BiochemicalSystematicsand Ecology,Vol. 6, pp. 95 to 97.
0305-1978/78/0601-0095502.00/0
© PergamonPress Ltd 1978. Printed in England.
Apport de la Biochimie Flavonique & la Systematique du Genre Lycopodium BERNARD VOIRIN et MAURICE JAY Service de Phytochimie, D~partement de Biologie V~g~tale, U.E.R. des Sciences de la Nature, Universit~ Claude Bernard, Lyon 1,43 Boulevard du 1 1 Novembre 1918, 69621 Villeurbanne, France Key Word Index--Huperzia, Lepidotis, Lycopodium, Diphasium, spp.; Lycopodiales; Pteridophyta; tricin; selgin; chrysoerioh apigenin; luteolin; flavones; chemotaxonomy; phylogeny. A b s t r a c t - - A systematic study of Lycopodium s.I. shows that only flavones occur in the four genera Huperzia,
Lepidotis, Lycopodium s.s. and Diphasium. The arrangement of these taxa is discussed on the basis of the distribution of tricin, selgin, chrysoeriol, luteolin and apigenin. The evolutionary significance of these results and the uniqueness of Lycopodium phenolic metabolism are outlined.
peut reconnaitre pour significatifs les crit~res distinctifs retenus par ses pr~d(~cesseurs. Comme ces deux conceptions nettement distinctes reposent essentiellement sur des crit~res systematiques classiques, il nous a paru int6ressant de les confronter au vu des r~sultats de la biochimie flavonique. Cette etude chimiosyst6matique nous semblait d'autant plus int6ressante que des r~sultats pr61iminaires [7,8] nous avaient laiss6 entrevoir une certaine originalit6 du m~tabolisme flavonique des lycopodes.
Introduction Si la plupart des Botanistes reconnaissent la n6cessit6 de subdiviser le genre Lycopodium s./., leur accord toutefois sur la mani~re dont il convient de scinder ce taxon est loin d'etre unanime. Parmi les conceptions r~centes, celles de Rothmaler [1] et de Wilce [2] apparaissent les plus divergentes. Selon Rothmaler, I'ordre des Lycopodiales dolt 6tre divis~ en deux families Urostachyaceae et Lycopodiaceae: la premiere ne comprend que le genre Huperzia alors que la seconde r6unit les genres L ycopodium s.s., Diphasium, Lepidotis et Phyl/oglossum. Cette subdivision, initialement fond~e sur les particularit6s de Huperzia au niveau des structures de I'appareil vasculaire, de I'organisation de la sporophylle et de la forme du prothalle, se trouve confirm6e par les r6centes donn6es caryologiques: ce genre se caract~rise en effet par une haute polyploidie ( 2 n - 2 6 0 ?) tandis que n apparaft respectivement 6gal ~ 78, 34 et 24-25 chez Lepidotis
cernua, Lycopodium c/avatum, L. annotinum et Diphasium alpinum [3-5], Les etudes conduites par Wilce & la suite de Knox (6) sur la morphologie sporale am~nent le premier auteur ~ proposer une structuration interne totalement diff~rente: un seul genre Lycopodium ~ I'interieur duquel il reconnait trois sous-genres Huperzia, Lepidotis et L ycopodium, ce dernier englobant le groupe Diphaslum; ce regroupement conduisant & la disparition de I'entit6 Diphasium s'appuie non seulement sur les caract~res de I'ornementation sporale mais encore sur le fait que I'auteur ne (Received 1 July 1 977) 95
R6sultats et discussion Les r~sultats des analyses flavoniques de 16 6chantillons de lycopodes d'origines g~ographiques diff6rentes (voir Tableau 1 ) permettent de d6gager des conclusions ~ deux niveaux: (a) Niveau de/'Ordre L'homog~n~it~ de I'ordre des Lycopodiales (Phy//og/ossum exclu car non disponible Iors de la pr~sente etude) est soulign~e d'une part par la presence d'une seuleclasse de flavonoides, les flavones dont une, le chryso~riol(1), se retrouve de mani~re constante dans les 16 6chantillons, d'autre part par I'absence de trois classes flavoniques d'int~ret phylog~n6tique pour les cryptogames vasculaires, proanthocyanes, flavonols et biflavones; (b) Niveau des Genres A I'interieur de la classe chimique pr6cit6e, la diversit6 des esp~ces mol6culaires est telle que chaque entit~ syst6matique trouve son individualitY; c'est ainsi que les repr~sentants du groupe Lycopodium s.s. apparaissent avec la
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BERNARD
TABLEAU
1. D I S T R I B U T I O N
DES F L A V O N O I D E S
Esp~ces
DANS
LE G E N R E
Origines
Huperzia selago (L.) Lepidotis cemua (L.)
B e r n h . ex S c h r a n k et M a r t . S a m o 6 n s F r a n c e Beauv. Guyane Rwanda B i a n o Zaire K i p o p o Zaire Sumatra caro/inianum L. var. affine B i a n o Zaire convoluta Pal. B e a u r . Guadueloupe Diphasium alpinum ( L ) R o t h m . Samoans France Vakketjakko Suede tristachyum ( P u r s c h ) R o t h m . Cantal France Lycopo~ium annotinum L. Samoans France Abisko Suede c/avatum h Sarno6ns France Galapagos B i a n o Zaire
HO
2
HO
O
I
R~
=
OCHs
Rz = H
Chryso@riol
2
R,
=
OH
Rz = H
Lut&oline
R z = OCH~
Seigine
RI =
R2 = H
4
R~ =
OH
Apig~nine
5
RI =
R 2 = OCH3
Tricine
diagnose la plus simple: chryso~riol seul ou accompagn~ de traces de lut~oline(2). Viennent alors les repr~sentants du groupe Diphasiurn avec chryso~riol(1) et apig~nine(3), puis ceux du groupe Lepidotis avec chryso@iol, apig6nine et lut~oline, et enfin Huperzia dont I'unique ~chantillon a montr6 le contenu flavonique le plus complexe: chryso6riol, apig~nine, lut6oline, selgine(4) et tricine(5). La r~partition de cette derni~re flavone peut poser probl#me car elle n'a pu 6tre isol~e quantitativement et de ce fait identifi~e de mani~re certaine que dans deux cas: L. annotinum et H. se/ago. Cette diversit~ des diagnoses flavoniques semble donc constituer un argument suppl6mentaire en faveur de la syst~matique g~n~rique pr~conis~e par Rothmaler. II s'agit d'ailleurs I~ du second apport chimique ~ la conception de cet auteur puisque Braekman et a/. appuient ~galement cette th~orie sur la base
JAY
LYCOPODIUM SL No.
3 1 4 4 4 4 4 1 3 2 1 3 2 3 4 4
Noyau B Flavone* Trisubstitu~ Disubstitu6 Monosubst[tu~ Tricine Selgine Chryso~riol Luteoline Apig~nine + + + ? + ? + ? + + + ? + ? + + + ? + ? -
+ + -
-
+ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + -~ ~+ + + + + + + +
N o . = ( v o i r p a r t i e e x p 6 r i m e n t a l e ) ; * P r o a n t h o c y a n e s , f l a v o n o l s et b i f l a v o n e s s o n t a b s e n t e s s d e c h a q u e e s p ~ c e ; + ? = c o m p o s ~ d ~ t e c t ~ u n i q u e m e n t p a r c h r o m a t o g r a p h i e ; +, + + , + + + = t e n e u r r e l a t i v e c r o i s s a n t e .
RI
V O I R I N ET M A U R I C E
+ + + ? ÷ + + e + + + ?
+ ~- + + + + ~ * + + + + + + + + 4+?
+ + -
-=compos6
non d6tect~;
de leurs r6sultats atcaloidiques [9]. Ces deux arguments biochimiques ont d'autant plus de valeur qu'ils ne peuvent ~tre biog~n~tiquement corral,s, Selon les r~gles g~n~ralement admises de I'~volution flavonique, le niveau 6volutif de I'ordre des Lycopodiales correspond & celui d'un taxon sp~cialis6 puisque I'ensemble des repr~sentants ne poss~de aucun caract~re primitif essentiel mais pr~sente un caract~re avanc~ de remplacement (flavones). Toutefois, partir de ce niveau absolu, il est possible de discerner un certain nombre de degr~s d'~volution relative. De tels degr6s ont d~j~ d'ailleurs 6t6 soulign~s ~ I'aide de crit~res classiques. Ainsi I'absence de strobile organis~, la relative simplicit~ de I'appareil vasculaire, la variabilit6 de comportement du prothalle et la valeur 6levee du nombre chromosomique ont-elles conduit & consid@er Huperzia comme I'esp~ce la plus primitive au sein des Lycopodiales. Or un tel point de vue trouve confirmation au niveau de la biochimie flavonique puisque, la trisubstitution du ph~nyle lateral 6tant consid~r~e comme un caract~re primitif, seule Huperzia poss~de, parmi les esp~ces ~tudi6es, deux compos~s de cette nature en quantit~s appreciables. L'6tude de la r~partition de I'acide syringique au sein des Lycopodiales [10], autre donn~e biochimique, vient en outre, renforcer cette interpretation. Cet acide, compos6 de la lignine des angiospermes et qui, de ce fait, est interpret6 comme un caract~re ~volu~, fait totalement d~faut aux genres Huperzia et Lepidotis alors qu'on le rencontre chez Lycopodium et
Diphasium.
APPORT DE LA BIOCHIMIE FLAVONIQUE A LA SYSTEMATIQUE DU GENRE LYCOPODIUM
Du point de vue biochimique enfin, le metabolisme des Lycopodes presente une double originalite, moleculaire et biogenetique: (a) I'originalite moleculaire reside + / darts la premiere mention, au sein des Pteridophytes, du chrysoeriol et de la tricine; cette derni~re molecule etant d'ailleurs extr~mement rare dans le r~gne vegetal (essentiellement m o n o c o tyledones), + / dans I'isolement d'une flavone nouvelle pour les plantes vasculaires, la selgine (11"), + / dans I'observation d'un certain hombre d'autres flavonofdes particuliers (flavones?) dont les tr~s faibles teneurs nous ont interdit toute identification; (b) I'originalite biogenetique reside dans les caracteristiques suivantes: pour notre part, nous avons souligne I'existence en quanttte appreciable de tricine chez Huperzia et le caract~re faible et aleatoire de sa presence chez Lepidotis, Diphasium et Lycopodium. De leur c6te, Towers et Mass [10] signalent la presence constante de residus syringiques darts les lignines de Diphasium et de Lycopodiurn et leur absence, en particulier, chez Huperzia. Or le noyau B de la tricine est en fait de type syringique. Bien que ce noyau B soit de type syringique et bien que I'unite systematique des Lycopodiales ne puisse etre remise en cause, on ne saurait pour des raisons biogenetiques et surtout phylogenetiques tirer de cette distribution argument en faveur d'une homotogie [1 2], en effet, la tricine temoigne chez Huperzia de la persistance d'un caract~re ancestral alors que la lignine syringique traduit chez Diphasium et Lycopod/um un signe d'evolution. Ce dernier point renforce non seulement I'idee de niveaux evolutifs differents ~ I'interieur du groupe, mais encore laisse entrevoir I'existence de lignees evolutives i n d e p e n d a n t e s - - d o n c d'un phenom~ne de d i v e r g e n c e - - a y a n t c o n d u i t aux types actuels de Lycopodes.
Partie experimentale Les ~chantillons proviennent de r~coltes effectu~es sur le terrain par Monsieur le Professeur Berthet, Lyon *La 3',4',5,7 t~tra-OH 5" OMe flavone pour laquelle nous avions propos~ le nom de s61agine [11] dolt 6tre maintenant d6nomm~e selgine, le terme de s~lagine etant r~serv~ du fait de son ant~riorit~ [9] & un alcalofde.
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(No. 1 ), par Mademoiselle le Professeur Lamoure, Lyon (No. 2) et par nous-meme (No.3) ou d'un envoi de Monsieur le Professeur Braekman, Bruxelles (No. 4). Le materiel v~g~tal subit le traitement hydrolytique classique [13] et les flavonoides sont r~cup~r~s dans une phase ~th~r~e. Apr~s ~vaporation de cette derniere, le r~sidu est chromatographie sur papier Whatman (No. 3) & I'aide d'acide ac~tique 15% pendant 15h. La ou les bandes de fluorescence violette en lumi~re de Wood sont r~cup~r~es et ~lu~es par le MeOH. L'~luat concentr~ est chromatographi~ sur colonne de polyamide Macherey Nagel SC6 suivant la technique que nous avons d~crite [14]. Les fractions flavoniques sont purifiees soit ~ I'aide d'une nouvelle chromatographie sur colonne de polyamide, soit ~ I'aide de chromatographies preparatives sur couches minces de gel de silice Merck dans le solvant Cell rdioxane-AcOH 90:25:4 ou sur couches minces de polyamide DC 11 Macherey Nagel darts le solvant C6H6-MeCOEt-MeOH 4:3:3. Les valeurs chromatographiques et spectrales UV-vis. des produits naturels ont 6t6 compar~es dans chaque cas & celles de compos~s de r6f~rence ou de synth~se. Remerciements--Nous remercions Mr Berthet et Melle Lamoure et tout particuli~rement Mr Braekman pour les r~coltes ou I'envoi d'~chantillons.
Bibliographie
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