Dossier scientifique Contrôles microbiologiques en endoscopie, hors contexte de qualification Hélène Boulestreau* Laboratoire d’hygiène hospitalière, Groupe hospitalier Pellegrin, Place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.
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*Auteur correspondant :
[email protected] (H. Boulestreau).
RÉSUMÉ Les endoscopes sont des dispositifs médicaux réutilisables thermosensibles qui seront nettoyés et désinfectés après chaque utilisation en respectant à la lettre les éléments d’une procédure parfaitement codifiée. Le contrôle de la qualité de ce cycle de nettoyage-désinfection passe par des contrôles microbiologiques réguliers du parc d’endoscopes mais aussi des lave-endoscopes et de leurs enceintes de stockage. La réalisation de ces prélèvements demande une formation spécifique pour la manipulation du dispositif et l’interprétation des résultats suit des règles établies qu’il faut connaître. Généralement un prestataire externe est mandaté pour la réalisation de ces prélèvements. Mais en interne, les biologistes, les techniciens biohygiénistes et les hygiénistes doivent connaître les modalités de prélèvement et savoir interpréter les résultats. L’article détaille l’ensemble de la procédure de contrôle de ces dispositifs sensibles en donnant les clés de l’interprétation des résultats et les conduites à tenir en cas de résultats non conformes.
ABSTRACT
Microbiological check of the endoscopes MOTS CLÉS contrôle microbiologique endoscopie ◗ hygiène ◗ ◗
KEYWORDS endoscopy hygiene ◗ microbiological control ◗ ◗
© 2019 – Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.
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Endoscopes are reusable, heat-sensitive medical devices that will be cleaned and disinfected after each use, strictly following the elements of a perfectly codified procedure. The quality control of this cleaning-disinfection cycle requires regular microbiological check of the endoscopes but also the cleaner and their storage enclosures.The realization of these samples requires specific training for the manipulation of the device and the interpretation of the results follows established rules that must be known. Generally, an external service provider is mandated to carry out these samples. But internally, biologists, biohygienists, and hygienists must know the methods of sampling and know how to interpret the results. The article details the whole procedure of control of these sensitive devices by giving the keys of the interpretation of the results and the behaviors to hold in case of non-compliant results.
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Dossier scientifique Hygiène hospitalière et prévention des IAS Introduction Le risque infectieux en endoscopie est connu et décrit depuis les années 1990. Ce risque, évalué entre un et trois cas par million d’actes endoscopiques [1], est probablement sous-évalué, comme le montre une étude récente [2]. Il est cependant maintenant pris en compte par nos autorités de tutelle : il fait l’objet de l’axe 3 du Propias et représente l’un des vingt thèmes des pratiques exigibles prioritaires ciblées par la visite de certification V2014. Les praticiens réalisant les actes sont maintenant sensibilisés à ce risque et de ce fait plus respectueux du temps nécessaire au traitement des endoscopes et plus généralement des bonnes pratiques de prévention du risque infectieux en endoscopie. C’est la conception de ces endoscopes qui rend leur traitement compliqué après utilisation : ce sont des dispositifs longs et fins contenant de nombreux canaux pour certains, parfois interconnectés, parfois non écouvillonnables, voire à extrémité distale complexe, ce qui a des conséquences en termes de traitement après utilisation. De plus, au décours d’un acte et avant traitement, les canaux des endoscopes peuvent contenir des microorganismes de la flore endogène des patients, de l’ordre de 106 à 107 UFC par bronchoscope ou par duodénoscope et de 108 à 109 UFC par colonoscope par exemple. Le contrôle de la qualité du processus de nettoyagedésinfection des endoscopes a pour objectif de sécuriser leur utilisation et éviter tout risque de transmission croisée de micro-organismes indésirables au cours de leurs utilisations successives. Il passe par des contrôles microbiologiques réguliers des endoscopes utilisés dans l’établissement. La réalisation des prélèvements demande une formation spécifique pour la manipulation du dispositif et une connaissance parfaite de sa configuration interne. L’interprétation des résultats suit des règles établies qu’il faut connaître. Ces contrôles des endoscopes, mais aussi des laveursdésinfecteurs d’endoscopes (LDE) et des enceintes de stockage des endoscopes thermosensibles (Eset), toutes spécialités confondues, sont un domaine de la prévention des infections associées aux soins pour lequel le laboratoire de microbiologie et l’équipe opérationnelle d'hygiène (EOH) travaillent ensemble. D’autres professionnels collaborent également à rendre plus sécurisée cette activité, comme les services biomédicaux, les pharmaciens de l’établissement et les unités de matériovigilance. Certains établissements, souvent les CHU, réalisent euxmêmes ces prélèvements. Pour d’autres, il est plus aisé de faire appel à un laboratoire prestataire qui vient réaliser les prélèvements d’endoscopes, en assure le transport et réalise l’analyse microbiologique. Il est cependant possible que dans des situations particulières comme le retour de maintenance ou le prêt d’un appareil, le laboratoire de l’établissement prenne le relais pour la réalisation des contrôles afin, par exemple, de raccourcir les délais de rendu de résultats.
Cette collaboration possible ou nécessaire oblige chaque acteur potentiel à connaître parfaitement le matériel à prélever, les modalités de prélèvement, les analyses à effectuer, les résultats attendus et leur interprétation. Cette activité doit être suffisamment régulière pour en avoir la maîtrise.
Objectifs des contrôles microbiologiques en endoscopie Ces contrôles s’intègrent dans la démarche qualité appliquée à l’endoscopie au même titre que : ◗ l’élaboration de protocoles de traitement des endoscopes, l’application des protocoles de traitement et leur évaluation par audit (contrôle de processus) ; ◗ la gestion et les maintenances préventive et curative des endoscopes et des équipements de traitement : paillasses manuelles ou semi-automatiques, laveurs-désinfecteurs d’endoscopes (LDE), ou de stockage : enceintes de stockage des endoscopes thermosensibles à canaux (Eset) et autres équipements de stockage individuel. Ils concernent les endoscopes, les eaux (paillasses manuelles et LDE) et les zones et équipements de stockage [1]. Ils sont destinés à identifier un risque potentiel de contamination des patients et constituent des indicateurs de résultats. Les contrôles d’endoscope en particulier permettent de détecter un écart par rapport à la qualité microbiologique attendue, d’en rechercher la cause et de proposer des mesures correctives. Les résultats de tous les prélèvements, ainsi que les levées de leurs non-conformités éventuelles, sont consignés dans le système documentaire du management de la qualité du service d’endoscopie.
Contrôles microbiologiques des endoscopes Ces contrôles ne remplacent pas les bonnes pratiques de traitement des endoscopes, mais en sont complémentaires. Ils nécessitent du personnel formé, habilité et régulièrement évalué (contrôle de processus). Les recommandations nous rappellent l’intérêt de prélever à deux professionnels, l’un qui connaît la configuration interne de l’endoscope et l’autre qui maîtrise la technique de prélèvement, de façon à s’assurer du respect des conditions d’asepsie et à éviter les fuites, deux conditions indispensables à une interprétation correcte des résultats [1,3]. Préalablement à ces contrôles, il est nécessaire d’avoir rédigé une conduite à tenir en cas de résultats non conformes. Il existe deux types de contrôles.
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Dossier scientifique Les contrôles programmés Les endoscopes font l’objet d’un plan de surveillance au minimum annuel, échelonné au cours de l’année, dont l’objectif est d’évaluer le niveau résiduel de contamination des canaux et de contribuer à l’évaluation de l’action antimicrobienne des procédures de traitement en vigueur dans l’établissement. Le plan de surveillance doit cependant s’appuyer sur une analyse de risque qui prend en compte l’ancienneté, la fragilité et la complexité des endoscopes et leur fréquence d’utilisation pour augmenter, si nécessaire, la fréquence de contrôle de certains endoscopes. La réglementation prévoit un contrôle trimestriel pour les endoscopes présentant un risque particulier comme les duodénoscopes et les écho-endoscopes. Dans ce contexte, les endoscopes sont remis en service après rinçage et traitement complet, sans attendre les résultats des prélèvements.
Le type de solution de prélèvement Aujourd’hui, il existe sur le marché des solutions stériles de composition adaptée.
La technique d’injection de la solution de prélèvement
La solution de prélèvement doit être injectée dans tous les canaux irrigables, ce qui nécessite de connaître l’architecture interne des endoscopes et de disposer du matériel adapté. Tout le matériel utilisé pour réaliser le prélèvement doit être stérile (irrigateurs tous conduits, seringues, compresses, pots de recueil…), y compris les connectiques. À défaut, les connectiques (valves à biopsie, pistons, irrigateurs tous conduits, bloqueurs…) doivent au minimum bénéficier d’un nettoyage et d’une désinfection de niveau équivalent à ceux de l’endoscope. L’acquisition des connectiques nécessaires pour atteindre chaque canal (le canal du ballonnet de certains écho-endoscopes, Les contrôles ponctuels adaptateurs pour canal air/eau…) doit avoir été anticipée en amont de la mise en Ces contrôles ont pour objectif de vériservice de tout nouvel endoscope. fier la qualité microbiologique de l’enIl est recommandé de privilégier Le plan de doscope, lorsque l’endoscope arrive l’utilisation d’un irrigateur tous ou revient dans l’établissement surveillance prend canaux, s’il existe pour l’endos(prêt ou acquisition d’un nouvel cope à prélever, pour permettre en compte l’ancienneté, endoscope, au retour de maintele passage de la solution dans nance), lors du changement dans la fragilité et la complexité toutes les portions des canaux. la procédure de traitement (quades endoscopes et L’injection des canaux auxiliaires, lification), lors d’une alerte descomme le canal water jet, est cendante de matériovigilance ou leur fréquence obligatoirement séparée et nécespour vérifier une hypothèse dans le d’utilisation site l’utilisation de seringues de cadre d’une investigation de cas de volumes adaptés. colonisations et/ou d’infections. Dans ce contexte, il est impératif d’attendre Les extrémités d’injection et de les résultats avant la (re)mise en circulation recueil des canaux doivent être désinfectées de l’endoscope. à l’alcool à 70° avant injection pour s’affranchir d’une éventuelle contamination exogène des extrémités. Méthodologie de prélèvement La méthodologie de prélèvement est parfaitement décrite dans le guide de 2007 [3] et reprise dans le guide de bonnes pratiques de surveillance microbiologique de l’environnement du CCLIN SO en 2016 [4]. Elle est confirmée dans l’instruction de 2016, aussi elle ne sera pas rappelée de façon détaillée dans cet article. mais j'insiste sur quelques points importants :
Le moment du prélèvement En effet, il est rappelé, notamment dans l’instruction de 2016, l’importance de prélever après au moins six heures de stockage, plutôt que de prélever en conditions d’utilisation. Ce délai avant prélèvement a pour objectif de laisser le temps à la multiplication d’une éventuelle flore résiduelle persistante pour en faciliter la détection : il s’agit donc d’augmenter la sensibilité du prélèvement. Ce délai avant prélèvement est également valable pour les endoscopes critiques.
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Le volume de solution injectée doit être suffisant pour récupérer le plus grand nombre de microorganismes présents sur les surfaces internes des canaux et susceptibles de se détacher : en injectant 50 mL par canal principal (opérateur, aspiration, aireau) et 10 à 20 mL par petit canal (érecteur, water-jet) la sensibilité du prélèvement est optimale. Il sera nécessaire de récupérer au moins 80 % de ce volume injecté, l’ensemble sera filtré et les résultats seront ainsi rendus en nombre de micro-organismes par endoscope ou par canal (selon qu’il s’agit d’un prélèvement global ou canal par canal) et non par unité de volume. En effet, si l’on considère que le volume injecté a permis de décrocher le maximum de micro-organismes, les résultats obtenus après filtration de la totalité de la solution récupérée correspondent à la colonisation totale récupérable de l’endoscope ou du canal concerné. Rapporter ce résultat à une unité de volume entraînerait une sur ou
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Dossier scientifique Hygiène hospitalière et prévention des IAS Tableau 1. Interprétation des résultats. Niveau de désinfection Désinfection de haut niveau : rinçage à l’eau stérile Désinfection de niveau intermédiaire : rinçage à l’eau bactériologiquement maîtrisée
Niveau cible
Niveau d’alerte
Niveau d’action
FAR* < 1 UFC
-
FAR > 1 UFC
FAR < 5 UFC ET absence de MO indicateurs
FAR : 5 -25 UFC ET absence de MO indicateurs
FAR > 25 UFC OU présence de MO indicateurs
* Flore aérobie revivifiable ; UFC : unité formant colonie ; MO : micro-organisme. D’après [1].
sous-estimation [1]. Enfin, il est à noter qu’une nouvelle instruction relative à l’actualisation du traitement des duodénoscopes vient de sortir [5], ainsi que son annexe technique décrivant précisément la technique de prélèvement de ces endoscopes, notamment de leur extrémité distale. Les écho-endoscopes pourvus d’un canal érecteur nécessiteraient le même type de prélèvement complémentaire.
tale d’un duodénoscope, il sera également indiqué le nombre d’UFC identifiées [5]. Comme précisé dans la FAQ [1] de l’instruction de 2016, il est possible de rendre les résultats en UFC/100 mL en cas d’injection et de recueil de 100 mL de solution de prélèvement. Concernant les éventuels micro-organismes indicateurs, le résultat est exprimé en « présence » ou « absence ».
Interprétation des résultats
Le principe de l’analyse À l’exception des contextes épidémiques où un agent pathogène précis est suspecté et recherché à l’aide de méthodes adaptées, il est préconisé de se limiter à la détection de micro-organismes de culture facile à mettre en œuvre sur des milieux non spécifiques [3]. Ces micro-organismes peuvent être considérés comme des indicateurs de contamination, vis-à-vis d’agents infectieux non cultivables sur ces milieux. Leur présence atteste d’une contamination microbienne dans laquelle pourraient être retrouvés certains micro-organismes pathogènes si on pouvait les rechercher en routine. En pratique, il est recommandé : ◗ de dénombrer la flore mésophile aérobie revivifiable totale (aspect quantitatif) ; ◗ de vérifier l’absence de micro-organismes indicateurs d’un dysfonctionnement en identifiant les colonies apparues (aspect qualitatif). L’identification de ces micro-organismes peut aider à préciser l’origine du dysfonctionnement : origine hydrique, flore des cavités explorées…
Technique d’analyse Le volume total de liquide recueilli doit être filtré pour rendre les résultats par endoscope ou par canal [3].
Expression des résultats Le résultat [1,3] est exprimé en unités formant colonies (UFC) par endoscope dans le cas d’un prélèvement global ou en UFC pour chaque canal investigué dans le cas d’un prélèvement canal par canal. Dans le cas d’un écouvillonnage de l’extrémité dis-
L’interprétation des résultats [1,5] s’effectue après avoir additionné, le cas échéant, le nombre d’UFC de chaque canal en cas de prélèvement différencié et le nombre d’UFC obtenu par écouvillonnage de l’extrémité distale des duodénoscopes. Des critères d’interprétation à trois niveaux (cible, alerte et action) figurent dans les textes réglementaires. Ils prennent en compte le niveau de désinfection attendu pour l’endoscope et la qualité d’eau de rinçage terminal. Un résultat récent de contrôle microbiologique de l’eau de rinçage est une aide à l’interprétation des résultats, notamment en cas de présence de flore hydrique. Mais il ne faut pas oublier que cette flore est également susceptible de coloniser le tube digestif des humains ou de coloniser ou d'infecter les poumons de certains patients. Le tableau 1 détaille les critères d’interprétation des résultats pour les endoscopes critiques et semicritiques et la qualité de l’eau utilisée pour le rinçage terminal après traitement. Les micro-organismes indicateurs sont les microorganismes de la flore hydrique et de la flore potentiellement pathogène des cavités explorées, de culture facile. Une liste est fournie à titre indicatif dans le guide de 2007 [3] et l’instruction de 2016 [1], qu’il appartient aux équipes en charge de la prévention du risque infectieux de valider ou compléter. À titre d’exemples on peut citer les entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas aeruginosa et autres bactéries de la flore hydrique potentiellement pathogènes, Acinetobacter sp, Staphylococcus aureus, Candida sp, champignons filamenteux… La présence d’un micro-organisme indicateur dans un endoscope impose une action corrective rapide, les services utilisateurs et en charge du traitement de l’endoscope concerné doivent être alertés rapidement, sans attendre la version écrite des résultats.
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Conduite à tenir : orientations
Figure 1. Conduite à tenir devant un endoscope en niveau d’alerte.
Une conduite à tenir, en cas de résultat supérieur au niveau cible, doit avoir été rédigée avant d’organiser les prélèvements. Elle dépend des pratiques et conditions locales : types d’endoscope, modalités de la désinfection (manuelle ou automatisée), volume prélevé, temps de stockage avant prélèvement (si inférieur à six heures risque de sous-estimer les résultats) et nombre et surtout type de micro-organismes (flore environnementale banale, cutanée, hydrique, commensale humaine).
Flore totale élevée (flore environnementale banale) 5-25 UFC par endoscope pour les endoscopes semi-critiques
Situation relativement rare • Vérifier les conditions de prélèvement, notamment la désinfection des extrémités d’injection et de recueil à l’alcool à 70°, de transport, de stockage, de manipulation au laboratoire • Maintien de l’utilisation de l’endoscope Figure 1.leConduite à tenir devant un endoscope • Renouveler prélèvement après l’utilisation suivante, après traitement habituel eten stockage d’au moins six heures niveau d’alerte. Résultat satisfaisant • Situation la plus fréquente • Remise en service
Résultat non satisfaisant • Exceptionnel si les règles d’asepsie et les conditions de stockage sont maîtrisées • Peut démasquer la présence de biofilm avec un 2e résultat en niveau d’action • Dans ce cas se reporter à la CAT en niveau d’action
© H. Boulestreau
Niveau d’alerte Ce niveau ne concerne que les endoscopes semicritiques, c’est-à-dire pénétrant dans une cavité non stérile (tube digestif, arbre bronchique). L’endoscope peut continuer à être utilisé. Il sera contrôlé après un entretien habituel, en s’assurant du respect des mesures d’asepsie. Le tableau 1 rappelle les résultats en niveau d’alerte. La figure 1 synthétise la conduite à tenir.
Figure 2. Conduite à tenir devant un endoscope en niveau d’action.
Cette situation est rare • Double traitement renforcé • Contrôle canal par canal
Résultat satisfaisant • Remise en service
Résultat non satisfaisant Figure • Vérifier les conditions de prélèvement, de transport, de stockage, de manipulation au laboratoire
Présence de bactéries de la flore hydrique • Exemple de P. aeruginosa ou autres bacilles à gram négatif non fermentant
Situation la plus fréquente • Contrôle eau de rinçage terminal, gestion des filtres (LDE/paillasse) • Voire contrôle eau de rinçage intermédiaire de la paillasse • Revoir la qualité du séchage des endoscopes • Évaluer la vétusté de l’endoscope
1.• Conduite à tenir devant un Double traitement renforcé • Contrôle canal par canal en niveau d’alerte. • Prélèvement des valves et pistons si présents lors du prélèvement
Résultat satisfaisant • Remise en service
• Double traitement renforcé • Contrôle canal par canal
Résultat satisfaisant • Remise en service
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Présence de bactéries de la cavité explorée • Exemple d’entérobactéries pour un endoscope digestif ou de flore habituellement identifiée dans les poumons des patients de réanimation ou atteints de pathologies respiratoires chroniques
• Revoir le process de traitement de l’endoscope • Contrôle eau de rinçage terminal du LDE • Prélèvement des valves et pistons si présents lors du prélèvement endoscope • Évaluer la vétusté de l’endoscope • Double traitement renforcé • Contrôle canal par canal
Résultat non satisfaisant • Pas de problème particulier identifié • Double traitement renforcé • Contrôle canal par canal
Résultat non satisfaisant • Envoi en maintenance, voire en expertise
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Résultat satisfaisant • Remise en service
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Flore totale élevée • > 1 UFC/endoscope ou pour 100 mL pour les endoscopes critiques • > 25 UFC par endoscope pour les endoscopes semi-critiques
Dossier scientifique Hygiène hospitalière et prévention des IAS micro-organisme(s) entre patients survenant après un acte d’endoscopie devra faire l’objet d’un signalement L’utilisation de l’endoscope sera suspendue, l’endosd’infection associée aux soins via la télétransmission cope devra subir une double ou triple procédure de e-sin, avec dans certains cas, la nécessité d’un signaletraitement renforcé, avant contrôle canal par canal. En ment en matériovigilance [4,5,7]. parallèle l’origine de la contamination sera recherchée. Le tableau 1 rappelle les résultats en niveau d'action. La figure 2 synthétise la conduite à tenir. Contrôle microbiologique Concernant le processus de traitement de l’endoscope, dans son ensemble, certains points doivent être plus des eaux en endoscopie particulièrement vérifiés : ◗ délai de prise en charge ; Traitement manuel ◗ tests d’étanchéité ; ◗ Selon le niveau de criticité de l’endoscope, l’eau utili◗ gestion des produits : sée [1] pour le rinçage terminal peut être : - dilution, - de l’eau stérile (endoscopes critiques) ; - respect de la durée d’utilisation du bain/ - de l’eau microfiltrée (endoscopes concentration (bandelette) pour le désinsemi-critiques). fectant en procédure manuelle, ◗ Si l’eau microfiltrée est obtenue à - respect des temps de contact ; l’aide d’un filtre terminal à usage ◗ kit d’écouvillons adapté ; Une conduite à ◗ technique d’écouvillonnage et unique, validé par le fabricant : tenir, en cas de résultat nombre de passages ; le contrôle de l’eau n’est pas ◗ traitement des pistons, cages à nécessaire à condition de valisupérieur au niveau cible, piston et valves (à prélever dans der l’utilisation des filtres (mise doit avoir été rédigée le cadre d’une investigation) ; en place, durée d’utilisation…) et ◗ irrigations et purges ; de n’ajouter aucune connectique avant d’organiser les ◗ recommandations des fabrinon stérile en aval du filtre (audit prélèvements cants pour les endoscopes à de pratiques). risque particulier (duodénoscopes, Dans ce contexte, l’analyse de risque écho-endoscopes) ; peut conduire à préconiser une surveil◗ hygiène des mains. lance de l’eau de rinçage intermédiaire (ESS), En cas de procédure automatisée : bien que les textes ne l’imposent pas. ◗ s’assurer de l’absence d’alarme sur les tickets des LDE et notamment du pompage correct des produits de Traitement automatisé : nettoyage et désinfection ; contrôles microbiologiques ◗ vérifier l’état des connectiques, éventuellement réalides eaux des LDE ser un contrôle microbiologique à ce niveau ; Dans le cadre d’un plan de contrôle prédéfini par l’uti◗ vérifier les résultats des contrôles de l’eau de rinçage lisateur, la conception et l’installation du LDE doivent terminal. permettre d’effectuer deux types de prélèvement à En cas d’utilisation d’une Eset visée bactériologique [1,8] : S’assurer de son absence de contamination. ◗ l’eau alimentant la machine après un éventuel système de traitement externe (selon les recommandations du Selon le type de flore identifié et le type d’acte, en colfabricant). Ce contrôle est trimestriel et le choix du laboration avec les médecins de la spécialité concerné, type d’analyse dépend de l’éventuel type de traitement il faut se poser la question du risque pour les patients d’eau en amont. Le plus souvent il s’agit d’une analyse explorés avec le ou les endoscopes « en niveau d’ac« d’eau pour soins standard » ; tion ». Ce questionnement peut aller jusqu’à la réunion ◗ l’eau de rinçage terminal des endoscopes : il s’agit d’une « cellule de crise », impliquant également l’unité d’une « eau bactériologiquement maîtrisée », à préde matériovigilance, le service biomédical, la direction de l’établissement, infectiologues et microbiologistes, lever trimestriellement [1]. Le site de prélèvement la liste n’est pas exhaustive. L’investigation peut avoir peut être défini s’il existe un système de prélèvement plusieurs niveaux, selon qu’il s’agit d’un endoscope sans interne de l’eau dans le LDE ou c’est l’eau de fond de risque particulier, d’un endoscope à risque particulier et cuve qui est prélevée. notamment d’un duodénoscope, possiblement à l’origine de bactériémie(s), de plusieurs endoscopes en Si l’eau de rinçage terminal est contaminée, la conduite niveau d’action. Toute infection bactérienne ou virale à tenir dépendra du résultat (tableau 2), elle est détailchez un ou plusieurs patients et/ou transmission de lée dans la figure 3.
Niveau d’action
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Tableau 2. Contrôles microbiologiques de la qualité de l’eau : résultats attendus. Paramètres
Référentiel
Flore aérobie revivifiable à 22 °C Eau pour soins standard
Flore aérobie revivifiable à 36 °C
Niveau cible
Niveau d’action
Tolérance d’une variation dans un rapport de 10 par rapport à la valeur habituelle
< 100 UFC/mL
Guide de l’eau
Remarques
< 10 UFC/mL
Pseudomonas aeruginosa
< 1 UFC/100 mL
≥ 1 UFC/100 mL
Coliformes totaux
< 1 UFC/100 mL
≥ 1 UFC/100 mL
≤ 1/100 mL
≥ 10 UFC / 100 mL
< 1/100 mL
≥ 1 UFC/100 mL
Flore aérobie revivifiable à 22 °C Eau bactériologiquement maîtrisée
Flore aérobie revivifiable à 36 °C Pseudomonas aeruginosa
Guide de l’eau
D’après [12].
Figure 3. Conduite à tenir devant une eau de rinçage terminale non conforme (LDE). Flore aérobie revivifiable supérieure au niveau d’action • FAR ≥ 10 UFC/100 mL
Présence de micro-organismes potentiellement pathogènes • P. aeruginosa ≥ 1 UFC/100 mL ou autres micro-organismes potentiellement pathogènes
• Le LDE peut continuer à être utilisé • Interrompre l’utilisation du LDE • Éliminer une faute d’asepsie lors du • Passer au traitement manuel des endoscopes en l’absence prélèvement, du traitement de l’échantillon d’autre(s) LDE conforme(s) • S’assurer que les conditions de transport • Contrôler les derniers endoscopes traités dans ce LDE sont satisfaisantes (enceinte réfrigérée) • Vérifier l’absence d’alarme(s) sur le(s) ticket (s) de cycle • S’assurer que l’analyse a bien eu lieu dans • Vérifier la mise en œuvre effective quotidienne du cycle les délais attendus (24 heures maximum d’autodésinfection du LDE après le prélèvement) • S’assurer de la maintenance du LDE selon les préconisations • S’assurer de la maintenance du LDE du fabricant et notamment du changement de filtres internes selon les préconisations du fabricant et ou de la lampe à UV selon le type de traitement d’eau interne notamment du changementFigure de filtres1. Conduite à tenir • S’assurer du pompage correct du détergent et du désinfectant devant un endoscope internes ou de la lampe à UV selon le type • Vérifier l’absence d’alerte descendante concernant les en niveau d’alerte. de traitement d’eau interne détergents et désinfectants • Si nécessaire mettre en place les mesures • Voire contrôler la concentration du désinfectant fourni par le correctives identifiées fabricant • Si nécessaire mettre en place les mesures correctives identifiées
• Réaliser un prélèvement de contrôle : la remise en service ne sera autorisée qu’avec des résultats normalisés
• Une surveillance rapprochée mensuelle permet de valider définitivement le retour à la normale • Après trois contrôles conformes, les prélèvements peuvent redevenir trimestriels
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Réaliser un prélèvement de contrôle : • si la non-conformité persiste, s’attacher à rechercher une faute d’asepsie ou de gestion du prélèvement • en l’absence de retour à la normale, se reporter à la conduite à tenir en cas de présence d’un MO potentiellement pathogène, plus complète
Dossier scientifique Hygiène hospitalière et prévention des IAS Tableau 3. Contrôles microbiologiques des ESet. Contrôles microbiologiques ESet
Fréquence
Technique
• Chaque compartiment : trimestriel • Si plusieurs sous-unités : chacune au moins une fois par an
Surfaces : • 4 prélèvements par empreinte : - Un dans 2 coins opposés du bac, partie basse, en diagonal - Un au centre de 2 parois latéral - Bionettoyage des surfaces après prélèvement Aérobiocontamination : optionnel [11].
Endoscopes stockés en ESet
Trimestriel
• Au moins un exemplaire de chaque famille stockée dans l’ESet • Dès sa sortie de l’ESet
Annuel
• Chaque endoscope sans risque particulier stocké dans l’ESet • Si risque particulier : se reporter à la fréquence préconisée
D'après [9,10].
Contrôles microbiologiques des enceintes de stockage des endoscopes thermosensibles Le tableau 3 reprend les contrôles préconisés dans le cadre de la surveillance des Eset [9,10]. L’aérobiocontamination est un contrôle devenu optionnel suite à la révision de la norme Norme NF EN 16 442 [11] relative aux enceintes de stockage à atmosphère contrôlée pour endoscopes thermosensibles traités (1er mai 2015). Les prélèvements de surface par empreinte sont représentatifs de la qualité microbiologique des surfaces et de l’air, s’ils sont réalisés avant bionettoyage des surfaces. Des contrôles particulaires de l’air doivent être réalisés si le fabricant revendique un niveau de propreté particulaire ; la fréquence du contrôle dépend de la classe particulaire revendiquée.
Résultats attendus Surfaces < 25 UFC/25 cm2 avec absence de micro-organisme indicateur ◗ Aérobiocontamination - Par impaction : le résultat attendu dépend de la classe de contamination particulaire revendiquée par le fabricant. - Par sédimentation : la somme des colonies dénombrées sur les deux boîtes doit être inférieure à 25 UFC après deux heures de sédimentation, avec absence de micro-organisme indicateur. ◗
En cas de non-conformité des résultats des prélèvements d’une Eset, il faudra s’assurer : ◗ du bon fonctionnement de l’Eset ; - absence d’alarme ; - maintenance selon les préconisations du fabricant ; - qualité de l’air ; - bionettoyage selon le protocole en vigueur ; ◗ de l’absence de contamination des endoscopes stockés.
Conclusion La surveillance microbiologique en endoscopie implique de fait le laboratoire mais aussi de nombreux autres intervenants comme les professionnels du service qui réalisent les actes endoscopiques et assurent le nettoyage et la désinfection manuelle ou automatisée de ces dispositifs complexes, l’équipe opérationnelle d’hygiène qui participe à la surveillance et à l’interprétation des résultats et déclenche les cellules de crise le cas échéant. Au sein de ces équipes, des techniciens biohygiènistes sont souvent les bienvenus pour faire le lien entre prélèvement – laboratoire – analyse et interprétation des résultats. Selon les établissements, ces prélèvements et/ou analyses peuvent être réalisés en interne ou externalisés. L’avantage de la prise en charge en interne se situe dans la facilité de collaboration entre les professionnels au sein d’un même établissement qui œuvrent ensemble à une prise en charge optimisée des patients. QQ Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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Points à retenir ◗tLa
maîtrise du risque infectieux en endoscopie nécessite une expertise pluri-disciplinaire. ◗tLes contrôles microbiologiques en endoscopie nécessitent du personnel formé, habilité et régulièrement évalué. ◗tIl est recommandé de prélever les endoscopes à deux professionnels : l’un qui en connaît l’architecture interne et l’autre qui maîtrise la technique aseptique de prélèvement, pour prévenir les fuites et les fautes d’asepsie. ◗tQuel que soit le niveau de criticité de l’endoscope, les prélèvements doivent être réalisés après traitement et au moins six heures de stockage. ◗tLa solution de prélèvement répond à des critères précis.
◗tL’utilisation
Références
sements de santé et les structures mentionnées à l’article R.6111-12 du Code de la santé publique ainsi qu’aux modalités de gestion des situations signalées. [7] Art. L5212-2 du Code de santé publique modifié par la loi n° 20112012 du 29 décembre 2011 - art. 5 relatif au signalement des événements indésirables graves concernant un dispositif médical. [8] Ministère de la santé, DHOS, DGS, CTIN. Bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux : Guide pour l’utilisation des laveurs désinfecteurs d’endoscopes. 2003, pp37. [9] SF2H, SFED. Recommandations de bonnes pratiques d’utilisation des enceintes de stockage d’endoscopes thermosensibles (ESET). 2011. [10] Enceintes de stockage d’endoscopes thermosensibles (Eset). Haut Conseil de la santé publique. 2013. En ligne : www.hcsp.fr/explore. cgi/avisrapportsdomaine?clefr=377 [11] Norme NF EN 16 442 relative aux enceintes de stockage à atmosphère contrôlée pour endoscopes thermosensibles traités, 1er mai 2015. [12] Ministère de la Santé et des Solidarités. Guide technique : L’eau dans les établissements de santé. 2005.
[1] Ministère des Affaires sociales et de la Santé. Guide technique : Traitement des endoscopes souples thermosensibles à canaux. Instruction du 4 juillet 2016 et sa FAQ), pp39. [2] Wang P, Xu T, Ngamruengphong S et al. Rates of infection after colonoscopy and osophagogastroduodenoscopy in ambulatory surgery centres in the USA. Gut. 2018,67:1626-36. [3] DGS, DHOS, CTINILS, CSHPF. Éléments d’assurance qualité en hygiène relatifs au contrôle microbiologique des endoscopes et à la traçabilité en endoscopie. CTINILS. 2007, pp55. [4] Cclin-Arlin : Surveillance microbiologique de l’environnement dans les établissements de santé : Guide de bonnes pratiques. 2016, pp 125. [5] Ministère des Solidarités et de la Santé. Instruction du 2 août 2018. relative à l’actualisation du traitement des endoscopes souples thermosensibles à canaux de type duodénoscope au sein des structures de soins Annexe technique (version corrigée du 8/08/2018.) [6] Instruction N°DGOS/PF2/DGS/RI3/2012/75 du 13 février 2012 relative au signalement externe des infections nosocomiales par les établis-
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d’irrigateurs tous canaux est optimale pour faire circuler la solution de prélèvement dans toutes les portions des canaux principaux ; pour les canaux accessoires, il est recommandé d’utiliser des seringues de volume adapté. ◗tEn injectant au moins 50 mL de solution de prélèvement dans chaque canal principal et 10 à 20 mL dans les canaux accessoires et sous réserve de récupérer au moins 80 % du volume injecté, les résultats sont à rendre par endoscope ou par canal. ◗tLa conduite à tenir en cas de résultats non conformes doit avoir été anticipée avant de débuter les prélèvements microbiologiques en endoscopie.
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES • N° 516 • NOVEMBRE 2019