Devenir de la grossesse et de l’enfant après traitement par anti-TNF alpha : étude prospective multicentrique

Devenir de la grossesse et de l’enfant après traitement par anti-TNF alpha : étude prospective multicentrique

Revue du rhumatisme 85 (2017) 49–53 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Devenir de la grossesse et de l’e...

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Revue du rhumatisme 85 (2017) 49–53

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Article original

Devenir de la grossesse et de l’enfant après traitement par anti-TNF alpha : étude prospective multicentrique夽 Ariela Hoxha a,∗ , Antonia Calligaro a , Emma Di Poi b , Susanna Peccatori c , Maria Favaro a , Teresa Del Ross a , Roberta Ramonda a , Chiara Grava d , Bernd Raffeiner a , Paola Ravagni c , Salvatore De Vita b , Amelia Ruffatti a a

Unité de rhumatologie, département de médecine, université de Padoue, via giustiniani, 2-35128 Padoue, Italie Clinique de rhumatologie, DSMB, hôpital universitaire de Santa-Maria-della-Misericordia, piazzale santa maria della misericordia, 15-33100 Udine, Italie c Unité de rhumatologie, hôpital S. Chiara, Largo Medaglie D’oro, 9-38122 Trento, Italie d Département de médecine, hôpital S. Martino, viale Europa, 22-32100 Belluno, Italie b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 24 mars 2016 Disponible sur Internet le 13 juillet 2017 Mots clés : Grossesse Agents anti-TNF␣ Pronostic fœtal Polyarthrite rhumatoïde Arthrite psoriasique Spondylarthrite ankylosante

r é s u m é Objectif. – Comme de nombreux rhumatismes inflammatoires affectent les patients en âge de procréer, un certain nombre de questions se posent au sujet de la sécurité des biothérapies pendant la grossesse. Cette étude a évalué les effets des agents anti-TNF alpha sur le devenir de la grossesse et de l’enfant. Méthodes. – Trente-huit grossesses ont été suivies de fac¸on prospective de novembre 2008 à février 2015. Les renseignements sur l’exposition des patients aux anti-TNF␣, l’activité de la maladie, le traitement de fond, le devenir de la grossesse et de l’enfant ont été enregistrés. Résultats. – Vingt-quatre sur trente-huit (71,1 %) grossesses ont été exposées aux anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre, 11/38 (28,9 %) avant la conception et 3 (11,1 %) après exposition paternelle. Il y avait deux malformations congénitales : un enfant (4,2 %) avait une hernie diaphragmatique congénitale et un méga uretère obstructif ; la mère avait été exposée à l’adalimumab à la conception/1er trimestre. Tandis qu’un fœtus (9,1 %) avait une trisomie 16, la mère de 38 ans avait suspendu l’étanercept 4 semaines avant la conception. Il n’y avait aucune différence significative sur le devenir de la grossesse et de l’enfant entre les deux groupes. Il n’y avait pas non plus de différence significative sur le devenir de la grossesse et de l’enfant dans les différents groupes traités par différents antagonistes anti-TNF␣. Aucune malformation congénitale ne fut constatée après exposition paternelle. Conclusion. – Les résultats suggèrent que les médicaments anti-TNF␣ peuvent être sans danger lorsqu’ils sont administrés après exposition paternelle, autour de la conception ou au cours du premier trimestre. ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ es. © 2017 Societ

1. Introduction L’introduction des agents anti-TNF␣ a considérablement amélioré le pronostic des rhumatismes inflammatoires. Comme la plupart de ces maladies affectent les femmes et les hommes en âge de procréer, il est nécessaire de se préoccuper de la sécurité des biothérapies en cas de grossesse. Alors que l’efficacité et l’innocuité de ces agents ont été étudiées dans les essais cliniques et, de plus en plus, dans les études

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2016.03.014. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. UOC di reumatologia, policlinico universitario, via Giustiniani, 2-35128 Padoue, Italie. Adresse e-mail : [email protected] (A. Hoxha).

observationnelles à long terme, il y a peu de données dans la littérature sur leur utilisation pendant la grossesse. Les données sur plus de 2000 grossesses centrées pour l’essentiel dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) proviennent de cas cliniques/ou de petites séries de cas, en plus des registres de sécurité [1–6]. Ces données ne rapportent pas d’augmentation du risque d’avortement spontané, d’insuffisance pondérale, de prématurité, ou de malformation congénitale. On ne signale pas non plus d’augmentation du risque d’infection durant leur première année chez les enfants exposés avant la naissance. Verstappen et al. [7], rapportent une augmentation du risque d’avortement spontané sous anti-TNF␣, cependant, les auteurs ne peuvent pas exclure le rôle de la sévérité de la maladie et des autres traitements antirhumatismaux. Des données rassurantes proviennent des gastroentérologues [8–12] utilisant l’infliximab (IFX), l’adalimumab (ADA) et le certolizumab pégol (CZP), même durant toute la grossesse. Des données récentes [2] sur l’utilisation des anti-TNF␣ dans

https://doi.org/10.1016/j.rhum.2017.07.009 ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ 1169-8330/© 2017 Societ es.

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les MICI rapportent des taux d’avortements spontanés et de mortinatalité identiques à ceux de la population générale, alors que les taux de naissance prématurée et d’hypotrophie fœtale sont légèrement plus élevés que ceux de la population générale, probablement en raison de la maladie sous-jacente. En fait, il a été rapporté que le devenir de la grossesse après exposition directe aux agents antiTNF␣ n’était pas différent de celui après une exposition indirecte à un anti-TNF␣, mais était moins bon que celui avant le diagnostic de MICI [10,11]. En fonction de leur structure moléculaire, le passage transplacentaire des agents biologiques est différent [8,9,13]. Des concentrations sanguines d’IFX et d’ADA supérieures à celles de leurs mères ont été rapportées chez les nourrissons et dans le cordon ombilical en fonction du moment de l’administration de la dernière dose, le CZP et l’étanercept (ETN) ayant la concentration la plus faible. Dans l’ensemble, des données rassurantes nous sont parvenues ; cependant, Carter et al. [14] ont rapporté une association dite VATER (anomalies vertébrales, anales, trachéo-oesophagiennes, malformation rénale ou du radius) chez un nourrisson exposé à de fortes doses d’ETN in utero. Une observation d’un enfant exposé in utero à l’IFX, décédé à l’âge de 4,5 mois en raison d’une tuberculose disséminée après avoir été vacciné à 3 mois par le BCG (bacille de Calmette-Guérin) [15], a suscité quelques inquiétudes concernant la sécurité des vaccinations chez ces nourrissons. Étant donné la rareté de grandes études de population et de données prospectives chez les femmes enceintes, il n’y a pas encore de recommandations concernant l’utilisation des anti-TNF␣ à la conception et pendant la grossesse chez les patients ayant un rhumatisme inflammatoire. Cette étude prospective a été conc¸ue pour évaluer les effets des agents anti-TNF␣ sur le devenir de la grossesse et de l’enfant chez les patients souffrant de maladies rhumatismales inflammatoires. Le critère principal de l’étude était la prévalence des malformations congénitales chez les nourrissons exposés à un agent biologique. Les critères secondaires étaient le taux de naissances prématurées (définie comme < 37 semaines de gestation), une hypotrophie fœtale (définie comme < 10e percentile) et la prévalence de complications vaccinales.

Une fois ces données recueillies, les grossesses étaient divisées en deux groupes : le groupe I composé de 27 grossesses de 23 patientes traitées par agents anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre [le traitement anti-TNF␣ était arrêté à la 7e –11e semaines de gestation (SG) ; une femme recommenc¸a l’ETN à la 29e SG jusqu’à l’accouchement à la 38e SG] et le groupe II composé de 11 grossesses chez 9 femmes [chez lesquelles le traitement anti-TNF␣ était arrêté entre un et six mois avant la conception selon les recommandations de la monographie]. Étant donné les différences connues de passage transplacentaire [8,9,13,16,17] suivant la structure de ces agents, le groupe I fut par la suite divisé en plusieurs catégories suivant leur exposition à l’ETN, l’ADA ou le CZP (Fig. 1).

2. Méthodes

Trente et une naissances sur un total de 35 grossesses, y compris une grossesse gémellaire, furent enregistrées (Tableau 1). Un taux plus élevé d’avortements spontanés a été enregistré dans le groupe II par rapport au groupe I (27,3 % contre 8,3 %). Un taux plus élevé de naissances prématurées et d’hypotrophie fœtale fut enregistré dans le groupe I par rapport au groupe II (8,3 % contre 0 % pour les deux). Deux malformations congénitales furent enregistrées :

2.1. Population de l’étude Trente-huit grossesses de 32 patientes atteintes de polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante et rhumatisme psoriasique suivies dans quatre services de rhumatologie (Belluno, Padoue, Trente et Udine) furent consécutivement enregistrées et suivies entre novembre 2008 et février 2015. En accord avec les médecins traitants, elles furent traitées par IFX, ETN, ADA ou CZP. L’étude a été réalisée selon les principes de la Déclaration d’Helsinki et tous les participants ont donné leur consentement éclairé.

2.2. Collecte des données Un formulaire en 28 items, comprennant des informations sur l’exposition aux agents biologiques, l’activité de la maladie, l’utilisation concomitante de traitements de fond, ainsi qu’une information sur le devenir de la grossesse et de l’enfant était rempli par le rhumatologue traitant. Les détails concernant les complications de la grossesse, une information sur les malformations congénitales et les effets secondaires des vaccins furent également dispensés. Le suivi des enfants était réalisé grâce aux rapports maternels au cours de leur suivi ambulatoire.

2.3. Analyse statistique Le test exact de Fisher a été utilisé pour comparer les variables catégorielles des groupes I et II et les groupes traités par différents agents anti-TNF␣. Les tests de Mann-Whitney ou de Kruskal-Wallis ont été utilisés pour analyser les variables continues. Les valeurs de p inférieures à 0,05 étaient considérées comme statistiquement significatives. 3. Résultats Une vue d’ensemble de toutes les grossesses est illustrée sur la Fig. 1. Trente-huit grossesses, incluant une grossesse gémellaire, furent enregistrées ; 6 femmes eurent plusieurs grossesses, trois dans le groupe I, une dans le groupe II, et deux eurent une grossesse à la fois dans le groupe I et II. Trente-cinq grossesses après exposition maternelle aux anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre (groupe I) ou avant la conception (groupe II) sont décrites dans le Tableau 1 ; les caractéristiques démographiques et cliniques des femmes et les résultats de la comparaison statistique entre les deux groupes sont également décrits. Il y avait, également, trois grossesses chez deux femmes après exposition paternelle. 3.1. Devenir de la grossesse chez les femmes exposées ou non aux anti-TNF˛

• un enfant (4,2 %) dans le groupe I avait une hernie diaphragmatique congénitale et un méga uretère obstructif ; la mère avait été exposée à l’ADA à la conception et elle accoucha d’une petite fille à la 33e SG en raison d’un défaut de croissance intra-utérin (DCIU). Le nouveau-né développa une détresse respiratoire néonatale, eut un traitement chirurgical à 45 jours et passa 60 jours en unité néonatale de soins intensifs (UNSI). Actuellement, à 7 mois, elle est stabilisée et se porte bien ; • un fœtus (9,1 %) dans le groupe II avait une trisomie 16 ; la mère âgée de 38 ans, avait suspendu l’ETN 4 semaines avant la conception, et eut un avortement spontané à la neuvième semaine de grossesse. Quatre complications maternelles, toutes dans le groupe I furent enregistrées :

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Nombre total de grossesses n= 38

Anti-TNFα avant la conception n= 11 (28,9%)

Anti-TNFα à la conception n= 27 (71,1%)

Exposition paternelle n= 3 (11,1%)

Exposition maternelle n= 24 (88,9%)

ETN n= 17 (70,8 %)

ADA n= 5 (20,9 %)

CZP n= 2 (8,3 %)

ETN n= 8 (72,7 %)

IFX n= 3 (27,3 %)

ETN n= 3 (100 %)

Fig. 1. Schéma de flux illustrant la cohorte de l’étude.

Tableau 1 Aperc¸u des caractéristiques maternelles et devenir de la grossesse et de l’enfant chez les femmes exposées aux anti-TNF␣ pendant la grossesse.

Nombre de femmes Nombre de grossesses Âge, années, médiane, (extrêmes) Diagnostic, n (%) Polyarthrite rhumatoïde Spondylarthrite ankylosante Arthrite psoriasique DAS28-CRP à l’inclusion, médiane, (extrêmes) ASDAS-CRP à l’inclusion, médiane, (extrêmes) Traitement concomitant à la conception, n (%) Méthylprednisolone (12,04 mg) Cyclosporine A Sulfasalazine Hydroxychloroquine Exposition aux anti-TNF˛, n (%) Conception/1er trimestrea Autre traitement pendant la grossesse, n (%) Méthylprednisolone (12,04 mg) Sulfasalazine Hydroxychloroquine AINS Devenir de la grossesse Naissance enfant vivant, n (%) Avortement spontané, n (%) Naissance prématurée, n (%) Semaines de gestation, médiane, (extrêmes) Poids en percentile, médiane, (extrêmes) Hypotrophie fœtale, n (%) Malformation congénitale, n (%) Complications maternelles, n (%)

Groupe I

Groupe II

Exposées aux anti-TNF␣ pendant la conception/1er trimestrea

Exposées aux anti-TNF␣ avant la conceptionb

p

21 24 36 (25–46)

9 11 38 (31–43)

– – 0,4

16 (66,7) 6–25 2 (8,3) 2,1 (0,7 à 4,42) 1,5 (0,9 à 4)

8 (72,7) 2 (18,2) 1 (9,1) 1,6 (01/01 au 04/04) Non rapporté

1 1 1 0,5 –

11 (45,8) 1 (4,2) 1 (4,2) 8 (33,3)

4 (36,4) 0 0 2 (18,2)

0,7 – – 0,4

24 (100,0)c 0 18 (75) 0 2 (8,3) 1 (4,2)

0 0 4 (36,4) 1 (9,1) 1 (9,1) 0

– – 0,05 – 1 –

23 (95,8)d 2 (8,3)d 2 (8,3) 39 (33–41) 45 (3–95) 2 (8,3) 1 (4,2)e 4 (16,7)

8 (72,7) 3 (27,3) 0 39,5 (37–41) 47,5 (20–70) 0 1 (9,1)f 0

0,1 0,1 – 0,3 0,4 – 0,4 –

SD : écart-type ; DAS28-CRP : score d’activité de la maladie sur 28 articulations et protéine C-réactive ; ASDAS-CRP : score d’activité de la spondylarthrite ankylosante avec protéine C-réactive ; anti-TNF␣ : anti-facteur de nécrose tumorale alpha ; AINS : médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens. a Traitement anti-TNF␣ interrompu à la 7e –11e semaine de gestation ; traitement anti-TNF␣. b Interrompu un à six mois avant la conception, à la suite des recommandations de la notice. c Une femme a repris l’étanercept à la 29e semaine de gestation jusqu’à l’accouchement à la 38e semaine de gestation. d Grossesse gemellaire, la somme de ce pourcentage est supérieure à 100 %. e Hernie diaphragmatique congénitale et méga uretère obstructif chez un nourrisson exposé à l’adalimumab à la conception/1er trimestre. f Trisomie 16 exposée à l’étanercept 4 semaines avant la conception.

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Tableau 2 Devenir de la grossesse et de l’enfant après exposition aux agents anti-TNF spécifiques.

Complications maternelles, n (%) Complications fœtales, n (%) Avortement spontané, n (%) Naissance enfant vivant, n (%) Naissance prématurée, n (%) Semaines de gestation, médiane (extrêmes) Poids en percentile, médiane (extrêmes) Malformation congénitale, n (%) Complications néonatales, n (%)

Étanercept n = 17

Adalimumab n=5

Certolizumab pégol n=2

2 (11,7) 0 2 (11,7)a 16 (94,1)a 0 39 (37–41) 45 (3–95) 0 0

1 (20) 1 (20) 0 5 (100) 1 (20) 39 (33–40) 40 (10–65) 1 (20)b 1 (20)

1 (50) 0 0 2 (100) 1 (50) 37 (35–39) 60 (50–70) 0 0

Anti-TNF␣ : anti-facteur de nécrose tumorale alpha ; SD : écart-type. a Grossesse gémellaire, la somme du pourcentage est supérieure à 100 %. b Hernie diaphragmatique congénitale et méga uretère obstructif diagnostiqués chez un nourrisson exposé à l’adalimumab à la conception/1er trimestre ; accouchement à la 33e semaine de gestation d’une petite fille du 15e centile en raison d’un défaut de croissance intra-utérin

• une mère exposée au CZP à la conception/1er trimestre eut une rupture prématurée des membranes et accoucha d’un enfant en bonne santé à la 35e SG ; • deux mères exposées à l’ETN à la conception/1er trimestre développèrent, respectivement, un syndrome du jumeau perdu et une infection du post-partum ; • une mère exposée à l’ADA à la conception/1er trimestre développa une prééclampsie à la 33e SG.

exposition paternelle. Les vaccinations suivantes étaient prévues : poliomyélite, hépatite B, diphtérie, coqueluche, tétanos, haemophilus influenzae B et pneumocoque à 3, 6 et 12 mois d’âge. Aucun des nourrissons n’eut de complications vaccinales. Aucun des enfants n’eut d’infection grave au cours de la période moyenne de suivi de 20 mois ± 16,5 (ET) (extrêmes 3–82).

Il n’y avait pas de différence significative concernant l’activité de la maladie mesurée par le DAS 28-CRP chez les femmes ayant une interruption spontanée de grossesse dans le groupe I et le groupe II. Toutes les femmes étaient en rémission, sauf une dans le groupe II qui avait une faible activité de sa maladie (DAS28-CRP = 2,76). Vingt-sept sur trente-cinq (77,1 %) grossesses avaient été exposées précédemment au méthotrexate, suspendu au moins cinq mois avant la conception. Aucune patiente n’avait été traitée par léflunomide. La malformation fœtale survenue après exposition maternelle à l’ADA fut déclarée à la fois à l’autorité nationale de pharmacovigilance et au laboratoire pharmaceutique. Aucune complication de la grossesse ne fut déclarée.

Nos résultats démontrent que les grossesses exposées aux agents anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre ne sont pas associées à un risque accru de malformation congénitale par rapport à celles où le médicament anti-TNF␣ a été retiré suivant les recommandations de la notice. Ces données sont en accord avec les résultats antérieurs rapportés dans la littérature [7–13,18,19]. Le taux de malformation congénitale dans ces études était, en fait, semblable à celui observé dans la population générale (3,0–5,0 %) [2,7,18–20]. Bien que quatre complications maternelles aient été enregistrées chez les femmes exposées aux agents anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre, au moins deux d’entre elles ne semblent pas liées à l’exposition. En ce qui concerne l’une, il faut se rappeler que le syndrome du jumeau perdu est décrit dans près de 36 % des grossesses multiples [21]. En ce qui concerne l’autre, la femme atteinte d’une infection du post-partum avait interrompu l’ETN à la fin du premier trimestre et avait accouché à 40 semaines de gestation. Compte tenu de la demi-vie du médicament, il ne semble pas y avoir de relation entre ce dernier et l’infection. Fait intéressant, les paramètres évalués (avortement spontané, naissance prématurée, hypotrophie fœtale, complications fœtales et maternelles) n’étaient pas significativement différents dans les deux groupes. De plus, il n’y avait pas d’association entre la dose de méthylprednisolone, l’activité de la maladie, les avortements spontanés et les naissances prématurées enregistrées, respectivement, dans le groupe II et I. Nous avons constaté 3 (27,3 %) avortements spontanés dans le groupe II et une seule femme avait une activité de la maladie minimale et prenait 4 mg de méthylprednisolone. Probablement, le taux plus élevé de fausses couches était lié à l’âge de la mère ; en fait, toutes les femmes étaient âgées de 38 ans. Deux (8,3 %) naissances prématurées furent enregistrées dans le groupe I ; seule une femme prenait 4 mg méthylprednisolone et les deux étaient en rémission. Dans notre étude, 95,8 % des grossesses dans le groupe I étaient exposées au médicament au cours du premier trimestre, et alors que nos résultats doivent être confirmés dans de plus grandes cohortes, ils suggèrent que les médicaments anti-TNF␣ pourraient être sans danger lorsqu’ils sont pris en début de grossesse. Bien qu’il soit prouvé que les anticorps monoclonaux type immunoglobuline G 1 complète tels que l’IFX et l’ADA aient un

3.2. Devenir de la grossesse du fœtus et de l’enfant fœtal après exposition à différents agents anti-TNF˛ Le Tableau 2 présente les données concernant la grossesse et le devenir du fœtus et de l’enfant après exposition à différents agents anti-TNF␣. Il n’y avait de différence significative sur aucun paramètre chez les patients exposés à l’ETN, l’ADA et le CZP. L’exposition à l’ADA fut associée à une hernie diaphragmatique congénitale et un méga-uretère obstructif, alors qu’aucune malformation congénitale n’a été enregistrée avec l’ETN et le CZP. 3.3. Devenir des grossesses après exposition paternelle. L’exposition paternelle dans les trois cas était liée à l’ETN. Toutes les grossesses se terminèrent par la naissance d’un enfant vivant. Un nourrisson ayant un défaut de développement intra-utérin en raison d’une insuffisance placentaire passa 14 jours en UNSI pour détresse respiratoire. Actuellement, à 16 mois, l’enfant est stabilisé et se porte bien. 3.4. Vaccinations et infections Vingt-deux des 34 enfants (64,7 %) furent vaccinés conformément au calendrier national. Douze (35,3 %) avaient été exposés à l‘ETN, 5 (14,7 %) à l’ADA ; chez 2 enfants (5,9 %) l’ETN fut interrompu comme le recommandait la notice du médicament, et 3 (8,8 %) après

4. Discussion

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passage transplacentaire élevé par rapport à l’ETN et au CZP [8,9,13,16,17], nous n’avons pas trouvé de différence dans le devenir de la grossesse et de l’enfant dans les groupes traités par différents agents anti-TNF␣. Ceci peut s’expliquer par le fait que nombre de nos grossesses ont été exposées pendant le premier trimestre de la grossesse et que le passage transplacentaire actif commence à peu près à la 14e SG [22]. Comme confirmé par les résultats cliniques limités [23,24], l’exposition paternelle aux antiTNF␣ à la conception n’est associée à aucun effet indésirable chez la mère ou le nouveau-né, même si le petit nombre de cas étudiés ici ne nous permet pas d’en tirer des conclusions définitives. Dans notre cohorte, 64,7 % des enfants furent vaccinés conformément au calendrier national de vaccination, sans effet indésirable ; 90,9 % d’entre eux furent exposés à des agents anti-TNF␣ à la conception/1er trimestre ou eurent une exposition paternelle. Il est important de souligner que les recommandations concernant la vaccination des nouveau-nés exposés à des agents anti-TNF alpha, concernent en général le troisième trimestre ; En outre, conformément aux pratiques vaccinales italiennes, l’injection de vaccins vivants au cours de la première année d’existence n’est pas prévue. Notre étude comporte certaines limites. La principale limite est une population réduite qui réduit la puissance statistique des conclusions. Il faut considérer aussi qu’une seule grossesse chez la même femme pourrait être considérée comme une autre limite. En fait, 17,1 % du nombre total de patientes étudiées eurent une deuxième grossesse, et les deux grossesses furent prises en compte dans notre groupe d’étude. Nos résultats indiquent que les médicaments anti-TNF␣ pris lors de la conception/1er trimestre pourraient être sans danger. Cependant, de grandes études prospectives de population sont nécessaires pour vérifier nos données et étudier l’effet de ces agents chez les patients atteints de maladies rhumatismales inflammatoires au cours du 2e /3e trimestre de la grossesse. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Remerciements Les auteurs remercient Mme Linda Inverso Moretti pour l’édition de la version anglaise de ce manuscrit. Références [1] Østensen M. Safety issues of biologics in pregnant patients with rheumatic diseases. Ann N Y Acad Sci 2014;1317:32–8. [2] Marchioni RM, Lichtenstein GR. Tumor necrosis factor-␣ inhibitor therapy and fetal risk: a systematic literature review. World J Gastroenterol 2013;19:2591–602.

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