CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA)

CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA)

Cours du GOLF 2006 CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA) Quelle est la meilleure stratégie thérapeutique ? M. Riquet, P. Berna Résumé Les stades p...

162KB Sizes 1 Downloads 77 Views

Cours du GOLF 2006

CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA) Quelle est la meilleure stratégie thérapeutique ?

M. Riquet, P. Berna

Résumé Les stades précoces des CBNPC sont potentiellement accessibles à la chirurgie, toutefois les possibilités d’exérèse et de guérison diminuent avec l’avancement du stade. La chirurgie est le dénominateur commun des stratégies thérapeutiques : elle peut suffire, être complétée par un traitement adjuvant ou néoadjuvant. La mortalité postopératoire est acceptable, mais très élevée après pneumonectomie droite, ce que les traitements néoadjuvants semblent légèrement aggraver. Par contre, en cas de « down-staging », les traitements néoadjuvants améliorent non seulement le pronostic, mais permettent de limiter l’étendue de l’exérèse, ce qui peut avoir une incidence directement bénéfique, notamment à droite. La chirurgie est pratiquée à visée diagnostique et thérapeutique dans 45 % des cas. L’incidence théorique d’un TNA ne concerne donc que 55 % des patients et est indiquée actuellement chez 40 % d’entre eux, la majorité étant au stade IIIA. Des essais de phase III tendent à démontrer son effet bénéfique dans les stades les plus précoces. Son intérêt semble réel dans certains stades II pour améliorer la qualité de l’exérèse en plus du taux de la survie. Dans les stades I, son intérêt, même théorique, n’est ni évident, ni démontré, et plus discutable. Service de Chirurgie Thoracique, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France. Correspondance : M. Riquet Service de Chirurgie Thoracique, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris. [email protected]

16S36

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42 Doi : 10.1019/20064128

Mots-clés : CBNPC • Chirurgie • TNM • Traitement néoadjuvant • « Down-staging » • Mortalité.

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42

CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA) • Quelle est la meilleure stratégie thérapeutique ?

Early stages of non small cell lung cancer (I. II. IIIA) What is the best therapeutic strategy?

M. Riquet, P. Berna

Summary NSCLC early stages (I, II, IIIA) may be offered surgery, but the possibilities of resection and cure are decreasing with increasing stages. Surgery may be part of combined therapeutic strategies: it can be sufficient, or benefit neo-adjuvant modalities. Post-operative risk of death is acceptable, but rates following right pneumonectomy are important, and appear favored by neo-adjuvant chemotherapy. However, in case of down-staging, neo-adjuvant chemotherapy offers a better prognosis and can limit the extent of the resection, which may prove beneficial especially for the right side. Surgery is diagnostic and therapeutic in 45% of patients. So neo-adjuvant chemotherapy is theorically available in 55%, but finally remains performed in 40% of these patients (mainly stage IIIA). Randomized trials demonstrated a beneficial effect in case of early NSCLC stages. The improvement is certain for stage II concerning both the quality of resection and the survival. In case of NSCLC stage I, neo-adjuvant chemotherapy is still a matter of debate. Key-words: NSCLC • Surgery • TNM • Neo-adjuvant treatment • Down-staging • Mortality.

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42 [email protected]

Introduction La chirurgie a toujours été le moins mauvais des traitements du CBNPC. Malheureusement, seulement 20 à 25 % des cancers peuvent en bénéficier. Dans la classification TNM [1], les stades précoces (I. II. IIIA) correspondent à des stades où le cancer est potentiellement résécable. Hormis cas très particuliers, les stratégies thérapeutiques dans ces stades ont donc la chirurgie comme dénominateur commun avec toutefois des possibilités d’exérèse et de guérison qui diminuent avec l’avancement du stade. Quelle qu’elle soit, l’exérèse chirurgicale doit être complète pour être curatrice. Dans le cas contraire, elle ne saurait être l’équivalent que d’une biopsie large. Inversement, « complète » ne veut pas dire inutilement extensive.

Définitions Les stades précoces Malgré leur nombre limité à 3 (I, II, IIIA), les stades précoces regroupent une grande diversité de formes évolutives de

CBNPC (de même que les CBNPC eux-mêmes regroupent une grande diversité de formes histologiques aux pronostics fort différents). a) Les stades précoces comprennent plusieurs sous-groupes :

– stade I : T1 N0 et T2 N0 ; – stade II : T1 N1, T2 N1 et T3 N0 ; – stade IIIA : T1 N2, T2 N2 et T3 N1, T3 N2. Ne sont donc pas concernés les T4 quel que soit le N, les N3 et les M1: ceci ne veut pas dire pour autant que la chirurgie n’a pas de place dans certains sous-groupes de ces autres stades, mais simplement que cette place est très restreinte, à discuter au cas par cas. b) Les sous-groupes constituant chaque stade dit précoce sont faussement homogènes

Seuls T1 (tumeur inférieure ou égale à 3 cm) et N0 (absence de métastase ganglionnaire), qui forment le stade IA, ne souffrent d’aucune ambiguïté : encore faut-il que le curage ganglionnaire ait été complet. IA est le stade précoce par excellence. Après lui, tout se complexifie. La valeur pronostique en analyse univariée, mais souvent aussi confirmée en analyse multivariée est différente pour les autres T et N, considérés isolément ou en association. Au niveau du T : – T2 peut être une tumeur de taille de plus en plus grande, mais aussi une tumeur quelle que soit sa taille qui envahit la plèvre viscérale, ou qui siège dans une bronche proximale ; – T3 peut être une tumeur de taille quelconque qui envahit la paroi (pariétale ± muscles +± côtes..., diaphragme), le médiastin (plèvre médiastinale ± graisse ± péricarde) ou la bronche souche à moins de 2 cm de la carène ; – N1 peut être localisé à l’intérieur du lobe, être extralobaire, ou hilaire... ; – N2 peut n’être la métastase que d’un ou plusieurs ganglions, que d’une seule ou plusieurs chaînes ganglionnaires anatomiques ou n’être présent qu’isolément en l’absence d’autres métastases ganglionnaires intrapulmonaires (« skip-metastasis » des auteurs anglo-saxons). c) Les stades précoces considérés dans le cadre d’une stratégie thérapeutique sont par définition les stades cliniques.

Les stades précoces cliniques ne reflètent que très imparfaitement, voire de très loin, les différents T et N que nous venons de rapporter qui sont des stades anatomopathologiques. Seule la chirurgie de première intention permet cette confirmation... Les traitements néoadjuvants font disparaître beaucoup de ces caractéristiques et donc « les caractéristiques pronostiques » initiales de ces tumeurs... © 2006 SPLF, tous droits réservés

16S37

M. Riquet, P. Berna

Les stratégies thérapeutiques Les stratégies thérapeutiques de ces stades peuvent être : – la chirurgie seule (CS) ; – la chirurgie suivie de RT, de CT ou des deux (traitement adjuvant TA) ; – la chirurgie précédée d’un traitement néoadjuvant (TNA), chimiothérapie (CT), radiothérapie (RT) ou les deux (RCT), la chirurgie pouvant être complétée par un TA. La chirurgie seule

Les exérèses chirurgicales possibles sont nombreuses. Leur seul point commun est la nécessité absolue d’être associé à un curage des ganglions locorégionaux (péri-trachéo-bronchiques). En l’absence de curage ou en cas de curage incomplet, le risque est de méconnaître et de laisser en place un « N2 ». Dans ces cas, l’exérèse réalisée est incomplète, palliative, sans prétention curatrice et ne peut pas permettre d’envisager une guérison. L’éventail des exérèses réalisables est large allant de la résection limitée atypique (wedge des Anglo-Saxons) à la pneumonectomie élargie aux structures de voisinages (organes du médiastin, thorax, rachis, etc.). Le type d’exérèse réalisable dépend : – de la taille de la tumeur et de son siège par rapport à l’arbre broncho-artériel ; – des possibilités d’exérèse des métastases ganglionnaires macroscopiques locorégionales (pouvant dépasser le cadre d’un curage standard) ; – des possibilités d’exérèse offertes par la fonction respiratoire du sujet et la valeur fonctionnelle de l’amputation parenchymateuse qui va être réalisée. Les stratégies associées à la chirurgie

Après exérèse chirurgicale complète, le risque de récidive locorégionale est bas, le risque de mourir de métastases est majeur : – l’intérêt de la CT, qui agit sur la maladie « systémique », est grand (ce qui avait déjà été suggéré dans les N2 [2]) ; – l’intérêt d’une RT, qui agit localement, est plus limité, mais redevient important en cas de doute sur la qualité du geste chirurgical. Les traitements adjuvants n’impliquent pas directement le chirurgien dans la réalisation de ses actes. Avant exérèse chirurgicale : Les TNA qui précédent le geste chirurgical ont pour but de stériliser les micro-métastases, mais également d’aider à la résécabilité. La CT a la préférence en France, mais la CRT a probablement un impact supérieur. Quand existe un doute sur la résécabilité, ces traitements sont des alliés de la chirurgie. Quand la résécabilité apparaît manifeste lors du bilan, leur utilité est discutable et leur emploi est soupçonné d’être un facteur de risque chirurgical. 16S38

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42

Meilleure stratégie opposable à un stade précoce de CBNPC Tous les travaux militent actuellement en faveur des traitements multimodaux. Les chirurgiens sont plus particulièrement concernés par les stratégies néoadjuvantes qui progressivement s’installent dans leur pratique quotidienne. Pour déterminer quelle pourrait être la meilleure stratégie, il nous est apparu opportun d’utiliser l’expérience du service en plus des données de la littérature, afin d’évoquer certains points non traités habituellement. Celle-ci est basée sur 2 943 patients opérés de 1984 à 2002, dont 398 ont eu un TNA ; 2 724 ont une exérèse complète avec curage des ganglions du médiastin (92,5 %). L’analyse a été subdivisée en trois périodes de temps : P1 (19841990), n = 893 ; P2 (1991-1996), n = 994 et P3 (1997-2002), n = 1 056. Hormis quelques rares patients adressés directement dans le service, la majorité de ces patients provient de 6 centres de pneumologie où ils ont été vus en réunion multidisciplinaire : ce travail donne une idée globale d’une activité chirurgicale spécialisée.

La chirurgie Elle peut s’adresser à tous ces stades précoces dès lors que la lésion apparaît résécable. Elle a longtemps été et est encore souvent réalisée de première intention.

Fréquence de la chirurgie de première intention Dans notre série, la chirurgie de première intention concerne 86,5 % des patients (2 545/2 943). Un traitement adjuvant a été effectué pour 41,1 % d’entre eux (978/2 377). La chirurgie est de ce fait restée le traitement unique du cancer dans près de la moitié des cas (53,2 %). Ce taux est stable sur les deux dernières périodes (P2 = 53,7 % ; P3 = 53,9 %), malgré une augmentation du taux des TNA (P2 = 12,5 % ; P3 = 21,6 %). Il est facile d’imaginer que ce taux de chirurgie seule, sans TA, va baisser après 2002 du fait de l’intérêt démontré, depuis cette période, de la chimiothérapie adjuvante dont l’usage est pour cette raison actuellement en plein essor.

Aspect incontournable de la chirurgie de première intention En l’état actuel, la chirurgie de première intention ne peut pas disparaître, même du fait d’une prise en charge incluant un TNA systématique. En effet, la chirurgie est utilisée en première intention dans deux situations différentes selon qu’elle est à visée thérapeutique, le diagnostic de cancer étant prouvé ou à visée diagnostique. L’exérèse chirurgicale à visée diagnos-

CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA) • Quelle est la meilleure stratégie thérapeutique ?

tique devient thérapeutique dans le même temps opératoire. Cette indication représente 49,5 % de nos patients (1 176/2 384). Cette fréquence a augmenté sur les trois périodes (P1 = 41,2 %, P2 = 49,8 % et P3 = 57,5 %), malgré les performances accrues des moyens diagnostiques actuellement à notre disposition. Par rapport à l’ensemble des cancers de cette période P3, dont 211 ont bénéficié d’un traitement néoadjuvant, la fréquence du traitement chirurgical à visées diagnostique et thérapeutique a été de 45 % (439/975 patients ayant eu une exérèse complète), ce qui reste un chiffre important. La chirurgie à visée thérapeutique de première intention n’a donc concerné sur cette période que 33,3 % patients (325/975). Un TNA en cas de diagnostic histologique préopératoire est actuellement a été réalisé dans 39,4 % des cas (211/536) : le maximum théorique serait de 55 % (536/975).

Caractéristiques de la chirurgie de première intention Sur l’ensemble de la série, les patients ayant eu une chirurgie de première intention à visée diagnostique sont opérés à des stades significativement plus précoces (p < 10-6) (stade I = 54,7 % versus 38,3 %, stade II = 18,3 % versus 26,3 % et stade IIIA = 27 % versus 35.3 %) et la survie globale à 5 ans est meilleure (48,8 % versus 43,7 %, p = 0,017). Cette différence se fait essentiellement aux dépens du degré d’envahissement ganglionnaire, plus de « minimal N2 » étant découverts chez les patients sans histologie préopératoire. Aucun argument ne permet de savoir quel aurait été l’impact sur la survie d’un TNA, mais ce qui est sûr, c’est qu’un TNA aurait sûrement effacé les véritables caractéristiques anatomopathologiques des tumeurs, notamment des stades I et II, ce qui présente un inconvénient théorique pour une meilleure connaissance de ces cancers et pose la question de l’intérêt d’une tumorothèque après TNA.

Risques postopératoires de la chirurgie de première intention Les taux de la mortalité postopératoire de la chirurgie de première intention varient selon les séries de 2,1 % à 3,7 % et ceux des complications de 45,5 % à 48 % [3]. Ces taux dépendent de l’étendue de l’exérèse, ils sont faibles pour la résection atypique (wedge) et les segmentectomies. Les taux de mortalité varient de 2 à 2,9 % pour les lobectomies et de 6 à 7,8 % pour les pneumonectomies [3]. Les risques sont donc très élevés pour les pneumonectomies. Toutefois, les risques de la pneumonectomie gauche sont moins grands que ceux de la pneumonectomie droite après laquelle les taux moyens approchent, voire dépassent 10 % [4]. Les risques de l’acte chirurgical vont croître avec l’importance du geste réalisé et donc être d’autant plus élevés que le

cancer est à un stade plus avancé, même si ce stade est encore considéré comme « précoce ». Ils vont aussi être plus élevés si la comorbidité associée au cancer chez le patient opéré est importante à commencer par l’age. Ainsi, l’exérèse d’un stade avancé nécessitant une intervention élargie chez un patient de plus de 75 ans voit son rapport bénéfice/risque s’inverser [5]. La pneumonectomie droite élargie chez le sujet âgé peut emporter près d’un malade sur cinq dans les trois premiers mois [4].

Chirurgie après traitement néoadjuvant Les traitements néoadjuvants actuellement utilisés sont de deux types : ceux faisant appel à une chimiothérapie seule (CT) et ceux associant une radiothérapie à cette chimiothérapie (RCT). Il n’est pas démontré que ces traitements aient un impact négatif particulier sur la réalisation des exérèses chirurgicales, même si la tendance habituelle est de les incriminer en cas de dissection difficile. Les plus récentes méta-analyses sont en faveur de ces traitements qui donnent des chances supplémentaires de survie à 5 ans [6]. Ces traitements sont suspectés d’exercer un retentissement délétère sur la chirurgie et plus particulièrement la radiothérapie, qui peut avoir une incidence néfaste sur la cicatrisation des bronches chez l’animal [7] et sur la vascularisation des tissus chez l’homme [8].

Incidence postopératoire Le retentissement sur la mortalité postopératoire de la CT et de la RCT est peu élevé si on en croit les essais de phase II. Les essais de phase III effectués pour la CT ne montrent pas de différences significatives, même si un essai multicentrique laisse apparaître une différence en défaveur de le CT [9]. Dans notre expérience, il n’y a pas de différence globale de mortalité postopératoire et cela quelle que soit la période de temps considérée : mortalité des chirurgies seules 3,6 % (86/2 377) versus mortalité après TNA 3,1 % (11/352). Matsubara et coll. [10] ont rapporté, dans une étude rétrospective, que les taux des complications et de la mortalité postopératoire étaient respectivement de 63,2 % et 7 % après des résections étendues faisant suite à un TNA, et de respectivement 12,8 % et 0,8 % quand l’exérèse était standard et réalisée de première intention. L’article de Martin et coll. [11] a particulièrement fait penser que la CT néoadjuvante était délétère dans ces exérèses étendues après TNA. Cet article rapporte un taux de mortalité de plus de 20 % dans les pneumonectomies droites réalisées après TNA. Les auteurs n’ont pas comparé la mortalité postopératoire avec celle des pneumonectomies droites réalisées sans TNA. Il n’est donc pas démontré que cette mortalité soit directement imputable à ces traitements : elle pourrait s’inscrire dans le cadre de celle habituellement © 2006 SPLF, tous droits réservés

16S39

M. Riquet, P. Berna

rencontrée après pneumonectomie droite. Après pneumonectomie, les TNA ne ressortent pas comme cause significative de complications ou de décès postopératoire en analyse multivariée [12], de même que l’incidence de ces traitements n’est pas significative sur le taux des empyèmes de cavité et des fistules de la bronche souche [13].

Retentissement favorable habituel des TNA Des essais thérapeutiques présentés à l’ASCO 2005 (EORTC 08941 et intergroup 0139RTG9309) ont signalé la gravité opératoire immédiate des exérèses étendues (pneumonectomie) après TNA. Les TNA semblent donc avoir une incidence propre sur la morbi-mortalité postopératoire le plus souvent quand ils ont permis de rendre résécables des tumeurs qui sans eux n’auraient jamais pu être opérées (et donc avoir eu une chance de guérison). Cependant, ils ont malgré tout dans notre expérience un retentissement favorable. Dans notre série, le taux de résécabilité est de 93,4 % pour la chirurgie de première intention et de 88,4 % pour la chirurgie après TNA (ce qui est peu différent), alors que les taux de pneumonectomie sont respectivement de 39,1 % et 62,8 % et les taux des stades I, II, IIIA respectivement de 46,5 %, 22,2 %, 31,3 % et 24 %, 22,2 %, 53,8 %. Le taux des exérèses élargies et des stades évolués sont manifestement très élevés chez les patients ayant bénéficié d’un traitement néoadjuvant : ceci traduit le fait qu’une forte proportion des indications de TNA concernait des tumeurs stade IIIA a priori cliniquement non résécables. Ces patients ont bénéficié des mêmes taux de survie que leurs homologues opérés de première intention.

Autres avantages à attendre des TNA Les TNA ont un double objectif : contrôler d’éventuelles micro-métastases et faciliter, voire permettre l’exérèse locale. Comme nous venons de l’exposer, cet avantage est manifeste en cas de réponse (« downstaging ») dans les formes initialement non résécables. L’avantage pourrait également être de diminuer l’étendue de cette exérèse locale en diminuant la taille de la tumeur et l’importance du N1 [14]. Ceci permet classiquement d’effectuer une exérèse plus limitée chez certains insuffisants respiratoires. Dans le cadre du cancer du poumon droit, les TNA pourraient faire diminuer le nombre des pneumonectomies avec leur morbi-motalité propre et donc présenter par ce biais un avantage supplémentaire. Cet effet pourrait être important, le « downstaging » obtenu par les TNA permettant de rendre résécable près de la moitié des tumeurs initialement récusées chirurgicalement. Toutefois, dans ces cas, il est classique, bien que cela ne soit pas démontré, de considérer la résection chirurgicale comme potentiellement non carcinologique. En effet, l’étendue de l’exérèse est volontiers considérée garantir une meilleure valeur carcinologique. Cette considération semble pouvoir être remise en question. 16S40

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42

Étendue des exérèses et valeur carcinologique De nombreuses tumeurs rendent une pneumonectomie nécessaire ou plus facilement réalisable (moindres risques peropératoires). Les principales raisons sont la taille de la tumeur et le degré d’envahissement ganglionnaire intrapulmonaire : les autres raisons sont le fait, non plus seulement de la taille, mais du siège de la tumeur qui rend la pneumonectomie moins « difficile » pour les chirurgiens non spécialisés : siège au niveau d’un carrefour bronchique, cancer du segment ventral du lobe supérieur droit envahissant l’artère pulmonaire dans la scissure, cancer de l’apico-dorsal du culmen envahissant la crosse de l’artère pulmonaire gauche, cancer du lobe moyen, etc., nécessitant, pour éviter la pneumonectomie, de recourir à des techniques plus spécifiques. Dans les années quarante, la pneumonectomie était l’intervention systématique de référence. Au début des années cinquante à la suite de Churchill et coll. [15], il fut démontré qu’une simple lobectomie avait le même effet curateur qu’une pneumonectomie dès lors qu’elle était techniquement et carcinologiquement réalisable. De la même façon, l’existence des N1 intrapulmonaires a longtemps fait penser que leur découverte en peropératoire était l’indication d’une pneumonectomie. La pneumonectomie, il est vrai, est souvent nécessaire, dans ces cas, quand les ganglions ne sont pas dissécables des structures bronchovasculaires intrascissurales. Quand ils sont résécables, une étude multicentrique rétrospective a montré que, dans ces cas, les lobectomies étaient préférables [16], ce qui semble également avoir été constaté en cas de lobectomie avec résection anastomose [7]. On a longtemps cru et fait prévaloir que l’exérèse après traitement néoadjuvant devait comprendre les zones où s’étendaient les lésions avant ce traitement. L’expérience des tumeurs avec envahissement médiastinal, où l’exérèse n’emporte que les lésions résiduelles après « downstaging », suggère et confirme que l’extension de l’exérèse aux territoires occupés auparavant par les lésions n’est pas nécessaire en pratique. Après TNA, la réalisation d’une lobectomie, mais aussi d’une lobectomie avec résection-anastomose de l’axe bronchique (RA), ne semble pas diminuer les chances de survie à 5 ans, ni augmenter le taux des récidives locales, là où initialement une pneumonectomie paraissait indiquée [18, 19]. Les complications observées après lobectomie avec ou sans RA ne sont pas majorées par les TNA [20, 21]. Les éléments aggravant le pronostic sont le degré de cancer résiduel dans les ganglions (pN) et l’atteinte des recoupes chirurgicales R1 [20].

La meilleure stratégie thérapeutique La meilleure stratégie thérapeutique doit s’adapter au stade précoce considéré, tel qu’on peu le définir sur le plan clinique, assurer le taux de morbi-mortalité postopératoire le plus bas et faire espérer le taux de survie à long terme le plus élevé.

CBNPC de stades précoces (I. II. IIIA) • Quelle est la meilleure stratégie thérapeutique ?

La chirurgie de première intention est incontournable, comme nous l’avons vu, lorsque le diagnostic de CBNPC n’est pas établi, ce qui représente plus de la moitié des cas. Les TNA peuvent être discutés dans les autres cas, quand le diagnostic de CBNPC est confirmé.

Dans les stades I (T1N0 et T2N0) Ils présentent peu d’intérêt, sauf dans certains T2 bronchiques ou de grosse taille lorsqu’ils peuvent permettre de faire espérer une exérèse chirurgicale plus limitée. Dans les autres cas, ils risquent d’effacer la valeur pronostique potentielle de ces tumeurs renseignée par l’étude du T et du N postopératoire, empêchant ainsi une meilleure connaissance éventuelle de ces cancers. Ces stades « cliniques » sont les plus fréquents et ceux qui offrent actuellement les meilleures chances de survie. Ces chances de survie doivent être améliorées par cette meilleure connaissance de ces cancers et les traitements combinés doivent rester, dans ces cas, du domaine de la recherche et des essais thérapeutiques.

Dans les stades II La présence d’adénopathies intrapulmonaires fait tout l’intérêt des TNA. En effet, les adénopathies habituellement visibles sont les adénopathies extra-lobaires et hilaires, c’est-àdire celles qui ont la valeur pronostique des N2 localisés à une seule station du médiastin [22]. De ce fait, ces N1 doivent théoriquement bénéficier des mêmes effets bénéfiques des TNA sur la survie que ces N2. Par ailleurs, ces adénopathies sont une des causes importantes de pneumonectomie et, en cas de « downstaging », une exérèse plus limitée est envisageable. Les tumeurs T2 présentes dans ces cas et possibles causes de pneumonectomie elles-mêmes, peuvent aussi, pour les mêmes raisons, bénéficier de ces TNA [14]. Il est important toutefois d’avoir la confirmation de la positivité de ces adénopathies pour ne pas traiter ces patients de façon empirique, ce qui est trop souvent le cas. Le TEPscan peut aider dans cette démarche, mais il est fréquent que des adénopathies d’autre nature fixent [23]. L’utilisation de l’échographie endobronchique pourrait aider de façon importante dans cette stratégie thérapeutique, non seulement en analysant le T 2 et le N1 dans ses rapports avec l’axe bronchique, mais aussi en permettant la biopsie des ganglions [24].

Dans les stades IIIA Les résultats obtenus dans ces stades après TNA font qu’il est préférable que ces patients, même opérables d’emblée, puissent bénéficier de cette stratégie thérapeutique multinodale. Toutefois, il serait opportun d’avoir le meilleur staging histopathologique préopératoire des sites ganglionnaires concernés, notamment de ceux décrits par l’imagerie comme suspects. En effet, vu la grande variété des types de N1 et de N2, il est

essentiel de savoir comment va se comporter chacun de ces types dans cette stratégie thérapeutique. En cas d’inextirpabilité vraisemblable d’une tumeur au stade cIIIA, un traitement initial (CT ou RCT) doit toujours être suivi d’une réévaluation permettant de maintenir ou non la contre-indication chirurgicale. Un « down-staging » des masses ganglionnaires peut alors techniquement permettre et carcinologiquement autoriser, d’après ce qu’il a été constaté dans ces cas sur les bénéfices en termes de survie, l’extension des exérèses aux structures de voisinage notamment médiastinales, tel que cela est réalisable dans les tumeurs T4.

Cas particuliers des T3 Ces T3 peuvent appartenir, soit au stade II (T3N0), soit au stade IIIA (T3N1 et N2). Les TNA semblent améliorer la prise en charge chirurgicale de ces patients, encore que les séries sont peu nombreuses et pas toujours concluantes, notamment en ce qui concerne les stades II. En conclusion, la meilleure stratégie thérapeutique applicable aux stades précoces (I, II, et IIIA) des CBNPC, reste encore à venir, mais elle s’oriente de plus en plus vers une chirurgie précédée par un TNA. Cette stratégie s’impose pour les stades IIIA où elle présente plus d’avantages que d’inconvénients. Pour les stades I et II, le type de la tumeur (T) est très variable, et il convient de mieux appréhender ces tumeurs et de mieux les comprendre de façon à mieux « cibler » ces stratégies : les TNA qui permettent d’espérer une chirurgie plus limitée, notamment à droite, ou moins délabrante, doivent être privilégiés. Dans les autres cas, la chirurgie de première intention, qui permet l’étude précise de la tumeur elle-même, apparaît encore préférable actuellement, d’autant que les traitements adjuvants semblent renforcer l’efficacité déjà bien établie de cette dernière.

Références 1 2

3

4

5

Mountain CF : Revision in the international system for staging lung cancer. Chest 1997 ; 111 : 1710-7. Riquet M, Manac’h D, Saab M, Le Pimpec Barthes F, Dujon A, Debesse B : Factors determining survival in resected N2 lung cancer. Eur J Cardiothorac Surg 1995 ; 9 : 300-4. Todd TRJ, Ralph-Edwards AC : Perioperative management. In Pearson FG, Cooper JD, Deslauriers J, et al. Thoracic Surgery, Philadephia : Churchill Livingstone 2002 ; p139-154. Thomas P, Doddoli C, Guggino G, Acri P, Trousse D, Edgard-Rosa G, Guidicelli R, Fuentes P : Risques de la pneumonectomie ; quel critère de jugement ? J Chir Thorac Cardiovasc 2003 ; 7 : 96 (abstract). Riquet M, Medioni J, Manac’h D, Dujon A, Souilamas R, Le Pimpec Barthes F, Hubsch JP : Cancer pulmonaire non à petites cellules : particularités chirurgicales en fonction de l’âge. Rev Mal Resp 2001 ; 18 : 173-84.

© 2006 SPLF, tous droits réservés

16S41

M. Riquet, P. Berna

6

7

8

9

10

11

12

13

14

16S42

Moro-Sibilot D, Diab S, Fourneret P, Aubert A : Chimiothérapie préopératoire des cancers bronchiques non à petites cellules. Oncologie 2005 ; 7 : 451-5. Inui K , Takahashi Y, Hasegawa S, Hirai T, Yokomise H, Hitomi S, Takahashi M, Wada H : Effect of preoperative irradiation on wound healing after bronchial anastomosis in mongrel dogs. J Thorac Cardiovasc Surg 1993 ; 106 : 1059-64. Yamamoto R, Tada H, Kishi A, Tojo T : Effects of preoperative chemotherapy and radiation therapy on human bronchial blood flow. J thorac Cardiovasc 2000 ; 119 : 939-45. Depierre A, Milleron B, Moro-sibilot D, Chevret S, Quoix E, Lebeau B, Braun D, Breton JL, Lemarié E, Gouva S, Paillot N, Brechot JM, Janicot H, Lebas FX, Terrioux P, Clavier J, Foucher P, Monchâtre M, Coëtmeu D, Level MC, Leclerc P, Blanchon F, Rodier JM, Thiberville L, Villeneuve A, Westeel V, Chastang C. From the French Thoracic Cooperative Group : Preoperative chemotherapy followed by surgery compared with primary surgery in resectable stage I (except T1 N0), II, and IIIA non-small cell lung cancer. J Clin Oncol 2001 ; 20 : 247-53. Matsubara Y, Takeda S, Mashimo T : Risk stratification for lung cancer surgery. Impact of induction therapy and extended resection. Chest 2005 ; 128 : 3519-25. Martin J, Ginserg RJ, Abolhoda A, Bains MS, Downey RJ, Korst RJ, Weigel TL, Kris MG, Venkatraman ES, Rusch VW : Morbidity and mortality after neoadjuvant therapy for lung cancer: the risks of right pneumonectomy. Ann Thorac Surg 2001 ; 72 : 1149-54. Bernard A, Deschamps C, Allen MS, Miller DL, Trastek VF, Jenkins GD, Pairolero PC : Pneumonectomy for malignant disease: factors affecting early morbidity and mortality. J Thorac Cardiovasc Surg 2001 ; 121 : 1076-82. Deschamps C, Bernard A, Nichols III FC, Allen MS, Miller DL, Trastek VF, Jenkins GD, Pairolero PC : Empyema and bronchopleural fistula after pneumonectomy: factors affecting incidence. Ann Thorac Surg 2001 ; 72 : 243-8. Bagan P, Berna P, Pereira Das Neves JC, Le Pimpec Barthes F, Foucault C, Dujon A, Riquet M : Sleeve lobectomy versus pneumo-

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 16S36-16S42

15 16

17

18

19

20

21

22

23

24

nectomy: tumor characteristics and comparative analysis of feasibility and results. Ann Thorac Surg 2005 ; 80 : 2046-50. Churchill ED, Sweet RH, Soutter L, Scaller JG : The surgical management of carcinoma of the lung. J Thoracic Surg 1950 ; 26 : 349-65. Dujon A, Peillon C, Riquet M, et la SCTCVLF : Cancer du poumon non à petites cellules N1 : pneumonectomie délibérée ou lobectomie quand celle-ci est réalisable ? J Chir Thorac Cardiovasc 2000 ; 4 : 233-40. Van Schil PE, Vankeirsbilck J, Brutel de la Rivière A, Knaepen PJ, Van Swieten HA, Elseviers M, Vanderschueren RG, Van den Bosch JM : Survie à long terme après résection anastomose bronchique en fonction de l’atteinte ganglionnaire. J Chir Thorac Cardio-vasc 2001 ; 5 : 43-50. Rendina E.A, Venuta F, De Giacomo T, Ciccone AM, Ruvols G, Coloni GF, Ricci C : Induction chemotherapy for T4 centrally located non-small cell lung cancer. J Thorac Cardiovasc Surg 1999 ; 117 : 225-33. Rendina EA, Venuta F, De Giacomo T, Flaishan I, Fazi P, Ricci C : Safety and efficacy of bronchovascular reconstruction after induction chemotherapy for lung cancer. J Thorac Cardiovasc Surg 1997 ; 114 : 830-7. Yatsuyanagi E, Hirata S, Yamazaki K, Sasajima T, Kubo Y : Anastomotic complications after bronchoplastic procedures for non small cell lung cancer. Ann Thorac Surg 2000 ; 70 : 396-400. Burfeind WR, D’Amico TA, Toloza EM, Wolfe WG, Harpole DH : Low morbidity and mortality for bronchoplaastic procedures with and without induction therapy. Ann Thorac Surg 2005 ; 80 : 418-22. Riquet M, Manac’h D, Le Pimpec Barthes F, Dujon A, Chehab A : Prognostic significance of surgical pathologic N1 disease in non-small cell carcinoma of the lung. Ann Thorac Surg 1999 ; 67 : 1572-6. Cerfolio J, Ojha B, Bryant AS, Bass CS, Bartalucci AA, Mountz JM : The role of FDG6PET Scan in staging Patients with non small cell carcinoma. Ann Thorac Surg 2003 ; 76 : 861-6. Faber J, Pierard P, Prigogines T, Dusart M, Haller A, Bosschaerts T, Scullier JP, Ninane V : Echographie endobronchique et ganglions TEP positifs dans les cancers broncho-pulmonaires. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 37-42.