Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature

Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature

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Communication brève

Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature Hemorrhagic shock revealing multiple digestive microaneurysms in a patient with systemic lupus erythematosus: Case report and literature review C. Anquetil a,b,c,d , C. Stavris a,b,c,d , N. Chanson a,b,c,d , M. Lambert a,b,c,d , E. Hachulla a,b,c,d,e , D. Launay a,b,∗,c,d,e,1 , P.Y. Hatron a,b,c,d,1 a

UFR de médecine, université de Lille, 59000 Lille, France Service de médecine interne et immunologie clinique, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, pôle spécialités médicales et gérontologie, rue Michel-Polonovski, 59037 Lille cedex, France c Centre national de référence maladies systémiques et auto-immunes rares (sclérodermie systémique), 59037 Lille cedex, France d FHU Immune-Mediated Inflammatory Diseases and Targeted Therapies (IMMInENT), 59000 Lille, France e LIRIC, UMR 995, EA2686, 59000 Lille, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Lupus érythémateux systémique Vascularite Micro-anévrismes Choc hémorragique

r é s u m é Introduction. – Les manifestations vasculaires au cours du lupus érythémateux systémique (LES) sont de mécanismes (atteinte inflammatoire ou vascularite, athérosclérose, etc.) et de présentations variés. Observation. – Nous rapportons l’observation d’un patient de 34 ans avec un LES comportant une atteinte cutanée, articulaire, neurologique et rénale. Il présentait un choc hémorragique sur rupture d’un microanévrisme de l’artère hépatique gauche dont l’évolution était favorable après transfusions, traitement immunosuppresseur et hydroxychloroquine. Conclusion. – Atteinte rare au cours du LES, une vascularite digestive peut se manifester par des microanévrismes notamment hépatiques à l’instar de la panartérite noueuse. Dans la littérature, 10 cas de vascularite des artères digestives avec micro-anévrismes ont été rapportés. L’enjeu principal réside dans un diagnostic précoce pour une prise en charge adaptée et une amélioration du pronostic des patients. © 2016 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Systemic lupus erythematosus Vasculitis Microaneurysms Hemorrhagic shock

Introduction. – The vascular disorders in systemic lupus erythematosus (SLE) result from various mechanisms and presentations (inflammatory disease or vasculitis, atherosclerosis). Case report. – We report on a 34-year-old man with cutaneous, articular, neurological and nephrologic SLE. He presented with catastrophic haemorrhage on microaneurysm rupture of the left hepatic artery. After blood transfusions and immunosuppressive treatments, his condition improves. Conclusion. – Uncommon complication in SLE patients, digestive vasculitis with microaneurysms may occur as in polyarteritis nodosa . In the literature, we identified 10 additional cases of hepatic microaneurysms in SLE patients. The main issue is an earlier diagnosis in order to give appropriate treatment and improve prognosis. © 2016 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Launay). 1 Les 2 auteurs ont contribué de manière égale à ce manuscrit. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020 0248-8663/© 2016 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Anquetil C, et al. Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020

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1. Introduction Les manifestations vasculaires au cours du lupus érythémateux systémique (LES) sont de mécanismes et de présentations variés. Elles peuvent résulter d’une atteinte inflammatoire ou vascularite des petits, moyens ou gros vaisseaux ou d’une athérosclérose accélérée potentiellement favorisée par le traitement corticoïde. Une vascularite avec atteinte viscérale digestive est une complication rare au cours du LES, survenant chez environ 2 à 4 % des patients suivant les études [1,2]. Elle peut également, dans de rares cas, entraîner la formation de micro-anévrismes. Dans cet article, nous rapportons l’observation d’un patient présentant un LES compliqué de micro-anévrismes hépatiques, rénaux, splénique et mésentériques révélés par un choc hémorragique. 2. Observation Un homme de 34 ans était hospitalisé en mars 2012 pour un choc hémorragique dans un contexte fébrile à 38,2 ◦ C. Ses antécédents étaient marqués par un LES diagnostiqué en 1993 et compliqué en 1997 d’une glomérulonéphrite proliférative diffuse classe IVc traitée par des bolus de cyclophosphamide et de méthylprednisolone avec un relai par hydroxychloroquine, azathioprine et prednisolone. Les traitements avaient été progressivement arrêtés. À l’admission, il ne prenait aucun traitement. Initialement, le patient présentait une instabilité hémodynamique (pression artérielle 94/46 mmHg, fréquence cardiaque 128 battements/min, sueurs, marbrures). L’examen clinique retrouvait une douleur abdominale à la palpation en fosse iliaque droite, sans défense. Il n’y avait pas d’extériorisation de saignement. Il n’y avait pas d’argument en faveur d’une activité clinique du lupus. Le bilan biologique mettait en évidence une anémie (hémoglobine 5,9 g/dL), une insuffisance rénale aiguë (créatininémie : 124 ␮mol/L), une cytolyse hépatique (ASAT : 258 UI/L, ALAT : 173 UI/L), une cholestase anictérique (␥-GT : 212 UI/L, bilirubine totale : 8,7 mg/L) et un syndrome inflammatoire avec une CRP à 106,3 mg/L (N < 3 mg/L). La tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne montrait un hématome intrahépatique avec une hémorragie active en regard de l’hématome, un hématome de la tête et de la queue du pancréas ainsi que de multiples micro-anévrismes des artères digestives et une rupture d’un micro-anévrisme de l’artère hépatique gauche (Fig. 1). L’artériographie confirmait la présence de nombreux

Fig. 1. Coupe axiale scanographique montrant l’hématome sous-capsulaire et les multiples micro-anévrismes des artères hépatique (flèches blanches), pancréatique (flèches noires) et mésentérique (flèche blanche discontinue).

micro-anévrismes intéressant à la fois les branches de l’artère hépatique, de l’artère mésentérique supérieure, de l’artère rénale gauche et également de l’artère splénique avec une nette prédominance de ces micro-anévrismes au niveau du foie et des artères digestives (Fig. 2). Le plus volumineux de ces micro-anévrismes était situé au niveau du dôme hépatique et mesurait 11 mm de diamètre. Le traitement comportait un remplissage vasculaire, des amines vaso-actives (jusqu’à 2 mg/heure de noradrénaline), des transfusions (4 concentrés érythrocytaires et 2 plasmas frais congelés), une antibiothérapie probabiliste par pipéracilline-tazobactam. Après cette prise en charge initiale, le patient était stable sur le plan hémodynamique et la TDM de contrôle ne retrouvait plus de saignement actif. Il n’y avait donc ni embolisation ni geste chirurgical retenu. L’évolution de l’insuffisance rénale aiguë était rapidement favorable en 48 h après remplissage (créatininémie de contrôle : 52,8 ␮mol/L). Le diagnostic d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle secondaire au choc hémorragique était retenu. Il n’était pas effectué de ponction-biopsie rénale en raison de la rapide réversibilité de l’insuffisance rénale aiguë et dans ce contexte de multiples micro-anévrismes. Le bilan étiologique de ces micro-anévrismes retrouvait des sérologies VIH, VHB, VHC négatives et la recherche d’endocardite était négative (2 échographies cardiaques trans-œsophagiennes à 10 jours d’intervalle normales, 10 séries d’hémocultures stériles, critères mineurs négatifs : fond d’œil, cryoglobuline, complexes immuns circulants). Le bilan d’activité du LES montrait la présence d’anticorps anti-ADN natifs à titre faible (Farr à 12 UI/L [norme < 7 UI/L]), la voie classique du complément non activée et une protéinurie à 1,97 g/24 h. Les ANCA étaient négatifs. Les critères de panartérite noueuse n’étaient pas réunis (présence uniquement d’anomalies artériographiques). En l’absence d’argument pour une cause infectieuse, médicamenteuse ou pour une vascularite primitive, le diagnostic de vascularite associée à une maladie systémique, le LES, était retenu. Le patient recevait alors 3 bolus de méthylprednisolone, 6 bolus de cyclophosphamide sur 3 mois, et une corticothérapie à 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone avec une reprise du traitement par hydroxychloroquine. La TDM de contrôle à 3 mois montrait la régression de l’ensemble des micro-anévrismes et une diminution de l’hématome intrahépatique. Il était alors décidé un traitement d’entretien par

Fig. 2. Artériographie montrant les micro-anévrismes des branches de l’artère hépatique (flèches blanches) et pancréatique (flèche noire).

Pour citer cet article : Anquetil C, et al. Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020

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azathioprine 150 mg/j. Le patient ne présentait pas de récidive de l’atteinte digestive ni de poussée lupique après 4 de suivi. Son traitement comporte actuellement : azathioprine 150 mg/j, prednisone 5 mg/j et hydroxychloroquine 200 mg/j. 3. Discussion Au cours du LES, les manifestations vasculaires sont essentiellement représentées par un phénomène de Raynaud, une hypertension artérielle secondaire sur une néphrite lupique, une artériosclérose accélérée (inflammation, corticothérapie) et rarement une vascularite lupique [1]. La prévalence d’une vascularite au cours du LES est estimée entre 11 et 36 % selon les différentes études de cohorte [2,3]. Dans une cohorte de 540 patients avec un LES, le taux d’incidence d’une vascularite était calculé à 0,053 cas/personne/année et les incidences cumulées de 0,051 à 1 an, 0,232 à 5 et 0,411 à 10 ans [2]. Les manifestations de vascularite touchent en premier les vaisseaux de petit calibre, notamment de la peau (livedo, ulcération cutanée, etc.) : l’analyse des données de 704 patients lupiques a mis en évidence une vascularite cutanée chez 19–28 % des patients [4]. Beaucoup plus rares, des atteintes viscérales (neurologique, digestive, coronaire) sont présentes chez 6 % des patients [2]. Enfin, la survenue d’une vascularite systémique nécrosante avec formation d’anévrismes a été identifiée chez 2 à 4 % des patients lupiques [1]. La présence de micro-anévrismes est généralement décrite dans un contexte de vascularite cérébrale [5]. L’existence de micro-anévrismes multiples des artères rénales sont rapportés sous le terme de syndrome de Wünderlinch [1,6]. En ce qui concerne l’atteinte des artères digestives de moyens et petits calibres, seulement 10 cas dans la littérature anglophone et francophone [7–16] sont publiés concernant des micro-anévrismes des artères hépatiques et nous rapportons le 11e cas. Les principales caractéristiques de ces 11 patients sont résumées dans les Tableaux 1 et 2 [7–16]. Le LES peut également s’associer à un syndrome des antiphophospholipides (SAPL) avec des manifestations essentiellement thrombotiques artérielles ou veineuses. On retrouve dans une

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cohorte espagnole de 540 patients lupiques une fréquence du SAPL de 20 % chez les patients avec une vascularite soulignant l’importance de cette association [3]. Cependant, la présence d’une vascularite avec formation d’anévrisme est décrite dans la littérature en association avec d’autres pathologies auto-immunes, notamment la panartérite noueuse, la maladie de Behc¸et ou l’artérite de Takayasu. Pour les patients avec un SAPL primaire, quelques cas sont rapportés dans la littérature mais l’association anévrismes et SAPL reste très rare [17]. Dans notre revue de la littérature, 3 patients présentent un SAPL secondaire avec complications thrombotiques (2 embolies pulmonaires et 1 thrombose veineuse profonde du membre supérieur et jugulaire) cas nos 3, 8 et 10 soulignant la fréquence de l’association SLE et SAPL dans un contexte de vascularite. Concernant les caractéristiques démographiques, on note un sex-ratio de 6 femmes pour 5 hommes. Or, le LES est une pathologie à prédominance féminine avec un sex-ratio de 10 femmes pour 1 homme [18]. Il est possible d’interpréter ces données de deux manières : le sexe masculin est un facteur de risque de développer une vascularite des artères digestives dans le cadre du LES ou cette complication peut être assimilée à une vascularite des moyens vaisseaux comme la panartérite noueuse dont le sex-ratio est proche de 1 [19]. De plus, dans l’histoire naturelle du LES, il apparaît que cette complication est de survenue tardive. Le délai en années entre le diagnostic du LES et celui de la vascularite est en moyenne à partir de nos onze cas de 9,9 avec un écart-type de 5,5 et une médiane de survenue à 10 d’évolution. Dans la cohorte de 540 patients lupiques, la durée moyenne d’évolution du LES est de 9,2 avec un écarttype de 6,7 concordant avec nos résultats [1]. L’âge médian de survenue est de 33 ans à partir de notre revue de la littérature. Il est important également de souligner qu’aucun cas de microanévrisme hépatique n’a précédé ni révélé un LES. La douleur abdominale, signe clinique non spécifique au cours du LES [20], est le mode de découverte des micro-anévrismes le plus fréquent (n = 10). Dans 4 observations, le diagnostic est porté suite à un choc hémorragique. Enfin, la mortalité de cette complication est

Tableau 1 Caractéristiques démographiques des 11 patients lupiques avec vascularite digestive [7–16]. Âge/sexe

Ethnie

Ancienneté (ans)

Manifestations cliniques du lupus

Activité du lupusa

Traitementsa

Cas no 1 [7]

26/F

Caucasienne

6

ND

Corticoïdes

Cas no 2 [8]

31/F

ND

10

ND

Corticoïdes, cyclophosphamide

Cas no 3 [9]

21/M

Chinois

2

Lupus actif

Corticoïdes, cyclophosphamide

Cas no 4 [10]

36/M

Japonais

15

Vespertilio, polyarthrite aiguë, amaigrissement, fièvre, lymphadénopathie, hématomes spontanés sans thrombopénie Polyarthrite, syndrome néphrotique, glomérulonéphrite lupique classe IV + VI et dépôts IgG, C3, C1q Polyarthrite symétrique, amaigrissement, neurolupus, sérite (pleurésie gauche, péricardite), néphrite lupique Multiples arthralgies, glomérulonéphrite membrano-proliférative lupique, arthrites des mains

ND

Cas no 5 [11]

56/F

ND

15

Arthralgies, 2 fausses couches spontanées, arthrites, érythème malaire

Lupus actif

Cas no 6 [12]

33/F

Asiatique

12

ND

Cas no 7 [13]

24/F

ND

3

Lupus non actif

Cas no 8 [14] Cas no 9 [15] Cas no 10 [16] Cas no 11 cas personnel

48/M 31/M 41/F 34/M

Caucasien Chinois ND Caucasien

ND 7 ND 19

Arthrite, trouble des phanères, péricardite, œdème, insuffisance rénale Polyarthrites, œdèmes des membres inférieurs, protéinurie, pleurésie LES sans précision Rash malaire, atteinte discoïde cutanée LES sans précision Vespertilio, photosensibilité, comitialité, polyarthrite, glomérulonéphrite nécrosante

Corticoïdes, ciclosporine, hémodialyse/dialyse péritonéale Corticoïdes, hydroxychloroquine, méthotrexate 6-mercaptopurine, corticoïdes AINS, corticoïdes

ND ND ND Lupus non actif

ND Corticoïdes ND Aucun

a

Au moment du diagnostic ; ND : non disponible ; LES : lupus érythémateux systémique ; M : homme : F : femme.

Pour citer cet article : Anquetil C, et al. Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020

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Tableau 2 Caractéristiques de l’atteinte vasculaire et évolution des 11 patients lupiques avec vascularite digestive [7–16]. Mode de présentation de l’atteinte digestive

Atteinte vasculaire

Évolution

Cas no 1 [7]

Choc hémorragique, hépatomégalie

Décès

Cas no 2 [8]

Varices œsophagiennes, splénomégalie, ascite, hémorragie digestive, hyperammoniémie Douleur épigastrique aiguë, vomissements, collapsus

Données autopsiques : hématome capsulaire hépatique et hématome intrahépatique sur micro-anévrisme rompu, infarctus multiples lobe gauche Micro-anévrismes hépatiques lobe droit, hémopéritoine, thrombose portale Micro-anévrismes : artères hépatique droite fusiforme rompu, hépatique gauche fusiforme, splénique sacculaire, hémopéritoine Micro-anévrisme hépatique du foie gauche, hématome sous-séreux de la capsule, micro-anévrisme du sinus de Valsalva Micro-anévrismes intrahépatiques multiples

Décès sur choc hémorragique

Micro-anévrisme de l’artère hépatique gauche, hématome de la capsule rompu avec hémopéritoine Multiples micro-anévrismes hépatiques, volumineux faux micro-anévrisme du foie gauche, multiples micro-anévrismes des artères splénique, gastroduodénale et rénales Hématome capsulaire du foie gauche, multiples micro-anévrismes des moyennes et petites artères exclusivement du lobe gauche du foie Micro-anévrismes hépatiques segment II et III, sténoses des artères hépatiques droite/gauche, hématome capsulaire Pseudoanévrisme artère hépatique droite rompu, kystes hépatiques multiples, hématome capsulaire compliqué d’hémopéritoine Hématome intrahépatique avec hémorragie active en regard de l’hématome, de la tête et de la queue du pancréas et vascularite diffuse avec multiples micro-anévrismes des artères digestives et rupture d’un micro-anévrisme de l’artère hépatique gauche

Lobectomie hépatique, décès

Cas no 3 [9]

Cas no 4 [10]

Douleur abdominale aiguë, péritonite, fièvre, endocardite de Libman-Sachs

Cas no 5 [11] Cas no 6 [12]

Saignements digestifs itératifs, douleur abdominale Douleur épigastrique, hypotension

Cas no 7 [13]

Douleur épigastrique

Cas no 8 [14]

Douleur abdominale aiguë

Cas no 9 [15]

Douleur épigastrique, fièvre, vomissements, cholestase, cytolyse, protéinurie, ictère, Murphy+ Douleur abdominale, choc hémorragique

Cas no 10 [16]

Cas no 11 cas personnel

Douleur abdominale, fièvre, choc hémorragique, insuffisance rénale aiguë

importante avec 5 décès sur les 11 patients. Cependant, il semble qu’avec les prises en charge actuelles, notamment l’embolisation et l’accès rapide à l’imagerie permettant un diagnostic précoce, les observations les plus récentes rapportent une meilleure survie des patients. Notons que la réintroduction d’un traitement immunosuppresseur a permis une régression des micro-anévrismes chez notre patient sans avoir recours à des techniques invasives (embolisation ou chirurgie). Dans cet article, nous rapportons le cas d’un patient de 34 ans ayant un LES depuis 1993 répondant aux critères de l’ACR avec une atteinte cutanée, articulaire, neurologique et rénale. Ce patient présente à distance une atteinte vasculaire, confirmée à l’artériographie à type de vascularite des artères digestives avec des micro-anévrismes diffus. Il n’y a pas eu de confirmation histologique en l’absence de lésion accessible (notamment pas d’atteinte cutanée). Dans les principales cohortes de patients lupiques avec vascularite, l’artériographie est considérée en l’absence d’analyse histologique comme suffisante pour poser le diagnostic [2,3]. Selon la classification de Chapel Hill révisée en 2012, il s’agit d’une vascularite associée à une maladie systémique (LES) qui touche à la fois les vaisseaux de moyen et petit calibres [21]. Le diagnostic a été retenu devant la présentation clinique avec une fièvre, la présence de micro-anévrismes diffus, le syndrome inflammatoire chez un patient ayant un lupus connu. De plus, la recherche de diagnostic différentiel s’est avérée négative. En effet, les critères de panartérite noueuse ne sont pas réunis, les ANCA sont négatifs et il n’y a pas d’argument pour une autre étiologie (infectieuse, médicamenteuse ou toxique). Enfin, l’évolution est favorable sous traitement immunosuppresseur avec régression complète des micro-anévrismes sans récidive.

Embolisation, décès

Décès sur choc septique

Embolisation compliquée d’abcès, survie

Embolisation, bolus solumédrol, cyclophosphamide : régression du faux anévrisme, survie Embolisation sélective, survie

Embolisation, puis hépatectomie gauche avec ligature de l’artère hépatique gauche, survie Embolisation, survie

Transfusions, antibiothérapie initiale, 3 bolus de corticoïdes, 6 bolus de cyclophosphamide, relais prednisone per os, azathioprine et hydroxychloroquine. Régression des micro-anévrismes à 3 mois, survie

Dans la population générale, la prévalence des microanévrismes des artères digestives est estimée entre 0,01 et 0,2 % à partir de séries autopsiques. Selon les données de la littérature, 60 % de ces micro-anévrismes touchent l’artère splénique, 20 % les artères hépatiques et 20 % les autres artères (tronc cœliaque, artère mésentérique supérieure, artère duodéno-pancréatique) [22]. Enfin 25 % des micro-anévrismes se compliquent de rupture [23]. Les étiologies habituelles des micro-anévrismes des artères digestives sont l’athérome, les traumatismes, les infections, les vascularites des moyens vaisseaux et rarement le LES [22]. En effet, on retrouve une vascularite digestive dans plus de 80 % des cas dans une série autopsique de patients avec une périartérite noueuse [24]. Les micro-anévrismes sont plus souvent sacciformes avec une taille entre 1 et 5 mm et multiples [25]. Ils sont présents sur les vaisseaux rénaux, mésentériques et hépatiques. Dans 66 % des cas, il s’agit de micro-anévrismes rénaux [19]. La rupture de micro-anévrisme hépatique est une complication peu fréquente et peu rapportée dans la littérature [26]. Par ailleurs, à l’inverse de la vascularite associée au lupus, les micro-anévrismes sont mis en évidence le plus souvent au moment du diagnostic de panartérite noueuse. Le traitement des anévrismes varie selon l’étiologie, la localisation de l’anévrisme, le caractère rompu ou non. On peut distinguer deux catégories : les anévrismes non inflammatoires essentiellement athérosclérotiques et inflammatoires subdivisés en fonction du calibre des vaisseaux selon la classification de Chapel Hill [21]. Pour le traitement des micro-anévrismes rompus, la prise en charge de l’anévrisme est une urgence thérapeutique afin de traiter le choc hémorragique. Le traitement de choix est l’embolisation par voie endovasculaire en raison de sa rapidité d’action et de mise en

Pour citer cet article : Anquetil C, et al. Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020

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place chez un patient instable. Le choix de la technique utilisée est à discuter avec les centres experts en fonction, notamment des caractéristiques morphologiques de l’anévrisme [27]. Le traitement des micro-anévrismes non rompus a surtout été étudié au cours de la panartérite noueuse. Il s’agit en premier lieu d’un traitement médical (glucocorticoïde associé ou non à un autre immunosuppresseur) selon la sévérité de la pathologie. Pour les anévrismes des artères digestives non rompus, l’indication d’une intervention est retenue si le diamètre est supérieur à 20 mm mais ce seuil est débattu notamment en cas de panartérite noueuse car il existe un risque plus élevé de rupture en cas d’anévrisme hépatique [28]. Il n’y a pas de consensus sur la technique à utiliser : chirurgie ou intervention endovasculaire, celle-ci sera à discuter avec les centres experts.

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4. Conclusion [15]

Au total, nous rapportons une nouvelle observation de patient lupique avec une vascularite digestive compliquée de microanévrismes multiples et d’un choc hémorragique sur rupture d’un micro-anévrisme de l’artère hépatique gauche. Cette atteinte rare doit cependant être recherchée devant un syndrome douloureux abdominal aigu chez un patient lupique, et ce, d’autant plus qu’il s’agit d’un homme et que le LES évolue depuis plusieurs années.

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Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Melamed N, Molad Y. Spontaneous retroperitoneal bleeding from renal microaneurysms and pancreatic pseudocyst in a patient with systemic lupus erythematosus. Scand J Rheumatol 2006;35:481–4. [2] Drenkard C, Villa AR, Reyes E, Abello M, Alarcón-Segovia D. Vasculitis in systemic lupus erythematosus. Lupus 1997;6:235–42. [3] Ramos-Casals M, Nardi N, Lagrutta M, Brito-Zerón P, Bové A, Delgado G, et al. Vasculitis in systemic lupus erythematosus: prevalence and clinical characteristics in 670 patients. Medicine 2006;85:95–104. [4] Calamia KT, Balabanova M. Vasculitis in systemic lupus erythematosis. Clin Dermatol 2004;22:148–56. [5] Mimori A, Suzuki T, Hashimoto M, Nara H, Yoshio T, Masuyama JI, et al. Subarachnoid hemorrhage and systemic lupus erythematosus. Lupus 2000;9:521–6. [6] Chao C-T, Wang W-J, Ting J-T. Wünderlich syndrome from lupus-associated vasculitis. Am J Kidney Dis 2013;61:167–70. [7] Paronetto F, Deppisch L, Tuchman LR. Lupus erythematosus with fatal hemorrhage into the liver and lesions resembling those of periarteritis nodosa

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Pour citer cet article : Anquetil C, et al. Choc hémorragique révélant des micro-anévrismes digestifs au cours du lupus : cas clinique et revue de la littérature. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.02.020