Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 298—299
DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE
Dermatose faciale aux poppers Facial dermatitis due to inhalation of Poppers M. Foroozan ∗, M. Studer, B. Splingard, J.F. Cuny, A. Barbaud, J.L. Schmutz Service de dermatologie, hôpital Fournier, 36, quai de-la-Bataille, 54035 Nancy cedex, France Rec ¸u le 18 d´ ecembre 2007 ; accepté le 1er f´ evrier 2008 Disponible sur Internet le 29 aoˆ ut 2008
Observation Une femme de 25 ans consultait pour la survenue, en moins de 24 heures, d’une dermatose du visage. Elle n’avait pas d’antécédents médicaux particuliers et ne prenait aucun traitement. L’examen dermatologique trouvait des croûtes jaunâtres narinaires et sous-nasales (Fig. 1), légèrement suintantes, associées à un œdème de la lèvre supérieure et des adénopathies cervicales bilatérales douloureuses. La patiente était apyrétique. À l’interrogatoire, la malade signalait une consommation de Poppers la veille de l’apparition des lésions et une sensation de brûlures lors de l’inhalation. Nous avons préconisé des soins locaux par brumisation et émollients. Trois jours après, il y avait une nette amélioration. Nous avons voulu réaliser des tests allergologiques mais, malheureusement, la patiente a été perdue de vue. Figure 1.
Commentaires La patiente avait une dermatose du visage suite à la consommation de Poppers. Les autres hypothèses diagnostiques devant cette manifestation sont : eczéma de contact, herpès ou dermatite d’irritation avec impétiginisation secondaire.
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Foroozan).
Croûtes jaunâtres narinaires et sous-nasales.
Les Poppers appartiennent aux nitrites (nitrite d’amyle, nitrite de butyle voire parfois nitrite de propyle) ; c’est en 1844 que le chimiste franc ¸ais Antoine Balard synthétisa pour la première fois le nitrite d’amyle. Les Poppers sont des liquides très volatils, contenus dans des flacons de 10 à 15 ml et ont des propriétés de vasodilatation. Commercialisés auparavant pour le traitement médical de certaines affections cardiaques (l’angine de poitrine), leur utilisation est actuellement limitée aux intoxications par les cyanures. L’usage récréatif consiste à sniffer directement les vapeurs.
0151-9638/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2008.02.027
Dermatose faciale aux poppers Les effets recherchés sont euphorie, désinhibition, bouffées vertigineuses et stimulantes et surtout relaxation des muscles lisses (sphincter anal, vagin) ce qui facilite l’acte sexuel. Les Poppers circulent dans les milieux homosexuels. Les effets indésirables décrits sont vertiges et céphalées, hypotension, tachycardie, dépression respiratoire, nausées, vomissements, méthémoglobinémie, augmentation de la pression intraoculaire, sinusite et lésions croûteuses jaunâtres péri-nasales et narinaires [1]. La dermatite des Poppers décrite depuis les décennies 1970, se manifeste cliniquement par des croûtes jaunâtres sur le visage surtout sur le nez et les narines (aspect semblable à un impétigo) [2]. Les prélèvements bactériologiques et virologiques sont habituellement négatifs[1]. C’est une dermatose récidivante qui ne répond pas aux traitements antibiotiques, antiviraux ou aux dermocorticoïdes [3]. Le mécanisme exact de cette dermatose est mal connu. Les hypothèses actuelles sont en faveur d’une dermatite d’irritation [1]. Le nitrite de butyle est un irritant fort et des brûlures cutanées lors de contact accidentel ont été décrites [1]. Il y a également la possibilité de réaction allergique aux nitrites d’amyle ou aux fragrances contenus dans certains produits [2]. L’aspect jaunâtre de la dermatose, décrit quasiment dans tous les cas, peut être expliqué par la nitration de certains acides aminés aromatiques (xantoprotein
299 reaction). Cet aspect a également été décrit sur les paumes d’ouvriers ayant touché des nitrites [4]. Dans le cas présenté, nous retenons une dermatite d’irritation au Poppers. À notre connaissance, il y eu peu de tests allergologiques réalisés avec ce produit [2], ce qui n’élimine pas un mécanisme allergique. Il serait intéressant de réaliser des tests allergologiques afin de clarifier le mécanisme exact de cette dermatose. L’arrêt de la consommation, ce qui aboutit à une guérison complète sans récidive. Habituellement, les patients ne relatent pas spontanément la consommation de Poppers et la question doit donc être posée.
Références [1] Fisher AA, Brancaccio RR, Jelinek JE. Facial dermatitis in men due to inhalation of butyle nitrite. Cutis 1981;27:152—3. [2] Bos JD, Jansen FC, Timmer JG. Allergic contact dermatitis to amyle nitrite (‘poppers’). Contact Dermatitis 1985;12: 109. [3] Romaguera C, Grimalt F. Contact dermatitis from nasal sprays and amyl nitrite. Contact Dermatitis 1982;8:266—7. [4] Fregert S, Poulsen J, Trulsson L. Yellow stained skin from sodium nitrite in an etching agent. Contact Dermatitis 1980;6:296.