Diagnostic de la tuberculose ganglionnaire périphérique en Tunisie

Diagnostic de la tuberculose ganglionnaire périphérique en Tunisie

Médecine et maladies infectieuses 40 (2010) 119–122 Communication brève Diagnostic de la tuberculose ganglionnaire périphérique en Tunisie Diagnosis...

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Médecine et maladies infectieuses 40 (2010) 119–122

Communication brève

Diagnostic de la tuberculose ganglionnaire périphérique en Tunisie Diagnosis of peripheral tuberculous lymphadenitis in Tunisia C. Marrakchi a,∗ , I. Maâloul a , D. Lahiani a , B. Hammami a , T. Boudawara b , M. Zribi c , M. Ben Jemaâ a b

a Service des maladies infectieuses, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisie Laboratoire d’anatomopathologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie c Laboratoire d’hygiène, CHU Hédi Chaker, Sfax, Tunisie

Rec¸u le 22 juillet 2009 ; accepté le 28 octobre 2009 Disponible sur Internet le 28 novembre 2009

Résumé Objectif. – Évaluer la valeur diagnostique de la microbiologie, de la cytologie et de l’anatomopathologie au cours de 50 cas de tuberculose ganglionnaire périphérique. Méthodologie. – Nos patients ont bénéficié d’une étude bactériologique et d’un examen cytologique et/ou histologique d’une adénopathie. Résultats. – La coloration de Ziehl-Neelsen et la culture sur milieu de Löewenstein n’ont été positives que respectivement dans 29,7 et 10,8 % des cas. Le diagnostic a été confirmé par la cytologie dans 31,3 % des cas (10/32) et par l’histologie dans 58,6 % des cas (27/46). Le rendement pour la détection du granulome tuberculoïde a été de 46,8 % (15/32) pour la cytologie et de 76 % (35/46) pour l’histologie. Conclusion. – Notre étude trouve un faible rendement de la microbiologie standard. La cytologie reste préconisée de première intention dans les pays endémiques, surtout devant sa facilité et sa rapidité. La biopsie reste de recours en cas de doute persistant. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – The aim of the study was to evaluate the contribution of microbiology, cytology, and anatomopathology in 50 cases of peripheral tuberculous lymphadenitis. Methodology. – Our patients underwent bacteriological tests and cytology and/or histopathology for lymphadenitis. Results. – Ziehl-Neelsen stains and cultures were positive in only 29.7% and 10.8% of cases respectively. The diagnosis was confirmed by cytology in 31.3% of cases (10/32) and by histology in 58.6% of cases (27/46). Granulomas were observed in 46.8% (15/32) of needle aspirates and 76% (35/46) of surgical biopsies. Conclusion. – Our study reveals a weak contribution of conventional microbiological techniques. Cytology remains the procedure of choice in endemic countries. Excisional biopsy may be performed in case of doubt. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction L’atteinte ganglionnaire constitue, en Tunisie, la première localisation tuberculeuse extrapulmonaire avec un taux estimé à 45,2 % de ces localisations [1]. Le caractère paucibacillaire de la tuberculose ganglionnaire [2] donne une place majeure à l’étude cytohistologique dans le diagnostic de cette entité. Nous nous intéressons à l’évaluation du ren-



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Marrakchi).

0399-077X/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2009.10.014

dement de la microbiologie standard, de la cytologie et de l’anatomopathologie dans le diagnostic de la tuberculose ganglionnaire périphérique en Tunisie, pays où la tuberculose est encore endémique. 2. Patients et méthodes Notre étude est rétrospective. Elle a inclus tous les cas de tuberculose ganglionnaire périphérique colligés entre 2002 et 2007 au service des maladies infectieuses de Sfax (centre tunisien). Le diagnostic de tuberculose ganglionnaire a été confirmé par l’isolement du Mycobacterium du complexe tuberculosis

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Tableau 1 Résultats de l’étude microbiologique en fonction de la technique de prélèvement ganglionnaire. Microbiological results according to the technique of lymph node sampling. Techniques

Aspiration (28 cas) (%)

Biopsie (9 cas) (%)

Sensibilité (%)

Examen direct positifa Culture positiveb

9 cas (31,2) 3 cas (11)

2 cas (22) 1 cas (11)

29,7 10,8

a b

Présence de bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR). Isolement du Mycobacterium tuberculosis.

au niveau ganglionnaire ou par la détection, à ce niveau, d’un granulome tuberculoïde associé à de la nécrose caséeuse. Ce diagnostic a été aussi retenu si la microbiologie était négative et si l’analyse cytologique et/ou histologique montrait le granulome tuberculoïde sans nécrose caséeuse, mais avec des signes cliniques d’imprégnation tuberculeuse (fièvre, baisse de l’état général) et une intradermoréaction à la tuberculine (IDR) positive ou en cas de confirmation d’une tuberculose extraganglionnaire concomitante. Tous les patients ont eu une étude cytologique et/ou histologique d’un ganglion atteint. L’étude bactériologique, réalisée sur des prélèvements ganglionnaires, a comporté un examen direct par la coloration de Ziehl-Neelsen et une culture sur milieu de Löewenstein-Jensen. Cette étude s’est basée sur l’analyse des produits de biopsie ou de ponction ganglionnaire réalisées à l’aiguille 19G, sachant que lorsque le produit de ponction était très peu abondant, une dilution au sérum physiologique a été réalisée. Les tests sanguins évaluant la production d’interféron gamma n’ont pas été réalisés ainsi que la recherche du génome mycobactérien par polymerase chain reaction (PCR).

3. Résultats 3.1. Données épidémiocliniques Cinquante patients, âgés en moyenne de 37 ans (4–76 ans), ont été inclus. Il s’agit de 20 hommes et 30 femmes originaires du Centre et du Sud tunisien. Trente-deux patients avaient une atteinte ganglionnaire périphérique isolée, alors que 18 avaient en plus une autre localisation tuberculeuse. Les adénopathies étaient cervicales (64 %), axillaires (20 %), inguinales (10 %) et sus-claviculaires (6 %). L’IDR à la tuberculine, mentionnée dans 28 observations, était négative chez un patient (3 %), positive chez huit patients (30 %) et fortement positive, voire phlycténulaire chez 19 autres (67 %). Aucun malade n’était séropositif pour le VIH.

3.2. Exploration bactériologique

Tableau 2 Résultats de l’étude cytologique et histologique au niveau ganglionnaire. Lymphadenitis cytological and histological results. Constatations

Cytologie Nombre

%

Nombre

%

Granulomea

avec nécrose caséeuse Granulomea sans nécrose caséeuse Infiltration inflammatoireb Aspect normal Non concluantec

10 5 − 16 1

31,3 15,6 − 50 3,1

27 8 8 3 −

58,6 17,4 17,4 6,5 −

Total

32

100

46

100

a

Amas de cellules macrophagiques et épithélioïdes entourées de lymphocytes. Infiltration par des macrophages, des cellules dindritiques et des lymphocytes. c Prélèvement paucicellulaire. b

3.3. Étude cytohistologique L’étude cytologique a été réalisée pour 32 patients, alors que l’examen anatomopathologique a été fait pour 46 patients. Les résultats de la cytologie et de l’anatomopathologie sont rapportés dans le Tableau 2. Pour 26 patients, aussi bien l’étude cytologique que la biopsie ont été réalisées. Le Tableau 3 compare les résultats de ces deux techniques réalisées chez les mêmes patients. Le Tableau 4 récapitule la sensibilité diagnostique de la cytologie et de l’anatomopathologie pour confirmer ou retenir le diagnostic de la tuberculose ganglionnaire. 4. Discussion Malgré la fréquence de la tuberculose ganglionnaire en Tunisie, cette pathologie pose jusqu’à nos jours un problème de Tableau 3 Comparaison des résultats de la cytologie et de l’histologie réalisées pour les mêmes patients. Comparison of cytological and histological results for every patient. Résultat de l’étude

Cytologie Nombre

Seuls 37 malades ont bénéficié d’une étude bactériologique réalisée sur des prélèvements ganglionnaires : neuf sur des produits de biopsie et 28 sur des produits de ponctions. Le Tableau 1 montre les résultats de la microbiologie en fonction de la technique du prélèvement ganglionnaire ainsi que la sensibilité de l’examen direct et de la culture dans le diagnostic des adénites tuberculeuses.

Histologie

Confirmationa

Histologie %

Nombre

%

Évocatriceb Normale

7 5 14

27 19 54

19 6 1

73 23 4

Total

26

100

26

100

a b

Présence de granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse. Présence de granulome tuberculoïde sans nécrose caséeuse.

C. Marrakchi et al. / Médecine et maladies infectieuses 40 (2010) 119–122 Tableau 4 Sensibilité des tests cytohistologiques au niveau ganglionnaire. Sensibility of lymphadenitis cytological and histological tests. Cytologie

Anatomopathologie

Diagnostic confirméa Résultats (+) Sensibilité

10/32 31,3 %

27/46 58,6 %

Diagnostic retenub Résultats (+) Sensibilité

15/32 46,8 %

35/46 76 %

a

Présence de granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse. Présence de granulome tuberculoïde avec nécrose caséeuse ou granulome tuberculoïde sans nécrose caséeuse mais avec IDR positive, imprégnation tuberculeuse ou confirmation d’une tuberculose extrapulmonaire. b

stratégie diagnostique. La microbiologie standard reste nécessaire puisqu’elle permet l’isolement et l’étude de la sensibilité du Mycobacterium. Notre étude met en évidence un faible rendement de la microbiologie avec une sensibilité de l’examen direct évaluée à 29,7 % et de la culture à 10,8 % et de meilleurs résultats avec l’aspiration à l’aiguille qu’avec les biopsies. Le caractère paucibacillaire de la tuberculose ganglionnaire, lié à la mauvaise oxygénation des ganglions et à l’importance des mécanismes de défense à médiation cellulaire à ce niveau [3,4], n’explique qu’en partie nos résultats. En fait, le rendement de l’examen direct dans notre étude concorde avec celui des études antérieures où des bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR) ont pu être détectés à la coloration de Ziehl-Neelsen sur 15 à 43 % des produits d’aspiration à l’aiguille fine [5,6]. Sur ce type de prélèvements, des résultats positifs plus fréquents sont rapportés en présence de nécrose caséeuse [7,8] et chez les patients VIH positifs, fortement immunodéprimés et en mauvais état nutritionnel [8,3,4,9]. Ces résultats sont moins souvent positifs sur des produits d’aspiration contenant du sang [9]. Le rendement de la culture mycobactérienne est estimé à 40–60 % [10]. Il est variable entre 17 et 82 % sur les produits d’aspiration à l’aiguille [7]. Ce rendement est plus élevé sur des prélèvements biopsiques [7,8] et en présence de lésions granulomateuses mais sans nécrose caséeuse qui ne contient, habituellement, pas de bacilles vivants. Le faible rendement de la culture dans notre étude peut s’expliquer par le nombre insuffisant d’échantillons mis en culture (37/50), dont figurent seulement neuf échantillons biopsiques. Une mise en culture systématique de tous les prélèvements ainsi qu’une révision de la qualité des échantillons, du délai d’acheminement et des techniques d’ensemencement s’imposent. Par ailleurs, très peu d’études ont comparé pour les mêmes patients le résultat de la cytoponction et de la biopsie [7,9]. Cette comparaison, faite dans notre étude pour 26 patients, confirme la supériorité de la biopsie dans le diagnostic de la tuberculose ganglionnaire. Le rendement de l’étude anatomopathologique dépasse souvent 70 % [7]. Il peut atteindre 90 à 100 % dans les cas cliniquement très suspects [8]. Toutefois, la nécessité du recours à la chirurgie, le coût, les retards diagnostiques possibles liés aux rendez-vous opératoires lointains et le risque de cicatrice opératoire, souvent cervicale, laissent plus la place à la cytologie comme moyen diagnostique de première inten-

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tion, particulièrement dans les pays endémiques [7,8], surtout que cette dernière est facile, rapide, fiable, peu coûteuse, peu risquée et souvent bien acceptée par les malades [8,4]. La sensibilité de la cytologie dans la détection des granulomes tuberculoïdes est de 48 à 85 % [7,4], et dans la détection des granulomes associés à la nécrose de l’ordre de 14,5 à 33 % [1,4,9]. Elle peut être améliorée en multipliant les aspirations au niveau du même ganglion hypertrophié [9] et elle peut être refaite devant un premier résultat négatif [7]. Dans les pays en voie de développement et endémiques pour la tuberculose, le rendement de la cytologie augmente quand on ajoute aux cas où la nécrose caséeuse est présente, les cas fortement suspects c.-à-d. là où coexistent le granulome tuberculoïde, l’IDR positive, voire une autre localisation tuberculeuse extraganglionnaire [10]. Une attention particulière doit être portée aux patients infectés par le VIH, chez qui la simple identification du granulome, à la cytologie, manque de spécificité pour la tuberculose, surtout que ces patients ont habituellement une IDR négative. Toutefois, la cytoponction peut être toujours tentée devant la constatation d’une fluctuation, qui s’associe souvent à la présence de BAAR à l’examen direct [7,8]. 5. Conclusion Les techniques microbiologiques classiques restent primordiales pour le diagnostic et la prise en charge des adénites tuberculeuses. La biologie moléculaire peut apporter un diagnostic rapide et améliorer les résultats des techniques standard, surtout en cas de prélèvements paucibacillaires [6], mais elle reste jusqu’à ce jour non consensuelle [10]. Le rendement satisfaisant de la cytologie, sa rapidité et son innocuité la placent comme le moyen diagnostique de choix dans les pays d’endémie tuberculeuse et à faibles ressources. Références [1] Direction des soins de santé de base. Ministère de la Santé publique tunisienne. Évolution du taux d’incidence de la tuberculose ganglionnaire en Tunisie entre 1993 et 2005. Bull Epidemiol. 2006, 7–8. [2] Kerleguer A, Fabre M, Bernatas JJ, Gerome P, Nicand E, Herve V, et al. Clinical evaluation of the gen-probe amplified mycobacterium tuberculosis direct test for rapid diagnosis of tuberculosis lymphadenitis. J Clin Microbiol 2004;42:5921–2. [3] Cissoko Y, Diallo DA, Baby M, Sidibé AT, Dembélé M, Dialo AN, et al. Place de la ponction à l’aiguille fine du ganglion lymphatique dans le diagnostic d’adénopathies mycobactériennes au Mali. Med Mal Infect 2002;32:519–24. [4] Bezabih M, Mariam DW, Selassie SG. Fine needle aspiration cytology of suspected tuberculous lymphadenitis. Cytopathology 2002;13: 284–90. [5] Mirza S, Restrepo BI, McCormick JB, Fisher-Hoch SP. Diagnostic of tuberculosis using a polymerase chain reaction on peripheral blood mononuclear cells. Am J Trop Med Hyg 2003;69:461–5. [6] Sing KK, Muralidhar M, Kumar A, Chattopadhaya TK, Kapila K, Singh MK, et al. Comparison of in-house polymerase chain reaction with conventional techniques for the detection of Mycobacterium tuberculosis DNA in granulomatosis lymphadenopathy. J Clin Pathol 2000;53: 355–61.

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