Céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux : lutter ou accepter ?

Céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux : lutter ou accepter ?

Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2011) 12, 321—325 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ACTUALITÉS / Sous la direction de Fl...

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2011) 12, 321—325

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ACTUALITÉS / Sous la direction de Florentin Clère

Tous les antiépileptiques n’ont pas les mêmes valeurs Anticonvulsivants have different values Les gabapentinoïdes sont les antiépileptiques de première intention dans le traitement médicamenteux des douleurs neuropathiques (DN). Leur efficacité reste cependant toute relative puisqu’ils ne permettent de soulager de 50 % qu’au mieux un patient sur cinq. Pour cette raison, la recherche clinique s’est naturellement orientée vers les autres antiépileptiques disponibles dans la pharmacopée. Oxcarbazépine, lamotrigine, topiramate et acide valproïque : toutes ces molécules ont été étudiées, avec des résultats décevants et/ou discordants en termes de soulagement des DN. Le levetiracetam (Keppra® ), antiépileptique ayant obtenu son autorisation de mise sur le marché en France en 2001, est une molécule relativement bien tolérée, sans interaction médicamenteuse importante. Il a donc du potentiel dans un contexte de DN chronique, d’autant que les études réalisées chez l’animal laissaient présager un bel avenir. Malheureusement, l’espoir suscité a rapidement été déc ¸u ! Le dernier essai (contrôlé, randomisé, contre placebo) publié [1] n’a pas démontré de supériorité du levetiracetam sur le placebo chez des patients porteurs d’une polyneuropathie douloureuse. Audelà du soulagement de la douleur, la qualité de vie était meilleure chez les patients sous placebo. . . Ces résultats confirment les données de deux autres essais [2,3] réalisés chez des patients présentant des DN après lésion médullaire ou après mammectomie. L’action antiépileptique du levetiracetam est liée à la protéine transmembranaire SV2A, elle-même impliquée dans l’exocytose calcium-dépendante de neurotransmetteurs au niveau synaptique : les auteurs de cette étude [1] ne peuvent que constater l’inefficacité de ce mécanisme d’action dans le cadre de DN. C’est confirmé : les antiépileptiques n’ont pas tous les mêmes valeurs. . . Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Holbech JV, Otto M, Bach FW, Jensen TS, Sindrup SH. The anticonvulsant levetiracetam for the treatment of pain in polyneuropathy: a randomized, placebo-controlled, cross-over trial. Eur J Pain 2011;15:608—14. [2] Finnerup NB, Grydehøj J, Bing J, Johannesen IL, BieringSørensen F, Sindrup SH, et al. Levetiracetam in spinal cord injury pain: a randomized controlled trial. Spinal Cord 2009;47:861—7. [3] Vilholm OJ, Cold S, Rasmussen L, Sindrup SH. Effect of levetiracetam on the postmastectomy pain syndrome. Eur J Neurol 2008;15:851—7.

Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : fl[email protected] Disponible sur Internet le 16 novembre 2011 doi:10.1016/j.douler.2011.09.010

Céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux : lutter ou accepter ? Chronic daily headache with drug abuse: Fight or accept? Les céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux (CCQ par abus) touchent en Europe entre 0,7 % et 1,7 % de la population générale. Actuellement, le sevrage médicamenteux demeure le principal traitement. Des études récentes ont pu mettre en évidence un dysfonctionnement du cortex orbito-frontal chez ces patients. De nombreuses questions persistent sur l’évolution des migraines épisodiques vers les CCQ par abus, le maintien du comportement abuseur malgré la diminution de l’antalgie et l’apparition d’effets secondaires, ainsi qu’autour des rechutes après sevrage. Pour répondre à ces questions, Lauwerier et al. se réfèrent dans une publication récente [1] au modèle théorique du double processus d’adaptation (Dual Process Model of Coping) face à l’adversité [2]. Ce modèle

1624-5687/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2011.09.010

322 de résolution de problème, appliqué à la douleur chronique, distingue deux stratégies de coping. La première est un coping d’assimilation (CAS). Les patients usant du CAS seraient engagés dans une recherche constante d’antalgie et de diminution du retentissement de la douleur sur leurs activités quotidiennes. Chez eux, l’investissement de la prise médicamenteuse serait donc très important. Le second coping serait un coping d’accomodation/acceptation (CAC). Ces patients seraient désengagés de la lutte contre la douleur et investiraient davantage les activités non affectées par leur douleur. Ils s’engageraient dans l’accomplissement comportemental de leurs valeurs de vie. Des travaux antérieurs menés sur les patients douloureux chroniques ont montré chez les patients utilisant le CAS une plus grande souffrance morale [3]. Pour Lauwerier et al. [1], le CAS serait sur utilisé par les patients présentant des CCQ par abus, ce coping favoriserait également le passage vers la chronicité et l’entretien de celle-ci par l’abus. Pour valider ces hypothèses, ils ont constitué et évalué deux groupes de patients. Le premier groupe était constitué de 133 sujets, souffrant de migraines épisodiques. Le second groupe se composait de 42 sujets souffrant de CCQ par abus. Tous furent évalués sur les dimensions suivantes : comportement et usage médicamenteux depuis trois mois, fréquence et intensité douloureuse, retentissement sur les activités quotidiennes, stratégies de coping et acceptation. Les corrélations statistiques réalisées montrent des liens très forts et exclusifs chez les sujets souffrant de CCQ par abus entre le CAS et le besoin perc ¸u en médication, les ruminations anxieuses orientées vers la tolérance et les symptômes de sevrage, l’anxiété sociale (isolée à la thématique de la consommation médicamenteuse). La perception des traitements médicamenteux comme unique solution face aux migraines épisodiques pourrait donc constituer, d’après les auteurs, un facteur de risque d’évolution vers les CCQ par abus. Un haut niveau de sentiment d’auto efficacité personnel dans le contrôle de la douleur suite aux premiers effets antalgiques des molécules à court terme pourrait expliquer le surinvestissement de la consommation médicamenteuse malgré l’apparition d’effets indésirables à long terme. Les auteurs expliquent également le maintien du comportement abuseur par le fait que les activités affectées par l’installation des douleurs seraient des activités particulièrement investies par ces patients. Ces derniers éléments pourraient également expliquer le taux important de rechute après sevrage et sous tendraient l’idée selon laquelle les patients qui réinvestissent différemment leurs activités avec l’installation des douleurs et qui décrivent une satisfaction existentielle sont susceptibles de ne pas évoluer vers un comportement d’abus et des CCQ. Les auteurs terminent notamment leur article par une critique de l’hypothèse d’une addiction chez les patients souffrant de CCQ par abus. Ils recommandent les approches psycho éducatives, les thérapies comportementales et cognitives pour prévenir les rechutes après sevrage en favorisant l’évolution des perceptions et coping face à la douleur. Enfin, ils tentent un rapprochement théorique entre le CAC et le modèle théorique sous tendu par la thérapie d’acceptation et d’engagement [4] (ACT). Ils appellent de leurs vœux le développement d’études de validation de l’ACT auprès des patients céphalalgiques encore trop peu nombreuses.

Actualités Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Lauwerier E, Paemeleire K, Van Damme S, Goubert L, Crombez G. Medication use in patients with migraine and medication-overuse headache: the role of problem-solving and attitudes about pain medication. Pain 2011;152:1334—9. [2] Brandtstädter J, Renner G. Tenacious goal pursuit and flexible goal adjustment: explication and age-related analysis of assimilative and accommodative strategies of coping. Psychol Aging 1990;5:58—67. [3] Crombez G, Eccleston C, De Vlieger P, Van Damme S, De Clercq A. Is it worse to have controlled and lost than never to have controlled at all? An experimental investigation of control over pain. Pain 2008;137:631—9. [4] Monestès JL, Vuille P, Serra E. Thérapie de pleine conscience, thérapie d’acceptation et d’engagement et douleur chronique. Douleurs 2007;8:73—9.

Franck Henry Consultation pluridisciplinaire de la douleur, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 29 octobre 2011 doi:10.1016/j.douler.2011.09.009

Efficacité de la thérapie d’acceptation et d’engagement en douleur chronique Efficacy of acceptance and commitment therapy in chronic pain La thérapie cognitive et comportementale (TCC) a un intérêt certain auprès des patients douloureux chroniques (PDC). Cet intérêt a été largement discuté dans la littérature et est sous tendu par de nombreuses études de validation. Quelques travaux montrent également les limites de la TCC auprès des PDC [1]. En continuité avec le paradigme cognitivo-comportemental la recherche auprès des PDC s’oriente de plus en plus vers l’évaluation des effets de la thérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance and Commitment Therapy [ACT]) [2]. Cette nouvelle forme de psychothérapie vise davantage le changement des rapports que le patient entretient avec ses cognitions et comportements que le changement direct de ces derniers [3]. Elle propose au patient d’accroître ses compétences en flexibilité psychologique en travaillant sur les processus qui la détermine : l’expérience du moment présent (mindfulness), la cohérence entre les valeurs de l’individu et leurs mises en actes (values-based action, committed action), la défusion cognitive (prise de distance à l’égard des cognitions), ainsi que l’acceptation des expériences somatiques (douleur, notamment) et psychologiques (cognitions, émotions). L’acceptation correspondrait à une recherche