Beaucoup de bruit pour rien ?

Beaucoup de bruit pour rien ?

Pratique Neurologique – FMC 2015;6:293–294 Testez-vous Beaucoup de bruit pour rien ? Much ado about nothing? J.-B. Bancilhon S. Moulin Centre hospi...

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Pratique Neurologique – FMC 2015;6:293–294

Testez-vous

Beaucoup de bruit pour rien ? Much ado about nothing? J.-B. Bancilhon S. Moulin

Centre hospitalier régional universitaire de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59000 Lille, France

n jeune homme de 17 ans, apprenti pâtissier, fut amené aux urgences par ses parents pour des céphalées inhabituelles, de survenue brutale, bilatérales, à point de départ postérieur et d'intensité sévère. À l'arrivée aux urgences, le patient était toujours très céphalalgique avec une EVA à 8/10 et obnubilé. Sur un fond douloureux persistant, il présentait alors plusieurs accès de céphalées associés à des poussées tensionnelles et un tremblement diffus des extrémités. L'examen neurologique était par ailleurs normal. Dans ses antécédents, on notait une lombalgie mécanique traitée par antalgiques de palier I depuis 10 jours et l'introduction récente d'un traitement par cyclines à visée anti-acnéique. Il n'y avait pas d'antécédent de migraine, de consommation de toxiques, ou de facteur déclenchant retrouvés à l'interrogatoire.

L'IRM cérébrale et l'angio-IRM étaient sans anomalie notable, de même que la biologie et la ponction lombaire avec recherche de pigments xantochromiques. Le patient, soulagé par des anti-inflammatoires non stéroïdiens, fut autorisé à retourner à son domicile. Le lendemain soir, le patient se présenta à nouveau aux urgences pour récidive de céphalée ictale, plus intense avec réactions végétatives notables. L'examen neurologique restait sans particularité en dehors d'un ralentissement psychomoteur. Une seconde IRM cérébrale avec ARM et séquence veineuse fut réalisée et également interprétée comme normale. Devant la récidive des céphalées et leur intensité, une hospitalisation en neurologie fut retenue. Un angio-TDM fut réalisé à 7 jours du début des symptômes (Fig. 1).

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Figure 1. Angio-TDM cérébral des vaisseaux intracrâniens.

QUESTIONS QUELLES ANOMALIES SONT DÉCELABLES SUR L'IMAGERIE ? QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ET QUELLES EN SONT LES PRINCIPALES ÉTIOLOGIES ?

Auteur correspondant : J.-B. Bancilhon, centre hospitalier régional universitaire de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59000 Lille, France. Adresse e-mail : [email protected]

http://dx.doi.org/10.1016/j.praneu.2015.10.003 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 293

J-B Bancilhon, S. Moulin

Testez-vous RÉPONSES On observe des rétrécissements et des dilatations segmentaires des artères cérébrales (multiples irrégularités de calibre des artères intracrâniennes avec aspect de sténose au niveau de A1 gauche, A2 gauche, P3 gauche, des branches distales, et des artères cérébrales postérieures bilatéralement, ainsi qu'une disparité de calibre de M1 droit). L'aspect radiologique combiné à la clinique est en faveur d'un syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible (SVCR). En effet, il s'agit d'un syndrome clinico-radiologique associant des céphalées récurrentes sévères avec ou sans déficits focaux (et/ou crise d'épilepsie), à une vasoconstriction segmentaire des artères cérébrales, réversible (« en chapelet de saucisse »). La vasoconstriction est mise en évidence par l'angiographie (ARM, angio-TDM ou conventionnelle) qui présente une sensibilité incomplète (environ 70 %) mais qui augmente si on répète les examens [1–3]. L'angiographie réalisée au cours de la première semaine est normale dans 20 à 30 % des cas. Un second examen plus tardif est donc nécessaire. Les complications du SVCR peuvent être sévères : hémorragie sous-arachnoïenne corticale (20 %), hématome intraparenchymateux (5 à 10 %), infarctus cérébraux (5 %). Les principaux facteurs déclenchants sont multiples. Il faut rechercher en priorité la prise de substances vasoactives : drogues (cannabis), médicaments sympathicomimétiques (inhibiteur de la recapture de la sérotonine, décongestionnants nasaux). Les tumeurs adrénergiques constituent des étiologies rares à évoquer (phéochromocytome). Le postpartum constitue également un facteur favorisant. Dans le cas de notre patient, une cause iatrogène a été évoquée mais non confirmée après une enquête auprès de la pharmacovigilance qu'il ne faut pas hésiter à contacter. Aucune cause n'est retrouvée dans 40 à 75 % des cas. Le traitement repose sur le repos, la nimodipine et l'arrêt d'éventuel toxique. Il faut toujours s'assurer de la réversibilité des irrégularités de calibre des artères intracrâniennes à 3 mois (Fig. 2).

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Figure 2. ARM de contrôle normale à 3 mois.

Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

RÉFÉRENCES [1] Miller TR, Shivashankar R, Mossa-Basha M, Gandhi D. Reversible cerebral vasoconstriction syndrome, Part 1: epidemiology, pathogenesis, and clinical course. Part 2: diagnostic work-up, imaging evaluation, and differential diagnosis. Am J Neuroradiol 2015. http://dx.doi.org/10.3174/ajnr.A4214. [2] Ducros A, Boukobza M, Porcher R, Sarov M, Valade D, Bousser MG. The clinical and radiological spectrum of reversible cerebral vasoconstriction syndrome. A prospective series of 67 patients. Brain 2007;130(Pt 12):3091–101 [Epub 2007 Nov 19]. [3] Ducros A. Reversible cerebral vasoconstriction syndrome. Lancet Neurol 2012;11(10):906–17. http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422 (12)70135-7.