Biométrie optique des yeux avec implants phaques

Biométrie optique des yeux avec implants phaques

J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 10, 1052-1057 © Masson, Paris, 2005. ARTICLE ORIGINAL Biométrie optique des yeux avec implants phaques G. Pitault, C. Le...

121KB Sizes 4 Downloads 142 Views

J Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 10, 1052-1057 © Masson, Paris, 2005.

ARTICLE ORIGINAL

Biométrie optique des yeux avec implants phaques G. Pitault, C. Lebœuf, S. Leroux les Jardins, F. Auclin, D. Chong-Sit, C. Baudouin Service d’Ophtalmologie 3, Centre Hospitalier National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton 75012 Paris. Correspondance : G. Pitault, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Reçu le 12 mai 2004. Accepté le 28 septembre 2004. Optical biometry of eyes corrected by phakic intraocular lenses G. Pitault, C. Lebœuf, S. Leroux les Jardins, F. Auclin, D. Chong-Sit, C. Baudouin J. Fr. Ophtalmol., 2005; 28, 10: 1052-1057

1052

Purpose: The aim of this study was to determine whether eye length measurements obtained with the IOL Master® (Zeiss Humphrey) before and after phakic IOL implantation would show any changes. Methods: In a prospective study, we used the IOL Master® to measure optical biometry in 25 myopic eyes of 15 patients before and after phakic IOL implantation (PRL™, ICL™, Artisan™). The differences between both axial length measurements were calculated and compared using a nonparametric Wilcoxon test. Results: The difference between the preoperative and postoperative measurements ranged from –0,16 mm to 0,06 mm and averaged –0,016 mm, which was not statistically significant (p = 0.20). Both measurements correlated in a highly positive manner (r = 0.999; p < 0.0001). The reproducibility of the preoperative and postoperative axial length measurements was very high (coefficient of variation = 0.09% and 0.07%, respectively). The precision was 26 μm for preoperative measurements and 19 μm for postoperative measurements. Conclusion: Our results showed that postoperative measurements of axial length are highly comparable to preoperative measurements and that optical biometry can achieve highly precise and reliable axial length measurements in eyes with phakic IOLs. This application becomes clinically relevant in evaluating eyes with phakic IOLs that might require cataract surgery. Hence, accurate axial length measurements in eyes with phakic IOLs will be extremely important when cataract occurs in these eyes and when the preoperative measurements are no longer available.

Key-words: Biometry, IOL Master, phakic intraocular lens, cataract. Biométrie optique des yeux avec implants phaques But : Le but de cette étude est de déterminer si les mesures de longueur axiale obtenues à l’aide du IOL Master® (Zeiss Humphrey) avant et après mise en place d’un implant phaque montrent des différences significatives. Patients et méthodes : Nous avons réalisé la mesure optique de la longueur axiale pour 25 yeux de 15 patients myopes, avant et après la mise en place d’un implant phaque de différents modèles (PRL™, ICL™ et implant Artisan™). Les différences entre ces deux mesures ont été calculées et comparées en utilisant le test non paramétrique de Wilcoxon. Résultats : La différence moyenne entre les mesures de la longueur axiale pré-opératoire et postopératoire était de – 0,016 mm (– 0,16 mm à 0,06 mm) et non significative (p = 0,20). Ces mesures étaient fortement corrélées (r = 0,999 ; p < 0,0001). La reproductibilité des mesures pré-opératoires et postopératoires était très élevée (coefficient de variation = 0,09 % et 0,07 % respectivement). La précision était de 26 μm pour les mesures pré-opératoires et de 19 μm pour les mesures postopératoires. Conclusion : Nous avons démontré que la présence d’un implant phaque ne modifie pas de façon significative la longueur axiale mesurée à l’aide du IOL Master®. Cette technique est ainsi capable de fournir des mesures de la longueur axiale précises et reproductibles dans cette situation. Cette application est utile lorsqu’une cataracte se développe chez ces patients. En effet, il est alors indispensable de disposer d’une mesure fiable de la longueur axiale pour le calcul de l’implant de chambre postérieure.

Mots-clés : Biométrie, IOL Master, implant phaque, cataracte.

INTRODUCTION La mise en place d’un implant phaque est une technique de chirurgie réfractive répandue pour corriger de fortes amétropies, essentiellement de fortes myopies, mais également des hypermétropies invalidantes. Cette technique s’adresse à des patients qui souhaitent atteindre un niveau élevé d’acuité visuelle non corrigée. Lorsque ces patients vont développer une cataracte, ils espéreront obtenir les mêmes résultats après chirurgie de la cataracte. L’obtention de la réfraction postopératoire souhaitée sera l’élément majeur pour répondre à cette exigence, et nécessite un calcul fiable de la puissance de l’implant de chambre postérieure. Une biométrie précise est le paramètre déterminant pour le calcul de la puissance de l’implant de chambre postérieure et le résultat réfractif après chirurgie de la cataracte [1]. Ainsi, une mesure précise de la longueur axiale (LA) des yeux avec implants phaques est particulièrement importante lorsqu’une cataracte se développe dans ces yeux. Cependant, plusieurs problèmes sont rencontrés lors de cette mesure. Tout d’abord, la mesure de la LA avant implantation peut ne plus être disponible au moment de la chirurgie de la cataracte. En effet, cette mesure préopératoire est rarement archivée car sa connaissance n’est pas nécessaire pour déterminer la puissance de l’implant phaque [2]. Par ailleurs, la présence de l’implant phaque peut perturber la mesure de la LA [3, 4]. Enfin, cette technique concerne principalement des yeux fortement myopes avec possiblement un staphylome

Vol. 28, n° 10, 2005

myopique, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour obtenir une mesure précise de la LA [4]. Actuellement, la biométrie oculaire est réalisée en routine par la méthode ultrasonore en mode A [5]. Cependant, l’emploi de cette technique dans les cas des yeux avec implants phaques se heurte à de nombreuses difficultés [3, 4]. Le matériel de l’implant, particulièrement le PMMA, engendre de nombreux artéfacts perturbant l’interprétation des échos du mode A et donc la détermination précise des distances intraoculaires [6]. Il est par ailleurs nécessaire de tenir compte, lors de la mesure de la LA, de la présence de l’implant phaque et donc de la vitesse de conduction des ultrasons au sein de l’implant et de son épaisseur. Hoffer [3] a ainsi récemment publié une formule qui permet de corriger la LA mesurée en fonction de l’implant phaque présent dans l’œil. De plus, la mesure de la LA par ultrasons peut manquer de précision en raison du staphylome myopique fréquemment présent dans ces yeux fortement myopes [7]. Un autre inconvénient est la résolution limitée de la technique ultrasonore. En utilisant une sonde de 10 MHz, la résolution des ultrasons est limitée à 200 μm et la précision est de 100 à 120 μm, ce qui correspond à une erreur réfractive possible de 0,28 dioptrie (D) [8, 9]. Récemment, une nouvelle méthode optique, reposant sur le principe d’interférométrie à cohérence partielle, a été développée pour la mesure précise des distances intra-oculaires [10-13]. Ses principes de fonctionnement ont été décrits en détail dans la littérature [10]. Les résultats obtenus en utilisant la biométrie optique concordent avec ceux fournis par la technique ultrasonore en immersion aussi bien pour les sujets emmétropes que pour ceux ayant une myopie de plus de 10 D [10]. Cette technique utilisant l’interférométrie à cohérence partielle a une précision et une résolution élevées pour la mesure des distances intra-oculaires (20 μm et 12 μm respectivement) [12, 14]. Alors que la biométrie standard ultrasonore des yeux avec implants phaques rencontre de nombreuses difficultés, des résultats plus fiables semblent pouvoir être obtenus avec la biométrie optique. En effet, cette technique utilise la lumière à la place d’une onde ultrasonore pour mesurer les distances et ne rencontre donc pas d’artéfacts liés à l’implant [15]. De plus, la mesure de la LA se fait selon l’axe visuel grâce à la fixation du patient ; il existe alors plus de probabilités d’obtenir la mesure réelle de la LA des yeux avec staphylomes myopiques. Le but de cette étude est de savoir si des modifications de la mesure optique de la LA pouvaient être observées après la mise en place d’un implant phaque.

PATIENTS ET MÉTHODES Nous avons évalué de manière prospective 25 yeux de 15 patients opérés successivement avec mise en place d’un implant phaque. L’âge moyen était de 35 ± 8 ans

Biométrie optique des yeux avec implants phaques

au moment de l’implantation. Tous les patients étaient myopes. L’équivalent sphérique moyen (ES) pré-opératoire était de – 13,4 D (extrêmes de – 9,25 à – 17,5 D). Trois différents types d’implants phaques ont été utilisés au cours de l’étude : un implant de chambre postérieure PRL™ (CIBA Vision, Embrach, Suisse) a été implanté dans 12 yeux de 7 patients, un implant de chambre postérieure de type ICL™ (Staar Surgical, Nidau, Suisse) dans 9 yeux de 6 patients, et un implant de chambre antérieure fixé à l’iris Artisan™ (Ophtec, Groningen, Hollande) dans 4 yeux de 3 patients. Dans tous les cas, seule la version myopique des implants a été employée. Pour chaque patient, nous avons réalisé une mesure de la LA à l’aide du IOL Master® (Zeiss Humphrey) avant implantation et en moyenne 3 mois après la chirurgie. Les différentes mesures ont été réalisées par le même opérateur afin d’éviter toute différence inter-observateur. Pour chaque œil, au moins 5 mesures successives ont été effectuées pour calculer la moyenne et l’écart type de la LA. La sensibilité des mesures était renseignée par le rapport du signal sur le bruit (signal to noise ratio : S/N). Il s’agit d’un indice de qualité optimale du signal. Plus ce coefficient est élevé, plus la mesure est sensible ; cet indice doit être supérieur à 1,6 pour que la mesure soit considérée comme interprétable. La précision de la LA était définie par l’écart-type des mesures consécutives de la LA effectuées sur un même œil. Le coefficient de variation (CV = écart-type/moyenne* 100 %) a été également utilisé comme reflet de la reproductibilité des mesures réalisées. Les moyennes des LA obtenues avant et après chirurgie ainsi que leur différence ont été déterminées. Pour l’analyse statistique des différences et des corrélations entre les mesures pré-opératoires et postopératoires, le test non paramétrique de Wilcoxon et le coefficient de corrélation de Pearson ont été respectivement appliqués.

RÉSULTATS Chacun des 25 yeux de cette étude a pu être mesuré sans difficulté à l’aide du IOL Master® avant et après mise en place de l’implant phaque. Les mesures n’ont pas été gênées par la présence d’artéfacts engendrés par le matériel de l’implant phaque. Pour les 25 yeux, les moyennes du signal sur le bruit (S/N) pré-opératoires et postopératoires étaient de 4,2 ± 0,9 et 6,1 ± 1,8 respectivement. La figure 1 montre un exemple de mesures de LA pour un même œil obtenues à l’aide du IOL Master® avant et après implantation d’un PRL™. Sur cette figure, l’intensité du signal mesuré est notée en fonction de la distance par rapport à la surface cornéenne. Le rapport du signal sur le bruit (S/N) était de 2,2 lors de la mesure pré-opératoire et de 3,6 en postopératoire. Une augmentation apparente de la LA de

1053

G. Pitault et coll.

J. Fr. Ophtalmol.

1a 1b Figure 1 : Biométries optiques obtenues pour un même œil (a) avant et (b) après implantation d’un PRL™.

1054

0,01 mm était observée après l’implantation du PRL™ dans ce cas. La LA moyenne pré-opératoire était de 28,17 ± 1,14 mm avec des extrêmes allant de 26,06 mm à 30,70 mm (tableau I). La LA moyenne post-opératoire était de 28,18 ± 1,14 mm (extrêmes de 26,08 mm à 30,65 mm). La différence moyenne entre les mesures pré et postopératoires était de – 0,016 ± 0,06 mm avec des écarts de – 0,16 mm à 0,06 mm. La figure 2 met en évidence l’ensemble des LA mesurées avant et après implantation ainsi que la ligne de corrélation entre ces mesures. Les mesures pré et postopératoires étaient fortement corrélées (r = 0,999 ; p < 0,0001) et aucune différence significative n’a été retrouvée entre ces valeurs quel que soit l’implant considéré (p = 0,20 ; tableau I). La précision et le coefficient de variation des mesures avant et après chirurgie sont indiqués dans le tableau II. Ces indices étaient significativement meilleurs lors des examens postopératoires : la précision des mesures préopératoires était de 26,1 ± 13 μm pour 19,0 ± 7 μm en postopératoire (p < 0,01). Les coefficients de variation (CV) de ces mesures étaient respectivement de 0,09 % et 0,07 % (p < 0,01).

DISCUSSION Le calcul de la puissance de l’implant de chambre postérieure pour un œil qui a auparavant bénéficié d’une chirurgie cornéenne réfractive, conduit fréquemment à

une hypermétropie après chirurgie de la cataracte [16]. Le facteur responsable de cette erreur est une mesure imprécise de la kératométrie dans cette situation. De façon parallèle, après mise en place d’un implant phaque, c’est la mesure de la LA par la méthode ultrasonore standard qui est source d’imprécisions [3, 4]. Ainsi, nous avons souhaité trouver une méthode fiable et prédictible pour obtenir la LA des yeux avec implants phaques. Dans cette étude, l’interférométrie à cohérence partielle, qui a été récemment développée pour la mesure des distances intraoculaires, est utilisée pour la première fois pour examiner des yeux avec implants phaques. Nous avons démontré que cette technique peut être employée sans difficulté dans ce cas. La biométrie optique est une méthode sans contact et sans nécessité d’anesthésie locale. Elle est peu dépendante de l’expertise de la personne réalisant la mesure. De plus, de nombreux investigateurs ont démontré que la biométrie optique fournit des mesures de la LA comparables à celles obtenues par la méthode ultrasonore en immersion [11, 12, 17]. Sa précision d’environ 20 μm est nettement supérieure aux possibilités de l’échographie [12]. Dans cette étude, la mesure de la LA des yeux avec implants phaques était déterminée avec une précision élevée de 19 μm en moyenne. La variation des LA mesurées était très basse (CV pré et postopératoires respectivement de 0,09 % et 0,07 %) et comparable aux données obtenues par des études antérieures [18]. Ainsi, la reproductibilité des mesures optiques de la LA pour des yeux fortement myopes et après implantation

Tableau I Comparaison entre les mesures de longueur axiale pré- et postopératoires. Longueur axiale (mm) Groupe

n

Pré-opératoire

Postopératoire

Différence (mm)

Corrélation

(moyenne ± ET)

(moyenne ± ET)

Moyenne ± ET

p

r

p

Total

25

28,17 ± 1,14

28,18 ± 1,14

– 0,016 ± 0,06

0,20

0,999

< 0,0001

PRL™

12

27,96 ± 1,04

27,96 ± 1,06

+ 0,001 ± 0,04

0,93

0,999

< 0,0001

ICL™

9

28,29 ± 1,43

28,33 ± 1,40

– 0,040 ± 0,07

0,14

0,999

< 0,0001

Artisan™

4

28,49 ± 0,75

28,51 ± 0,75

– 0,015 ± 0,07

0,47

0,996

< 0,005

Vol. 28, n° 10, 2005

Biométrie optique des yeux avec implants phaques

LA post-opératoire

31 30 29 28 27 26 26

27

28

29

30

31

LA pré-opératoire Figure 2 : Mesure de la longueur axiale (LA) à l’aide du IOL Master® avant et après implantation phaque. La ligne de régression reflète la forte corrélation entre ces deux mesures (r = 0,999 ; p < 0,0001).

phaque n’est pas moins bonne que dans le cas de sujets emmétropes et phaques. De plus, la précision et le coefficient de variation postopératoires étaient même significativement meilleurs que ceux obtenus avant implantation phaque. Cette observation pourrait être liée à l’amélioration de l’acuité visuelle sans correction après mise en place de l’implant phaque, qui permet au patient de fixer plus précisément le faisceau du IOL Master®. Après implantation, nous avons trouvé une augmentation apparente de la LA de 0,016 mm en moyenne pour tous les implants phaques utilisés (PRL™, ICL™, Artisan™). La différence entre les mesures pré et postopératoires était ainsi très faible et statistiquement non significative. De plus, cette différence de 0,016 mm entre les mesures avant et après implantation doit être

Tableau II Précision et coefficient de variation de la biométrie optique avant et après implantation phaque. Précision (μm) Groupe

Coefficient de variation (%)

PréPostPréPostopératoire opératoire opératoire opératoire (moyenne ± ET)

(moyenne ± ET)

(moyenne ± ET)

(moyenne ± ET)

Total (n = 25)

26,1 ± 13,0 19,0 ± 7,1 0,09 ± 0,05 0,07 ± 0,03

PRL™ (n = 12)

20,7 ± 6,5 19,0 ± 6,9 0,07 ± 0,02 0,07 ± 0,04

ICL™ (n = 9)

25,8 ± 7,0 21,3 ± 6,7 0,09 ± 0,03 0,08 ± 0,02

Artisan™ (n = 4)

57 ± 23,9

14 ± 7,5

0,15 ± 0,09 0,05 ± 0,03

comparée à la précision du IOL Master®, qui a été rapportée comme étant approximativement de 0,020 mm [12]. Par ailleurs, une erreur de 0,1 mm dans la mesure de la LA pouvant induire une différence de 0,28 D dans le calcul de l’ICP, une erreur de mesure plus petite que 0,1 mm est cliniquement insignifiante [9]. Ces résultats impliquent donc que les modèles myopiques des implants phaques ont une influence minime sur la mesure de la LA en biométrie optique et n’engendrent pas d’erreur significative lors de la mesure de la LA après implantation. La biométrie optique est un outil performant pour mesurer la LA des yeux avec implants phaques car cette technique évite les écueils rencontrés par la méthode ultrasonore dans cette application. Tout d’abord, la biométrie optique est supérieure à la technique ultrasonore pour la mesure des yeux avec implant intraoculaire. Les inconvénients de l’utilisation des ultrasons pour les yeux pseudophaques ont été fréquemment rapportés [6, 19] et les mêmes difficultés sont rencontrées lors de la mesure des yeux avec implants phaques [4]. L’identification des interfaces de la cornée, des capsules antérieure et postérieure du cristallin, et de l’interface vitréo-rétinienne est d’une importance capitale pour une mesure précise de LA en mode A. Cependant, la reconnaissance correcte de ces repères est rendue difficile pour les yeux avec implants intra-oculaires. Le matériel de l’implant, spécifiquement le PMMA, engendre de multiples artéfacts au niveau de la surface postérieure du cristallin et dans le vitré, gênant considérablement l’interprétation de la mesure. La biométrie optique, quant à elle, utilise la lumière à la place du son et ne rencontre pas d’artéfacts causés par l’implant. Plusieurs études ont ainsi déjà rapporté que cette technique est capable de fournir des mesures fiables de la LA des yeux pseudophaques [11, 15, 17, 20]. Par ailleurs, parmi les différents avantages attendus de la biométrie optique, son application aux yeux myopes est particulièrement intéressante. Ce fait est important pour cette étude car l’implantation phaque concerne principalement des yeux fortement myopes. Avec la technique standard par ultrasons, la présence d’un staphylome myopique est une cause majeure d’imprécision de la mesure de LA [7]. En effet, la mesure par ultrasons est obtenue grâce à l’alignement subjectif de la sonde avec l’axe visuel. Cependant, des déviations par rapport à l’axe visuel sont possibles au cours de la mesure et les changements importants de l’orientation de la rétine autour de la macula génèrent ainsi des différences de LA significatives au sein d’une petite zone [21]. Le mode B est dans ce cas la technique ultrasonore la plus précise pour déterminer la LA des yeux fortement myopes [22]. En effet, cette technique permet l’alignement du faisceau d’ultrasons avec la position présumée de la fovéa, 15 degrés en temporal de l’axe du nerf optique. Cependant, pour les yeux avec un staphylome postérieur majeur, l’orientation oblique de la macula par rapport à la direction des ultrasons peut

1055

G. Pitault et coll.

1056

tout de même être responsable de difficultés pour identifier l’interface vitréorétinienne et les variations de mesures ne peuvent pas être totalement résolues par la technique ultrasonore. La biométrie optique repose sur une fixation fovéale et permet une mesure de la LA parallèle à l’axe visuel. Cela est obtenu en demandant au patient de fixer le faisceau de mesure. La longueur d’onde du IOL Master® (λ = 780 nm) est en effet faiblement visible et apparaît au patient comme un point rouge. En conséquence, chez le sujet myope, la biométrie optique semble être plus fiable que la biométrie ultrasonore. Les comparaisons entre ces deux techniques ont montré une bonne correspondance des résultats obtenus chez les patients avec une myopie de plus de 10 D [10]. Siahmed et al. [23] ont de plus observé que la biométrie optique améliore les résultats réfractifs après chirurgie de la cataracte des yeux fortement myopes. Leurs résultats réfractifs étaient même meilleurs que ceux fournis par la biométrie ultrasonore en mode B. Cependant, peu d’études ont actuellement inclus des yeux avec une LA supérieure à 28 mm, et des investigations supplémentaires seront nécessaires pour démontrer définitivement le bénéfice de la biométrie optique pour les yeux myopes. Enfin, certains inconvénients du IOL Master® doivent être soulignés. La biométrie optique ne fonctionne pas pour les yeux qui présentent une cataracte dense notamment sous-capsulaire postérieure, une pathologie cornéenne significative ou une fixation instable. Dans les études antérieures, la mesure optique de la LA ne pouvait être effectuée dans 10 % des cas en moyenne [12, 17]. Pour tous les patients de notre étude, la biométrie optique a pu être réalisée avant et après implantation. La forte myopie et la présence de l’implant phaque n’étaient pas des causes d’échec de la mesure. Cependant, il faut souligner qu’au cours de cette étude, les mesures de LA ont été réalisées avant le développement d’une cataracte chez les patients. Une autre limite de la biométrie optique est que seule la LA totale de l’œil est mesurée et non les différentes distances intraoculaires. Un indice de réfraction global est employé pour convertir la distance optique obtenue en distance géométrique. Cette conversion repose sur les données de l’œil théorique de Gullstrand [24]. Dans le cas des yeux fortement myopes, il peut exister des écarts par rapport aux résultats prévus car les yeux myopes diffèrent de façon significative de l’œil théorique moyen. Ces effets devront être pris en compte dans les versions à venir du IOL Master® qui autoriseront des mesures segmentaires des yeux.

CONCLUSION Nous avons démontré que la biométrie optique est un outil fiable pour mesurer la LA des yeux avec implants phaques. Les résultats de cette étude ont montré que la présence de l’implant phaque avait une influence non

J. Fr. Ophtalmol.

significative sur les mesures de la LA à l’aide du IOL Master®. Cette application est utile en pratique clinique pour mesurer les yeux avec implants phaques qui nécessitent une chirurgie de la cataracte. Ainsi, si la LA avant implantation est inconnue, il est recommandé d’employer la biométrie optique pour le calcul de l’implant de chambre postérieure.

RÉFÉRENCES 1. Holladay JT, Prager TC, Ruiz RS, Lewis JW, Rosenthal H. Improving the predictability of intraocular lens power calculations. Arch Ophthalmol, 1986;104:539-41. 2. Holladay JT. Refractive power calculations for intraocular lenses in the phakic eye. Am J Ophthalmol, 1993;116:63-6. 3. Hoffer KJ. Ultrasound axial length measurement in biphakic eyes. J Cataract Refract Surg, 2003;29:961-5. 4. Puech M, Saragoussi JJ. Chirurgie de la cataracte après chirurgie réfractive. Deuxième partie : le problème du calcul d’implant. J Fr Ophtalmol, 2000;23:67-72. 5. Hoffer KJ. Accuracy of ultrasound intraocular lens calculation. Arch Ophthalmol, 1981;99:1819-23. 6. Naeser K, Naeser A, Boberg-Ans J, Bargum R. Axial length following implantation of posterior chamber lenses. J Cataract Refract Surg, 1989;15:673-5. 7. Kora Y, Koike M, Suzuki Y, Inatomi M, Fukado Y, Ozawa T. Errors in IOL power calculations for axial high myopia. Ophthalmic Surg, 1991;22:78-81. 8. Bamber JC, Tristam M. Diagnostic ultrasound. In: Webb S ed. The Physics of Medical Imaging. Bristol and Philadelphia: Adam Hilger; 1988. p. 319-88. 9. Olsen T. Theoretical approach to intraocular lens calculation using Gaussian optics. J Cataract Refract Surg, 1987;13:141-5. 10. Hitzenberger CK. Optical measurement of the axial eye length by laser Doppler interferometry. Invest Ophthalmol Vis Sci, 1991;32: 616-24. 11. Drexler W, Findl O, Menapace R, Rainer G, Vass C, Hitzenberger CK et al. Partial coherence interferometry: a novel approach to biometry in cataract surgery. Am J Ophthalmol, 1998;126:524-34. 12. Haigis W, Lege B, Miller N, Schneider B. Comparison of immersion ultrasound biometry and partial coherence interferometry for intraocular lens calculation according to Haigis. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol, 2000;238:765-73. 13. Meyer F, Renard JP, Roux L, Rigal-Sastourne JC, Tuil A, Dot C et al. Intérêt d’un nouveau biomètre non-contact pour le calcul de la puissance des lentilles intraoculaires cristalliniennes. J Fr Ophtalmol, 2001;24:1060-6. 14. Baumgartner A, Möller B, Hitzenberger CK, Drexler W, Fercher AF. Measurements of the posterior structures of the human eye in vivo by partial coherence interferometry using diffractive optics. Proc SPIE, 1997;2981:85-91. 15. Findl O, Drexler W, Menapace R, Hitzenberger CK, Fercher AF. High precision biometry of pseudophakic eyes using partial coherence interferometry. J Cataract Refract Surg, 1998;24:1087-93. 16. Seitz B, Langenbucher A, Nguyen NX, Kus MM, Kuchle M. Underestimation of intraocular lens power for cataract surgery after myopic photorefractive keratectomy. Ophthalmology, 1999;106: 693-702. 17. Rajan MS, Keilhorn I, Bell JA. Partial coherence interferometry versus conventional ultrasound biometry in intraocular lens power calculations. Eye, 2002;16:552-6. 18. Vogel A, Dick HB, Krummenauer F. Reproducibility of optical biometry using partial coherence interferometry; intraobserver and interobserver reliability. J Cataract Refract Surg, 2001;27:1961-8. 19. Freudiger H, Artaria L, Niesel P. Influence of intraocular lenses on ultrasound axial length measurement: in vitro and in vivo studies. Am Intraocular Implant Soc J, 1984;10:29-34.

Vol. 28, n° 10, 2005 20. Haigis W. Pseudophakic correction factors for optical biometry. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol, 2001;239:589-98. 21. Longstaff S. Factors affecting intraocular lens power calculation. Trans Ophthalmol Soc UK, 1986;105:642-6. 22. Berges O, Puech M, Assouline MD, Letenneur L, Gastellu-Etchegorry M. B-mode-guided vector-A-mode versus A-mode biometry

Biométrie optique des yeux avec implants phaques to determine axial length and intraocular lens power. J Cataract Refract Surg, 1998;24:529-35. 23. Siahmed K, Muraine M, Brasseur G. La biométrie optique dans le calcul de l’implant de la chirurgie de la cataracte. J Fr Ophtalmol, 2001;24:922-6. 24. Obstfeld H. Optic in vision. London, Butterworth, 1982: p. 28-42.

1057