Pathologie Biologie 52 (2004) 501–504 http://france.elsevier.com/direct/PATBIO/
Détection de l’ADN du VHB par des techniques sensibles et définition de l’infection VHB chronique à mutants pré-C-C Detection of HBV DNA by sensitive techniques and definition of chronic VHB infection by pre-C-C mutants C. Lebarbier a,*, V. Williams b, C. Garandeau a, G. Bellaiche c, P. Deny b, L. Maisonneuve a, E. Gordien b a b
Laboratoire de biologie médicale, hôpital Robert-Ballanger, Aulnay-sous-bois, France Laboratoire de bactériologie, virologie et hygiène, hôpital Avicenne, Bobigny, France c Service de gastroentérologie, hôpital Robert-Ballanger, Aulnay-sous-bois, France Reçu le 9 juillet 2004 ; accepté le 27 août 2004 Disponible sur internet le 18 octobre 2004
Résumé Cet article pose la question de la définition de l’infection chronique active à mutants pré-C-C au cours de l’histoire naturelle de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) en fonction du seuil de quantification de la charge virale à l’ère des techniques très sensibles de quantification. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Our purpose is to assess the question of the definition of hepatitis B virus pre-C-C mutant-chronic infection, according to the level of the viral load at the era of very sensitive techniques of quantification of HBV DNA. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hépatite chronique B ; Mutants pré-C-C ; bADN Keywords: Chronic hepatitis B; Pre-C-C mutants; bDNA
1. Introduction L’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) constitue un problème de santé publique mondial majeur. En effet, 2 milliards d’individus dans le monde ont été infectés par le VHB, et 350 à 400 millions d’entre eux le seraient de façon chronique, avec un risque élevé d’évolution vers la cirrhose et l’hépatocarcinome du carcinôme hépatocellulaire On estime en France que l’incidence annuelle de la maladie serait de dix nouveaux cas par 100 000 habitants, et qu’il * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Lebarbier). 0369-8114/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2004.08.003
y aurait plus de 100 000 porteurs chroniques du VHB. Cependant ces chiffres sont très certainement sous-estimés, du fait notamment de l’importance de migrants originaires de pays de forte endémie. Le VHB est un virus à ADN qui se réplique par une étape de transcription inverse qui entraîne de nombreuses mutations dans différentes régions du génome viral. La pression du système immunitaire et/ou des médicaments utilisés favorisent l’émergence de populations virales mutantes. Chez les patients porteurs chroniques de l’antigène HBs (AgHBs), l’élimination de l’antigène HBe (AgHBe) et l’apparition des anticorps anti-HBe (Ac anti-HBe) traduisent,
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classiquement par un arrêt de la réplication virale et indiquent a priori une évolution favorable de l’infection par le virus de l’hépatite B (VHB) avec une normalisation des transaminases et une diminution de la charge virale du VHB. Cependant, des patients dits « mutants pré-C-C » présentent le même profil sérologique mais ont une réplication virale persistante objectivée par les tests moléculaires de quantification de la charge virale, avec un risque accru d’évolution vers la cirrhose et/ou l’hépatocarcinome [5]. Parmi les mutants pré C-C, on distingue des mutations dans la région du précore codant l’AgHBe qui introduit un codon stop (transversion A → G en position 1896) ce qui entraîne un arrêt de l’expression de l’AgHBe sans altération de la capacité de réplication du VHB [2,3–5]. Les autres mutations les plus communément décrites sont la transversion A à T en position 1762 et la transition G à A en position 1764 situées dans la région du promoteur basal du core (BCP). Ces mutations entraînent une altération de la production de l’AgHBe au niveau transcriptionnel [2–5]. Ces mutants pré-C-C ont une prévalence variable dans différents pays, et leur association avec la gravité de la maladie n’est pour l’instant pas totalement confirmée. Le rôle de ces mutants dans les maladies sévères est controversé puisqu’ils peuvent être retrouvés chez des patients avec ou sans maladie grave du foie. Par ailleurs les effets de la double mutation, dans le promoteur du core et dans la région du précore, sur la réplication virale sont incertains [2,3].
2. Matériel et méthodes
Deux types de sondes d’ADN de trente nucléotides environ s’hybrident sur le génome cible, chacune ayant une double spécificité. Le premier type de sondes (au nombre de 16) s’hybride à la fois sur différentes régions du génome cibles et sur des sondes de capture fixées sur un support solide. Le deuxième type de sondes (au nombre de 14) reconnaît également le génome cible en différents points et s’hybride avec les ADN branchées. Par ce système environ un tiers du génome est reconnu. Les ADN branchés sont des molécules synthétiques qui possèdent une structure en arbre avec de très nombreuses ramifications. Chacune des ramifications est le site d’hybridation pour plusieurs sondes de révélation couplées à la phosphatase alcaline. L’addition du substrat permet l’enregistrement de chimioluminescence. Cette structure ramifiée créée par la combinaison des différentes sondes, permet donc une amplification du signal de chimioluminescence. La quantification s’effectue à l’aide d’une gamme d’étalonnage traitée en parallèle. Une étape de préamplification du signal dans la version 3.0 permet d’améliorer la sensibilité. Le seuil de détection est passé de 0,7 105 équivalents génome/ml (version 1.0) à 2000 copies/ml (version 3.0). 2.4. Recherche des mutants pré-C-C La détection des mutants pré-C-C a été effectuée pour tous les échantillons ayant une charge virale positive à l’aide du nouveau kit « Affigene® HBV mutant VL » (Sangtec Molecular Diagnostic). Il s’agit d’une technique PCR permettant la semi-quantification de la variation des nucléotides en position 1762/1764 et 1896 du génome du VHB.
2.1. Patients 3. Résultats Notre population comportait 55 patients tous porteurs de l’antigène HBs. 2.2. Diagnostic sérologique La détermination du profil sérologique des patients (AgHBs, AgHBe, Ac anti-HBe, Ac anti-HBc) a été réalisé sur l’automate Axsym (Abbott). Les tests reposent sur une réaction immunoenzymologique microparticulaire utilisant une phase solide recouverte d’antigènes ou d’anticorps. Après formation de complexes antigènes–anticorps, le conjugué marqué à la biotine est ajouté puis révélé par la phosphatase alcaline.
Dans notre cohorte, 46 patients étaient AgHBs positif, AgHBe négatif, Ac anti-HBe positif. Dans cette population, 17 patients (36 %) avaient une charge virale positive (Tableau 1). Parmi eux, 11 (27,5 %) n’étaient détectables que par la technique bADN 3.0 (extrêmes de 3,3 103 à 7,5 105 copies/ml). Quarante patients (87 %) avaient des transaminases normales dont 3 d’entre eux (7,5 %) avec des valeurs proches du seuil de 0,7 106 avec la technique bADN 1.0. Deux des six patients ayant des transaminases élevées (de 2N à 8N) avaient un ADN viral non détectable par la version bADN 1,0, alors qu’ils étaient positifs avec la version bADN 3.0 (150 à 4,5 105 copies/ml).
2.3. Quantification de la charge virale Nous avons testé en parallèle sur chaque sérum les versions 1.0 et 3.0 de la technique d’hybridation moléculaire bADN (ADN branché) de la firme Bayer Health Care. Il s’agit d’une technique d’hybridation moléculaire en phase solide avec amplification du signal par le système d’ADN branchée, afin d’abaisser le seuil de détection du signal.
Tableau 1 Résultats obtenus avec les patients Ag HBs (+), Ac anti-HBe (+) Table 1 Results for patients HBsAg (+), HBe antibody (+) HBV 1.0 HBV 3.0
– +
– 29 12
+ 0 5
C. Lebarbier et al. / Pathologie Biologie 52 (2004) 501–504 Tableau 2 Données biologiques des patients ayant une charge virale positive Table 2 Biological information of positive HBV viral load patients ˆ ge A Ag HBs AgHBe AcHBe Patient 1 Patient 2 Patient 3 Patient 4 Patient 5 Patient 6 Patient 7 Patient 8 Patient 9 Patient 10 Patient 11 Patient 12 Patient 13 Patient 14 Patient 15 Patient 16 Patient 17
ND 27 60 15 58 20 24 49 24 50 49 45 17 40 20 40 32
POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS
NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG NEG
POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS POS
ASAT (N ≤ 36) 92 64 67 81 N N 54 286 N N N N N N N N N
Cinquante-trois pour cent des patients ayant une charge virale positive présentaient un mutant pré-C-C (3 avec la mutation G1896A, et 12 la mutation dans le promoteur basal du core A1762/1764T). Parmi les patients présentant un mutant pré-C-C, 33,3 % avaient des transaminases normales en rapport avec des charges virales faibles (inférieures à 2000 copies/ml en version bADN 3.0) (Tableau 2, Fig. 1). 4. Discussion La définition communément admise des mutants pré C-C associe la positivité de l’AgHBs, la séroconversion dans le système HBe, des transaminases élevées et une charge virale VHB supérieure à 105 copies/ml correspondant au seuil des techniques classiques d’hybridation moléculaire. Les porteurs inactifs sont définis comme des patients ayant une séroconversion anti-HBe, une normalisation des ALAT et une valeur de charge virale inférieure à 105 copies/ml [1]. La mise à disposition de techniques plus sensibles de quantification de l’ADN du VHB permet de détecter une
ALAT (N ≤ 42) 155 75 49 N 53 46 45 50 N N N N N N N 57 N
Bayer 1.0 × 105 49,23 2650 7 13,22 7,6 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7 <7
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Bayer3.0 × 105 70,82 > 1000 4,585 6449 477,4 6 2,582 1,387 0,03357 3,4 0,0733 7,589 0,11 0,1664 0,2066 0,58 1,34
Mutants pré-C-C 1762/1764 1896 neg neg neg pos neg pos neg neg neg neg pos neg pos neg pos neg pos neg neg neg pos neg neg neg ND ND pos neg neg pos ND ND ND ND
réplication faible du VHB. Ainsi, comment classer alors les patients ayant une charge virale détectable inférieure à ce seuil de105 copies/ml à l’aide de ces techniques plus sensibles ? Dans notre cohorte, des charges virales comprises entre 3500 à 108 copies/ml ont été retrouvées chez les patients présentant des mutants pré-C-C. Par ailleurs, plus de 55 % d’entre eux avaient des transaminases normales, et la moitié des patients avec un mutant pré-C-C avaient une charge virale inférieure à 105 copies/ml. Chez les sujets ayant une charge virale supérieure à 105 copies/ml (10 patients), 50 % d’entre eux n’ont pas de mutations pré-C-C. Enfin nous avons constaté que certains patients présentant un mutant pré-C-C n’avaient pas obligatoirement une maladie hépatique grave. Ainsi, cette étude sur notre faible cohorte pose la question de la définition de l’infection à « mutant pré-C-C ». La présence des mutations ne semble reliée ni à des transaminases plus élevées ni à des charges virales plus importantes, ni apparemment à plus grande résistance au traitement. Des études à plus grande échelle devront être conduites afin de caractériser au mieux cette entité clinicobiologique. 5. Conclusion
Fig. 1. Répartition des mutants pré-C-C. Fig. 1. Pré-C-C mutants distribution.
Les techniques sensibles de quantification de la charge virale VHB ; la recherche des mutants pré-C-C s’avèrent indispensables dans le suivi des patients infectés de façon chronique y compris chez ceux ayant des transaminases normales. La corrélation avec les marqueurs biologiques et/ou histologiques d’activité et de fibrose hépatique permettra la définition des seuils et/ou profils pronostiques pour une meilleure prise en charge thérapeutique des patients.
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