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PNEUMO-676; No. of Pages 5
Revue de Pneumologie clinique (2018) xxx, xxx—xxx
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ScienceDirect www.sciencedirect.com
CAS CLINIQUE
Compression cardiaque d’origine hydatique Cardiac compression of hydatid origin I. Bouassida a, C. Pricopi a,∗, G. Mangiameli a, A. Arame a, J.B. Auliac b, B. Gorbatai b, M. Riquet a, F. Le Pimpec Barthes a a
Service de chirurgie thoracique, université Paris-Descartes, hôpital Européen-Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France b Service de pneumologie, centre hospitalier Franc¸ois-Quesnay, 2, boulevard Sully, 78200 Mantes-La-Jolie, France
MOTS CLÉS Kyste ; Hydatidose ; Échinococcose ; Péricarde
∗
Résumé Introduction. — La maladie hydatique cardiaque est rare et touche 0,5 à 2 % des patients atteints d’hydatidose. L’hydatidose intrapéricardique isolée est quant à elle extrêmement rare. Observation. — Nous rapportons le cas d’une jeune femme souffrant de compression cardiaque due à de multiples kystes hydatiques primaires intrapéricardiques. Depuis un an, elle présentait une altération progressive de l’état général, une dyspnée, des sueurs et une perte de poids de 8 kg. Un élargissement du médiastin était visible sur la radiographie du thorax. La tomodensitométrie, l’échocardiographie et l’IRM dynamique montraient des kystes médiastinaux multiples avec un effet de masse sur le cœur et le tronc de l’artère pulmonaire. La taille de l’artère pulmonaire principale était réduite à 5 mm de diamètre et la veine pulmonaire supérieure droite était presque oblitérée par des kystes postérieurs. Les fractions d’éjection ventriculaire droite et gauche étaient estimées à 34 %. Une résection complète par sternotomie des kystes a été effectuée. L’intervention chirurgicale fût difficile techniquement, en raison d’un processus inflammatoire local majeur. Les résultats postopératoires après un épisode initial d’embolie pulmonaire localisée étaient finalement satisfaisants. Conclusion. — L’hydatidose peut entraîner une atteinte cardiaque sévère. Ces formes rares de maladie hydatique doivent être connues, même dans les régions non endémiques, par les chirurgiens en raison de l’importance des flux migratoires actuels. © 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Pricopi).
https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.03.009 0761-8417/© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
Pour citer cet article : Bouassida I, et al. Compression cardiaque d’origine hydatique. Rev Pneumol Clin (2018), https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.03.009
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I. Bouassida et al.
KEYWORDS Mediastin cyst; Hidatidosis; Echinococcosis; Pericardium
Abstract Introduction. — Cardiac hydatid disease is uncommon and occurs in 0.5 to 2% of patients with hydatidosis. Isolated intrapericardial hydatid cystic disease is extremely rare. Observation. — We report the case of a young woman with cardiac compression due to multiple primary intrapericardial hydatid cysts. Since 1 year, she had gradual general health deterioration including dyspnoea, sweats and weight loss of 8 kg. A widening of the mediastinum was observed on chest X-ray. The CT-scan, echocardiography and the dynamic IRM showed multiple mediastinal cysts with mass effect on the heart and main pulmonary artery. The size of the main pulmonary artery was reduced to 5 mm in diameter and the right upper pulmonary vein was nearly closed by posterior cysts. The right and left ventricular ejection fractions were estimated at about 34%. A complete resection of the cysts was performed by sternotomy. The surgical procedure was technically difficult because of major local inflammatory process. The postoperative outcome after an initial pulmonary embolism event was finally favourable. Conclusion. — Hydatidosis can lead to severe cardiac involvement. These rare forms of hydatid cystic disease must be known even in non endemic regions by surgeons because of increasing mobility of the world’s population. © 2018 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction L’hydatidose est une maladie endémique de certaines régions du globe. Elle est due au développement de la forme larvaire d’Echinococcus granulosus. Les organes les plus souvent atteints sont le foie (50 %—70 %) et le poumon (20—30 %) [1]. L’hydatidose cardiopéricardique est extrêmement rare. Seuls de petites séries de maladies hydatiques cardiaques et d’hydatidose primaire du péricarde ont été publiés dans la littérature. Nous rapportons un cas d’hydatidose primaire diffuse intrapéricardique révélé par une importante compression du cœur et des gros vaisseaux.
2. Cas clinique Une femme roumaine de 21 ans présentait une dyspnée d’installation progressive, depuis un an associée à une perte de poids de 8 kg, des sueurs nocturnes et des douleurs thoraciques. Sur la radiographie thoracique il existait un élargissement du médiastin ainsi qu’une condensation du lobe supérieur droit. Une hyperleucocytose (13000/ml) sans hyperéosinophilie a été identifiée par le bilan biologique. La sérologie hydatique était négative. Plusieurs volumineux kystes médiastinaux entrainant une compression des cavités cardiaques ainsi qu’un rétrécissement important du tronc de l’artère pulmonaire et de sa branche droite étaient visualisés sur la tomodensitométrie (TDM) thoracique (Fig. 1). S’y associaient des opacités interstitielles des lobes supérieur droit et moyen mais aucune lésion hépatique n’était retrouvée. L’échocardiographie transthoracique couplée aux clichés dynamiques par imagerie en résonance magnétique nucléaire (IRM) révélait une sténose majeure du tronc de l’artère pulmonaire ne mesurant plus que 5 mm de
diamètre. Cette sténose était secondaire à un kyste localisé dans la fenêtre aorto-pulmonaire. Un agglomérat kystique de six centimètres multiloculaire était situé sur la paroi inférieure du ventricule gauche associée à de multiples kystes uniloculaires en contact avec les autres cavités cardiaques (Fig. 2). Toutes ces lésions rétrécissant les cavités ventriculaires cardiaques entrainaient une importante diminution de la fraction d’éjection des ventricules gauche (FEVG 34 %) et droit (FEVD 35 %). La veine pulmonaire supérieure droite était comprimée, quasi obstruée, expliquant les opacités pulmonaires dans ce territoire directement liées à cette gêne au retour veineux. Le tableau clinique et l’imagerie étaient évocateurs d’hydatidose médiastinale primaire. Un traitement par ® Albendazol a immédiatement été débuté suivi d’un traitement chirurgical. L’éxérèse des kystes a été réalisée par sternotomie. En peropératoire, nous avons pu confirmer que tous les kystes étaient intrapéricardiques (Fig. 3). Après protection de l’ensemble du champ opératoire par des champs imbibés de sérum salé hypertonique à 20 %, les kystes ont été ponctionnés puis réséqués. L’examen anatomopathologique a confirmé le diagnostic de kystes hydatiques. Le traitement ® par Albendazole a été maintenu pendant 3 mois. Les suites opératoires étaient marquées par la survenue d’une embolie pulmonaire lobaire localisée, résolutive sous traitement anticoagulant. Les suites ont été simples sur le plan chirurgical. À sa sortie de l’hôpital, la patiente était asymptomatique sur le plan respiratoire. Une quasi normalisation de la radiographie thoracique était observée avec une silhouette cardiaque normale et une nette régression des opacités pulmonaires droites (Fig. 4). Sur l’examen de contrôle par TDM fait à un mois postopératoire, il n’y avait aucun kyste hydatique persistant et toutes les opacités des lobes supérieurs droit et moyen avaient disparu. Un contrôle à 8 mois par TDM confirmait l’absence de récidive.
Pour citer cet article : Bouassida I, et al. Compression cardiaque d’origine hydatique. Rev Pneumol Clin (2018), https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.03.009
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Compression cardiaque d’origine hydatique
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Figure 1. TDM thoracique avec injection : plusieurs masses kystiques médiastinales avec compression du tronc de l’artère pulmonaire et sa branche droite et un effet de masse sur les cavités cardiaques, plage hyperdense du lobe supérieur droit en fenêtre parenchymateuse (a) et médiastinale (b, c, d).
Figure 3. Vue peropératoire : multiples kystes hydatiques après ouverture du péricarde, présence de nombreuses vésicules filles.
Figure 2. IRM thoracique : kystes uniloculaires péri cardiaques avec une masse kystique multiloculaire à la base du ventricule gauche.
3. Discussion L’hydatidose péricardique primaire est définie par une localisation de la maladie dans le péricarde sans atteinte d’un autre organe. L’atteinte cardiaque représente seulement 0,5—2 % des cas de maladie hydatique ; L’atteinte du
péricarde est encore plus rare, se produisant dans seulement 2—10 % des cas d’hydatidose cardiaque [2]. La localisation péricardique sans atteinte cardiaque est donc extrêmement rare [3]. En effet, pour qu’une telle localisation survienne, il est nécessaire que les parasites franchissent successivement les filtres hépatiques et pulmonaires, pour aller ensuite se greffer dans n’importe quel organe après leur passage dans la grande circulation. Concernant la localisation intrapéricardique, le développement d’un kyste hydatique se fait dans un espace étroit qui ne peut pas augmenter de taille facilement. Ceci favorise la rupture du kyste, volontiers silencieuse, et entraîne la formation de vésicules filles [4]. Néanmoins, certains kystes hydatiques, suite à leur perforation, peuvent évoluer vers de graves complications
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I. Bouassida et al.
Figure 4. Radiographie thoracique : comparaison pré opératoire (a) et postopératoire (b) : normalisation des contours cardiaques avec régression nette de l’opacité pulmonaire droite.
comme la tamponnade, la constriction ou la dissémination [3]. Sur le plan clinique, il n’y a pas de signe spécifique de l’hydatidose. Les symptômes dépendent de la taille et du siège des lésions et de la compression des structures adjacentes [5]. Il peut s’agir de douleurs thoraciques, d’une toux, d’une dyspnée ou des palpitations. En fait le plus souvent les patients sont asymptomatiques pendant longtemps avant le diagnostic. Différentes formes de complications ont été rapportées dans des cas isolés de la littérature : péricardite aiguë, tamponnade cardiaque, péricardite constrictive, syndrome coronarien aigu, arythmies, insuffisance cardiaque congestive, obstruction valvulaire, régurgitation mitrale, anomalies de la conduction atrioventriculaire et collapsus circulatoire [6—9]. Les examens biologiques de routine ne sont pas spécifiques. L’hyperéosinophilie n’a qu’une valeur d’orientation. La sérologie hydatique n’est positive que dans la moitié des cas de kystes hydatiques du cœur [5]. Dans notre cas, malgré le nombre important de kystes, la sérologie était négative. Attila [10] a montré que l’échocardiographie transthoracique peut révéler des kystes uniloculaires ou multivésiculaires de contours bien définis, à contenu anéchogène uniforme, pouvant se calcifier, et hypoéchogène avec de multiples septas. Il est possible d’obtenir des images plus détaillées par échocardiographie transœsophagienne. L’IRM et la TDM ont une meilleure sensibilité et spécificité par rapport à l’échocardiographie dans l’évaluation des masses péricardiques et l’analyse de leurs rapports avec les structures avoisinantes. Des lésions kystiques hydatiques pulmonaires et médiastinales peuvent également être retrouvées [11,12].
Dursun [12] a montré l’intérêt de la TDM et de l’IRM dans l’hydatidose cardiaque. Ces deux examens permettent de déterminer la localisation exacte des kystes, leur taille, leur forme et leur relation avec les structures médiastinales (gros vaisseaux, cœur, trachée, œsophage. . .). L’analyse de densité des lésions par TDM, peut permettre d’identifier un décollement de la membrane hydatique qui est un signe pathognomonique des vésicules d’hydatidose ou des calcifications [11]. En IRM, le kyste hydatique est en hyposignal sur les séquences pondérées en T1 et en hypersignal sur les séquences pondérées en T2 ; un aspect typique sur les séquences pondérées en T2 est un liséré périphérique en hyposignal, qui représente le périkyste (une capsule fibreuse dense du tissu de l’hôte) [12,13]. Le traitement radical et curateur de l’hydatidose péricardique est une exérèse chirurgicale complète. Fei [13] a décrit la technique chirurgicale appliquée pour 26 cas d’échinococcose cardiaque, dont huit étaient intrapéricardiques. Tout d’abord, le champ opératoire doit être protégé par un agent scolicide. La résection complète du kyste est le meilleur traitement. Pour les kystes péricardiques de grande taille ou multiples, il existe des risques d’adhérences ou de calcifications pouvant entraîner une rupture du kyste durant sa manipulation. Par conséquent, la séquence ponction-aspiration puis la kystectomie est préférable. La cavité péricardique doit ensuite être désinfectée pendant 15 minutes avec une solution saline hypertonique à 20 %, ce qui permet la stérilisation locale la plus optimale possible. La périkystectomie partielle avec élimination de la membrane germinative est recommandée lorsque la localisation des kystes et l’invasion des structures vitales interdisent l’excision totale [13,14].
Pour citer cet article : Bouassida I, et al. Compression cardiaque d’origine hydatique. Rev Pneumol Clin (2018), https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.03.009
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Compression cardiaque d’origine hydatique ®
L’Albendazole , un agent antihelminthique, devrait être prescrit comme thérapie adjuvante pour éviter la récidive de la maladie. Il est également indiqué chez les patients inopérables (patients fragiles, hydatidose disséminée multisite) [3,15]. Notre observation est particulière dans sa présentation du fait de sa localisation primaire dans le péricarde et de deux caractéristiques : sa forme diffuse intrapéricardique comprenant des lésions kystiques de grande taille entourant le cœur et conduisant à une importante compression du tronc de l’artère pulmonaire, et la quasi-obstruction de la veine pulmonaire supérieure droite qui aurait pu évoluer vers la nécrose lobaire.
4. Conclusion L’hydatidose isolée du péricarde sans atteinte du foie ou du poumon est une situation exceptionnelle. Elle doit cependant être connue des cliniciens de notre pays, région non endémique, en raison des importants flux migratoires qui sont observés de nos jours, Grâce aux progrès des techniques d’imagerie, le diagnostic de la maladie hydatique devient plus facile. L’excision chirurgicale totale des kystes sans rupture, sous couvert d’un traitement médicamenteux antiparasitaires prolongé, est le seul traitement efficace pour prévenir la récidive et garantir un excellent pronostic au patient.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Pour citer cet article : Bouassida I, et al. Compression cardiaque d’origine hydatique. Rev Pneumol Clin (2018), https://doi.org/10.1016/j.pneumo.2018.03.009