Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur : présentation et résultats à moyen terme de la résection arthroscopique

Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur : présentation et résultats à moyen terme de la résection arthroscopique

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96, 467—473 MÉMOIRE ORIGINAL Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur : présent...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96, 467—473

MÉMOIRE ORIGINAL

Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur : présentation et résultats à moyen terme de la résection arthroscopique夽 Anterior cruciate ligament mucoid degeneration: Selecting the best treatment option F. Lintz a,∗, N. Pujol a, D. Dejour b, P. Boisrenoult a, P. Beaufils a a b

Centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78150 Le Chesnay, France Clinique de la Sauvegarde, 480, avenue Ben-Gourion, 69009 Lyon, France

Acceptation définitive le : 27 mars 2010

MOTS CLÉS Genou ; Ligament croisé antérieur ; Dégénérescence mucoïde ; IRM ; Kyste

Résumé Préalable. — La dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur (LCA) est une entité peu connue. Le tableau est celui d’une douleur postérieure avec limitation de la flexion. Son caractère interstitiel au sein du LCA l’oppose au kyste synovial du LCA. Son traitement, arthroscopique, peut comporter une résection du LCA, ce qui pose la question de l’innocuité de cette procédure et du risque d’instabilité antérieure. Hypothèse. — La résection arthroscopique d’un LCA ayant une dégénérescence mucoïde est efficace sur les douleurs et la limitation de la flexion, au prix d’une laxité antérieure. Patients et méthodes. — Dans cette étude de cohorte rétrospective bicentrique, avec recul moyen de six ans, 27 patients (29 genoux) présentant une dégénérescence mucoïde du LCA symptomatique, authentifiée sur IRM, ont été inclus. Les kystes synoviaux non infiltrants du LCA ont été exclus. L’âge moyen était de 49 ans (22—68). Le bilan préopératoire comprenait l’interrogatoire, l’examen clinique (Lachman et ressaut), l’IRM et les radiographies standard. Le bilan arthroscopique notait l’aspect du LCA et les lésions associées (ménisques, cartilage). Des prélèvements anatomopathologiques ont été réalisés dans 18 cas. Le suivi postopératoire comportait un bilan radiographique standard et un examen dynamique mesurant la laxité au moyen d’un appareil TelosTM .

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2010.02.008. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics &Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Lintz). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2010.04.011

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F. Lintz et al. Résultats La douleur était postérieure dans 23 genoux (80 %). Quatorze genoux (48 %) étaient limités en flexion, en moyenne à 97◦ . Douze résections partielles et 17 totales ont été effectuées. Vingt genoux (69 %) présentaient des lésions cartilagineuses associées et 19 (66 %) des lésions méniscales. Une méniscectomie a été associée dans 11 cas (41 %). La douleur postérieure disparaissait dans 27 cas (93 %), en moyenne à 3,7 semaines après l’intervention. Le gain de flexion moyen était de 21,5◦ (0—60◦ ). Vingt-huit genoux (97 %) présentaient un arrêt mou et/ou retardé au Lachman en postopératoire. La laxité différentielle moyenne postopératoire au TelosTM était de 8,3 mm (5 à 13 mm). Les scores International Knee Documentation Committee (IKDC) et Knee Injury and Osteoarthritis Outcome Score (KOOS) postopératoires moyens étaient de 71,2 (42,5—92,0) et 78,2 (26,4—99). Deux patients ont eu une ligamentoplastie secondaire. Discussion. — Le traitement de la dégénérescence mucoïde du LCA par résection arthroscopique est efficace sur la douleur postérieure et la limitation en flexion. Il en résulte une laxité postopératoire mais rarement une instabilité. Les indications de résection du LCA doivent donc être posées avec soin. Le patient jeune et actif devra être prévenu du risque de ligamentoplastie secondaire. Niveau de preuve. — IV (étude rétrospective de cohorte). © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction La dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur (LCA) est une pathologie mal connue. Il s’agit d’une lésion infiltrante qui s’intègre dans le cadre de la pathologie mucoïde de la tente des croisés. Elle s’oppose aux lésions kystiques mieux connues sous le nom de kystes synoviaux ou kystes de la tente des croisés. La prévalence en IRM serait de 1,8 à 5,3 % [1,2] mais tous ne sont pas symptomatiques. Le tableau clinique habituel d’un LCA mucoïde symptomatique est celui d’une douleur postérieure du genou avec limitation de la flexion. La littérature publiée sur le sujet est très hétérogène, combinant traitement de lésions kystiques et infiltrantes [1—12]. La coexistence, dans de nombreux cas, des deux types de lésion en rend l’interprétation difficile. L’étude de Bergin et al. [2] a permis d’en définir les différences à l’IRM et de distinguer les lésions infiltrantes, autrement appelées hypertrophie [13], ou dégénérescence mucoïde [14], ou encore pseudokyste infiltrant [15] du LCA, des lésions purement kystiques. Le traitement proposé peut être une ablation de la lésion sous arthroscopie. Dans le cas de la dégénérescence mucoïde, le geste est une résection partielle, voire subtotale du LCA. L’objectif de notre étude était d’analyser le contexte sémiologique des dégénérescences mucoïdes du LCA et le résultat du traitement par résection arthroscopique partielle ou totale du LCA. Nous formulons l’hypothèse que la résection partielle ou totale du LCA améliore la symptomatologie douloureuse et la limitation de flexion, au prix d’une laxité antérieure résiduelle. Cette hypothèse a été testée au moyen d’une analyse rétrospective de 29 cas.

Patients et méthodes Cette étude rétrospective de cohorte bicentrique, conduite entre 1999 et 2009, regroupait 29 genoux (27 patients). Les dossiers ont été revus par un observateur n’ayant pas parti-

cipé aux interventions. Les critères d’inclusion étaient une dégénérescence mucoïde symptomatique du LCA, authentifiée à l’IRM, selon les critères diagnostiques définis par Bergin et al. [2] : • hypersignal global du LCA en T1-T2 ; • augmentation de volume globale du LCA ; • fibres ligamentaires bien vues en T2, continues de l’insertion tibiale à l’insertion fémorale. Ont été exclus les patients porteurs d’une lésion de type kystique individualisable, sans hypertrophie du LCA (kyste synovial, kyste de la tente des croisés ou kyste du LCA). L’IRM permettait également de mesurer une hypertrophie du LCA ou une sténose de l’échancrure : ces mesures étaient comparées par t-test de Student aux valeurs contrôles publiées par Cha et al. [13], en particulier le sagittal notch angle (SNA), qui mesure l’étroitesse de l’échancrure dans le plan sagittal. Nous y avons ajouté une mesure relative de la largeur du LCA par rapport à l’échancrure, le anterior cruciate ligament index (ACL) dont la valeur normale (0,23) est calculée à partir des données du groupe témoin de Cha et al. [13]. L’examen radiographique standard en appui monopodal notait la présence éventuelle d’arthrose selon la classification d’Ahlback. Il y avait 19 hommes et huit femmes (sex-ratio 2,2). L’âge moyen lors du diagnostic était de 49,3 (22—68) ans. Deux patients avaient une forme bilatérale. Le type d’activité exercée était physique chez huit patients (30 %), actif chez 11 patients (40 %) et sédentaire chez huit patients (30 %). En préopératoire, 13 (48 %) des patients pratiquaient un sport en ligne, sept (26 %) en pivot et sept (26 %) aucun sport. Le niveau était dans sept (26 %) des cas la compétition, dans 15 (55 %) le loisir régulier et dans cinq (19 %) le loisir occasionnel. L’examen recherchait les antécédents sur le genou atteint, le délai depuis le début des douleurs et le mode d’évolution, la notion de traumatisme initial, le siège

Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur des douleurs, la translation antérieure à la manœuvre de Lachman et les amplitudes articulaires. La durée moyenne des symptômes avant consultation était de 15,5 mois (un à 120 mois). Chez neuf patients (31 %), la notion d’un traumatisme authentifié marquait le début des symptômes. La douleur avait une composante postérieure dans 23 cas (80 %), postérieure pure dans le creux poplité dans deux cas sur trois, associée à une douleur médiale dans 27 % des cas, antérieure dans 10 % des cas. Dans un cas, la douleur était latérale et dans deux autres, centrale. Dix patients avaient déjà subi une intervention chirurgicale : huit méniscectomies médiales, une méniscectomie latérale, une arthroscopie pour ablation de corps étranger. Six des lésions méniscales étaient de type dégénératif. Ces interventions avaient été réalisées en moyenne 8,6 années (0,25 à 24 ans) avant l’intervention sur le LCA. Dans trois cas, le LCA avait été décrit comme normal. L’échec de la méniscectomie avait conduit à reconsidérer le diagnostic. Quatorze genoux (48 %) avaient une perte de flexion (flexion moyenne 97◦ [50 à 130◦ ]). Le Lachman préopératoire était à arrêt dur dans 28 cas et une fois, dur retardé. Tous les patients ont été opérés sous contrôle arthroscopique. Le diagnostic de dégénérescence mucoïde, établi initialement sur l’IRM, était étayé par la description de l’aspect du LCA, correspondant aux critères diagnostiques arthroscopiques énumérés par McIntyre et al. [9] : • • • •

fibres du LCA continues ; LCA augmenté de volume ; matériel jaunâtre exprimé au palpeur ; perte du revêtement synovial du LCA.

469 Le recul moyen était de six ans (un à dix ans). L’évaluation postopératoire comprenait un examen clinique et radiographique standard en appui monopodal et dynamique (TelosTM à 15 kg). L’état fonctionnel a été évalué par questionnaire subjectif International Knee Documentation Committee (IKDC) [16] et Knee Injury and Osteoarthritis Outcome Score (KOOS) [17] (par téléphone pour dix patients). L’étude statistique a été conduite à l’aide du logiciel Instat 3.0 pour la comparaison des variables quantitatives et qualitatives ; la méthode de Student (t-tests appariés) était utilisée. Le seuil de signification statistique choisi était de 5 %.

Résultats Imagerie Tous les patients présentaient à l’IRM les critères de dégénérescence du LCA décrits par Bergin et al. [2] (Fig. 1). L’aspect pouvait être comparé à une « branche de céleri » (celery stalk sign des auteurs anglo-saxons [6,7,18]), reflet de la dissociation des fibres du LCA par le matériel mucoïde. Cinq hypersignaux pouvant faire évoquer des kystes osseux à l’insertion tibiale et un à l’insertion fémorale étaient observés. Les mesures de l’échancrure montraient chez nos patients des LCA significativement augmentés de volume et des échancrures étroites : ACL index = 0,58, p < 0,001 (Normale = 0,23, selon Cha et al. [13]) et SNA = 31,2◦ , p < 0,001 (Normale = 39,1◦ selon Cha et al. [13]).

Arthroscopie Le geste sur le LCA était effectué « à la carte » : résection partielle (résection de moins de 50 % de l’épaisseur), lorsqu’il était possible de conserver une partie du LCA après ablation de la lésion ou totale (plus de 50 %) du LCA au résecteur motorisé et plastie de l’échancrure quand un conflit était constaté avec l’échancrure (la face axiale du condyle latéral). Une biopsie a été réalisée pour étude anatomopathologique dans 18 cas (62 %). L’appui avec mobilisation libre était autorisé en postopératoire immédiat.

L’arthroscopie décrivait le LCA dans tous les cas comme hypertrophique de fac ¸on diffuse mais particulièrement, dans sa partie proximale dans six cas, jaunâtre ou chamois, tendu et bombant dans l’échancrure (Fig. 2). Le LCA présentait des fibres dépourvues de revêtement synovial, d’aspect brillant, dilacéré. Dans un cas, le faisceau antéromédial, bien individualisable, était le seul atteint. Dans un autre cas, il s’agissait du faisceau postérolatéral, refoulant le faisceau antéromédial vers l’avant, à l’origine d’un conflit entre

Figure 1 Aspect IRM : dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur (LCA). Signe de la « branche de céleri ». a : coupes sagittales. b : coupe frontale.

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F. Lintz et al.

Figure 3 Résection partielle (faisceau antéromédial) du ligament croisé antérieur (LCA). Figure 2 Aspect arthroscopique d’une dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur (LCA).

celui-ci et l’échancrure. Dans un cas, la lésion du LCA était associée à un kyste mucoïde extraligamentaire de la tente des croisés. Douze résections partielles (Fig. 3) du LCA et 17 résections totales ou subtotales ont été réalisées. Deux plasties de l’échancrure ont été pratiquées. Seize lésions dégénératives du ménisque médial (55 %) et cinq du ménisque latéral (17 %) ont été observées. Neuf méniscectomies médiales et deux latérales ont été effectuées dans le même temps. Treize lésions cartilagineuses (45 %) fémoropatellaires, 13 (45 %) fémorotibiales médiales (six grade 1, cinq grade 2, deux grade 3) et six (21 %) fémoro-

tibiales latérales (deux grade 1, quatre grade 2) ont été observées. Neuf genoux (31 %) ne présentaient aucune lésion cartilagineuse.

Histologie L’examen anatomopathologique confirmait dans tous les cas le diagnostic de dégénérescence mucoïde du LCA, avec présence de la substance mucoïde diffuse ou microkystique s’insinuant entre les fibres de collagène et les dissociant (Fig. 4). Une transformation chondroïde était notée dans un cas. Une néovascularisation dans deux cas. L’absence de processus inflammatoire était notée dans deux cas. La synoviale

Figure 4 Aspect histologique. a : aspect normal du ligament croisé antérieur (LCA) (fibres longitudinales, noyaux bien visibles). b : aspect déstructuré par la substance mucoïde (en mauve, collagène en rose). c : coloration bleu Alcian (substance mucoïde en bleu, collagène en gris). d : coloration trichrome de Masson (fibres collagènes en vert, flaques mucoïdes non colorées).

Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur

471 neuses préopératoires (p < 0,01) et l’âge supérieur à 50 ans (p < 0,05).

Discussion

Figure 5

Évolution en postopératoire de la laxité antérieure.

était spécifiquement évoquée dans cinq cas, décrite comme atrophique trois fois, hyperplasique une fois et inflammatoire une fois.

Résultats cliniques postopératoires Le recul moyen était de six ans (un à dix ans). Un patient, âgé de 61 ans, présentant une forme bilatérale qui s’est compliquée d’une arthrite infectieuse à staphylocoque aureus, traitée par antibiothérapie et lavage arthroscopique. Aucune récidive au recul de plus de cinq ans n’a été retrouvée. Le gain de flexion postopératoire était de 21,52◦ en moyenne (0 à 60◦ ). La douleur postérieure disparaissait dans 93 % des cas (27 genoux). En revanche, dans les cas où elle était associée à une douleur antérieure, médiale ou latérale, la composante associée persistait. La durée moyenne de récupération (disparition des douleurs et reprise d’une éventuelle activité sportive) était de 3,7 semaines (0 à dix semaines). En postopératoire, le nombre de patients présentant une instabilité passait de quatre (à six mois postopératoire) à 14 au plus long recul. Tous avaient moins de 50 ans et pratiquaient une activité physique régulière et intense, soit de loisir, soit dans le cadre d’une activité professionnelle. Tous les genoux examinés en préopératoire (Fig. 5) présentaient un Lachman arrêt dur, sans ressaut. Les genoux examinés en postopératoire (18 cas) présentaient un Lachman positif arrêt mou (16 cas) ou dur retardé (deux cas). Huit ressauts francs étaient retrouvés au recul. L’examen radiographique dynamique TelosTM montrait une laxité antérieure différentielle moyenne de 8 mm (5 à 13 mm, p < 0,001). Deux patients (33 et 35 ans) instables ont eu une reconstruction du LCA à deux et cinq ans postopératoires. Trois méniscectomies secondaires ont été réalisées à 20 mois (12—24) (deux médiales, une latérale). Deux patients (55 et 64 ans) ont eu une arthroplastie totale du genou à deux et cinq ans. Ils présentaient des lésions cartilagineuses associées majeures lors du traitement du LCA mucoïde. Le score IKDC moyen postopératoire était de 71 points (42—92). Au recul, les résultats étaient bons ou très bons dans deux tiers des cas. Le score KOOS moyen postopératoire était de 78 points (26—99) (douleur 83 points ; symptômes 82 points ; vie quotidienne 86 points ; sport 64 points ; qualité de vie 81 points). Les facteurs de mauvais pronostic étaient la présence de lésions méniscales et cartilagi-

La résection arthroscopique des dégénérescences mucoïdes du LCA entraîne une amélioration rapide de la douleur postérieure, de la limitation de la flexion, au prix d’une laxité clinique quasi constante qui peut devenir symptomatique, avec un risque d’instabilité. La revue de la littérature effectuée sur le sujet retrouve de nombreux cas cliniques et de courtes séries hétérogènes (Tableau 1). Le terme même de dégénérescence mucoïde, (traduction habituelle de l’anglais mucoid degeneration) est utilisé irrégulièrement et peut prêter à confusion avec les lésions kystiques. Celui de lésion dégénérative mucoïde serait plus explicite. Les faiblesses de notre étude sont la fréquence des opérations préalablement effectuées qui péjorent le résultat final, la présence de lésions méniscales et cartilagineuses dégénératives associées, ainsi que la fréquence des gestes associés qui peuvent influencer les résultats. La dégénérescence mucoïde du LCA est une pathologie non rare, souvent méconnue. Selon Bergin et al. [2] et Salvati et al. [1], elle serait présente sur 2 et 5 % des IRM du genou en pratique courante et atteindrait plus souvent l’homme de 40 à 50 ans. En pratique et dans la littérature, elle est souvent confondue avec le diagnostic de rupture partielle de LCA. La notion de traumatisme initial retrouvée dans notre étude chez un patient sur trois est discutable. Elle est retrouvée par certains [19], notamment McIntyre et al. [9] chez sept de ses dix patients, mais d’autres auteurs [2,12] n’en rapportent aucune. Il se dessine deux sous-populations de patients : les premiers plus jeunes, actifs, sportifs, chez lesquels on peut supposer un mécanisme d’atteinte du LCA par traumatisme vrai [19] ou microtraumatismes répétés, aboutissant à une lésion précoce. Les deuxièmes sont plus âgés et présentent une lésion dégénérative du LCA d’apparition progressive, avec des lésions méniscales dégénératives concomitantes fréquentes. La présentation clinique est le plus souvent stéréotypée. Il s’agit d’une douleur plus souvent (80 %) postérieure, dans le creux poplité, d’apparition progressive, s’aggravant avec le temps, fréquemment (50 %) associée à une limitation de la flexion autour de 100◦ . Pour Kumar et al. [14] et Hensen et al. [6], la douleur est imputable à l’effet de masse du LCA dans l’échancrure postérieure. Hsu et al. [7] et Kim et al. [20] l’attribuent à l’incarcération du LCA pathologique dans le compartiment fémorotibial postérieur. Dans certains cas [15], la présentation clinique n’est pas typique ou alors est associée à des douleurs sur les compartiments médial, latéral, ou fémoropatellaires (un tiers des cas dans notre étude), en relation avec les fréquentes lésions méniscales et cartilagineuses associées [20]. Dans notre étude, aucune récidive n’a été observée à plus de cinq ans de recul, même dans les résections partielles. Comme le préconisent Robert [15] et Kim et al. [20], une résection partielle à la demande semble possible afin de limiter la laxité induite.

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Tableau 1

Revue de la littérature.

Auteur

Nb cas Âge Sexe

Trauma Initial

Instabilité

Résection LCA

Préopératoire Recul Partielle Nishimori et al. [3] 2 Fealy et al. [4] 1 Hensen et al. [6] 1

45 38 50

F F H

— — + Hyperextension — — —

Hsu et al. [7] 2 Kumar et al. [14] 1 Lancaster et al. 1 [8] McIntyre et al. [9] 10

51 35 60

H H H

— + Choc antérieur ?

51

Motmans et Verheyden [11] Narvekar et Gajjar [12]

1

Robert [15]

— — —

+ 50 % 50 % (PL)

Siège douleur

Complète

Mobilités

Diagnostic IRM

Préopératoie

Recul Normales Normales Normales. . .

— — —

Post Post Post ? Post ?

0—0—120 Normales Limitation flexion Flessum 15◦ 0—0—100 Normales

— — —

— — ?

+ — ?

— + ?

5H, 5F 7/10





+



?

?

?

32

H







50 % (PL)



Post

Normales

5

40

3H, 2F —





75 %



?

Limitation flexion 0—0—80

8

53

7H, 1F —





+



Post

0—0—100

Normales Normales ?

4 : Normales, 1 : 0—0—120 Normales

Hypersignal LCA Masse LCA Dégénérescence mucoïde Hypersignal LCA Masse LCA Dégénérescence mucoïde 6 : rupture LCA, 4 Deg. mucoïde Hypersignal 4 : rupture LCA, 1 : Deg/Kyste mucoïde Comblement de l’échancrure de signal liquide

LCA : ligament croisé antérieur ; Nb : nombre ; H : homme ; F : femme ; Deg : dégénérescence ; PL : faisceau postéro-latéral du ligament croisé antérieur.

F. Lintz et al.

Dégénérescence mucoïde du ligament croisé antérieur Nos résultats cliniques confirment ceux de la littérature. Robert [15] avait étudié la qualité fonctionnelle des LCA dégénératifs en préopératoires par KT 1000TM et montré que ces genoux étaient stables. Cette notion est confirmée ici avec en préopératoire avec 93 % de tests de Lachman à arrêt dur mais en postopératoire, la mesure objective de la laxité au TelosTM retrouve une laxité quasi systématique après résection du LCA, qu’elle soit partielle ou totale. Une autre notion apportée par ce travail est celle de l’instabilité secondaire. Elle n’est évoquée ailleurs que par McIntyre et al. [9] qui rapportent un cas de rupture atraumatique du LCA à un an postopératoire, après une résection partielle. Nos résultats montrent que la laxité postopératoire, majoritairement asymptomatique, peut évoluer dans le temps vers une augmentation de la laxité antérieure et aboutir à une instabilité. Chez deux de nos patients (7 %), une reconstruction du LCA a été nécessaire secondairement.

Conclusion La résection arthroscopique des LCA dégénératifs symptomatiques donne de bons résultats subjectifs mais entraîne une laxité postopératoire évolutive. Le pronostic dépend de l’âge et des lésions associées. Le diagnostic de dégénérescence mucoïde du LCA doit être suspecté devant une douleur postérieure inhabituelle avec limitation de la flexion. L’IRM et l’arthroscopie confirment le diagnostic. La méconnaissance du diagnostic peut conduire à un certain nombre de méniscectomies superflues qui péjorent le résultat final. L’absence de récidive plaide en faveur d’une résection « à la carte », la plus partielle possible, d’autant plus que les patients présentent des lésions dégénératives associées. Les patients les plus actifs doivent être prévenus du risque d’instabilité postopératoire.

Conflit d’intérêt Aucun.

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