Cœur, sports et médicaments

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Cœur, sports et médicaments DOSSIER AVANT-PROPOS R. Brion Expert AFLD Centre de réadaptation Capio-Bayard, Villeurbanne Centre de réadaptation Dieu...

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Cœur, sports et médicaments

DOSSIER

AVANT-PROPOS

R. Brion Expert AFLD Centre de réadaptation Capio-Bayard, Villeurbanne Centre de réadaptation Dieulefit Santé, Dieulefit [email protected]

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impact des thérapeutiques sur la performance cardiovasculaire et musculaire à l’effort n’est pas un sujet fréquemment abordé. Nous utilisons chaque jour des médicaments très efficaces pour nos patients cardiaques avec des objectifs multiples : diminuer la morbidité, prévenir les complications, limiter l’évolutivité, améliorer la survie… mais il est aussi très important d’améliorer la qualité de vie de nos patients et cela passe par une amélioration de leurs performances ! Cet effet est évidemment recherché chez les insuffisants cardiaques. Mais ces médicaments peuvent aussi avoir des effets délétères sur la performance. C’est le paradoxe de traitements prescrits à visée préventive chez des patients dont la fonction cardiaque est peu altérée et qui poursuivent une activité physique salutaire, mais qui voient leurs performances à l’effort limitées par ces produits prescrits dans le but d’améliorer leur pronostic… Cela mérite pour le moins une explication convaincante si l’on ne veut pas assister à un arrêt des thérapeutiques. Enfin, chez des sportifs sains et performants, l’utilisation de médicaments à des fins de dopage peut se payer d’effets adverses graves notamment au plan cardiovasculaire. C’est une dimension que les cardiologues doivent aussi connaître. Chez les patients cardiaques aux performances physiques altérées, l’amélioration de la qualité de vie et donc l’amélioration de leurs capacités physiques est la clef d’accès aux activités qu’ils souhaitent poursuivre et qui leur permettent de conserver leurs liens sociaux. La cardiologie est heureusement riche en traitements qui améliorent les performances des

AMC pratique „ n°228 „ mai 2014

patients insuffisants cardiaques. Il ne faut d’ailleurs surtout pas négliger la pratique régulière d’une activité physique adaptée qui est une prescription très efficace pour gagner de la performance quelle que soit l’altération de la fonction cardiaque. Certains de ces patients souhaiteront même poursuivre de véritables activités sportives adaptées, avec le plaisir de s’inscrire à des compétitions. Certaines activités de faible niveau énergétique, comme le tir à l’arc, ont du succès dans le domaine du handisport. Mais ce type d’activités pose un problème chez les insuffisants cardiaques qui sont le plus souvent traités par bétabloquants. Tous les sportifs qui souhaitent pratiquer la compétition sont soumis aux règles internationales de lutte contre le dopage y compris nos patients. Or, ces règles interdisent l’usage de bétabloquants dans les sports d’adresse et en France, c’est un décret qui le précise chaque année. Bien des médecins ont du mal à comprendre que l’on interdise ce type de compétition à leurs patients alors que toutes les recommandations indiquent au contraire de les inciter à des activités physiques. Il faut pourtant absolument prendre en considération ces aspects légaux pour éviter à nos patients des désagréments (voir la fiche technique sur l’autorisation à utiliser un traitement : AUT). Chez les patients cardiaques qui conservent une capacité physique de bon niveau et qui souhaitent poursuivre une véritable activité sportive, on se heurte à un problème très différent. Chez des sujets qui conservent une bonne capacité fonctionnelle (certains coronariens ou valvulaires…), les traitements ont principalement des objectifs de prévention. De fait, les patients ne ressentent généralement pas

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d’amélioration objective liée au traitement, mais a contrario, certains peuvent constater un impact négatif des traitements sur leurs performances. Paradoxalement, le cardiologue, qui incite à l’activité physique, est amené à prescrire des traitements qui peuvent dégrader la capacité de performance. François Carré dresse dans cette revue un panorama des effets secondaires des traitements sur la performance. Certains de ces patients, après un accident coronaire par exemple, se lancent dans des activités sportives parfois intenses et qui deviennent un véritable moteur de vie. Ils peuvent en ressentant ces limitations être tentés d’abandonner leur traitement, ou d’abandonner l’activité physique, ce qui, dans les deux cas, est très regrettable. C’est donc un problème à évoquer d’emblée avec eux de façon à prévenir les arrêts de traitement, tout en encourageant l’activité physique qui doit être dans la mesure du possible suffisante mais raisonnable. Chez les sportifs sains, la pratique du dopage peut avoir un retentissement cardiaque.

Le dopage est probablement fréquent et se retrouve chez toutes les catégories de sportifs et à tous les âges. Chez les professionnels, la sophistication des méthodes de dopage est croissante avec souvent une longueur d’avance sur le dépistage qui finit malgré tout par rattraper son retard. Chaque cas de mort subite de sportif (en réalité assez rare sur l’ensemble des morts subites) soulève dans la presse générale le spectre du dopage. Les produits concernés sont nombreux et les effets cardiovasculaires potentiels multiples. L’article de Jean Gauthier évoque les risques cardiovasculaires liés au dopage et le cas clinique rapporté dans cette revue rappelle qu’il faut savoir évoquer le dopage devant certains signes cardiovasculaires. C’est donc la performance physique qui est le fil conducteur de cette revue : celle du patient très limité qui doit être améliorée, celle du patient non limité et qui risque d’être gêné par des traitements pourtant nécessaires, enfin, celle de l’athlète qui veut dépasser ses limites et qui est prêt pour cela à utiliser tous les moyens.

AMC pratique „ n°228 „ mai 2014