J Fr. Ophtalmol., 2008; 31, 2, 187-191
ENTRETIENS ANNUELS D’OPHTALMOLOGIE
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Bilan actuel d’un syndrome de l’interface maculaire C. Français-Maury (1), P.-L. Cornut (2), M. Mauget-Faÿsse (3)
F M C
(1) Centre ophtalmologique de l’Odéon, Paris. (2) Hôpital Edouard Herriot, Lyon. (3) Centre ophtalmologique Rabelais, Lyon. Correspondance : C. Français-Maury, Centre ophtalmologique de l’Odéon, 113, boulevard Saint Germain, 75006 Paris. Reçu le 08 août 2007. Accepté le 18 décembre 2007. Examination of vitreomacular traction syndrome C. Français-Maury, P.-L. Cornut, M. Mauget-Faÿsse J. Fr. Ophtalmol., 2008; 31, 2: 187-191 Vitreomacular traction syndrome is a complication of partial posterior vitreous detachment: vitreous is separated from the retina throughout the peripheral fundus but remains adherent posteriorly with anteroposterior traction on the macular area and the optic nerve. The functional and anatomical examinations of this condition are based on the following triad: clinical examination, angiography, and OCT.
Key-words: Vitreomacular traction syndrome, macular syndrome, fundus examination, angiography, OCT. Bilan actuel d’un syndrome de l’interface maculaire Le syndrome de traction vitréo-maculaire résulte d’un décollement incomplet du vitré à l’issue duquel le vitré est détaché de la rétine périphérique, mais demeure adhérent aux régions papillaire et maculaire avec apparition de tractions antéro-postérieures. Le bilan à réaliser chez un patient présentant un syndrome de traction vitréo-maculaire est celui de tout syndrome maculaire et repose sur la triade : examen clinique, angiographie, OCT.
Mots-clés : Syndrome de traction vitréo maculaire, syndrome maculaire, fond d’œil, angiographie, OCT.
Le syndrome de traction vitréo-maculaire a été décrit pour la première fois par Jaffe en 1967 [1]. Cette entité regroupe un ensemble d’anomalies rétiniennes causées par un décollement incomplet du vitré postérieur. La persistance d’adhérences vitréennes au niveau du pôle postérieur est à l’origine de tractions antéro-postérieures exercées sur la région maculaire et la papille. Cet état pathologique peut induire l’apparition de distorsions rétiniennes, d’une membrane épimaculaire et se complique en général d’œdème maculaire avec le temps. Les bilans comprendront un bilan fonctionnel et un bilan anatomique.
BILAN FONCTIONNEL Les modifications de l’interface vitréomaculaire peuvent être asymptomatiques ou être à l’origine d’une plainte fonctionnelle. Les signes présentés par le patient seront dans ce cas ceux du syndrome maculaire (appréciés par le test de la grille d’Amsler) : métamorphopsies, micropsies, scotome central et baisse d’acuité visuelle prédominant sur la vision de près. L’interrogatoire précisera les antécédents ophtalmologiques (chirurgie, traumatisme orbitaire…) et généraux (diabète, maladie inflammatoire…), les éventuels signes associés (douleur à la mobilisation du globe…), la date de début des signes et leur évolutivité. L’examen commencera par la mesure de l’acuité visuelle corrigée de
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loin mesurée à l’aide de l’échelle ETDRS (à 1, 2 et 4 mètres) et de près à l’aide de l’échelle de Parinaud. L’absence d’amélioration par le trou sténopéïque permet d’écarter la participation d’un trouble des milieux transparents dans la baisse de vision. Cet examen sera complété par l’étude de la sensibilité aux contrastes avec l’échelle de PelliRobson. Après un test des réflexes photomoteurs, la normalité de la chambre antérieure sera contrôlée. Un relevé du champ visuel, un test de la vision des couleurs et d’éventuels enregistrements électrophysiologiques seront effectués en cas d’anomalies orientant vers une neuropathie optique par exemple, avant la dilatation pupillaire.
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laire, d’un épaississement maculaire d’aspect brillant en « bave d’escargot », d’un plissement rétinien avec distorsion des axes vasculaires traduisant la présence d’une membrane épimaculaire, ou d’un trou maculaire. En cas de syndrome isolé (sans membrane épimaculaire), l’examen biomicroscopique est souvent peu contributif, l’anneau de Weiss n’étant pas visible (signant l’absence de décollement complet du vitré postérieur) et les tractions étant quant à elles très difficiles à mettre en évidence.
Tomographie par cohérence optique — OCT L’OCT est l’examen de référence. L’analyse de l’interface vitréo-ma-
culaire permettra la mise en évidence de signes passés en règle générale inaperçus lors de l’examen biomicroscopique ou angiographique, en particulier en cas de troubles des milieux ou de tractions isolées. Les coupes seront réalisées au niveau papillaire et maculaire avec l’OCT-3 (Carl Zeiss Meditec, Inc. Dublin, CA, États-Unis) en mode Line, Radial lines en réalisant des scans de 6 et 10 mm et en utilisant la fonction Gray scale. L’OCT individualisera un décollement du vitré périfovéolaire avec adhérences persistantes à la région fovéolaire et à la papille (fig. 1) : – la hyaloïde postérieure apparaîtra sous la forme d’une image linéaire de réflectivité variable située au-dessus de la rétine et séparée
BILAN ANATOMIQUE
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L’examen du segment postérieur reposera alors sur la triade : fond d’œil, angiographie, et tomographie par cohérence optique (OCT).
Fond d’œil L’examen biomicroscopique du segment postérieur sera réalisé après dilatation pupillaire : – le vitré antérieur sera observé avant l’interposition de toute lentille ; – le vitré postérieur sera examiné de façon dynamique à l’aide d’une lentille non contact, du verre à trois miroirs ou d’une lentille grand champ (qui permettront également l’examen de la périphérie rétinienne) à la recherche d’un décollement du vitré complet, partiel ou absent, ainsi que des séquelles de choriorétinites, une rétinopathie pigmentaire… ; – l’interface vitréo-maculaire sera examinée idéalement à l’aide d’une lentille spécialement dédiée à l’examen maculaire type lentille Centralis Direct® (Volk) sous illumination maximale, en fente fine légèrement inclinée de 5° par rapport à l’axe optique, à la recherche d’une zone de traction vitréo maculaire ou papil-
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Figure 1 : (a) Rétinophotocouleur sans anomalie individualisable contrastant avec (b) l’OCT qui met en évidence une importante traction maculaire avec détachement partiel de la hyaloïde postérieure (flèche blanche) et œdème maculaire microkystique (flèche jaune).
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de cette dernière par un espace optiquement vide ; – les tractions se manifesteront par l’existence de zones de raccordement entre la hyaloïde et le pole postérieur au niveau de la fovéa et de la papille ; – la rétine centrale, sous l’effet des tractions, sera souvent épaissie, siège d’un œdème maculaire microkystique ou cystoïde. Une éventuelle membrane épimaculaire associée peut apparaître sous la forme d’une bande supplémentaire hyper-reflective légèrement séparée ou non de la rétine interne (fig. 2). Cette image peut être mieux visualisée en mode Gray Scale (fig. 3) qui ren-
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force les contrastes au niveau de l’interface, et peut s’accompagner d’un pseudo-trou maculaire correspondant à une constriction des berges de la fovéola qui apparaissent verticalisées sans défect rétinien. Un clivage intra-fovéolaire pourra apparaître chez certains patients sous l’effet des forces de traction. Ce kyste intra-rétinien sera mis en évidence par la présence d’une image hyporéflective située dans l’épaisseur de la rétine fovéolaire et pouvant évoluer vers la constitution d’un trou maculaire avec l’ouverture du toit du kyste. L’OCT permettra enfin de suivre l’évolution en répétant la mesure
de l’épaisseur rétinienne centrale à l’aide du programme Macular Map et Thickness (fig. 2). En l’absence d’OCT, l’échographie B à 20 MHz en immersion complétera le bilan à la recherche d’une image linéaire discrètement hyperéchogène, disparaissant avec la diminution du gain, située en avant du pole postérieur et se raccordant à la fovéa et à la papille (fig. 4). L’évolution spontanée peut être marquée par le détachement spontané du vitré et la récupération anatomique. Dans la plupart des cas, les tractions ne cèdent pas spontanément et un traitement chirurgical peut être indiqué en fonction du retentissement anatomique et fonctionnel. Le diagnostic des syndromes de l’interface est devenu très précis depuis l’apport de l’OCT. Le fond d’œil et l’angiographie restent néanmoins des éléments clés pour l’approche diagnostique. 189
Angiographie
Figure 2 : Patient aux antécédents d’oblitération de branche veineuse avec cicatrice de photocoagulation. Rétinophotographie couleur et OCT (Macular Map et Thickness) : visualisation et quantification des zones d’épaississement rétinien (flèche noire), et une bande hyperéflective en mode Line (flèche blanche) correspondant à la membrane épimaculaire.
L’angiographie à la fluorescéine sera précédée de la réalisation de différents clichés : – une photographie du fond d’œil en couleur servant de référence (fig. 5a) ; – un cliché vert offrant un contraste maximal entre les vaisseaux rétiniens et le reste de la rétine mettant ainsi en évidence les éventuelles distorsions induites au niveau des trajets des vaisseaux par les tractions ; – un cliché en filtre bleu (fig. 5b) mettant en évidence au mieux la réfringence de l’interface vitréorétinienne en cas de membrane épimaculaire et précisant ses limites ainsi que d’éventuelles anomalies au niveau de la répartition du pigment xanthophylle. L’injection de fluorescéïne (fig. 6) permettra de visualiser la distorsion des trajets vasculaires rétiniens sous l’effet des forces de traction, la coloration d’une éventuelle
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Figure 3 : OCT en mode Gray scale accentuant les contrastes au niveau des interfaces. Figure 4 : Échographie B à 20 MHz montrant une image linéaire discrètement hyperéchogène en avant du plan rétinien correspondant à la hyaloïde postérieure (flèche) partiellement détachée se raccordant à la macula au niveau d’une zone de traction. Figure 5 : (a) Rétinophotographies couleur et (b) cliché en filtre bleu, mettant en évidence la distorsion des axes vasculaires et la modification de disposition du pigment xanthophylle associées à une membrane épirétinienne. Figure 6 : Angiographie à la fluorescéine montrant la distorsion des trajets vasculaires (flèche blanche) ainsi que des zones de diffusion du colorant (flèche jaune).
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membrane, ainsi que d’éventuelles diffusions intra-rétiniennes plus ou moins associées à la présence d’un œdème maculaire cystoïdes.
Bilan actuel d’un syndrome de l’interface maculaire
En cas de signes orientant vers une cause inflammatoire ou tumorale, l’angiographie à la fluorescéïne seracomplétée par une angiographie au vert d’indocyanine.
RÉFÉRENCES 1. Jaffe NS. Vitreous traction at the posterior pole of the fundus due to alterations in the vitreous posterior. Trans Am Acad Ophthalmol Otolaryngol, 1967;71:642-52.
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