Artérite pulmonaire à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë

Artérite pulmonaire à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë

C A S C L I N I Q U E © 2004, Masson, Paris Artérite pulmonaire à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë 1 - Service de médeci...

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© 2004, Masson, Paris

Artérite pulmonaire à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë

1 - Service de médecine interne, 2 - Service d’anatomo-pathologie, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (67)

Correspondance : Emmanuel Andrès, Service de médecine interne, Clinique médicale B, Hôpital civil, 1 place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex Tél. : 03 88 11 78 49 Fax : 03 88 11 62 62 [email protected]

Presse Med 2003; 33: 1328-9

Emmanuel Andrès1, 1 Georges Kaltenbach , 2 1 Luc Marcellin , Marc Imler

Summary

Résumé

Acute pulmonary embolism related to pulmonary giant cell arteritis

Introduction Lors de la maladie de Horton, de la maladie de Takayasu et de la polychondrite atrophiante, des vascularites à cellules géantes, pouvant toucher les artères de gros calibre comme l’aorte, les artères iliaques ou les artères pulmonaires, ont été décrites. Nous avons observé une artérite pulmonaire à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë et associée à une maladie de Horton. Observation Une femme de 80 ans a été hospitalisée pour embolie pulmonaire avec cœur pulmonaire aigu. L’évolution a été rapidement défavorable par défaillance cardio-vasculaire. L’examen anatomo-pathologique post-mortem a révélé un aspect de panartérite giganto-cellulaire des artères pulmonaires prédominant en regard du thrombus et évoquant en premier lieu une maladie de Horton. Commentaires Jusqu’à présent, seules 3 observations de maladie de Horton révélée par une obstruction des artères pulmonaires et une embolie pulmonaire ont été rapportées, mais la fréquence d’une telle association risque d’être plus importante, mise en évidence notamment par l’utilisation croissante de techniques d’imagerie métabolique.

Introduction During giant cell arteritis (Horton's disease), Takayasu's disease and atrophic polychondritis, giant cell vascularities eventually involving the large vessels such as the aorta, or iliac or pulmonary arteries have been described. We report a case of giant cell pulmonary arteritis revealed by acute pulmonary embolism and associated with giant cell arteritis. Observation An 80 year-old woman was hospitalised for pulmonary embolism with acute pulmonary heart. Her condition rapidly deteriorated with cardiovascular failure. The post-mortem anatomopathological examination revealed an aspect of giant cell panarteritis of the pulmonary arteries predominating in the thrombus and initially evoking giant cell arteritis. Discussion Until recently, only 3 cases of giant cell arteritis through obstruction of the pulmonary arteries and pulmonary embolism have been reported, but the frequency of such an association may well be greater, notably with the increasing use of metabolic imaging techniques. E. Andrès, G. Kaltenbach, L. Marcellin, M. Imler Presse Med 2004; 33: 1328-9 © 2004, Masson, Paris

Reçu le 14 janvier 2003 Accepté le 30 septembre 2003

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iverses vascularites à cellules géantes peuvent toucher les artères de gros calibre comme l’aorte,les artères iliaques ou les artères pulmonaires. C’est notamment le cas de la maladie de Horton, de la maladie 1 de Takayasu et de la polychondrite atrophiante .Pour ces 3 vascularites, des observations isolées d’artérite pulmonaire à cellules géantes ont été exceptionnellement 2,3 décrites au côté de formes dites idiopathiques . Nous rapportons une observation originale d’artérite à cellules géantes révélée par une embolie pulmonaire aiguë, artérite que nous avons rattachée à une maladie de Horton.

Observation Une femme de 80 ans,caucasienne,était admise pour dyspnée aiguë.Elle n’avait aucun antécédent particulier hormis une hypertension artérielle sévère. Elle avait depuis 2-3 jours une dyspnée au moindre effort, d’aggravation rapide, associée à des œdèmes des membres inférieurs. Elle signalait par ailleurs une altération récente de l’état 1328 - La Presse Médicale

général avec perte progressive de 3 kg et des difficultés à se mobiliser liées à une faiblesse musculaire et à des myalgies prédominant dans les cuisses. À l’examen clinique, on trouvait essentiellement des signes d’insuffisance cardiaque droite avec des œdèmes bi-malléolaires, une turgescence jugulaire et une hépatomégalie. Par ailleurs, on notait une tachycardie à 100/min, une hypotension à 90/60 mmHg et de discrets râles crépitants aux 2 bases pulmonaires.Il existait aussi un fébricule à 38 °C.Les examens para-cliniques orientaient d’emblée vers le diagnostic d’embolie pulmonaire avec cœur pulmonaire aigu. En effet, la gazométrie artérielle montrait une hypoxie à 60 mmHg et une hypocapnie à 32 mmHg. Les D-dimères étaient élevés à 3 fois la normale. Il existait un syndrome inflammatoire : protéine C réactive à 40 mg/L re et vitesse de sédimentation à 100 mm à la 1 heure, et une insuffisance rénale anciennement connue avec une composante fonctionnelle aiguë :urée à 27 mmol/L,créatinine à 160 µmol/L et protéinurie (+) à la bandelette urinaire. L’électrocéardiogramme inscrivait un aspect S1Q3 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1

E.Andrès, G. Kaltenbach, L. Marcellin, M. Imler

et une tachycardie sinusale à 106/min. La radiographie thoracique montrait un aspect d’hypoperfusion globale, surtout au niveau du poumon droit, avec un aspect de “stop” sur l’artère pulmonaire droite. L’échographie cardiaque révélait une dilatation des cavités cardiaques droites avec un retentissement hémodynamique important et une insuffisance fonctionnelle des valves pulmonaire et tricuspide ;l’aorte était strictement normale (sans image d’épaississement des parois, d’anévrisme ou de dissection). Enfin, la scintigraphie pulmonaire montrait une hypoperfusion de la globalité des 2 poumons,associée à de nombreux “defects”de perfusion dans les 2 champs pulmonaires. L’échographie Doppler des membres inférieurs ne révélait pas de thrombophlébite.Le bilan de thrombophilie (antithrombine,protéines C et S,facteur V Leiden,anti-phospholipides et anticoagulant circulant) était négatif, tout comme la recherche d’anomalies immunologiques (facteur rhumatoïde, anticorps antinucléaires, complément hémolytique 50, anticorps anticytoplasme de polynucléaire neutrophile).Le diagnostic d’embolie pulmonaire massive avec cœur pulmonaire aigu étant affirmé, la patiente était mise sous oxygénothérapie (4 L/min), héparine non fractionnée (20 000 UI/24h) et dobutamine (8µg/kg/min) en perfusion continue. En raison de l’état sub-fébrile et du syndrome inflammatoire, et malgré l’absence d’isolement d’un micro-organisme (hémocultures et examen cytobactériologique urinaire négatifs), une antibiothérapie empirique était adjointe par ceftriaxone (1 g/24h).Enfin en présence d’un encombrement bronchique croissant,une corticothérapie par prednisolone (40 mg/24 h) était administrée. L’indication d’une fibrinolyse n’était pas retenue essentiellement à cause de l’âge de la patiente et des antécédents d’hypertension artérielle sévère. L’évolution était rapidement défavorable (en 72 h) avec une défaillance cardio-vasculaire conduisant au décès. L’examen anatomo-pathologique post-mortem montrait la présence d’un volumineux thrombus cruorique impacté au niveau de la bifurcation de l’artère pulmonaire et de multiples embolies périphériques.L’examen histologique de la pièce d’autopsie révélait un aspect de pan-artérite giganto-cellulaire des artères pulmonaires, prédominant en regard du thrombus,évoquant en premier lieu une maladie de Horton, avec un infiltrat inflammatoire polymorphe fait d’une majorité de cellules géantes et riche en macrophages, lymphocytes et polynucléaires neutrophiles,touchant les 3 tuniques du vaisseau, sans nécrose fibrinoïde associée mais avec une destruction des structures élastiques (par ailleurs peu visibles sur les artères pulmonaires saines).Aucun prélèvement n’était réalisé au niveau des artères temporales ou de l’aorte.

Discussion Dans notre cas, le diagnostic d’artérite pulmonaire à cellules géantes ne souffre d’aucune discussion, reposant sur les données de l’examen histologique post-mortem.Par contre,le diagnostic de maladie de Horton peut prêter à discussion et être notamment mis en balance au regard des données de la littérature avec celui de polychondrite atrophiante ou d’artérite pulmonaire à cellules géantes 1-3 idiopathique . Dans le contexte – femme âgée caucasienne, avec 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 1

un examen clinique normal des vaisseaux périphériques –, le diagnostic de maladie de Takayasu nous semble peu probable. Soulignons que nous avons porté le diagnostic de maladie de Horton même si,stricto sensu,la patiente ne remplit pas les critères de clas4 sification de l’American College of Rheumatology (ACR) . Néanmoins,nous avons retenu le diagnostic de maladie de Horton sur les éléments cliniques, à savoir âge, amaigrissement, fébricule, atteinte de la ceinture pelvienne et syndrome inflammatoire, et les données histologiques : pan-artérite à cellules géantes, infiltrat polymorphe, 4 sans nécrose fibrinoïde et destruction des structures élastiques . Le diagnostic de polychondrite atrophiante a été éliminé devant l’absence de signes de chondrite et d’aortite sur l’iconographie. L’atteinte des artères pulmonaires dans la maladie de Horton a été rapportée dans de rares observations,ces observations étant plus ou 4 moins bien documentées . À notre connaissance, seules 3 observations de maladie de Horton révélée par une obstruction des artères 5-7 pulmonaires et une embolie pulmonaire ont été rapportées . Cependant,il faut souligner que les manifestations respiratoires de la maladie de Horton sont probablement sous-estimées car partielle4 ment méconnues et que la maladie de Horton n’est pas une cause classique, donc forcément cherchée, d’embolie pulmonaire. Néanmoins, il faut remarquer que cette donnée va peut-être rapidement changer,en raison de l’utilisation croissante de techniques d’imagerie métabolique (PET scanner au 18 FDG) permettant d’avoir une vue d’ensemble des atteintes de l’arbre vasculaire dans la maladie de Hor4 ton . Notons aussi que la plupart des auteurs insistent actuellement sur la nécessité d’un bilan vasculaire complet et d’un suivi attentif des maladies de Horton (risque d’anévrisme et de dissection aor4 tique) ,ce qui fait que les atteintes systémiques (donc pulmonaires) seront peut être mieux détectées.Enfin,sur le plan thérapeutique,il faut souligner que notre patiente a eu, en plus des anticoagulants, une corticothérapie per os qui,bien “qu’intempestive”,était à doses actives (équivalent de 0,7 mg/kg/24 h), mais qui s’est révélée inefficace sur les manifestations pulmonaires de sa maladie de Horton. Ainsi,même s’il convient d’être prudent sur les conclusions à tirer de ce fait, il nous semble utile de s’interroger d’emblée sur la place en première intention des bolus de méthylprednisolone, voire des immunosuppresseurs,dans les cas d’obstruction des artères pulmonaires de la maladie de Horton. ■ Références 1 Kahn MF, Peltier AP, Meyer O, Piette JC. Maladies et syndromes systémiques. Médecine – Sciences Flammarion ; 2000. 2 Masuda S, Ishii T, Asuwa N, Ishigawa Y, Kiguchi H. Isolated pulmonary giant cell vasculitis. Pathol Res Pract 1994 ; 190 : 1095-100. 3 Okubo S, Kunieda T, Ando M, Nakajima N, Yutani C. Idiopathic isolated pulmonary arteritis with chronic cor pulmonale. Chest 1988 ; 94 : 665-6. 4 Praderio L, Di Comite G, Saporiti N. Polymyalgia rheumatica and giant-cell arteritis. N Engl J Med 2002 ; 347 : 2083-5. 5 Landrin I, Chassagne P, Bouaniche M et al. Thrombose des artères pulmonaires dans la maladie de Horton. À propos d’un nouveau cas et d’une revue de la littérature. Ann Med Int 1997 ; 148 : 315-16. 6 Chassagne P, Gligorov J, Dominique S. Pulmonary artery obstruction and giant cell arteritis. Ann Med Int 1995 ; 122 : 732. 7 Radhamanohar M. Multiple pulmonary infarctions caused by giant cell arteritis. Postgrad Med J 1991 ; 67 : 491. La Presse Médicale - 1329