Annales de chirurgie plastique esthétique 50 (2005) 296–308
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ARTICLE ORIGINAL
Apport de l’imagerie 3D à la chirurgie mammaire : étude préliminaire 3 D evaluation and breast plastic surgery: preliminary study S. Garson a,*, E. Delay b, R. Sinna a, S. Carton a, T. Delaporte b, K. Chekaroua b a
Service de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, centre hospitalier universitaire d’Amiens, place Victor-Pauchet, 80000 Amiens, France b Service de chirurgie plastique et reconstructrice, centre Léon-Bérard, 28, rue Laennec, 69373 Lyon cedex 08, France Reçu le 23 décembre 2004 ; accepté le 28 avril 2005
MOTS CLÉS Chirurgie ; Sein ; 3D ; Images ; Volume
KEYWORDS Surgery; Breast; 3D; Images; Volume
Résume L’approche tridimensionnelle issue du développement de l’imagerie médicale invasive nous permet aujourd’hui d’obtenir des images spectaculaires de plus en plus précises. Les applications médicales des techniques d’acquisition 3D surfaciques non invasives sont, quant à elles, relativement récentes. Depuis 2003, nous utilisons cette nouvelle approche pour réaliser une évaluation pré- et postopératoire de nos patientes. Les différentes techniques chirurgicales mammaires, allant de la reconstruction mammaire à l’augmentation prothétique en passant par le lipomodelage, ont ainsi été analysées. Cette étude préliminaire a permis la visualisation de dogmes chirurgicaux acquis et de tendre vers des résultats volumétriques objectifs. Ces résultats posent ainsi les bases du développement de l’imagerie surfacique 3D dans notre pratique quotidienne en chirurgie plastique. © 2005 Publié par Elsevier SAS. Abstract Due to the development of the invasive technique of digital exam, the threedimensional results are more and more precise, spectacular and helpful. The 3D surfacic model is for a medical approach and non invasive. Early in 2003, we have started a patient evaluation before and after surgery. The most common surgical techniques from the breast reconstruction to the breast augmentation and the lipomodeling have been analyzed. This preliminary study has shown objectively some surgical rules and volumetric results. Those results are the elements of the future development of the 3D surfacic model in plastic surgery. © 2005 Publié par Elsevier SAS.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Garson). 0294-1260/$ - see front matter © 2005 Publié par Elsevier SAS. doi: 10.1016/j.anplas.2005.04.007
Apport de l’imagerie 3D à la chirurgie mammaire
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Introduction Au cours des années 1980, l’apparition de la tomodensitométrie a modifié définitivement la perception anatomique de l’étude de la maladie. Les médecins n’ont pourtant pas toujours vu dans ces images pixellisées un quelconque intérêt dans notre pratique quotidienne [1]. Force est de constater que l’accélération technologique a permis de franchir des limites que l’on imaginait à peine il y a 20 ans. L’imagerie tridimensionnelle assistée de puissants calculateurs met désormais à notre portée, de manière quotidienne, des résultats graphiques qui rendent les explorations de moins en moins invasives. La chirurgie plastique est par essence l’art de modifier les formes et les volumes. Les mesures restent empiriques, limitées à la prise standardisée de photos 2D et à la prise de mesure centimétrique. La perception des volumes est actuellement le plus souvent subjective. Les mesures de volumes mammaires basées sur des moulages, la poussée d’Archimède, les mesures anatomiques ne font pas l’objet d’applications courantes [2]. De même l’utilisation de méthodes invasives (irradiations), lentes et coûteuses (résonance magnétique) ne permettent pas leur réalisation en pratique courante. Depuis une dizaine d’année, on assiste à l’adaptation de système de mesure surfacique au sein du milieu médical. Cette étude, issue de travaux débutés en 1998, a permis de réaliser le suivi de plusieurs patientes, ayant bénéficié d’une chirurgie mammaire, grâce à cette nouvelle technologie.
Modélisation tridimensionnelle Généralités Les principes de numérisation 3D surfacique ont fait l’objet d’une classification par Goulette [3] (Fig. 1). Il retient quatre principes fondés sur l’utilisation des systèmes mécaniques, de la lumière, d’ondes électromagnétiques ou d’ondes acoustiques : • le palpage ; • la triangulation ; • la télémétrie ; • les méthodes optiques passives. Le principe de triangulation grâce à ces caractères physiques répond à une utilisation médicale, néanmoins trois technologies peuvent être utilisées : • la stéréovision et photogrammétrie ; • la projection laser ;
Figure 1 Ensemble des systèmes d’acquisition tridimensionnelle d’après Goulette.
• la projection de lumière structurée ou interférométrie. La photogrammétrie a beaucoup été utilisée dans les années 1980 pour des évaluations médicales [4]. Elle est désormais obsolète compte tenu du manque de précision et des délais d’acquisitions. L’utilisation du laser en ligne ou profilométrie permet, en revanche, d’obtenir des modèles 3D de grande précision mais avec un risque toujours présent de lésions rétiniennes et d’imprécision, au niveau des phanères (barbes, cheveux) surtout lors d’acquisitions faciales. L’interférométrie consiste à projeter sur l’objet étudié des structures reconnaissables par les algorithmes de modélisation. L’intérêt de ces systèmes est double : ils sont plus rapides que les lasers et l’acquisition des textures est facilitée. Ces interfaces de lumière s’appuient sur la projection de franges binaires (noir et blanc), de grilles et de moiré. Cette dernière technologie est tout à fait adaptée à une utilisation courante compte tenu de sa précision et de son innocuité car il s’agit seulement de photographies et de projections de lumière blanche pour un coût bien inférieur à un scanner ou une IRM.
Principes d’interférométrie L’interférométrie semble pour l’heure le meilleur compromis dans notre domaine médical. Les mesures rapides sur une seconde consistent en la projection séquencée de franges de lumière sur le modèle. Le système utilisé Inspeck® est composé de deux capteurs et de deux logiciels. Les capteurs comportent chacun une caméra digitale et une source de lumière structurée. Les logiciels sont :
298 • FAP’S 4.6® pour la reconstitution tridimensionnelle des modèles ; • EM® pour l’exploitation des données. Le modèle tridimensionnel obtenu est la combinaison de différents paramètres issus de trois images de frange (blanc–noir) sur le modèle. D’origine, la machine génère dans un espace (parallélépipède) qui lui est propre un ensemble de points ou nuage de point. Lors de l’acquisition d’un modèle, la perception de ce dernier par le système (formation d’une courbe de lumière sur un relief) va se traduire par une modification de la position des points. Ils constituent alors les points de référence surfacique du modèle qui présentent chacun une composante vectorielle x y z ou vertex. Des droites joignant ces différents points créent un maillage ou polygones qui ébauchent la structure tridimensionnelle du modèle. Ces polygones sont alors remplis et deviennent des surfaces. Ces surfaces, après lissage, sont recouvertes par la texture du modèle, c’est-à-dire sa photographie couleur pour obtenir un résultat réaliste. Chaque numériseur génère ainsi un modèle. Un processus semi-automatique permet la fusion des deux acquisitions pour obtenir un seul et même modèle. Le résultat est alors exploitable pour analyse.
Étude préliminaire Objectif L’ensemble des patientes prises en charge dans notre unité bénéficie d’une iconographie standard avec des clichés de face, trois quarts et profil. Néanmoins cette approche bidimensionnelle est limitée en particulier pour l’évaluation volumétrique plus délicate. Une visualisation objective tridimensionnelle est nécessaire pour objectiver et affiner nos résultats. Il est cependant obligatoire de valider un protocole de mesure fiable adapté au niveau du sein. Le but de ce travail est de présenter la méthodologie tridimensionnelle utilisée en chirurgie plastique du sein et les résultats préliminaires obtenus.
S. Garson et al. maire : • une augmentation mammaire par implant ; • une reconstruction mammaire par implant ; • l’ensemble des étapes d’une reconstruction mammaire par lambeau de grand dorsal autologue ; • un lipomodelage. Matériel et méthodes Acquisitions Les patientes sont numérisées au sein du laboratoire de recherche morphologique et cognitive du centre Léon-Bérard à Lyon. Deux numériseurs Inspeck® sont couplés à un ordinateur PC Compact® pour traiter les données avec le logiciel FAP’S 4.6®. L’acquisition des deux numériseurs génère deux modèles tridimensionnels qui explorent le côté gauche et droit du buste. Ces deux acquisitions sont fusionnées par un processus semi-automatique pour obtenir un seul modèle 3D du buste complet. C’est ce dernier modèle qui sert de référence pour les mesures ultérieures. Fusion Pour comparer de manière fiable les résultats préet postopératoires ou l’évolution postopératoire d’un résultat, il est indispensable d’obtenir la fusion des modèles la plus précise possible. Cette superposition des modèles s’effectue en fusionnant des zones considérées comme invariantes sur chacun des modèles à l’aide du logiciel EM®. Chaque modèle fusionné est contrôlé en vérifiant la différence de projection de deux modèles. Les résultats sont considérés comme fiables lorsque l’ensemble des zones invariantes choisies ne présente pas de modification de projection (Fig. 2).
Méthodologie Généralités L’ensemble des patientes acquises en 3D, incluses dans cette étude préliminaire, représentent un échantillon des différentes techniques chirurgicales réalisées au sein de notre unité. Nous avons choisi quatre cas cliniques qui illustrent les applications cliniques en chirurgie mam-
Figure 2 Fusion de modèle pré- et postopératoire.
Apport de l’imagerie 3D à la chirurgie mammaire
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Résultats Un échantillon de quatre patientes ayant bénéficié d’une chirurgie mammaire est présenté avec un suivi moyen de 14 mois.
Figure 3 Évaluation des projections postmammoplastie.
Mesures Les résultats obtenus sont exploités de différentes manières. La visualisation combinée en parallèle des deux modèles nous permet de comparer y compris dans des positions inhabituelles comme la vue plongeante ou inférieure du résultat. Il est ainsi possible d’objectiver la vision qu’a la patiente de son décolleté. Chaque acquisition est également mesurée en volume après avoir défini la base mammaire. Le volume correspond à l’espace compris entre la structure sélectionnée et un plan passant par l’ensemble des points périphériques de la zone étudiée. Il est également possible de réaliser des mesures de distance curviligne pour obtenir par exemple la distance sternomamelonnaire ou intermamelonnaire. Enfin, après superposition des deux modèles, il est possible de visualiser en transparence la différence du résultat en 3D. Une échelle colorimétrique montre précisément la projection ou le recul en millimètre des structures anatomiques étudiées (Fig. 3).
Cas no 1 Cette patiente, âgée de 23 ans était désireuse d’une augmentation mammaire. Elle présentait une asymétrie mammaire avec hypotrophie du sein droit. Elle portait de manière quotidienne des prothèses mammaires externes pour faire « bonne figure ». Par voie périaréolaire inférieure, deux implants ronds préremplis de gel de silicone ont été posés en position rétropectorale, associés à droite à une bipartition glandulaire. Les prothèses étaient respectivement de 210 g et 90 g à droite et à gauche. À trois mois le résultat était bon et ne présentait pas de contracture périprothétique. À 18 mois postopératoires, on retrouvait une coque grade 3 à droite, le sein gauche était souple. La patiente, satisfaite, n’était pas désireuse d’une retouche. Les acquisitions ont été réalisées en préopératoire avec et sans prothèses externes, à trois mois puis à 18 mois (Figs. 4–7). Les volumes des deux seins sont mesurés à chaque acquisition (Tableau 1). La mesure des volumes à trois mois répond à l’objectif fixé : obtenir le volume du soutien-gorge combiné à la prothèse externe. Au contrôle des 18 mois, la formation de la coque à droite est contemporaine d’une diminution du volume du sein prothèsé. La superposition des bustes et la différence de projection des modèles retrouvent : • à trois mois, une projection mamelonnaire majorée de 27 mm à droite contre 14 mm à gauche (Fig. 8) ; • à 18 mois postopératoires, à droite la projection de 27 mm prédomine au niveau du segment 2 (Fig. 9).
Figure 4 Vues préopératoire, postopératoires à trois mois et à 18 mois de face.
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S. Garson et al.
Figure 5 Vues préopératoire, postopératoires à trois mois et à 18 mois, inférieures.
• la prothèse droite s’ascensionne de 12 mm au niveau du segment 3 et de 10 mm pour le segment 2. Cas no 2 Cette patiente de 44 ans présentait à droite un carcinome intracanalaire de grade intermédiaire et à gauche un adénocarcinome colloïde infiltrant de 10 mm (SBR 2, ER+, PR+) associé à un CIS intermédiaire. Une mastectomie totale bilatérale avec ganglion sentinelle bilatéral a été réalisée. Le curage axillaire gauche complémentaire est négatif. La radiothérapie complémentaire gauche a été déli-
vrée ainsi qu’une hormonothérapie. La reconstruction a été réalisée un an après la fin de l’irradiation thoracique. Deux prothèses anatomiques préremplies en gel de silicone de 255 g étaient mises en position rétropectorale combinées à deux lambeaux d’avancement abdominal. La reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire (PAM) a été faite six mois postopératoires par dermopigmentation et Skate Flap pour le mamelon. Il n’existe pas de rétraction périprothétique à un an.
Figure 6 Vues préopératoire, postopératoire, à trois mois et à 18 mois, supérieures.
Figure 7 Vues préopératoire, postopératoires à trois mois et à 18 mois, de trois quarts gauche. Tableau 1 Volumes du cas clinique 1. Volume (cc) Sans
Sein gauche Sein droit
261 137
Préopératoire Avec soutien gorge et prothèse externe 400 355
Postopératoire 3 mois
Sans
350 349
359 269
Postopératoire 18 mois Avec soutien gorges
444 396
Apport de l’imagerie 3D à la chirurgie mammaire
301 Tableau 2 Volumes du cas clinique 2. Volume (cc) Sein gauche Sein droit
Figure 8 Différences préopératoires et trois mois.
Figure 9 Différences préopératoires et 18 mois.
Préopératoire 95
Postopératoire 12 mois 375
66
412
Les acquisitions ont été réalisées en préopératoire et à un an postopératoire (Figs. 10–13). L’étude des volumes retrouve : (Tableau 2). À volume égal des implants on retrouve : • à gauche un gain estimé de 24 cc ; • à droite un gain estimé de 91 cc ; • un volume plus important à droite. La projection maximale du sein droit est de 41 contre 31 mm à gauche. Le sillon sous-mammaire est plus haut de 9 mm à gauche (Fig. 14). Cas no 3 Cette patiente âgée de 44 ans a bénéficié un an auparavant d’une tumorectomie associée à un curage axillaire, de la radiothérapie et une hormonothérapie pour un adénocarcinome canalaire infiltrant peu différencié (SBR 2 de 4 cm, RE+ PR+) et CIS canalaire de son sein droit. Elle a présenté une récidive qui a nécessité une mastectomie avec conservation de l’étui cutané avec reconstruction mammaire immédiate par un lambeau de grand dorsal autologue. La reconstruction de la plaque
Figure 10 Vues préopératoire, postopératoire à 12 mois de face.
Figure 11 Vues préopératoire, postopératoire à 12 mois, supérieures.
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S. Garson et al.
Figure 12 Vues préopératoire, postopératoire à 12 mois, inférieures.
Figure 13 Vues préopératoire, postopératoire à 12 mois, de trois quarts droit.
aréolomamelonnaire a été faite dans le même temps opératoire. Le deuxième temps a été réalisé au cinquième mois postopératoire et a consisté en une mammoplastie de symétrisation et un lipomodelage. La pièce de résection de la mammoplastie à gauche était de 195 g. Le lipomodelage du sein droit apportait 238 cc de greffon adipeux.
Figure 14 Différences préopératoire et postopératoire 12 mois.
Les mesures ont été effectuées avant le premier temps opératoire puis à cinq mois juste avant le lipomodelage. Les autres mesures ont été faites à j3, j15 et six mois post-lipomodelage soit 12 mois post-reconstruction (Figs. 15–18). La mesure des volumes retrouve : (Tableau 3). La comparaison des volumes met en évidence : • l’obtention d’une bonne symétrie volumétrique des deux seins ;
Figure 15 Vues préopératoire, postopératoires à cinq mois, 5 mois + j3, 5 mois + j15 et à 12 mois de face.
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Figure 16 Vues préopératoire, postopératoires à cinq mois, 5 mois + j3, 5 mois + j15 et à 12 mois, supérieures.
• la majoration du sein gauche après reconstruction controlatérale ; • l’inadéquation du LGDA autologue avec son amyotrophie dans un premier temps ; • le gain de volume du lipomodelage est superposable avec le volume à j3 (761 contre 735 cc) ; • une prise du greffon adipeux de l’ordre de 66 %. L’étude des mesures mammaires retrouve (Fig. 19) : • une stabilité de la distance sternomamelonnaire pour le sein reconstruit avant lipomodelage ; • un allongement de 10 mm de la distance sternomamelonnaire après lipomodelage ; • une attraction en externe de la PAM reconstruite de 7 mm avant lipomodelage se poursuivant ensuite pour atteindre 17 mm à un an ; • un abaissement de 20 mm de la PAM après mammoplastie. La comparaison pré- et postopératoire montre
(Fig. 20) : • une fonte du LGDA s’accompagnant d’une perte de projection maximale de 14 mm qui s’accompagne en interne d’un élargissement de la base mammaire de 10 mm ; • le gain de projection du lipomodelage se retrouve au niveau du segment 2 et diminue de moitié dès 15 jours pour se reporter au niveau de la PAM et du segment 3 avec un maximum de 14 mm ; • un sein reconstruit final moins projeté de 8 mm au niveau du segment 2, plus large en interne d’environs 10 mm et légèrement ptosé. Cas no 4 Cette patiente âgée de 49 ans a bénéficié en 1981 d’une mastectomie sous-cutanée gauche pour fibroadénome avec reconstruction par prothèse.
Figure 17 Vues préopératoire, postopératoire, à cinq mois, 5 mois + j3, 5 mois + j15 et à 12 mois, inférieures.
Figure 18 Vues préopératoire, postopératoires à cinq mois, 5 mois + j3, 5 mois + j15 et à 12 mois, de trois quarts droit. Tableau 3 Volumes du cas clinique 3. Volume (cc)
Préopératoire
Sein gauche Sein droit
716 732
Postopératoire cinq mois 842 523
Postopératoire 5 mois + j3 647 735
Postopératoire 5 mois + j15 608 686
Postopératoire 12 mois 605 655
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Figure 19 Fusion du résultat postsymétrisation à j3 et postopératoire à 12 mois.
Figure 20 Modification de projection entre le résultat postsymétrisation à j3 et postopératoire à 12 mois.
La prothèse fut déposée en 1985 sur exposition, suivie en 1990 d’une reconstruction par lambeau de grand dorsal musculaire pur sans prothèse pour apporter du volume. La patiente nous consulta secondairement pour améliorer son sein reconstruit sans la pose d’un implant. Un lipomodelage a été proposé en plusieurs séances. Deux séances de lipomodelage sont réalisées à six mois d’intervalle. Le premier prélèvement apportait 146 cc de tissu adipeux. Le second lipomodelage ajoutait 114 cc soit un total de 260 cc en deux séances. Les acquisitions sont faites en préopératoire, 2 et 14 mois postopératoires (Figs. 21–24). La mesure volumétrique des modèles retrouve (Tableau 4) : • la prise du greffon adipeux est de 48 % après la première séance ; • lors du second lipomodelage le gain est de 78 % ; • la prise globale des deux séances est de 61 %. L’étude des mesures mammaires retrouve : • un abaissement de 10 mm de la PAM dès le premier lipomodelage ; • une augmentation de la distance intermamelonnaire de 12 mm à 14 mois postopératoires. La comparaison pré- et postopératoire met en évidence (Fig. 25) : • un gain de projection de 20 mm des zones déficientes qui s’accompagne parallèlement d’un redrapage interne. Les essais de modélisation virtuelle nous ont permis de simuler un résultat pour le sein gauche. Le volume obtenu est de 400 cc soit environ le volume du sein controlatéral. La projection idéale serait d’environ 38 mm, soit 18 mm de plus que notre résultat (Fig. 26).
Figure 21 Vues préopératoire, postopératoires à deux mois et à 14 mois, de face. Tableau 4 Volumes du cas clinique 4. Volume (cc) Sein gauche Sein droit
Préopératoire 203 345
Postopératoire deux mois 273
Postopératoire 14 mois 362
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Figure 22 Vues préopératoire, postopératoires à deux mois et à 14 mois, supérieures.
Figure 23 Vues préopératoire, postopératoires à deux mois et à 14 mois, inférieures.
Figure 24 Vues préopératoire, postopératoire, à deux mois et à 14 mois, de trois quarts gauche.
Discussion Prothèses mammaires
Figure 25 Différence de projection entre le modèle préopératoire et 18 mois.
Comme l’a remarqué Galdino [5], l’imagerie 3D présente un potentiel immense dans notre spécialité. Dans notre exemple, l’acquisition tridimensionnelle s’avère un instrument de mesure implacable qui met en évidence le moindre résultat. Il nous permet de vérifier de manière objective si l’objectif thérapeutique est atteint et de connaître l’évolution des seins. Pour notre cas clinique, l’effet morphologique de la contraction périprothétique droite est iconographié précisément par le système. L’ascension de l’implant associée à sa contraction et à son gain de projection est visualisée nettement. Les protocoles de mesures de volume, désormais fiables, retrouvent également une diminution de volume de 23 % liée à la coque. Cette diminution semble due au rétrécissement des limi-
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Figure 26 Résultat sein gauche après simulation virtuelle de vue supérieure et trois quarts droit.
tissus locaux. Le volume tissulaire est la résultante de la quantité et de la qualité des tissus. La zone mammaire gauche a été irradiée et pourrait être plus atrophiée que la droite. Or le volume préopératoire est plus important à gauche. La différence de volume peut également s’expliquer par la variation de quantité de tissus apportée par le lambeau d’avancement abdominal (LAA). En effet, le LAA gauche était peut être plus petit, le sillon sous-mammaire étant ascensionné de 9 mm et la projection étant moindre de 10 mm.
Figure 27 Ptose du sein symétrisé entre j3 et 12 mois post reconstruction.
tes du sein sous l’effet de la contraction périprothétique et de la fixation de l’implant. L’aire de projection mammaire étant plus petite, le volume s’en trouve diminué. Les mesures 3D pourraient devenir un outil d’aide diagnostique pour faciliter le suivi des patientes implantées en décelant au plus tôt une coque dont la survenue est souvent insidieuse.
Reconstruction mammaire bilatérale différée par prothèse L’évaluation de la symétrie des reconstructions mammaires par acquisition 3D ne semble pas avoir de gain significatif par rapport à l’approche classique [6]. Pour l’heure l’ensemble des algorithmes n’est pas assez précis pour choisir la morphologie de l’implant en fonction de la patiente. Néanmoins, le contrôle postopératoire permet de mettre en évidence des différences de résultats. Pour notre cas clinique, le sein droit est plus volumineux que le gauche. À prothèse égale en l’absence de déformation thoracique, une telle différence s’explique par la différence de volume des
Reconstruction mammaire par lambeau de grand dorsal autologue (LGDA) et symétrisation En reconstruction mammaire, il est nécessaire de conjuguer plusieurs techniques pour apporter un équilibre à la poitrine reconstruite. L’expérience de l’opérateur est primordiale. Cependant serait-il possible d’affiner son jugement avec une évaluation tridimensionnelle ? L’inadéquation entre les deux seins a conduit dans cet exemple à réaliser un geste de symétrisation. Le volume apporté au niveau du sein reconstruit est réparti de manière plus étalée, en particulier en interne, au détriment de la projection de la PAM. La PAM s’excentre progressivement mais sûrement (7 puis 17 mm) sous l’effet de « bride musculaire ». On peut s’interroger sur l’augmentation de volume du sein controlatéral, ce fait est-il lié à de l’œdème ou un développement tissulaire ? La modification de volume postmammoplastie reste modérée. En revanche, la ptose secondaire du sein est parfaitement individualisée avec une chute de 20 mm. Le volume varie peu, mais il se répartit différemment suivant les lois de la gravité avec une balance du segment 2 au segment 3 (Fig. 27). L’optimisation du volume par le lipomodelage du sein reconstruit semble vérifiée.
Apport de l’imagerie 3D à la chirurgie mammaire
Lipomodelage Deux des cas cliniques ont bénéficié d’un lipomodelage sur lambeau de grand dorsal autologue. Instauré dans notre unité depuis 1999, il a permis une amélioration importante des résultats comme l’a montré Sinna [7]. Son travail montre l’apport considérable de la greffe adipocytaire au niveau du lambeau de grand dorsal autologue cependant les méthodes classiques d’évaluation utilisées (examen clinique, photographie numérique) n’ont pas permis de quantifier de manière significative le gain volumétrique et le pourcentage de prise du greffon. Une grande variabilité dans la prise du greffon est observée en fonction des auteurs [8–11]. De nombreux paramètres tels que la préparation du greffon, le site receveur, le site donneur interviennent. Sur ces deux cas, on note un taux de prise global de 66 et 61 %. La résorption s’élève à près de 40 % alors que 30 % étaient prévu. L’expérience clinique nous montre que les zones remaniées fibreuses sont plus difficiles à lipomodeler (Fig. 28). La première séance de lipomodelage du 4e cas clinique avait été effectuée dans un tissu cicatriciel au niveau du segment 3. Le taux de prise est alors de 48 % soit plus de la moitié de résorption. Néanmoins, ce premier lipomodelage a servi de base tissulaire pour le second lipomodelage dont le taux de prise s’est élevé alors à 78 %. Une étude sur un nombre plus conséquent de cas de lipomodelage permettra vraisemblablement de prévoir de manière significative le pourcentage de résorption. Malgré le gain indéniable de volume apporté par le lipomodelage, l’amélioration de la projection ne semble pas être aussi marquée. Dans le 4e cas
307 clinique, le gain de projection a certes été amélioré de 20 mm mais il serait nécessaire de l’augmenter encore de 18 mm pour obtenir une symétrie parfaite. Concernant la forme du sein l’étude montre que le lipomodelage s’associe idéalement avec le LGDA autologue en potentialisant son caractère ptosant. Le gain de poids induit par la pose du greffon adipeux permet une modification de la répartition des volumes du segment 2 au segment 3 en augmentant par la même occasion sa projection même si elle est incomplète.
Conclusion Ce travail montre que l’approche tridimensionnelle permet un excellent suivi des résultats. Cette précision, au-delà de stigmatiser les insuffisances de résultat, offre la base d’une réflexion constructive pour optimiser les techniques et probablement dans l’avenir de les simuler de manière virtuelle. Le support tridimensionnel pourrait être également une excellente interface pour communiquer avec la patiente lors de son suivi post-thérapeutique. La technologie d’interférométrie semble adaptée à notre pratique quotidienne. Le développement proche d’interface logiciel ludique permettra assurément une utilisation aisée des données et une bonne interprétation des résultats. Ces résultats préliminaires devront être validés et confirmés par des séries plus conséquentes. Il sera alors possible de valider l’application clinique de ces systèmes qui apporteront leur contribution au progrès de notre spécialité.
Remerciements « Cette étude a été menée grâce à une subvention de recherche de la Ligue contre le cancer (Comités d’Ardèche, de la Drôme, et de Saône et Loire). Nous adressons tous nos remerciements à ces comités, sans qui cette recherche n’aurait pas pu être menée ».
Références [1]
[2] Figure 28 Modification du lipomodelage à quatre mois d’intervalle : en jaune les zones qui diminuent et en bleu les zones qui augmentent de projection.
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