Baisse de l’acuité visuelle d’aggravation rapide chez une patiente de 61 ans

Baisse de l’acuité visuelle d’aggravation rapide chez une patiente de 61 ans

Rec¸u le : 4 septembre 2013 Accepte´ le : 8 septembre 2015 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Quel est votre diagnostic...

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Rec¸u le : 4 septembre 2013 Accepte´ le : 8 septembre 2015

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com



Quel est votre diagnostic ?

Baisse de l’acuite´ visuelle d’aggravation rapide chez une patiente de 61 ans S. Koukia,*, M. Guerfela, M. Ben Ammarb, S. Bouguerraa, M. Alouia, A. Fadhela, M. Landoulsia, Y. Arousa, H. Boujemaaa, N. Ben Abdallaha a Service de radiologie, hoˆpital militaire principal d’instruction de Tunis, 1008 Montfleury, Tunisie b Service de neurochirurgie, hoˆpital militaire principal d’instruction de Tunis, 1008 Montfleury, Tunisie

Observation Une patiente aˆge´e de 61 ans, sans ante´ce´dent pathologique notable, pre´sente une baisse de l’acuite´ visuelle rapidement progressive e´voluant depuis vingt jours. L’examen physique re´ve`le un ptosis gauche associe´ a` une baisse de l’acuite´

visuelle a` 1/10 des deux coˆte´s. Le bilan hormonal montre un hypopituitarisme. La prote´ine C re´active est e´leve´e dans le sang. Une imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) est alors re´alise´e avec des se´quences centre´es sur la re´gion hypophysaire en ponde´ration T2 (fig. 1), en ponde´ration T1 en contraste spontane´ (fig. 2).

Figure 1. IRM coupe coronale ponde´re´e T2 centre´e sur la re´gion sellaire.

Figure 2. IRM coupe coronale ponde´re´e en T1 centre´e sur la re´gion sellaire, en contraste spontane´.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (S. Kouki).

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http://dx.doi.org/10.1016/j.frad.2015.09.001 Feuillets de radiologie 2015;55:365-367 0181-9801X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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S. Kouki et al.

Diagnostic Abce`s hypophysaire a` staphylocoque.

Analyse de l’imagerie L’IRM met en e´vidence un volumineux processus expansif intra- et suprasellaire, bien limite´ discre`tement he´te´roge`ne en hypersignal T2, en hyposignal en T1 entoure´ d’un lisere´ pe´riphe´rique discontinu en hypersignal. Les se´quences re´alise´es apre`s injection intraveineuse de gadolinium montrent un rehaussement pe´riphe´rique en couronne du processus expansif (fig. 3). Ce processus refoule en haut et comprime la tige pituitaire le chiasma optique (fig. 3B). La patiente est ope´re´e par voie trans-sphe´noı¨dale. L’abord de la selle turcique

Figure 3. IRM coupe coronale (A) et sagittale (B) en T1 centre´es sur la re´gion sellaire apre`s injection de Gadolinium montrant un processus expansif intra- et suprasellaire bien limite´ par une fine couronne re´gulie`re rehausse´e par le gadolinium correspondant a` la coque de l’abce`s qui refoule en haut la tige pituitaire le chiasma optique (fle`che).

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Feuillets de radiologie 2015;55:365-367

rame`ne du pus e´pais e´vacue´ et adresse´ pour examen bacte´riologique. Il s’agissait d’un abce`s hypophysaire a` staphylocoque. La patiente est mise sous antibiothe´rapie par voie intraveineuse associe´e a` une substitution hormonale. L’e´volution est marque´e par l’ame´lioration progressive de l’acuite´ visuelle.

Discussion L’abce`s hypophysaire a` pyoge`ne est une affection rare pouvant mettre en jeu le pronostic vital et fonctionnel du patient. Seule une centaine de cas e´taient rapporte´s dans la litte´rature [1]. La pre´sentation clinique est souvent polymorphe et fruste. Les signes les plus re´ve´lateurs sont les ce´phale´es (94 %), les troubles visuels (65 %) ou le syndrome me´ninge´ (45 %) [1,2]. Certain facteurs pre´disposant tels qu’un diabe`te, une he´mopathie ou un traitement immunosuppresseur ne sont retrouve´s que chez 10 % des patients [1]. L’abce`s hypophysaire survient soit sur une hypophyse saine, a` partir d’un foyer infectieux local ou syste´mique, soit sur une hypophyse pathologique (ade´nome, kyste de la poche de Rathke, craniopharyngiome). L’abce`s hypophysaire peut eˆtre iatroge`ne dans les suites ope´ratoires neurochirurgicales [3]. Le diagnostic de l’abce`s reste difficile en pre´ope´ratoire car sa se´me´iologie est non spe´cifique et polymorphe. L’IRM reste l’examen cle´ sans permette la certitude diagnostique qui est fournie par l’examen bacte´riologique et anatomopathologique. Le protocole d’exploration en IRM comporte des se´quences multiplanaires en ponde´ration T2, T1 sans et avec injection de gadolinium. L’abce`s est hypo- ou iso-intense en ponde´ration T1. L’ hyperintensite´ en T2 est en faveur d’une ne´crose locale [2]. La couronne pe´riphe´rique spontane´ment hyperintense en T1 e´tait retrouve´e dans trois observations de la litte´rature et c’e´tait le cas de notre patient (fig. 4) [3]. Elle serait secondaire a` l’effet paramagne´tique de certaines substances produites par le processus de phagocytose pre´dominant au niveau de la capsule. Par contre un hypersignal T1 central peut eˆtre duˆ a` la pre´sence d’une faible quantite´ de produit de de´gradation du sang produite au sein de l’abce`s. Il peut eˆtre e´galement lie´ a` la pre´sence de calcification, des prote´ines ou des matie`res grasses [4]. L’hypersignal T1 pe´riphe´rique ainsi que le rehaussement en couronne orientent vers le diagnostic d’abce`s sellaire mais il est difficile d’e´carter l’apoplexie hypophysaire par l’IRM seul. A` un stade pre´coce, l’apoplexie hypophysaire est e´voque´e devant une masse sellaire de signal he´te´roge`ne, avec un hypersignal pre´dominant sur les se´quences ponde´re´es en T1 et un hyposignal pre´dominant sur les se´quences ponde´re´es en T2 [4]. A` un stade plus tardif, on peut observer un niveau liquide–liquide par se´dimentation des produits de de´gradation du sang [4].L’e´paississement de la muqueuse de sinus sphe´noı¨dal peut s’observer dans le deux cas.

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e´galement non spe´cifique. L’hypersignal pe´riphe´rique en T1 sans injection de produit de contraste et le rehaussement en couronne apre`s injection de gadolinium e´vocateur du diagnostic d’abce`s hypophysaire qui ne peut eˆtre formellement affirme´ avant l’intervention chirurgicale.

De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.

Re´fe´rences [1]

[2] Figure 4. IRM coupe coronale ponde´re´e en T1 centre´e sur la re´gion sellaire, en contraste spontane´ montrant un processus expansif intra- et suprasellaire hypo-intense avec pre´sence d’une fine couronne discontinue en spontane´ment hyperintense (fle`che) e´vocatrice de l’abce`s.

Conclusion L’abce`s hypophysaire est rare. Le tableau clinique non spe´cifique rend son diagnostic difficile. Son aspect a` l’IRM est

[3]

[4]

Dolz M, Mayaudon H, Dupuy O, Cosson E, Bordier L, Pharaboz C. Abce`s hypophysaire, une pathologie rare a` ne pas me´connaıˆtre. Me´decine et Arme´es 2002;30:23–7. Sabbah P, Bonardel G, Herve R, Marjou F, Hor F, Pharaboz C, et al. CT and MRI findings in primitive pituitary abscess: a case report and review of literature. J Neuroradiol 1999;26: 196–9. Geffroy Y, Hauret L, Graef C, Dupuy O, Boyer B. Un panhypopituitarisme de diagnostic e´tiologique difficile. Feuillets de Radiologie 2005;45:308–10. Shirakawa J, Takeshita T, Miyao M, Orimo S, Terauchi Y, Mizuno Y. Pituitary abscess with panhypopituitarism showing T1 signal hyperintensity of the marginalpituitary area: a non-invasive differencial diagnosis of pituitary abscess and pituitary apoplexy. Inter Med 2009;48:441–6.

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