Classification des anomalies vasculaires superficielles

Classification des anomalies vasculaires superficielles

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Angiomes et angiomatoses

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2010; 39: 457–464 ß 2010 Publié par Elsevier Masson SAS.

Classification des anomalies vasculaires superficielles Odile Enjolras, Véronique Soupre, Arnaud Picard

Service de chirurgie maxillofaciale et chirurgie plastique, centre de référence des pathologies rares neurovasculaires malformatives de l’enfant, site Trousseau, hôpital d’Enfants–Armand-Trousseau, AP–HP, 75012 Paris, France

Correspondance :

Key points Classification of superficial vascular anomalies All superficial vascular abnormalities are not angiomas even though this term continues – incorrectly – to be used. Because the suffix ‘‘oma’’ implies a tumor, it is necessary to differentiate true vascular tumors, such as infantile hemangioma, from vascular malformations. From a hemodynamic perspective, there are two types of vascular malformations: slow- and fast-flow. In addition to the functioning of the impaired or severely damaged vessels, we discuss slow-flow capillary, venous, or lymphatic malformations and rapid flow arterial and arteriovenous malformations. All combinations are possible. There are several types of childhood vascular tumors with different courses and different prognoses. Infantile hemangioma is by far the most frequent (8 to 10 children/100). The diverse other vascular tumors in children are sufficiently rare that they are described as orphan diseases. Since the end of the last century, a simple endothelial marker, GLUT-1, is available. This immunophenotype is present in all cases of infantile hemangioma at every stage and is negative in other tumors. Kasabach-Merritt syndrome and its accompanying severe thrombocytopenia never complicate childhood hemangioma, contrary to what has been said for nearly 60 years. When it is

tome 39 > n84 > avril 2010 doi: 10.1016/j.lpm.2009.07.029

Points essentiels Toutes les anomalies vasculaires superficielles ne sont pas des « angiomes » même si ce terme continue à tort à être parfois utilisé ; le suffixe « ome » impliquant une notion de tumeurs, il faut différencier les tumeurs vasculaires véritables, tel l’hémangiome infantile, des malformations vasculaires. Les malformations vasculaires sont sur le plan hémodynamique de deux types : à flux lent et à flux rapide. En outre, en fonction du vaisseau altéré, ou atteint de façon prédominante, on parle de malformations à flux lent capillaires, veineuses, ou lymphatiques, et à flux rapide artérielles et artérioveineuses. Toutes les combinaisons sont possibles. Il existe plusieurs types de tumeurs vasculaires infantiles à l’évolution et au pronostic différents. L’hémangiome infantile est de loin la plus fréquente d’entre elles (8 à 10 nourrissons/ 100). Les diverses autres tumeurs vasculaires infantiles sont suffisamment rares pour qu’on puisse parler de maladies orphelines. En cas de doute histologique on possède depuis le début des années 2000 un marqueur endothélial immunophénotypique simple, GLUT-1, présent dans 100 % des hémangiomes infantiles à tous ses stades évolutifs, et négatifs dans les autres tumeurs. Le syndrome de Kasabach-Merritt et sa thrombopénie sévère ne compliquent jamais un hémangiome infantile, contrairement à ce qui a été dit et écrit durant près de 60 ans. La tumeur est soit un angiome en touffes (AT) soit un hémangio-endothéliome kaposiforme (HEK) et le marqueur GLUT1 fait la différence si le diagnostic histologique est hésitant (GLUT 1 négatif dans l’AT et l’HEK).

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Disponible sur internet le : 4 mars 2010

Odile Enjolras, Consultation des angiomes, service de chirurgie maxillofaciale et de chirurgie plastique, hôpital d’Enfants–Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr-Arnold-Netter, 75012 Paris, France. [email protected]

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present, the tumor is either a tufted angioma or kaposiform hemangioendothelioma, and the GLUT1 marker can distinguish them from infantile hemangioma if the histologic diagnosis is uncertain (GLUT 1 is negative in both the latter cases). There are a wide variety of rare vascular tumors; many of them are benign, isolated, or limited; some are locally aggressive and recur after excision. A small number are low-grade malignant lesions with a risk of multivessel expansion, metastasis, and sometimes a fatal outcome. Major progress has been made in the imaging of these vascular abnormalities. Magnetic resonance imaging (MRI) in particular has revolutionized the non-invasive and especially the nonirradiating exploration of many of them. It provides information about the extent of the lesion and allows an etiological approach in many cases. Moreover, neuroradiologic evaluation of vascular cerebromeningeal lesions benefits not only from the nowstandard diagnostic neurologic imaging methods of CT and MRI, but also from various advances in the techniques of functional imaging. Accordingly, for Sturge–Weber syndrome, functional imaging provides hope for an early prognosis, in particular cognitive, when these techniques are more widely used (SPECT, PET, especially the new advanced sequences of perfusion in MRI-DTI). Chronic – indeed lifelong – coagulation abnormalities, with phases of aggravation, occur in approximately half of the patients with venous malformations of the trunk and limbs, and more rarely in neck and face sites. This is not without consequences, but also not without therapeutic solutions: screening for it is therefore essential (measurement of dimer and fibrinogen levels). The discovery of gene mutations at the origin of some familial vascular malformations provides complementary data for the current classification of vascular abnormalities. It suggests that targeted therapy may be possible but probably not for quite a bit longer.

Il existe un véritable pot-pourri de tumeurs vasculaires rares, beaucoup sont bénignes, uniques, limitées, certaines sont localement agressives et récidivent après exérèse, un petit nombre constitue des lésions de bas grade de malignité avec risque d’expansion multiviscérale, métastases, et parfois issue fatale. De grands progrès ont été faits en termes d’exploration radiologique les anomalies vasculaires, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) surtout ayant révolutionné l’exploration non invasive et surtout non irradiante de la plupart de ces lésions. Elle apporte les éléments d’extension lésionnel mais permet aussi une approche étiologique dans bien des cas. Par ailleurs, l’évaluation neuroradiologique des lésions cérébroméningées d’origine vasculaire bénéficie non seulement de la neuroradiologie de diagnostic devenue classique, tomodensitométrie et IRM, mais aussi des diverses avancées des techniques d’imagerie fonctionnelle. Ainsi, en ce qui concerne le syndrome de Sturge-Weber, l’imagerie fonctionnelle permet d’espérer établir précocement un pronostic, en particulier cognitif, lorsque ces techniques seront plus largement répandues (imageries SPECT et PET, et surtout nouvelles séquences avancées de perfusion en IRM–DTI). Des anomalies chroniques de la coagulation sont observées la vie durant, avec des phases d’aggravation, chez environ la moitié des patients porteurs de malformations veineuses du tronc et des membres, et plus rarement dans les localisations cervicofaciales. Ceci n’est pas sans conséquences, ni sans solutions thérapeutiques : le dépistage en est donc indispensable (taux des D-dimères et du fibrinogène). La découverte de mutations géniques à l’origine de certaines malformations vasculaires familiales apporte des données complémentaires à la classification actuelle des anomalies vasculaires. Elle laisse augurer d’un espoir de thérapie ciblée, mais dans un avenir sans doute bien lointain encore.

Glossaire angiome en touffes hémangio-endothéliome à cellules fusiformes HEK hémangio-endothéliome kaposiforme HI hémangiome infantile IRM imagerie par résonance magnétique MAV malformations artérioveineuses MC malformations capillaires ML malformations lymphatiques MV malformations veineuses NICH noninvoluting congenital hemangioma RICH rapidly involuting congenital hemangioma sida syndrome d’immunodéficience acquise SKM syndrome ou phénomène de KasabachMerritt SKT syndrome de Klippel-Trenaunay SPaWe syndrome de Parkes-Weber VIH virus de l’immunodéficience humaine

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AT HECF

L’

histoire des anomalies vasculaires superficielles est une longue saga terminologique au cours de laquelle ont longtemps prévalu les termes d’« angiomes » pour désigner cette succession de maladies, bénignes, ce qui n’exclut pas une possible gravité. Ces anomalies congénitales ou acquises, cliniquement hétérogènes, affichent des spécificités de groupes notées de longue date. De l’Antiquité au XVIIIe siècle on ne parle pas d’angiome. On utilise des mots, semblables dans toutes les langues, tels que : envie, voglia, estigma, birthmark. . . autant de termes qui stigmatisent des mères qui auraient eu, durant leur grossesse, des pensées malsaines, véritables pensées tératogènes capables de marquer leur enfant de taches ou de déformations ! tome 39 > n84 > avril 2010

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Figure 1 Classification actuelle des anomalies vasculaires superficielles

Figure 2 Classification des tumeurs vasculaires. AT : angiome en touffes ; HEK : hémangio-endothéliome kaposiforme

biologiques décryptent les mécanismes de l’hémangiogenèse ; les facteurs angiogènes et les cytokines régulatrices impliqués dans les tumeurs et les malformations sont analysés ; la biologie moléculaire déchiffre des mutations géniques impliquées dans certaines formes familiales de malformations vasculaires [4–7]. L’International Society for the Study of Vascular Anomalies (ISSVA) est née en 1992 dans la prolongation du workshop qui continue tous les deux ans. En 2008, le 17e workshop a eu lieu à Boston avec une participation multidisciplinaire issue des cinq continents. Le 18e workshop aura lieu à Bruxelles en 2010.

Les différents groupes d’anomalies vasculaires superficielles [3,4,8,9] Tumeurs vasculaires Hémangiome infantile (HI) L’HI est une tumeur bénigne, la plus fréquente des tumeurs de l’enfant [1–9]. Les facteurs de risque connus sont :  la grande pre ´ maturite´ et un poids de naissance de moins de 1500 g, ainsi que toutes les « blessures » du placenta (de´collement, biopsie de trophoblaste, pre´e´clampsie) ;

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Au XIXe siècle, on désigne les lésions vasculaires superficielles des termes nvus maternus (toujours cette idée d’impliquer ces malheureuses génitrices !), nvus sanguineus, nvus vascularis, nvus veineux. Au XIXe siècle, Virchow est semble-t-il le créateur du mot « angiome » ; il échoue dans une tentative de classification alors qu’il avait bien distingué des lésions dues à des proliférations cellulaires et d’autres résultant de dilatations vasculaires. Au début du xxe siècle, l’idée de différencier les tumeurs vasculaires et les malformations vasculaires fait son chemin. Malan consacre sa vie à ce qu’il nomme des « angiodysplasies ». Weiss et Enzinger favorisent le terme hémangiome, mais ils y placent aussi bien des tumeurs bénignes que des lésions malignes ou des malformations vasculaires. Les techniques d’exploration se développent. De multiples classifications apparaissent. Elles ont des bases cliniques, histologiques, hémodynamiques, angiographiques, embryologiques, biologiques. Une grande confusion en résulte. Mulliken et Glowacki proposent en 1982 leur classification « biologique » base de la classification moderne, reposant essentiellement sur des données de cinétique cellulaire [1]. Elle distingue les hémangiomes (tumeurs vasculaires se développant par prolifération cellulaire) et les malformations vasculaires (composées de vaisseaux altérés, dilatés, mais dont les cellules pariétales sont non proliférantes). Le terme « angiome » ne peut plus représenter toutes les anomalies vasculaires superficielles qu’il couvrait, car le suffixe « ome » implique la notion d’hyperplasie cellulaire, de tumeur : dans cette classification seul l’hémangiome est un angiome. Le terme lymphangiome est également inadapté car il s’agit d’une anomalie malformative lymphatique, que la lésion soit microkystique ou macrokystique. En 1976 et 1978, ont lieu les deux premiers International Workshop on Vascular Anomalies. Au début trois pays participent (États-Unis : Pr John Mulliken, un chirurgien craniofacial ; Royaume-Uni : Pr Anthony Young, chirurgien vasculaire et France : Pr Jean-Jacques Merland, un pionnier de la neuroradiologie interventionnelle). Les débuts sont informels. Cependant, rapidement, l’arrivée de nouveaux spécialistes, médecins, chirurgiens, radiologues et biologistes permet la confrontation d’approches et d’informations différentes. Ceci favorise l’éclosion de groupes multidisciplinaires dans divers pays. Les discussions terminologiques sont au premier plan (il faut trouver un langage commun simple). Les workshops qui continuent, tous les deux ans (années paires), permettent de rapprocher et d’assembler les données. Finalement, la classification actuelle, dite binaire, en tumeurs vasculaires et malformations vasculaires, dérivée de celle de Mulliken et Glowacki (figures 1–3), a été adoptée lors du workshop de Rome en 1996 [2,3]. Les connaissances cliniques et histologiques s’affinent. Les données hémodynamiques et radiologiques aussi. Les progrès

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Figure 3 Classification des malformations vasculaires

le fait d’eˆtre une fille est un facteur certain mais inexplique´ (plus l’he´mangiome est grave, et plus le ratio filles/garçons est grand : de 3/1 a` 9/1) ;  enfin, un a ˆ ge maternel e´leve´, une grossesse multiple accroissent la probabilite´ d’he´mangiome a` de´veloppement post-natal imme´diat, quel que soit le terme de la grossesse (inutile donc chez le pre´mature´ de raisonner en termes « d’aˆge corrige´ »). Il fut longtemps dénommé angiome immature (par opposition aux « angiomes matures » : les malformations vasculaires), angiome capillaire, lobulé, ou cellulaire, ou, de façon particulièrement équivoque, angiome caverneux, lorsqu’il s’agit de forme à composante profonde bleutée. Un précurseur trompeur peut permettre d’augurer de sa prolifération post-natale : nappe rouge congénitale, télangiectasique, simulant un angiome plan (une malformation capillaire), ou nappe pâle de vasoconstriction (hamartome « anémique »). Dans 15 à 20 % des cas, durant sa phase de prolifération, l’HI cause une morbidité non négligeable du fait de sa progression locale en surface et/ou en volume, ou de localisations viscérales associées [10,11]. Trois aspects classiques d’HI superficiels sont décrits :  superficiel « tube ´ reux », d’un rouge vif au de´part (figure 4) qui se ternit au fur et a` mesure de l’involution ;  profond, masse hypodermique, sous-cutane ´ e et parfois plus infiltrante encore ;  mixte, superficiel et profond. Trois stades en ponctuent le cycle évolutif naturel : croissance (de quelques mois après la naissance), régression (s’étalant sur quelques années, s’intriquant au début avec la fin de la phase de prolifération, en particulier d’expansion de la portion profonde infiltrée, bleutée de l’HI) et séquelle finale éventuelle. Les formes faciales, qui constituent 60 % des localisations d’HI,

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ont tout particulièrement des conséquences fonctionnelles et esthétiques. Les derniers travaux d’analyse séméiologique ont permis d’opposer le devenir des formes faciales dites focales (lésions globuleuses développées sur les lignes de fusion du visage) et les lésions segmentaires, beaucoup plus larges, en plaques, classées en quatre groupes : S1, S2, S3 (reproduisant grossièrement ce qui était jusque-là décrit comme V1, V2, V3, par référence à la distribution de la branche sensitive du nerf trijumeau) et S4 (un segment médian, en triangle à sommet en lisière frontale, couvrant la glabelle, le nez, atteignant le milieu de la lèvre supérieure) [11]. L’intérêt de cette distinction entre formes focales et segmentaires est d’avoir mis en lumière le fait que les HI segmentaires du visage sont très largement plus à risques de complications diverses : ulcérations mutilantes, associations de type syndrome PHACES (voire plus bas) et

Figure 4 Hémangiome infantile en phase de prolifération

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Hémangiomes congénitaux Des tumeurs vasculaires congénitales ont longtemps été prises pour des hémangiomes infantiles parce que leur aspect rappelait vaguement un HI en phase de prolifération ou en phase de régression. Cependant, des différences cliniques, histologiques, immunophénotypiques (elles sont GLUT1 négatives), et un mode évolutif bien particulier, avant et après la naissance, ont conduit à individualiser les hémangiomes congénitaux [2,6]. Leur phase de croissance est intra-utérine [17,18]. Après la naissance, deux modes évolutifs sont notés. Certaines de ces tumeurs, pourtant volumineuses (figure 5) se résorbent en 6 à 12 mois : ce sont les rapidly involuting congenital hemangioma (RICH), tandis que d’autres, moins impressionnantes, persistent indéfiniment : ce sont les non involuting congenital hemangioma (NICH) [3]. tome 39 > n84 > avril 2010

Figure 5 Hémangiome congénital de type rapidly involuting congenital hemangioma (RICH) très volumineux ; sa régression a pris 1 an

Autres tumeurs vasculaires rares Diverses tumeurs vasculaires rares ont été individualisées [8,9,19]. Dans ce groupe hétérogène, beaucoup peuvent être localement agressives, récidivantes, mais sans donner de métastases, d’où un rejet du terme de bas-grade de malignité un temps attribué en ce qui les concerne. Pour certaines, on discute même leur nature réactive ou réellement proliférative et néoplasique [8]. Une tumeur faite de cellules fusiformes, non liée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou au virus herpétique HHV8, a été individualisée par rapport au sarcome de Kaposi, alors que celui-ci devenait assez fréquent dans le contexte débutant de l’épidémie de syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Cette tumeur est l’hémangioendothéliome kaposiforme (HEK) (figure 6), support, pour un certain nombre de patients, du grave syndrome ou phénomène de Kasabach-Merritt (SKM) au cours duquel les plaquettes sanguines sont piégées dans la tumeur, qui devient volumineuse et sensible, tandis que s’installe une thrombopénie majeure, avec risque létal. Il est désormais prouvé que le SKM ne complique jamais un hémangiome infantile : il se greffe sur un HEK superficiel ou viscéral et sur une tumeur considérée comme faisant partie du même spectre tumoral, l’angiome ou touffes (AT) [3,4]. L’ HEK ne doit pas être confondu avec une autre tumeur à cellules fusiformes : l’hémangio-endothéliome à cellules fusiformes (HECF), une tumeur observée soit isolément dans les tissus mous cutanés, soit en association aux enchondromes et aux anomalies veineuses du syndrome de Maffucci. D’autres tumeurs vasculaires encore plus rares sont observées qui sont essentiellement des diagnostics d’expertise en anatomie pathologique [8]. C’est le cas de l’hémangiopéricytome

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présence d’HI de siège viscéral. Il était déjà bien établi que les HI de siège V3/S3 donc, également baptisés hémangiomes en barbe, comportaient un risque notable d’HI des voies aériennes (sous glotte et trachée). Il est montré que les HI segmentaires peuvent s’associer à des HI viscéraux de n’importe quel siège, y compris digestif. Les localisations superficielles sont beaucoup plus fréquentes que les localisations viscérales : toutes les études soulignent la faible incidence des localisations viscérales telles que le foie, le névraxe et même le larynx [10,11]. Dans la grande majorité des cas, le diagnostic est clinique, une biopsie rarement réalisée, même si l’histologie de l’HI est assez caractéristique et s’il existe un marqueur phénotypique constamment présent aux trois stades : le transporteur du glucose GLUT-1. Certains éléments cliniques tels que l’aspect, ou le siège, permettent d’évoquer certains risques plus précisément [11]. Des malformations structurales associées à l’HI sont désormais bien répertoriées. Le syndrome PHACES (OMIM 606519) concernerait 20 % des nourrissons ayant un HI segmentaire facial [12,13]. L’acronyme anglais PHACES reprend les anomalies de la fosse postérieure, l’hémangiome facial, des anomalies artérielles intra- et extracrâniennes, la coarctation aortique et des anomalies cardiaques congénitales et des anomalies oculaires (eye) ; s’y ajoute le S d’anomalies Sternales et ventrales rapprochées ensuite. L’acronyme anglais PELVIS désigne l’association d’hémangiomes périnéaux, de malformations génitales externes, de lipomyéloméningocèle, d’anomalies vésicorénales, d’anus imperforé et d’un autre marqueur cutané (skin tag) [14]. Le syndrome SACRAL est identique : l’acronyme reprend également le contexte de dysraphisme spinal, d’anomalies anogénitales, d’anomalies cutanées, rénales et urologiques et d’angiomes de région lombosacrée ; la fréquence des ulcérations est signalée [15]. L’aspect « réticulé » peu infiltré et diffus d’un hémangiome périnéal et de membre inférieur est un élément néonatal d’appel pour les risques d’anomalies malformatives ventrocaudales associées, et la survenue d’ulcérations tenaces [16].

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Figure 6 Tumeur congénitale de cuisse dont la biopsie a indiqué qu’il s’agissait d’un hémangio-endothéliome kaposiforme

dont la forme néonatale et infantile est aujourd’hui assimilée à la myofibromatose infantile. Diverses tumeurs vasculaires bénignes, uniques le plus souvent, sont encore diagnostiquées sur la base de leur histologie, comme l’hémangiome en cible (encore appelé hobnail hemangioma ou hémangiome targétoïde sidérotique), l’hémangiome histiocytoïde ou épithélioïde, l’hémangio-endothéliome rétiforme, etc.). Certaines lésions sont expansives, multiples, cutanées et viscérales (comme la lymphangio-endothéliomatose multifocale, identique à l’angiomatose cutanéoviscérale avec thrombopénie). Enfin, bien que rarement, des lésions tumorales vasculaires diffuses, cutanées et viscérales sont observées, qui sont possiblement létales (comme l’hémangio-endothéliome épithélioïde, ou l’hémangio-endothéliome composite).

Figure 7 Malformation veineuse de membre supérieur : couleur bleue et gonflement déclive font le diagnostic

Malformations vasculaires

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Les données hémodynamiques et histologiques combinées ont conduit à les scinder en malformations à flux lent et malformations à flux rapide. Malformations à flux lent Malformations capillaires (MC) De deux types, télangiectasies ou angiomes plans, elles seraient les plus fréquentes des malformations vasculaires superficielles. Ce sont soit des lésions isolées de la peau ou des muqueuses, soit des marqueurs de situations complexes, syndromiques, aux lésions régionales (par exemple : le syndrome de Sturge-Weber) ou disséminées (par exemple : la télangiectasie héréditaire hémorragique de Rendu-Osler). Ces syndromes sont pour certains de nature sporadique et pour d’autre familiale. Des formes étendues d’angiomes plans sont présentes sur tout le corps au cours du syndrome Protée ; longtemps mésestimées, malgré leur extension, au regard des

diverses anomalies malformatives, notamment orthopédique, présentes, elles peuvent s’y associer à d’autres anomalies vasculaires à flux lent lymphatiques ou veineuses [20]. Malformations veineuses (MV) Pures, elles sont essentiellement sporadiques (2 % de formes familiales) réalisant des nappes ou des masses bleues, compressibles, souvent envahissantes, cutanées, muqueuses, musculaires, voire articulaires, et possiblement viscérales (figure 7). À type de malformations glomuveineuses, autrefois dénommées glomangiomes ou glomangiomatose (GVM), elles sont à plus de 60 % héréditaires et constituent des nappes de teinte rosée à bleue à la naissance, qui deviennent de plus en plus bleues ou pourpres et mamelonnées avec le temps, mais restent essentiellement localisées dans les tissus superficiels, peau et muqueuses [21,22]. Les MV, en particulier celles des membres et du tronc, s’assortissent d’une coagulopathie tome 39 > n84 > avril 2010

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chronique de consommation, avec, lors d’épisodes aigus, une élévation importante des D-dimères et une chute des taux de fibrinogène [23,24]. Malformations lymphatiques (ML) Les ML sont macrokystiques dans la moitié des cas (figure 8), mixtes micro- et macrokystiques dans 44 % des cas et microkystiques (vésiculeuses) dans 7 % des cas [25,26]. Leur localisation la plus commune est la tête et le cou (2/3 des cas), puis le tronc (aisselle et paroi thoracique latérale surtout) et les membres [26]. Le diagnostic anténatal est aujourd’hui fréquemment porté grâce aux échographies des 2e et 3e trimestres de la grossesse, au besoin complétées par une IRM prénatale.

Malformations combinées et complexes, souvent syndromiques [21] Elles sont sporadiques pour la plupart. Cependant, certaines sont familiales, de transmission autosomique dominante. Certaines malformations combinées et complexes sont des affections régionales. On les répertorie encore bien souvent sous des noms éponymes, comme le syndrome cutané-oculoneurologique de Sturge-Weber, ou au niveau des membres le syndrome de gigantisme monomélique avec anomalies vasculaires à flux lent (capillaro-veinolymphatiques) dénommé syndrome de Klippel-Trenaunay (SKT), et le syndrome de gigantisme monomélique avec anomalies vasculaires à flux rapide (FAV et MAV) dénommé syndrome de Parkes-Weber (SPaWe) (à ne surtout pas assimiler au SKT car non seulement les anomalies vasculaires y sont différentes mais aussi les éventuelles associations et le terrain génétique) : le SPaWe que l’on croyait sporadique s’avère, dans un nombre de cas qui semble non négligeable, associé à un tableau récemment décrit, le syndrome CM-AVM, combinant des MC cutanées et des MAV, lié à des mutations de RASA1 [29]. D’autres génodermatoses vasculaires complexes sont identifiées sur le plan génétique. C’est le cas des télangiectasies héréditaires hémorragiques ou maladie de RenduOsler, ou encore de l’ataxie-télangiectasie.

Conclusion La classification actuelle des anomalies vasculaires superficielles est parfaitement satisfaisante en termes de reconnaissance précise des lésions. Elle permet d’orienter au mieux les

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Figure 8 L’ imagerie par résonance magnétique (IRM) précise les aspects de cette malformation lymphatique macrokystique du cou chez ce nouveau-né

explorations, sans excès, et de discuter et proposer le traitement le plus judicieux, chaque groupe ayant ses spécificités thérapeutiques. Les données de génétique moléculaire progressent pour certains groupes de malformations vasculaires dont il existe des formes familiales [30]. Un classement génétique suscitera sans doute des aménagements de la classification binaire actuelle des anomalies vasculaires superficielles. En outre, la compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans chaque affection laisse espérer une révolution dans leurs modes de traitement. Une autre évolution à attendre est la compréhension du phénomène d’expansion lésionnelle, indéniable, de certaines malformations vasculaires, comme au cours du syndrome de type MV cutanée et digestive de Bean ou blue rubber bleb nvus, ou encore de l’incontestable développement de certaines MAV, passant du stade I de dormance à des aspects de masse vasculaire évolutive et destructrice des stades II puis III. Il faudra aussi résoudre l’apparent assemblage entre une tumeur et une malformation vasculaire, réalisé par certaines lésions, comme l’association de boyaux denses de cellules fusiformes à des anomalies lymphatiques dans l’HEK et l’AT, ou la prolifération parfois profuse de cellules « glomiques » pariétales, actine musculaire lisse positives, associées aux veines altérées des GVM. Conflits d’intérêts : aucun.

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Malformations à flux rapide Artérielles (anévrismes) : malformations artérioveineuses (MAV) avec fistules FAV Il se décrit trois stades de gravité croissante : les stades de Schobinger avec un stade I de dormance (faux angiome plan), un stade II d’expansion où les caractères de flux rapide deviennent manifestes, un stade III de destruction (plaies cutanées, hémorragies, lyses osseuses) et un rare stade IV où s’ajoute une décompensation cardiaque [27,28].

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tome 39 > n84 > avril 2010