Archives de pédiatrie 10 (2003) 401–402 www.elsevier.com/locate/arcped
Éditorial
Diagnostic du syndrome de l’X fragile par détection de la protéine FMRP dans le sang et les cheveux Diagnosis of the Fragile X Syndrome by the analysis of FMRP expression in blood and hair roots F.J. Ramos a,*, R. Willemsen b a
Département de pédiatrie, faculté de médecine, université de Saragosse, 50009 Saragosse, Espagne b Clinique de génétique, Erasmus MC, Rotterdam, Pays-Bas Reçu le 29 septembre 2002 ; accepté le 27 mars 2003
Mots clés : X fragile (Syndrome de) ; Diagnostic Keywords: Fragile X syndrome; Diagnostic techniques and procedures
Le syndrome de l’X fragile (SXF), première cause de retard mental héréditaire, a une prévalence de 1 pour 4000 garçons et 1 pour 7000 filles [1]. Il se traduit le plus souvent par un retard mental, une hyperactivité avec troubles de l’attention et un visage particulier, allongé avec un front haut, un menton proéminent, des grandes oreilles parfois décollées. Décrit pour la première fois en 1969, son diagnostic a pendant une décennie reposé sur l’étude des chromosomes avec une fiabilité incomplète [2]. Dans les années 1990, cette étude a fait place à la biologie moléculaire utilisant des sondes proches du site fragile. Le gène responsable localisé en Xq27.3 a été isolé en 1991 et appelé FMR1 (Fragile-X Mental Retardation 1) [3]. Sa mutation consiste en l’expansion anormale d’un triplet répétitif — CGG — dans le premier exon. Les individus atteints présentent plus de 200 répétitions, les sujets normaux moins de 50 et les simples porteurs de l’anomalie (hommes et femmes) entre 50 et 200 (prémutation) [4]. La mutation complète est observée chez tous les hommes atteints, tandis qu’environ 65 % des femmes avec mutation complète présentent un certain degré de retard mental. Environ 40 % d’hommes avec mutation complète sont également porteurs
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F.J. Ramos). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0929-693X(03)00171-4
de cellules avec prémutation (mosaïque) [5]. En 1993, on a identifié la protéine du gène FMR1, dénommée FMRP (Fragile X Mental Retardation Protein), dont l’absence est la cause du tableau clinique du SXF [6,7]. 1. Détection de la FMRP dans le sang En 1995, Willemsen et al., de l’université d’Erasmus à Rotterdam décrivent une technique inmunohistochimique simple permettant d’étudier l’expression de la FMRP à partir de lymphocytes du sang circulant [8] ; la technique qui utilise un anticorps monoclonal de souris permet un résultat en quelques heures.Quatre-vingt seize des 50 lymphocytes étudiés à partir de 70 hommes et 30 femmes normaux exprimaient la FMRP, alors que moins de 10 % des cellules provenant de sujets atteints exprimaient cette protéine (12 % de cellules chez un homme avec mosaïque et 60 % chez une femme avec mutation complète) [8]. Les résultats de cette étude, confirmés sur un plus grand nombre de sujets [9], montrent que cette technique discrimine parfaitement les hommes normaux et atteints ; il existe cependant un certain chevauchement entre les groupes témoins et les sujets atteints chez les femmes (7 % ± 7 vs 89 % ± 9 chez les hommes ; 39 % ± 19 vs 80 % ± 6 chez les femmes) [9]. En pratique, sont considérés comme atteints les hommes chez lesquels moins de 42 % des cellules expriment la protéine, avec une sensibilité et une spécificité de 100 %. Chez la
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F.J. Ramos, R. Willemsen / Archives de pédiatrie 10 (2003) 401–402
femme on exige un seuil de 83 % avec une sensibilité et une spécificité de 41 %. Plusieurs études prospectives, portant sur des hommes présentant un retard mental de cause inconnue, ont ultérieurement permis de valider cette technique sur le plan diagnostique [10,11]. Un travail a rapporté la valeur pronostique du test (corrélation entre l’expression de la FMRP et le degré de retard mental) chez les hommes avec mutation complète (mosaïques ou partiellement méthylés) et chez les femmes avec mutation complète [12].
pronostique pour prédire le degré de retard mental des individus atteints, mais ceci a besoin d’être validé par des études supplémentaires. Remerciements Avec le support du ministère de la Santé d’Espagne (FIS 98/0610 et 00/0256) et de la députation générale d’Aragon (P103/99–BM) (F.J.R.). Pour information supplémentaire : www.eur.nl/fgg/ch1/ fragx
2. Détection de la FMRP dans les cheveux Références En 1999, Willemsen et al. testent cette technique immunohistochimique en utilisant cette fois-ci les racines de cheveux, tissu anatomiquement et embryologiquement proche du cerveau et facilement abordable [13]. Le pourcentage des cheveux exprimant la FMRP variait entre 77 et 100 % chez 130 témoins normaux. Les individus avec SXF ont un pourcentage inférieur à 33 %, sans chevauchement avec les valeurs des sujets normaux (à condition d’étudier un minimum de dix cheveux possédant chacun une racine). L’expression la plus élevée mais toujours inferieure à 30 % est observée dans les mosaïques. Les femmes atteintes avec mutation complète et un certain degré de retard mental ont un niveau d’expression de la protéine qui se situe entre 0 et 55 %. Toutes ces études ont naturellement été confrontées avec les techniques moléculaires conventionnelles. Une étude très récente a prouvé l’existence d’une correlation entre l’expression de la FMRP dans les cheveux et le degré de retard mental chez les femmes atteintes avec mutation complète [14]. L’avantage de la technique utilisant les racines de cheveux vs les lymphocytes sanguins réside dans la bonne conservation des spécimens, qui peuvent être adressés par la poste. La corrélation entre le résultat obtenu à partir des cheveux et le degré de retard mental chez les femmes reste à établir. Cependant, l’interprétation des résultats à partir des racines de cheveux des femmes est plus compliquée étant donné la présence de deux chromosomes X et leur inactivation au hasard. Les femmes avec mutation complète peuvent avoir des cheveux avec expression normale de FMRP (allèle muté inactivé) ou avec absence de FMRP (allèle normal inactivé). Une analyse prospective récente chez les hommes présentant un retard mental de cause inconnue confirme l’intérêt de cette techique [15].
3. Conclusion Le test FMRP est une méthode validée et peu coûteuse pour le diagnostic de SXF chez les mâles et les femmes avec retard mental de cause non identifiée. Le test pourrait être spécialement utile en programme de screening ou dans les pays avec de faibles ressources économiques pour les services de génétique. En outre, le test pourrait avoir une valeur
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