clinique de l’administration par voie SC de l’amikacine est faible. En effet, l’administration par voie SC de cet antibiotique à activité « concentration-dépendante » a pour conséquences une mauvaise biodisponibilité et des concentrations plasmatiques inférieures à celles obtenues après injection IM. Il en résulte un risque de perte du pouvoir bactéricide et donc un risque d’inefficacité thérapeutique. Néanmoins, lorsque l’amikacine est injectée par voie SC, il s’agit toujours d’une bithérapie avec bétalactamine dont les objectifs sont d’élargir le spectre antimicrobien, d’obtenir un effet synergique, de prévenir la sélection de mutants résistants et de raccourcir la durée de traitement antibiotique. Dans ce cas, l’amikacine est administrée en une perfusion unique continue de 30 minutes (voir 15 minutes) à la dose de 15 mg/kg/j. La ceftriaxone est l’antibiotique le plus utilisé par voie SC car il possède un très bon profil de tolérance tout en ayant une activité bactéricide à large spectre. Ainsi, la ceftriaxone est indiquée dans le traitement probabiliste des infections respiratoires, urinaires, prostatiques et biliaires de l’adulte et du sujet âgé. Par voie SC la ceftriaxone s’administre en perfusion de 15 minutes après dilution de 1 g dans 50 mL de sérum glucosé à 5 % ou de NaCl isotonique. Les sites d’injection recommandés sont l’abdomen, la face antéro-externe du bras ou la face antéro-externe de la cuisse. Selon notre analyse de la littérature, d’autres antibiotiques ont été injectés par voie SC avec ou sans complications locales. Il s’agit des antibiotiques suivants : gentamicine, netilmicine, tobramycine, sisomicine, céfépime, ampicilline, teicoplanine et ertapenem. La famille des aminosides est la famille qui a été la plus étudiée avec 10 articles, dont 7 rapportant des cas de toxicité cutanée. Même si la méthodologie de ces études est de faible niveau de preuve (niveau C), il paraît raisonnable de mettre en garde tout médecin souhaitant injecter par voie SC un antibiotique de cette famille. A ce titre, Blanc et al. [31] rappellent que les nombreux cas nécrose cutanée observés sont survenus chez des patients traités concomitamment par anticoagulant. Il s’interroge donc sur l’existence d’un possible lien entre les aminosides et les anticoagulants dans le déterminisme de ces lésions. Cependant, nous pouvons nous demander si ce risque de nécrose cutanée est toujours vrai. En effet, il est recommandé aujourd’hui d’injecter les aminosides selon le rythme d’une injection quotidienne alors que dans toutes les études rapportant des cas de nécrose cutanée le rythme était de 2 ou 3 injections quotidiennes. La modification de la pharmacocinétique après injection SC des aminosides, avec une diminution de la Cmax comparativement à la voie IV ou en IM, est un argument supplémentaire pour contre-indiquer cette voie d’administration. En effet, cette diminution de la Cmax après administration SC peut conduire à une perte d’efficacité. Enfin, l’existence d’une d’inhibition entre héparine et aminoside lorsqu’ils sont au contact l’un de l’autre, renforce cette contre-indication d’utilisation de la voie SC [32]. Pour ces

différentes raisons, il nous paraît raisonnable de contreindiquer l’administration des aminosides par voie SC. Les données publiées concernant la tolérance après injection de la ceftriaxone par voie SC sont discordantes. En effet, si pour Bricaire et al. [26] les injections SC sont douloureuses et moins bien tolérées que les injections IV (avec un cas de nécrose cutanée), selon Melin-Coviaux et al. [24] la tolérance est comparable pour les 2 voies d’administration. Cette différence de tolérance observée entre les 2 études peut s’expliquer par une posologie journalière différente: 1 g/j par voie SC avec MelinCoviaux et al. et 2 g/j en SC par voie Bricaire et al. L’administration SC de la ceftriaxone à la posologie de 0,5 g/j n’a été douloureuse pour aucun des patients de l’étude de Borner et al., mais il faut noter que ces derniers avaient tous bénéficiés d’une injection simultanée de lidocaïne et que cette posologie n’a pas d’application clinique. Dans notre pratique gériatrique, l’administration par voie SC de la ceftriaxone est fréquente mais cette dernière est rarement réalisée avec un anesthésique local. L’injection SC de la ceftriaxone nous semble valide au regard des données de pharmacocinétique et de tolérance publiées, même si nous pouvons regretter que ces études ne soient pas spécifiques de la population gériatrique. Pour la céfépime et l’ampicilline les données de tolérance ne rapportent pas de différence entre les voies SC et IV. Cependant, il s’agissait d’études où la durée de traitement n’était que de un jours. Il semble donc inapproprié de conclure à une bonne tolérance après une seule injection SC et ce d’autant plus que ces études étaient réalisées chez des volontaires sains, c’est à dire chez des sujets distincts des patients hospitalisés en gériatrie. De plus, les posologies étudiées (1 g/jour) n’avaient aucune application en pratique clinique. Les données de tolérance observées après injection SC de teicoplanine et d’ertapenem ont pour intérêts d’être issues d’études menées chez des sujets hospitalisés et d’avoir utilisés des doses d’antibiotique en accord avec la pratique clinique. Cependant une fois encore, les patients inclus dans ces études ne correspondaient pas ceux d’un service de gériatrie. Il s’agissait en effet de patients plus jeunes, dont la fonction rénale était normale et dont l’état nutritionnel et l’état du capital veineux n’étaient pas connus. Par conséquent, il nous semble impossible de valider cette voie d’administration pour ces 4 antibiotiques. Il est indispensable que de véritables études cliniques, avec randomisation et menées spécifiquement chez des sujets âgés, évaluent cette voie d’administration. Par ailleurs, les cliniciens réalisant des injections SC doivent connaître les différents facteurs pouvant améliorer la tolérance de cette voie d’administration. Ainsi, il est recommandé de faire varier le site d’injection, d’éviter l’injection de médicament dont les excipients sont connus comme irritant (propylène glycol, glycérine, éthanol. . .) et de préférer l’injection de médicaments iso-osmotiques dont le pH est compris entre 3,5 et 7,5 [33]. Enfin, si l’injection SC d’antibiotique apparaît comme une voie d’administration parentérale simple à réaliser pour le personnel tome 38 > n83 > mars 2009

soignant, sûre et confortable pour le patient, le clinicien ne doit pas perdre de vue les 3 principales limites de cette technique. Premièrement, cette voie d’administration n’a pas d’intérêt dans une situation d’urgence telle l’état de choc. En effet, en raison de la vasoconstriction cutanée associée à cet état, l’injection SC d’antibiotique se révèle inefficace. Deuxièmement, la pharmacocinétique des antibiotiques injectés par voie SC varie de celle observée après injection IV par une faible réduction du Cmax. La pharmacodynamie des antibiotiques à activité bactéricide dits « temps-dépendants » tels que les pénicillines, les céphalosporine, les carbapénèmes et les glycopeptides n’est théoriquement pas influencée par cette modification de Cmax car l’efficacité de ces antibiotiques est liée au temps durant lequel la concentration sérique en antibiotique est supérieure à la concentration minimale bactéricide. En revanche pour les antibiotiques à activité bactéricide dits « concentration-dépendants » tels que les aminosides, la réduction de Cmax observée par injection SC peut théoriquement se traduire par une diminution de leur pouvoir bactéricide. Troisièmement, rappelons que tout prescripteur engage ses responsabilités civile et pénale lors d’une prescription hors AMM. L’administration SC d’un antibiotique ne possédant pas d’AMM pour cette voie d’administration n’en est pas pour autant interdite. Elle est réalisable dès lors que le bénéfice de cette voie est supérieur aux risques encourus et dès lors que le médecin à informer le patient des risques ; la charge de la preuve de cette information pesant sur le médecin.

Conclusion Il existe peu de données scientifiques sur la possibilité d’administrer les antibiotiques par voie SC malgré le réel intérêt que

cette voie d’administration représente pour les personnes âgées, à capital veineux réduit et/ou anti-coagulé. Parmi les 17 études rapportant des données sur l’injection SC d’antibiotique, il est important de noter qu’aucune d’entre elles n’a été réalisée exclusivement avec des patients âgés (> 65 ans). Bien que la littérature rapporte des données de tolérance et/ou pharmacocinétiques suite à l’injection SC d’ampicilline, céfépime, ertapenem et teicoplanine, il nous semble inapproprié de valider cette voie d’administration. Seuls thiamphénicol, amikacine et ceftriaxone possèdent une AMM validant cette voie d’administration. En pratique clinique, l’injection SC de thiamphénicol et d’amikacine est rarement effectuée en raison des risques encourus pour le patient, à savoir respectivement la cytopénie (anémie) et la nécrose cutanée. La ceftriaxone est le seul antibiotique fréquemment injecté par voie SC en service de gériatrie et sa pharmacodynamie ne semble pas modifiée par cette voie d’administration. Dans tous les cas, le prescripteur doit garder à l’esprit que la méthodologie des études évaluant la faisabilité de l’injection SC de ces antibiotiques est modeste. A ce titre, il est regrettable que les laboratoires pharmaceutiques ne réalisent pas de véritables études cliniques évaluant l’intérêt de cette voie d’administration pour les antibiotiques qu’ils commercialisent et dont la(les) voie(s) voie IV et/ou IM sont déjà validées par une AMM. La gériatrie se retrouve donc face à une situation comparable à celle de la pédiatrie : une extrapolation des études cliniques menées chez l’adulte jeune.

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Conflit d’intérêt : aucun

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