Table ronde Les malformations vasculaires
Classification et génétique des malformations vasculaires F. Ballieuxa, M. Vikkulab, L.M. Boona, b, * aCentre des malformations vasculaires, Service de chirurgie plastique, Cliniques universitaires St Luc, Av Hippocrate 10, B-1200 Bruxelles, Belgique bLaboratoire de génétique moléculaire humaine, Institut de Duve, Université catholique de Louvain, B-1200 Bruxelles, Belgique
L
e terme « angiome », largement rencontré dans la littérature, a été utilisé de façon confuse pour décrire les anomalies vasculaires. Une classification fondée sur la clinique et l’histoire naturelle a été proposée par Mulliken & Glowacki en 1982, et adoptée par la Société internationale pour l’étude des anomalies vasculaires (ISSVA) [1,2]. Les anomalies vasculaires sont classées en 2 grandes catégories : – Les tumeurs vasculaires sont caractérisées par une prolifération clonale des cellules de l’endothélium vasculaire [3]. L’hémangiome infantile en est l’exemple le plus fréquent. Elles ne sont généralement pas présentes à la naissance et grandissent rapidement dans les premières semaines de vie. – Les malformations vasculaires sont, quant à elles, le résultat d’un développement anormal des vaisseaux durant l’embryogenèse [4]. Elles sont toujours présentes à la naissance (mais pas nécessairement visibles) et grandissent proportionnellement avec l’enfant. Elles peuvent être de type artériel, capillaire, lymphatique et veineux. Elles peuvent être simples ou combinées, faisant souvent partie d’un syndrome comme celui de KlippelTrenauney ou de Parkes Weber. Bien que les malformations vasculaires soient souvent cutanées, elles peuvent également se développer au sein d’un organe interne tel le foie, le cerveau et le tube digestif. Le plus souvent sporadiques, certaines malformations peuvent néanmoins être héréditaires [4,5].
1. Hémangiome L’hémangiome infantile (HI) concerne 5 à 10 % des enfants avant l’âge d’un an. Cette tumeur bénigne apparaît peu de temps après la naissance sous la forme d’une tache ou d’une masse érythémateuse. Son diagnostic est souvent réalisé cliniquement grâce à son évolution triphasique, à savoir : une croissance importante entre le 1er et le 8e mois de vie (80 % des hémangiomes doublent leur taille initiale et 5 % la triplent), suivie par une phase de stabilisation jusqu’au 18-20e mois, qui se termine par une régression avant l’âge de 6 ans [6,7]. Son cycle terminé, l’hémangiome peut laisser place à un excédent cutané ou des télangiectasies. Cette
*Auteur correspondant. e-mail :
[email protected]
tumeur peut entraîner un préjudice esthétique ou fonctionnel et un risque vital en fonction de son volume et de sa localisation. Dans de rares cas, les hémangiomes peuvent se développer in utero et présenter une croissance maximale à la naissance ; il s’agit des hémangiomes congénitaux. Bien que la cause des hémangiomes reste encore un mystère, plusieurs mécanismes physiopathogéniques se dessinent [7].
2. Malformation capillaire (MC) Les malformations capillaires, plus connues sous le nom de « tache de vin », sont des anomalies cutanées du lit capillaire dermique. Elles se présentent sous la forme d’une nappe à contours géographiques. De coloration variant du rose au liede-vin, elles ont tendance à s’épaissir et à foncer avec l’âge, et des nodules angiomateux peuvent apparaître en surface [4]. Elles peuvent se compliquer d’une hypertrophie tissulaire et/ou osseuse. Certaines MC font partie d’un syndrome plus complexe tel le syndrome neuro-oculo-cutané de Sturge Weber (MC de la branche ophtalmique du nerf trijumeau (V1) associée à une malformation vasculaire leptoméningée (responsable d’épilepsie) et à des anomalies oculaires de type glaucome ou angiome choroïdien). Dans certains cas, les MC peuvent être multiples, de petite taille et se transmettre sous le mode autosomique dominant : il s’agit alors de la maladie CM-AVM où les malformations capillaires sont associées à des malformations artérioveineuses et pour laquelle des mutations dans le gène RASA1 ont été identifiées [4,5].
3. Malformation veineuse (MV) Les malformations veineuses sont les anomalies vasculaires à bas débit les plus fréquemment rencontrées en consultation pluridisciplinaire. Elles sont constituées de veines dysplasiques dépourvues de paroi musculaire lisse. Cliniquement, elles se présentent sous la forme d’une tache ou d’une masse bleutée compressible à la palpation [4,6]. Elles peuvent être localisées ou diffuses, superficielles ou profondes et envahissent tous les types de tissus. Elles sont fréquemment associées à des troubles de l’hémostase qui se traduisent cliniquement par la palpation de phlébolithes,
109 © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2012;19:109-110
F. Ballieux, et al.
conséquence d’une stase veineuse au sein de la malformation. Cette stase est responsable d’une coagulation intra-vasculaire localisée, caractérisée par un taux élevé de D-Dimère et un taux normal ou bas du fibrinogène, chez 50 % des patients [8]. Le plus souvent sporadique, il existe des formes familiales de MV cutanées et muqueuses (VMCM) à transmission autosomique dominante causées par une activation constitutive anormale du TIE-2. Les malformations glomuveineuses (anciennement appelées glomangiomes) représentent une autre forme familiale (5 %) à transmission autosomique dominante, dues à une perte complète du gène glomuline. Enfin, 50 % des MV sporadiques sont causées par une mutation somatique du gène TIE-2 [4,9].
4. Malformation lymphatique (ML) Les malformations lymphatiques sont des malformations vasculaires à flux lent. Les formes superficielles envahissent le derme et se présentent sous forme de petites vésicules [4]. Les formes profondes sont mono ou pluri-kystiques. Les régions cervicale et axillaire sont plus fréquemment atteintes. Elles ont tendance à augmenter avec l’âge jusqu’à la puberté. Elles peuvent être le siège d’une augmentation brutale suite à un saignement ou une infection. Le lymphœdème est également une anomalie du système lymphatique. Congénital ou pubertaire, il rentre souvent dans le cadre d’un syndrome polymalformatif. De nombreux gènes ont été identifiés, y compris VEGRF3, FOXC2, SOX18, GJC2, MLBE1, KIF11, PTPN14, et GATA2 [4,5].
5. Malformations artérioveineuses (MAV) Les malformations artérioveineuses sont des malformations vasculaires à haut-débit. Elles se caractérisent par un blush cutané rouge, une chaleur locale et une palpation anormale d’une artère ou un thrill [4]. En fonction de leur évolution (classification de Schobinger), elles peuvent causer un vol vasculaire des tissus avoisinants, une déformation et une ulcération, et causer des saignements importants. Le plus souvent sporadiques, elles peuvent faire partie de la maladie de cm-AVM, de la maladie d’Osler Weber Rendu due aux mutations dans les gènes endoglin et activin receptor-like, du syndrome de Parkes Weber ou du syndrome PHTS (syndrome de tumeur et hamartome de PTEN) [4,5].
6. Malformations combinées Les malformations vasculaires peuvent être combinées. Les plus fréquentes sont les malformations capillaroveineuses, les mal-
110
Archives de Pédiatrie 2012;19:109-110
formations capillaro-lymphatico-veineuses avec hypertrophie du membre (syndrome de Klippel-Trenaunay) et les malformations ou fistules artérioloveinulaires multiples associées à un blush capillaire et une hypertrophie du membre (syndrome de Parkes Weber). Ce dernier peut être héréditaire et causé par une mutation dans le gène RASA1. D’autres syndromes moins fréquents sont le syndrome de tumeur et hamartome de PTEN (= PHTS, anciennement le syndrome de Bannayan-Riley-Ruvalcaba et le syndrome de Cowden) causé par une mutation dans le gène PTEN, et le syndrome de CLOVES dont l’étiologie n’est pas encore connue [4].
7. Conclusion Le diagnostic des anomalies vasculaires est souvent clinique. La classification biologique est simple sans être pour autant simpliste. Elle permet d’intégrer les nouvelles avancées dans le domaine des anomalies vasculaires, que ce soit par la découverte d’une nouvelle entité clinique ou de nouveaux gènes à l’origine de la malformation.
Références [1] Mulliken JB, Glowacki J. Hemangiomas and vascular malformations in infants and children: a classification based on endothelial characteristics. Plast Reconstr Surg 1982;69:412-22. [2] Wassef M, Vanwijck R, Clapuyt P, et al. Tumeurs et malformations vasculaires, classification anatomopathologique et imagerie. Ann Chir Plast Esthet 2006;51:263-81. [3] Boye E, Yu Y, Paranya G, et al. Clonality and altered behavior of endothelial cells from hemangiomas. J Clin Invest 2001;107:745-52. [4] Boon LM, Enjolras O, Mulliken JB, et al. Vascular malformations. In: Irvine AD, Hoeger PH, Yan AC, Eds. Harper’s Textbook of Pediatric Dermatology. 3rd Ed.: Wiley-Blackwell 2011:112:1-24. [5] Boon LM, Ballieux F, Vikkula M. Pathogenesis of vascular anomalies. Clin Plast Surg 2011;38:7-19. [6] Casanova D, Boon LM, Vikkula M. Les malformations veineuses : aspects cliniques et diagnostic différentiel. Ann Chir Plast Esthet 2006;51:373-87. [7] Boscolo E, Mulliken JB, Bischoff J. VEGFR-1 mediates endothelial differentiation and formation of blood vessels in a murine model of infantile hemangioma. Am J Pathol 2011;179:2266-77. [8] Dompmartin A, Ballieux F, Thibon P, et al. Elevated D-dimer level in the differential diagnosis of venous malformations. Arch Dermatol 2009;145:1239-44. [9] Limaye N, Wouters V, Uebelhoer M, et al. Somatic mutations in angiopoietin receptor gene TEK cause solitary and multiple sporadic venous malformations. Nat Genet 2009;41:118-24.