Démarche diagnostique devant un syndrome démentiel

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La revue de médecine interne 25 (2004) 363–375 www.elsevier.com/locate/revmed

Mise au point

Démarche diagnostique devant un syndrome démentiel Diagnosis of dementia L. Lechowski *, B. Forette, L. Teillet Service de gérontologie II, AP-HP, hôpital Sainte-Périne, 11, rue Chardon-Lagache, 75781 Paris cedex 16, France Reçu le 6 février 2003 ; accepté le 25 juillet 2003

Résumé Propos. – La forte prévalence des démences, et particulièrement de la maladie d’Alzheimer, l’incidence croissante de ces pathologies avec l’âge et le vieillissement de la population font de ce groupe de maladies et de leur dépistage un problème majeur de santé publique. Pourtant, le diagnostic est et reste difficile, puisqu’il s’appuie fortement sur l’évolution de troubles que les patients ne peuvent souvent plus relater, sur des explorations neuropsychologiques complexes, et sur une anatomopathologie fort difficile à obtenir. Aujourd’hui, les gériatres sont pleinement impliqués dans cette démarche diagnostique ; il paraît souhaitable maintenant que l’ensemble des médecins qui prennent en charge les patients âgés, puisse conduire facilement une démarche diagnostique complète en présence d’un syndrome démentiel. Actualités et points forts. – L’Anaes (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé) a publié en février 2000 des « recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer ». Ces recommandations permettent aujourd’hui d’uniformiser les pratiques, en insistant particulièrement sur l’anamnèse rigoureuse, l’examen clinique, l’évaluation neuropsychologique, quelques données paracliniques simples et l’utilisation de critères diagnostiques déjà largement diffusés et utilisés. Perspectives et projets. – L’approfondissement des connaissances, notamment en neuropsychologie et en imagerie fonctionnelle cérébrale, devrait permettre de favoriser le diagnostic précoce des démences. Ce diagnostic précoce permettra d’initier une prise en charge bénéfique, d’emblée pluridisciplinaire et préventive. De plus, les thérapeutiques spécifiques, qui ne manqueront pas d’apparaître sur le marché, s’adresseront avant tout aux patients dépistés précocement et idéalement à un stade prédémentiel. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – The high prevalence of dementia, particularly of Alzheimer’s disease, the increase of their incidence with age, and the population aging make this group of diseases a major problem for public health. Nevertheless, diagnosis is difficult because it depends on evolution of disturbances that patients often cannot precisely relate, on complex neuropsychological explorations, and on pathological examination difficult to obtain. Today in France, geriatricians are fully implicated in the diagnosis of dementia and all the physicians who give care to elderly, should lead easily a diagnosis of dementia. Current knowledge and key points. – In February 2000 ANAES (French governmental agency for accreditation and evaluation of health system) published recommendations called “practical recommendations for the diagnosis of Alzheimer’s disease”. These recommendations allow physicians to standardize their practices and consist of a rigorous clinical history and examination, a neuropsychological analysis, standard investigations and application of diagnostic criteria already widely diffused and used. Future prospects and projects. – Deepening of knowledge, in particular in the domains of neuropsychology and functional cerebral imagery, should allow physicians to diagnose early dementia. These early diagnosis should allow to initiate a multidisciplinary, preventive and effective care for patients. Specific drugs, that will be available, will be intended mostly for patients with early diagnosis, ideally at a pre-dementia state. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Démence ; Diagnostic ; Maladie d’Alzheimer Keywords: Dementia; Diagnosis; Alzheimer’s disease

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Lechowski). © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2003.07.003

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1. Introduction La prévalence des démences chez les plus de 65 ans est estimée en France à près de 5 %, et fait donc de ces maladies un problème de santé publique majeur [1,2]. Les dernières données épidémiologiques françaises, issues de l’étude Paquid, font état de 769 000 cas de démence parmi les plus de 75 ans [3]. Cette tranche d’âge, représentant 8 % de la population générale selon les données du recensement de 1999, serait ainsi massivement touchée par une démence (17 %). Peu de maladies ont une telle prévalence. Pourtant, environ une fois sur deux la démence n’est connue ni de la famille, ni du médecin traitant [4–6]. En effet l’ensemble des tabous entourant le mot « démence » est une entrave à la bonne information de l’entourage du malade en plus du déni qui suit très souvent l’annonce du diagnostic. De surcroît les médecins n’ont pas toujours les moyens, en temps surtout, pour faire aboutir une démarche diagnostique complète. Enfin, l’annonce du diagnostic amène la plupart du temps le médecin à proposer une prise en charge, prise en charge coûteuse et complexe, à cause de sa multidisciplinarité incontournable. Actuellement, cette prise en charge n’est pas formellement codifiée. En février 2000, l’Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation des établissements de santé (Anaes) a publié des recommandations pratiques pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer [7]. Pour les autres démences, dites « apparentées » à la maladie d’Alzheimer, il n’existe pas de recommandation consensuelle. La démarche diagnostique va consister avant tout en la mise en évidence du syndrome démentiel selon les critères du DSM-IV [8], puis à envisager le diagnostic étiologique qui repose encore très largement sur l’anamnèse et l’examen clinique. La démarche diagnostique inclura également le bilan des complications ainsi que celui du retentissement des troubles, notamment sur la personne de l’entourage identifiée comme l’aidant principal.

2. Établir le diagnostic de syndrome démentiel 2.1. Définition La définition de démence retenue par le DSM IV [8] a servi de base pour la plupart des travaux scientifiques récents et pour l’établissement des recommandations de l’Anaes pour la pratique quotidienne [7]. Cette définition a le mérite de circonscrire un cadre relativement solide et permet aujourd’hui à tout clinicien de poser le diagnostic de démence. Cette définition repose sur un ensemble de critères qui constituent ce que l’on nomme le noyau démentiel. Le premier de ces critères est la mise en évidence de troubles des fonctions supérieures associant à la fois des troubles de la mémoire et au moins l’un des quatre troubles parmi l’aphasie, l’agnosie, l’apraxie et les dysfonctions exécutives. Les second et troisième critères sont d’une part la certitude que

ces fonctions supérieures altérées représentent un déclin par rapport à une situation antérieure, et d’autre part que leur retentissement sur le fonctionnement social ou professionnel du patient est significatif. Un quatrième critère est l’exclusion du syndrome confusionnel comme cause de l’ensemble des troubles. À ce stade de la démarche diagnostique, le « noyau démentiel » est défini. Enfin, des critères supplémentaires sont en rapport avec la pathologie à l’origine du syndrome démentiel lui-même. 2.2. Les troubles mnésiques et les troubles des fonctions supérieures 2.2.1. Les troubles mnésiques Ces troubles constituent une caractéristique essentielle. Les patients se plaignent parfois d’oublis temporaires, avec, secondairement, une remémoration de l’information. De tels troubles, surtout s’ils sont isolés, ne sont habituellement pas l’expression d’une pathologie cérébrale. D’autres patients ont des pertes de mémoire avec un oubli définitif malgré des indices fournis pour faciliter le rappel. Lorsque de tels troubles sont isolés, que les performances mnésiques varient d’une déviation standard par rapport à la normale pour l’âge et le niveau d’instruction, et qu’ils ne retentissent pas sur la vie quotidienne, on envisagera le diagnostic de MCI ou mild cognitive impairment [9]. Les hypothèses les plus récentes au sujet de cette entité clinique en font un état prédémentiel et probablement un stade précoce de la maladie d’Alzheimer [10]. Des troubles de la mémoire concernant des rendez-vous importants ou des épisodes de désorientation spatiale qui surviennent lors d’une marche en ville ou de la conduite automobile par exemple, doivent faire craindre d’emblée une origine organique à ces troubles. Il faut d’emblée caractériser les troubles mnésiques en essayant de savoir s’ils constituent une amnésie antérograde ou rétrograde. Lorsque les troubles intéressent des faits récents avec une préservation du souvenir des faits anciens, il s’agit d’une amnésie antérograde, observée typiquement en début d’évolution de la maladie d’Alzheimer. Ces troubles sont trompeurs puisque les sujets âgés sont volontiers crédités à tort d’une bonne mémoire s’ils se souviennent d’évènements très anciens. De même il est utile de savoir si les troubles concernent la mémoire sémantique ou la mémoire épisodique. La mémoire sémantique concerne les éléments appris très tôt dans la vie et assimilés comme une vérité universelle, par exemple « les poissons vivent tous dans l’eau ». La mémoire épisodique concerne les éléments appartenant au vécu propre du sujet, par exemple « quelles étaient ses occupations lorsqu’il a été informé de la survenue des attentats du 11 septembre ? ». La mémoire épisodique est précocement atteinte lors de la maladie d’Alzheimer [11]. 2.2.2. L’aphasie Les troubles du langage peuvent prendre différentes formes. En premier lieu, on peut constater un manque du mot

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qui peut représenter une plainte spontanée, voire la première et seule plainte du malade. Cette plainte est d’ailleurs souvent qualifiée à ce moment par le malade de trouble de la mémoire. Certaines pathologies telles que l’aphasie primaire progressive se traduisent par une atteinte isolée du langage pendant au moins deux ans [12]. L’évolution sera marquée de façon variable par une atteinte des autres sphères cognitives. À un stade avancé de la maladie d’Alzheimer, les troubles ressembleront volontiers à une aphasie de type Wernicke et au stade ultime, le malade souffrira d’un mutisme complet [13]. 2.2.3. L’apraxie Les praxies sont les capacités à réaliser des gestes plus ou moins complexes, gestes associés ou non à des objets ou des actions connues. Ces praxies se jugent en dehors de tout déficit moteur, de tout trouble de compréhension ou de coordination motrice. Ces déficits excluent donc d’emblée les déficits moteurs, tout trouble de la coordination, tout trouble du tonus et tout trouble lié à des mouvements anormaux. Un déficit sensoriel, les atteintes pyramidales, extrapyramidales, cérébelleuses, ataxiques, la présence de tremblements ou d’autres mouvements anormaux tels qu’une chorée seront à exclure avant de conclure à une apraxie. L’apraxie va donc le plus souvent restreindre l’autonomie du patient pour les activités de la vie quotidienne. 2.2.4. L’agnosie L’agnosie est l’incapacité à reconnaître et à identifier un « objet » avec l’un des cinq sens, en dehors de tout déficit sensoriel. L’exploration des gnosies nécessitera de tenir compte des éventuels troubles du langage. En effet un patient auquel on présentera un objet à reconnaître pourra être gêné pour nommer l’objet à cause des troubles du langage qui l’empêcheront de retrouver le nom attendu. L’exploration d’une agnosie est donc habituellement difficile, d’autant que bien souvent, plusieurs troubles des fonctions cognitives sont intriqués [14]. 2.2.5. Le syndrome dysexécutif Les fonctions exécutives peuvent se définir comme les capacités à planifier dans le temps une séquence telle qu’un calcul mental, à exécuter une tâche complexe telle que remplir une feuille de déclaration d’impôt, ou bien organiser un rendez-vous (chercher et trouver un numéro de téléphone, dans un carnet, composer le numéro de téléphone, convenir d’un rendez-vous dans le futur, organiser le déplacement...). Ainsi, un syndrome dysexécutif pourra par exemple se traduire par des difficultés sévères pour s’habiller ou mettre le couvert. Les fonctions exécutives comprennent également l’ensemble de la volition (la motivation et l’initiative pour réaliser une action). Ces troubles, beaucoup trop souvent négligés et méconnus jusqu’alors, méritent la plus grande attention lors de l’évaluation des troubles des fonctions supérieures car leur prédominance par rapport à un syndrome amnésique doit faire craindre l’existence d’une démence frontotemporale [15].

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2.3. La progression des troubles et leur retentissement sur la vie quotidienne Il faudra préciser l’évolution des troubles et attester le fait qu’ils sont nouveaux. Une anamnèse réalisée avec l’aide de l’entourage permettra de documenter l’existence d’une pathologie psychiatrique plus ancienne comme une schizophrénie, ou une hypothyroïdie. De plus, dans le cadre des démences, ces troubles doivent avoir un retentissement significatif sur les activités sociales ou professionnelles. Le patient en pleine activité professionnelle aura des difficultés dans son travail, une absence de promotion, la répétition de sanctions, des échecs professionnels ou même un licenciement. Sur le plan social, le patient peut connaître des difficultés conjugales et voir son tissu social environnant se déliter progressivement. Il faut également s’intéresser et rechercher les activités abandonnées en raison des troubles de mémoire ou des fonctions supérieures. Ces activités peuvent être culturelles, artistiques ou des loisirs tels que la lecture. À un stade plus évolué, les activités entravées par ces troubles seront les activités plus élémentaires de la vie quotidienne, qui autorisent normalement une vie sociale autonome. Faire soi-même les courses, gérer un budget domestique, utiliser le téléphone ou organiser une réception peuvent devenir impossibles. Ces activités peuvent être facilement évaluées par l’échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) de Lawton [16]. Parallèlement, les activités élémentaires de la vie quotidienne, capacités à assurer soimême par exemple son hygiène corporelle, son alimentation seront évaluées par l’échelle ADL (Activities of Daily Living) de Katz [17]. La progression des troubles peut être relativement facile à documenter puisqu’il suffira souvent de se référer au niveau d’instruction du patient, ainsi qu’à sa qualification universitaire ou professionnelle pour pouvoir attester que l’altération des fonctions supérieures constatée représente un déclin certain par rapport à une situation antérieure. Toutefois, lorsque le patient a un handicap psychomoteur ancien ou une affection psychotique vieillie, la notion de déclin sera beaucoup plus difficile à affirmer. La répétition des évaluations, avec une fréquence annuelle comme le préconise l’Anaes, permettra d’affirmer l’existence éventuelle d’une évolutivité [7]. 2.4. L’exclusion d’un syndrome confusionnel Avant de pouvoir affirmer que l’ensemble des troubles, leurs caractéristiques évolutives et leur ampleur sont expliqués par un syndrome démentiel, l’existence d’un syndrome confusionnel doit être éliminée. En effet, le syndrome confusionnel, responsable de troubles des fonctions supérieures et touchant volontiers une population identique à celle concernée par un syndrome démentiel, diffère de ce dernier par la présence de troubles de la vigilance, ainsi que par son mode évolutif [8]. En effet, le début de la confusion est souvent brutal et son évolution est marquée par des fluctuations. Sa résolution enfin est systématique lorsque la cause du syn-

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Tableau 2 Critères diagnostiques pour la maladie d’Alzheimer selon le DSM IV 1. Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoigne à la fois : 1A. une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement) ; 1B. une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes : a. aphasie (perturbation du langage) ; b. apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice, malgré des fonctions motrices intactes) ; c. agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier les objets malgré des fonctions sensorielles intactes) ; d. perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite). 2. Les déficits cognitifs des critères 1A et 1B sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur. 3. L’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu. 4. Les déficits cognitifs des critères 1A et 1B ne sont pas dus : 4a. à d’autres affections du systèmes nerveux central qui peuvent entraîner des déficits de la mémoire et du fonctionnement cognitif (maladie cérébrovasculaire, maladie de Parkinson, maladie de Huntington) hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale) ; 4b. à des affections générales pouvant entraîner une démence (hypothyroïdie, carence en folates, B12, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection VIH) ; 4c. à des substances. 5. Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours de l’évolution d’un delirium (confusion mentale). 6. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’axe 1 (trouble dépressif majeur, schizophrénie).

une hydrocéphalie à pression normale ou encore une tumeur cérébrale. Il faut également éliminer certaines maladies générales telles qu’une hypothyroïdie, une carence en vitamine B12 ou en folates, une pellagre, une hypercalcémie, une neurosyphilis, une infection à VIH ou encore une affection induite par une substance médicamenteuse ou toxique. Enfin le dernier critère consiste à montrer que l’ensemble du tableau clinique ne peut pas être mieux expliqué par un trouble psychiatrique tel que la schizophrénie, ou par un trouble dépressif majeur. D’autres critères diagnostiques définis en 1984 par le NINCDS-ADRDA (National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke – Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association) [19] permettent d’envisager le diagnostic de maladie d’Alzheimer « possible », « probable » ou « certaine » (Tableaux 3 et 4). Le diagnostic de maladie d’Alzheimer « certaine » ne peut être porté qu’avec l’examen anatomopathologique du cerveau, auquel il faut associer l’histoire clinique et le diagnostic de maladie d’Alzheimer « probable ». La biopsie cérébrale du patient n’est en pratique jamais réalisée. Les critères diagnostiques du DSM IV et du NINCDS-ADRDA sont actuellement très largement utilisés dans les travaux de recherche biomédicale. L’inconvénient majeur de ces critères reste l’impossibilité de porter un diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer, notamment à une phase préclinique.

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Tableau 3 Critères diagnostiques pour la maladie d’Alzheimer probable selon le NINCDS-ADRDA

Tableau 4 Critères diagnostiques pour la maladie d’Alzheimer possible et certaine selon le NINCDS-ADRDA

Les critères pour le diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer probable sont : • une démence diagnostiquée sur les données de la clinique et documentée par un test psychométrique ; • des altérations d’au moins deux fonctions cognitives ; • une diminution progressive de la mémoire et d’autres fonctions cognitives ; • une absence de trouble de la conscience ; • un début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans et une absence d’affection systémique ou cérébrale qui pourrait directement ou indirectement rendre compte d’altérations progressives de la mémoire et de la cognition. Le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable est fondé sur : • une détérioration progressive de fonctions cognitives spécifiques (aphasie, apraxie ou agnosie) • une altération des activités quotidiennes et des troubles du comportement ; • des antécédents familiaux de troubles similaires, surtout si une confirmation histologique existe ; • des résultats des examens de laboratoire : LCR normal, EEG normal ou anomalies non spécifiques telles qu’une augmentation des activités à type d’ondes lentes, atrophie cérébrale en imagerie cérébrale progressant sur plusieurs examens consécutifs. Autres signes cliniques compatibles avec le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable après exclusion des autres causes de démence : • une présence de plateaux dans la progression de la maladie ; • des symptômes associés de dépression, insomnie, incontinence, délire, illusions, hallucinations, réactions de catastrophe, troubles sexuels, perte de poids ; • des crises épileptiques possibles à un stade avancé ; • d’autres anomalies neurologiques notamment à un stade avancé (hypertonie, myoclonies, troubles de la marche) ; • un scanner cérébral normal pour l’âge ; • un début avant 40 ans ou après 90 ans. Éléments qui plaident contre le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable : • un début soudain ; • des signes neurologiques focaux, troubles de la coordination survenant précocement en cours d’évolution ; • des crises d’épilepsie ou troubles de la marche dès le début de la maladie.

Le diagnostic de « maladie d’Alzheimer possible » peut être porté : • sur la base d’un syndrome démentiel, en l’absence d’autres étiologies reconnues de démence (affections neurologiques, psychiatriques ou maladie générale) et en présence de formes atypiques dans leur mode de début, leur présentation clinique ou leur évolution ; • en présence d’une seconde affection générale ou neurologique, qui pourrait causer la démence mais qui n’est pas considérée comme actuellement et dans le cas considéré responsable de cette démence ; • dans le cadre de la recherche clinique, ce diagnostic doit être retenu lorsqu’un déficit cognitif est isolé et s’aggrave progressivement en l’absence d’autre cause identifiable. Les critères pour le diagnostic de « maladie d’Alzheimer certaine » sont : • les critères cliniques pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable ; • la mise en évidence d’altérations histopathologiques caractéristiques obtenue par biopsie ou autopsie.

2.5.2. La démence vasculaire Il s’agit d’une démence secondaire. En se fondant sur les critères diagnostiques du DSM IV, elle représenterait de 10 à 15 % de l’ensemble des démences [20]. Selon le DSM IV, pour aboutir à un diagnostic de démence vasculaire, le seul critère supplémentaire nécessaire est la présence de symptômes et signes neurologiques en foyer. Sont considérés comme tels une exagération des réflexes ostéotendineux, un réflexe cutanéoplantaire en extension, une paralysie pseudobulbaire, des troubles de la marche, une faiblesse des extrémités, ou bien la mise en évidence par la neuro-imagerie d’une maladie cérébrovasculaire avec la présence d’infarctus multiples dans le cortex et dans la substance blanche souscorticale (Tableau 5) [8]. La littérature actuelle souligne la faiblesse des critères diagnostiques usuels pour établir de façon fiable un diagnostic de démence vasculaire [20]. Sous le terme démence vasculaire sont réunies en fait plusieurs

pathologies puisque l’on peut voir à la fois des patients porteurs d’infarctus multiples, de lacunes diffuses dans les régions sous-corticales, ou bien d’une maladie de Cadasil, affection génétique. 2.5.3. La démence à corps de Léwy diffus Il s’agit d’une pathologie neurodégénérative caractérisée par l’association d’un syndrome démentiel ayant un profil neuropsychologique à la fois cortical et sous-cortical très fluctuant, d’un syndrome extrapyramidal et d’hallucinations [21–24]. Cette maladie représenterait 10 à 15 % de l’ensemble des démences. Il s’agit d’une entité qui se rapproche d’une association entre maladie d’Alzheimer et maladie de Parkinson. Les critères diagnostiques en vigueur sont actuelTableau 5 Critères diagnostiques pour les démences vasculaires selon le DSM IV 1. Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoigne à la fois : 1A. une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement) ; 1B. une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes : a. aphasie (perturbation du langage) ; b. apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice, malgré des fonctions motrices intactes) ; c. agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier les objets malgré des fonctions sensorielles intactes) ; d. perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite). 2. Les déficits cognitifs des critères 1A et 1B sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur. 3. Mise en évidence de signes et symptômes neurologiques focaux (exagération des ROT, Babinski, paralysie pseudobulbaire, troubles de la marche, faiblesse d’une extrémité), ou bien mise en évidence par les examens paracliniques d’une pathologie cérébrovasculaire (infarctus multiples concernant les cortex et la substance blanche sous-corticale), jugée liée étiologiquement avec la démence. 4. Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours de l’évolution d’un delirium (confusion mentale).

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Tableau 6 Critères diagnostiques de McKeith pour la démence à corps de Léwy diffus Essentiel pour le diagnostic : • déclin progressif des fonctions cognitives de sévérité suffisante pour perturber l’activité sociale ou professionnelle ; • les troubles de la mémoire, transitoires ou permanents, peuvent manquer au début de la maladie, mais surviennent au cours de l’évolution ; • des troubles attentionnels et des capacités visuospatiales, de même qu’un syndrome sous-corticofrontal peuvent être prédominants. Maladie probable : au moins deux des signes suivants Maladie possible : un ou deux des signes suivants : • des fonctions intellectuelles fluctuantes, avec variations prononcées de l’attention et de la vigilance ; • des hallucinations visuelles récurrentes, typiquement riches ; • un syndrome parkinsonien spontané. Autres éléments diagnostiques étayant le diagnostic : • des chutes répétées ; • des syncopes ; • des pertes de connaissance transitoires ; • une sensibilité aux neuroleptiques ; • un délire systématisé ; • une hallucination non visuelle. Le diagnostic est peu probable en présence : • d’un accident vasculaire cérébral (signes cliniques focaux ou imagerie cérébrale) ; • d’une maladie somatique ou d’une autre affection cérébrale pouvant expliquer la symptomatologie.

lement ceux définis par McKeith en 1996 (Tableau 6) [25]. En présence du noyau démentiel, le diagnostic de démence à corps de Léwy diffus est dit « probable » si au moins deux des trois critères suivants sont réunis : le premier critère est la présence d’un syndrome parkinsonien, le second, de fluctuations de l’état cognitif avec des variations des performances cognitives, de l’attention et de la vigilance, et le troisième, la présence d’hallucinations visuelles récidivantes. Un seul de ces trois critères associé à un syndrome démentiel suffit pour poser le diagnostic de démence à corps de Léwy diffus « possible ». D’autres symptômes sont en faveur de ce diagnostic. Il s’agit de la survenue de chutes répétées, de syncopes, de pertes de connaissances brèves, d’une extrême sensibilité aux neuroleptiques avec parfois décès du patient, d’idées délirantes systématisées et d’hallucinations autres que visuelles. Enfin, la présence d’un accident vasculaire plaide contre le diagnostic. Les troubles de la mémoire peuvent être discrets en début d’évolution alors que le déficit attentionnel est souvent très marqué. Les capacités visuospatiales sont précocement altérées. Le syndrome parkinsonien est volontiers bilatéral et symétrique, peu sensible à la L-dopa ; il est plus souvent composé d’une bradykinésie et d’une hypertonie que de tremblements. L’évolution est typiquement progressive et la mauvaise tolérance des neuroleptiques est très caractéristique de la maladie. 2.5.4. Les démences frontotemporales Il s’agit d’une démence neurodégénérative liée à une atrophie progressive des lobes frontaux, des régions antérieures des lobes temporaux et des noyaux gris centraux [26]. Cette

Tableau 7 Échelle de dysfonctionnement frontal pour le diagnostic de démence frontotemporale (selon Lebert F. et Pasquier F., 1998) Troubles de contrôle de soi : Codage 1 ou 0 • hyperphagie ; • conduites alcooliques ; • désinhibition verbale ; • désinhibition comportementale ; • irritabilité, colère ; • troubles du contrôle des émotions : pleurs ou rires ; • instabilité psychomotrice. Négligence physique par rapport aux habitudes Codage 1 ou 0 antérieures : • hygiène corporelle ; • vêtements (harmonie, propreté, indifférence aux tâches) ; • cheveux (coupe, propreté). Troubles de l’humeur : Codage 1 ou 0 • tristesse apparente ; • indifférence affective ; • hyperémotivité ; • exaltation. Manifestations d’une baisse d’intérêt : Codage 1 ou 0 • assoupissement diurne ; • apathie ; • désintérêt social ; • persévérations idéiques. Chaque symptôme doit représenter un changement par rapport au caractère antérieur. Un symptôme présent entraîne une cotation de 1 pour la catégorie à laquelle il appartient. Un score total d’au moins trois sur quatre est très en faveur d’un diagnostic de démence frontotemporale pour des patients atteints d’une démence légère (MMS > 18).

maladie atteint des patients plus jeunes, débute classiquement entre 40 et 60 ans, et représente environ 10 % de l’ensemble des démences [15]. L’expression de la démence frontotemporale se fait essentiellement par des troubles psychocomportementaux et les troubles cognitifs ne sont pas au premier plan. Les critères diagnostiques aujourd’hui en vigueur sont dérivés de ceux de Lund et Manchester [27] et regroupés par Lebert et Pasquier en quatre catégories de troubles (Tableau 7) [28]. 2.5.5. L’hydrocéphalie à pression normale Il s’agit d’une démence dite « réversible ». Sa prévalence n’est pas bien connue. Il s’agit d’une affection caractérisée par une anomalie de circulation du liquide céphalorachidien (LCR), avec un défaut de résorption au niveau de la convexité du cerveau. Ceci entraîne alors une dilatation quadriventriculaire et une résorption transépendymaire du LCR. La cause est identifiée dans moins de la moitié des cas (antécédent de méningite, hémorragie méningée). Le diagnostic est évoqué devant la constatation de troubles des fonctions supérieures avec essentiellement un syndrome frontal avec un comportement dit « d’urination », des troubles de la marche et de l’équilibre. Les troubles de la marche sont caractérisés par une marche hésitante, à petits pas, un élargissement du polygone de sustentation et des chutes. L’imagerie cérébrale permet de mettre en évidence une dilatation des ventricules

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associée à des hypodensités de la substance blanche périventriculaire, le plus souvent au regard des cornes frontales, et enfin une absence ou un moindre degré d’atrophie corticale associée [29,30]. La ponction lombaire permet d’isoler un LCR normal et l’évacuation de 30 ml de LCR permet parfois d’améliorer à la fois les fonctions supérieures et la marche. Dans certains cas, une dérivation ventriculopéritonéale peut être proposée, notamment après documentation par cisternographie isotopique [31]. 2.5.6. Les maladies à prions Il s’agit de maladies neurologiques caractérisées par l’accumulation de la protéine PrPsc, dérivant de son précurseur, la PrPc. Quelques centaines de cas sont déclarés annuellement en France selon l’Institut national de veille sanitaire. Plusieurs formes sont distinguées avec une majorité de formes sporadiques, représentant plus de 80 % des cas, quelques formes génétiques, puis très rarement, la forme transmissible [32,33]. Outre la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) qui est la plus répandue, il faut noter l’émergence de la variante de la MCJ qui est issue de la transmission à l’homme de l’encéphalopathie spongiforme bovine [34]. La variante de la MCJ se distingue de la forme classique entre autre par un âge moyen plus jeune au moment du décès (29 contre 66 ans pour la MCJ) et une durée d’évolution moyenne de 14 contre quatre mois. Sur le plan clinique, la variante de la MCJ est caractérisée par des troubles psychocomportementaux avec une dysphorie, une anxiété, une instabilité, une insomnie et une apathie, des troubles de la marche, un syndrome extrapyramidal, une incontinence, des troubles visuels, et à un stade terminal, un mutisme akinétique [35,36].

3. Diagnostic étiologique Les principaux diagnostics à envisager sont reportés dans le Tableau 8. 3.1. Les antécédents Nombre de maladies d’Alzheimer, de démences frontotemporales ou de démences à corps de Léwy diffus, ont un caractère familial et l’existence d’une démence chez un membre de la famille pourra être l’élément qui aura motivé le malade à consulter. Il existe d’exceptionnelles familles dans lesquelles la prévalence de la maladie d’Alzheimer est très importante [37]. Il s’agit alors de formes autosomiques dominantes associées à des mutations géniques dont certaines sont connues. Par ailleurs, l’homozygotie e4, codant pour l’apolipoprotéine E, est associée à un risque accru de développer une maladie d’Alzheimer de 8 à 30 fois par rapport à ceux n’ayant aucun allèle e4 [38–40]. Selon Daw, les patients homozygotes pour l’allèle e4 débuteraient leur maladie d’Alzheimer près de 18 ans avant les patients dont le génotype est e2/e3 [41]. Les démences frontotemporales ont également un support génétique important lié au chromo-

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Tableau 8 Principaux diagnostics de démence Démences dégénératives

Maladie d’Alzheimer Démence à corps de Léwy diffus Démence frontotemporale Atrophie lobaire focale Dégénérescence corticobasale Atrophie multisystématisée Paralysie supranucléaire progressive (maladie de Steel Richardson Olszewski) Démences Cadasil artériopathiques Maladie de Binswanger Infarctus en zones stratégiques État lacunaire Infarctus multiples Démences Syphilis infectieuses Leuco-encéphalopathie multifocale progressive à VIH Maladies à prions Maladie de Creutzfeldt-Jacob Variant de la maladie de Creutzfeldt-Jacob Maladie de Gerstmann-Straussler-Scheinken Carence vitaminique Déficit en vitamine B12 Déficit en vitamine B9 Maladies générales Hypothyroïdie Hyperthyroïdie Hypercalcémie Autres Hydrocéphalie à pression normale Hématome sous-dural chronique Diagnostic Dépression différentiel Syndrome confusionnel

some 17 [42]. Ces formes sont associées à un âge de début relativement jeune, à un syndrome extrapyramidal et à un caractère familial plus important que pour les autres formes de démences frontotemporales. Certaines démences à prions telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob font également l’objet de rares descriptions familiales [43]. L’inventaire complet de tous les facteurs de risque cardiovasculaires et des maladies associées (hypercholestérolémie, tabagisme, hypertension artérielle ou diabète, arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire, accident vasculaire cérébral) sera utile afin de mettre en place une stratégie de prévention notamment lorsqu’une pathologie vasculaire cérébrale est discutée. Une ancienne maladie psychotique (psychose maniacodépressive ou une psychose hallucinatoire chronique vieillie) ou des épisodes de dépression pourront être aussi à l’origine de symptômes qui motiveront une consultation pour des troubles de la mémoire. 3.2. L’examen clinique Des myoclonies ou des épisodes convulsifs évoqueront une maladie de Creutzfeldt-Jakob, mais aussi une maladie d’Alzheimer à un stade évolué. La recherche d’une hypotension orthostatique est un argument lorsque est évoqué le diagnostic d’atrophie multisystématisée. Un déficit oculomoteur portant sur l’élévation du regard évoquera une paralysie supranucléaire progressive. Un syndrome frontal sera constaté dans une démence frontotemporale mais aussi dans

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une maladie d’Alzheimer surtout après une longue évolution. Le syndrome pyramidal permettra de suspecter une démence vasculaire mais reste compatible avec une maladie d’Alzheimer à un stade évolué. Un déficit neurologique systématisé est l’un des signes qui permettent de retenir le diagnostic de démence vasculaire à condition de pouvoir attribuer l’ensemble ou la majorité des troubles constituant le syndrome démentiel observé, aux lésions vasculaires mises en évidence par l’imagerie cérébrale. Le signe le plus « rentable » pour le clinicien est sans aucun doute le syndrome extrapyramidal dont la présence fera évoquer toute une série de pathologies malgré son apparition possible dans une maladie d’Alzheimer. En effet, une maladie de Parkinson peut se compliquer par la survenue d’une démence vraie. Il faudra simplement la distinguer d’une maladie à corps de Léwy diffus dans laquelle typiquement l’apparition du syndrome démentiel suit celle du syndrome extrapyramidal de moins d’un an. Cependant, une révision récente des critères de McKeith a permis d’admettre un décalage dans le temps plus important entre la survenue des deux syndromes. Dans la maladie à corps de Léwy diffus, les symptômes extrapyramidaux sont typiquement symétriques et peu sensibles à la L-dopa contrairement à la maladie de Parkinson. De même, la mise en évidence de périodes On-Off sous L-dopa signe plutôt le diagnostic de maladie de Parkinson. La recherche d’hallucinations, visuelles en particulier, orientera vers le diagnostic de démence à corps de Léwy. Il faudra alors se méfier de la survenue d’hallucinations au cours du traitement d’une maladie de Parkinson par L-dopa. Dans la maladie d’Alzheimer, 50 % des patients ont une dépression associée. Il peut s’agir d’un symptôme précoce de la maladie d’Alzheimer ou bien d’un facteur de risque. 3.3. Le bilan neuropsychologique Il a pour but de mettre en évidence et de préciser les troubles mnésiques, les troubles du langage, l’apraxie, l’agnosie et les troubles des fonctions exécutives. Il aidera également à préciser les traits de personnalité du patient et à les intégrer dans les troubles observés. À ce jour, il n’y a pas de consensus quant aux différents tests à effectuer dans le cadre d’un diagnostic de syndrome démentiel, mais certains tests sont assez fréquemment réalisés [7]. Le MMS (Mini-Mental State) de Folstein [44] est sans doute le plus utilisé même s’il n’est pas réellement un test neuropsychologique. Les troubles de la mémoire peuvent être distingués selon deux catégories qui vont aider à classer les troubles en fonction du siège des lésions du système nerveux central. En effet, on peut classer les différents syndromes neuropsychiques en démences corticales ou sous-corticales [45,46]. Dans les premières, l’amnésie sera caractérisée par le sentiment d’oubli complet, comme si le patient n’avait jamais mémorisé l’information précédemment délivrée. Il est important de savoir si l’indiçage facilite le rappel différé d’un élément

appris. Lors des épreuves de rappel telles que celles proposées dans le MMS, il est très important de vérifier que l’encodage de l’information à mémoriser a bien eu lieu en demandant une restitution immédiate des mots énoncés avant d’en tester ultérieurement le rappel différé. Un trouble dès l’encodage peut être lié à un déficit sensoriel, mais aussi à un trouble attentionnel majeur, ou bien exister lors de troubles de la mémoire sévères avec le plus souvent déjà à ce stade, des troubles du langage et de la compréhension. Une amélioration des performances du rappel par l’indiçage plaidera contre une maladie d’Alzheimer [47] alors qu’une telle amélioration sera constatée dans les processus sous-corticaux tels qu’une dépression [48], ou à moindre degré, dans les démences à corps de Léwy diffus [49]. Outre l’épreuve neuropsychologique de Grober et Buschke [50] très largement employée aujourd’hui et recommandée par l’Anaes [7], une épreuve simple avec cinq mots à apprendre permet de tester rapidement le bénéfice de l’indiçage (Tableau 1) [51]. Des épreuves de dénomination, puis de désignation, aideront à faire la distinction entre une difficulté d’accès au stock lexical et une altération de ce même stock lexical. Ainsi des échecs lors des tests de dénomination avec des tests de désignation réussis plaident pour l’intégrité du stock lexical mais dont l’accès est altéré [52]. Les troubles du langage peuvent se traduire aussi par un appauvrissement du discours et par un recours important à des périphrases pour pallier le manque du mot. Des troubles du langage écrit surviennent également avec une dysorthographie et une perte des règles syntaxiques et grammaticales [53,54]. Lors de l’évaluation neuropsychologique, différents types d’apraxie seront recherchés [55–57]. L’apraxie idéomotrice est une apraxie qui concerne des gestes n’impliquant aucune manipulation d’objet. Il peut s’agir alors de gestes symboliques ou de gestes non symboliques. L’apraxie idéatoire va concerner les gestes impliquant la manipulation d’un outil ou d’un ustensile. Le déficit peut ainsi concerner l’action d’ouvrir une serrure avec une clé. L’apraxie de l’habillage peut être à l’origine de difficultés pour lacer une chaussure ou boutonner une chemise. L’apraxie constructive pourra se traduire par des difficultés à reproduire une figure géométrique complexe. Sur le plan auditif, une agnosie qui empêchera le patient de reconnaître une série de syllabes comme des mots puis une phrase, pourra mimer parfaitement un trouble du langage et égarer le diagnostic. D’une façon générale, il sera utile de réaliser des tests de reconnaissance avec deux présentations successives de la « cible » associées à des distracteurs ressemblant à la cible. Les agnosies visuelles peuvent entraîner une incapacité à reconnaître des visages, mêmes familiers. Des échelles telles que la batterie rapide d’évaluation des fonctions exécutives ou BREF [58], sont en cours de validation sur des échantillons larges, et son utilisation systématique en routine pourrait être pertinente. Un syndrome dysexécutif peut s’observer dès le début d’évolution d’une maladie d’Alzheimer, mais aussi au cours d’une dépression ou d’une maladie de Parkinson [59–61].

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3.4. Les données paracliniques 3.4.1. La biologie usuelle Les examens biologiques auront deux rôles principaux. Le premier sera de rechercher des arguments pour un syndrome confusionnel en rapport avec une anémie, ou des anomalies de la natrémie ou de la calcémie. Le second sera de dépister les différentes comorbidités associées qui pourraient avoir un rôle péjoratif dans l’évolution de la démence. Les examens recommandés par l’Anaes sont l’hémogramme, l’ionogramme, la calcémie, la TSH et la glycémie. D’autres dosages seront pratiqués en fonction du contexte clinique : bilan hépatique, sérologie VIH ou syphilitique, ponction lombaire [7]. Les dosages vitaminiques B12 et folates sont classiques mais en pratique, il est exceptionnel qu’un déficit en vitamine B12 ou en folates soit à l’origine d’une véritable démence [62]. Récemment, une association entre une hyperhomocystéinémie et la survenue de la maladie d’Alzheimer a été mise en évidence [63], mais le dosage systématique de l’homocystéinémie ne fait pas actuellement partie des recommandations. 3.4.2. L’imagerie cérébrale La portée de l’imagerie cérébrale dans la démarche diagnostique d’un syndrome démentiel reste limitée puisqu’elle n’apporte jamais un diagnostic positif. 3.4.2.1. Le scanner cérébral. Le but de cette imagerie sera double. Tout d’abord, il s’agira d’éliminer une pathologie quelquefois curable telle qu’un hématome sous-dural, une hydrocéphalie à pression normale ou une tumeur cérébrale. En outre, cette imagerie pourra dans certains cas aider le diagnostic étiologique avec la mise en évidence de multiples infarctus, d’un infarctus unique siégeant dans une zone stratégique, d’anomalies de la substance blanche en faveur d’une pathologie cérébrovasculaire, ou encore d’une atrophie localisée ou non [64]. Le groupe de travail de l’Anaes a recommandé la réalisation « d’une imagerie cérébrale qui sera au minimum un scanner cérébral sans injection, et au mieux une imagerie par résonance magnétique nucléaire » [7]. Lorsqu’une pathologie vasculaire est suspectée, une IRM cérébrale sera systématique afin de ne pas méconnaître des lésions ischémiques lacunaires. Il n’y a pas lieu de répéter les examens d’imagerie. 3.4.2.2. L’IRM cérébrale. Les éléments principaux en faveur de la réalisation d’une IRM sont essentiellement la facilité avec laquelle les lésions vasculaires ischémiques sont mises en évidence et son innocuité en l’absence de contreindication. Les principales limites en sont l’accès souvent limité, le coût et enfin l’anxiété induite par les conditions difficiles de l’examen chez le patient souffrant de troubles des fonctions supérieures souvent claustrophobes. Une atrophie localisée aux hippocampes et au cortex temporal entorhinal serait un argument important pour le diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer [65,66] de même que la

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découverte d’une atrophie prédominant au niveau des lobes frontaux confortera un diagnostic de démence frontotemporale [67]. 3.4.2.3. Place des autres techniques d’imagerie et des épreuves fonctionnelles. Les recommandations de l’Anaes désignent le PET-scan, le SPECT, l’IRM fonctionnelle, et l’électro-encéphalogramme quantifié comme des examens paracliniques non recommandés dans la pratique clinique, réservés pour l’heure à la seule recherche [7]. 3.4.3. Ponction lombaire La réalisation d’une ponction lombaire devant un syndrome démentiel ne se justifie à ce jour que dans le cas d’une suspicion d’infection neuroméningée comme la syphilis, ou dans le cas d’une suspicion de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Dans ce dernier cas, la protéine 14-3-3 est recherchée systématiquement même si sa présence n’est pas spécifique [68]. La ponction lombaire dite « évacuatrice » pourra étayer également un diagnostic d’hydrocéphalie à pression normale si elle améliore les troubles neurologiques. 3.4.4. La génétique Le génotypage de l’apolipoprotéine E n’est pas recommandé par l’Anaes en tant que test de dépistage. Il est réalisé dans le cadre de la recherche biomédicale. Sa réalisation systématique entraînerait des problèmes éthiques importants, surtout face à des maladies dont les traitements curatifs n’existent pas. 3.4.5. Biopsie cérébrale et nécropsie La réalisation d’une biopsie cérébrale, du vivant du malade, est exceptionnelle et ne peut être discutée que pour des patients jeunes pour lesquels le diagnostic reste hésitant. En effet, la discussion bénéfices/risques n’est que rarement en faveur de la biopsie. En revanche, la pratique des autopsies est aujourd’hui grandement délaissée alors qu’une confirmation neuro-anatomique aiderait le clinicien à améliorer ses compétences cliniques, et qu’un diagnostic précis peut s’avérer utile pour la descendance, notamment si un risque familial existe.

4. Le retentissement du syndrome démentiel Quelle que soit la maladie en cause, l’appréciation du retentissement de la démence est une étape essentielle à une prise en charge efficace (Fig. 1). 4.1. Les troubles du comportement Les troubles du comportement sont fréquents quels que soient le diagnostic et le stade évolutif [69]. Au début de la maladie d’Alzheimer, les troubles du comportement sont parfois isolés et peuvent représenter un mode d’entrée dans la démence. Dans les formes légères à modérément sévères, ces

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Trouble de la mémoire

Perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne

Symptômes psychologiques et comportementaux

Suites d’un syndrome confusionnel

Anamnèse avec l’entourage Examen clinique Bilan neuropsychologique Biologie et imagerie cérébrale

Noyau démentiel : 1. Troubles de mémoire et atteinte d’au moins une des fonctions cognitives (aphasie, apraxie, agnosie ou troubles dysexécutifs) 2. Les troubles représentent un déclin et retentissent sur les activités sociales ou professionnelles 3. Un syndrome confusionnel n’est pas responsable de l’ensemble des troubles

Démence vasculaire

Maladie d’Alzheimer 1.

Début progressif et déclin cognitif continu. 2. Exclusion de certaines pathologies neurologiques ou générales 3. Exclusion d’une maladie psychiatrique de type dépression ou schizophrénie

1.

Signes ou symptômes neurologies en foyer 2. Imagerie cérébrale en faveur d’une maladie cérébro-vasculaire

Démence à corps de Léwy diffus 1.

Syndrome extrapyramidal 2. Fluctuations 3. Hallucinations

Diagnostic

Bilan des comorbidités

Evaluation nutritionnelle

Bilan de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne

Evaluation des troubles du comportement

Evaluation de la souffrance de l’aidant principal

Fig. 1

troubles concernent 85 % des patients. Pour les démences frontotemporales, il s’agit non seulement du mode de révélation le plus fréquent mais aussi du symptôme qui prédominera tout au long de l’évolution de la maladie alors même que les troubles de la mémoire peuvent être discrets ou absents. Les démences vasculaires sont aussi caractérisées par l’intensité des troubles du comportement [70]. En règle générale, toute pathologie comportant une atteinte des lobes frontaux et des voies afférentes ou efférentes à ces structures telles que les connexions striatofrontales, va s’accompagner de troubles du comportement. Il s’agit le plus souvent pour le patient de difficultés d’adaptation à l’environnement, qu’il s’agisse d’un changement du lieu de vie (déménagement, hospitalisation) ou bien de l’environnement interindividuel. Ces troubles du comportement peuvent être évalués par des outils tel que le NPI (Neuro-Psychiatric Inventory) [71]. Cette échelle

évalue la fréquence, la gravité et le retentissement sur l’entourage de 12 comportements différents. Ces comportements pathologiques sont la dépression–dysphorie, les troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie), les troubles de l’appétit (anorexie ou boulimie), l’apathie–indifférence, l’agressivité–agitation, les idées délirantes, les hallucinations, les comportements moteurs aberrants, l’anxiété, la désinhibition, l’irritabilité–instabilité de l’humeur, l’exaltation de l’humeur–euphorie. Les troubles de l’humeur dépendent des rapports entre les structures frontales et les structures limbiques. Ces troubles sont fréquemment associés à un syndrome dysexécutif avec une atteinte notamment des processus de volition et de motivation. Les troubles du comportement dépendent étroitement de l’environnement et de l’entourage proche. L’évaluation des troubles du comportement est un volet complet de la prise en charge de ces malades, puisque

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ces troubles peuvent majorer une souffrance du patient, retentir fortement sur l’entourage, être à l’origine d’une perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne, être à l’origine d’hospitalisations répétées, d’une iatrogénie lorsque des neuroleptiques sont prescrits et même représenter un risque d’institutionnalisation [72]. 4.2. La souffrance de l’entourage La souffrance de l’entourage des patients déments est très fréquente. Les raisons en sont multiples quoique mal identifiées à ce jour [73]. Cette souffrance peut être la conséquence de la modification du caractère et de la personnalité, de l’apparition de troubles du comportement, de la perte de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne, ou des conséquences sociales de la maladie. Cette souffrance est parfois à l’origine de maltraitance. Le retentissement de la maladie sur l’entourage peut être mesuré, et suivi, au moyen de l’échelle de Zarit [74]. Il est aujourd’hui bien établi que la personne identifiée comme « l’aidant principal », qu’il appartienne ou non à la famille, a un risque accru de morbimortalité. L’attitude de l’aidant principal en raison de la souffrance qu’il ressent peut majorer des troubles du comportement du malade. Identifier cette souffrance et tenter de la limiter font pleinement partie de la prise en charge du malade, ou plus exactement du couple « malade–aidant principal ». Cette démarche doit être clairement envisagée dès la phase de diagnostic. 4.3. La dénutrition Une dénutrition est particulièrement fréquente dans la maladie d’Alzheimer, mais aussi dans la plupart des démences, sans que l’on en ait clairement identifié les mécanismes en cause [75]. Dépister le risque de dénutrition au moyen d’un outil tel que le Mini Nutritional Assessment ou MNA est important dans la prise en charge de tels malades [76], car la dénutrition est associée à une évolution péjorative. 4.4. Les comorbidités Faire le point sur les comorbidités, les maladies associées, particulièrement chez les sujets les plus âgés et les plus fragiles est essentiel lors du bilan d’un syndrome démentiel. Schématiquement, une démence associée à la décompensation d’une autre pathologie chronique est très souvent à l’origine d’un syndrome confusionnel. La confusion va alors compliquer la prise en charge de la pathologie décompensée, être source d’une augmentation de la durée de séjour, d’une augmentation de la morbidité et d’une mortalité accrue, et d’une diminution de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne qui persistera même à distance de l’épisode confusionnel [77,78]. 5. Conclusion Le vieillissement de la population et l’absence de facteur de risque facilement maîtrisable, font du syndrome démen-

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tiel une entité clinique que l’on rencontre, et que l’on rencontrera de plus en plus souvent. Les prévisions de l’évolution du nombre de cas en France pour les prochaines décennies, font des démences un enjeu majeur de santé publique. Dès lors, la reconnaissance de ce syndrome ne devrait plus être réservée aux seuls gériatres ou aux seuls neurologues. Il existe aujourd’hui des règles et des outils qui permettent d’aboutir à un diagnostic précis et donc d’initier une prise en charge adaptée. Cette démarche diagnostique, articulée idéalement autour d’une structure de type « consultation mémoire », nécessite avant tout du temps et donc des moyens humains. Cette démarche diagnostique doit d’emblée aller au-delà de la simple identification d’une pathologie cérébrale : elle doit inclure le bilan du retentissement du syndrome démentiel sur l’entourage et le bilan des complications que sont les troubles nutritionnels, les troubles du comportement et les interactions avec les comorbidités. Tout ceci est le préalable incontournable d’une prise en charge difficile qui inclura certes les thérapeutiques médicamenteuses spécifiques actuelles et à venir mais aussi toutes les autres mesures nécessaires à la prise en charge optimale des conséquences médicosociales du syndrome démentiel. Références [1]

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