(~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 13:605-608, 1994
ATELIER:
DIPRIVAN ~
Diprivan® : sddation pour intubation difficile Diprivan ®" sedation for difficult intubation G. D'HONNEUR Service d'Anesth6sie-R~anirnation, H6pital Henri-Mondor 94010 Creteil, Cedex
RI~SUMI~
RECOMMANDATIONS
Aucune 6tude n'a compar6 des protocoles d'anesth6sie adapt6s ~ la s6dation pour intubation sous fibroscope. L'extrapolation des r6sultats d'6tudes randomis6es comparant des techniques de s6dation pour bronchofibroscopie diagnostique associ6e ~ une anesth6sie locale permet de conclure que : 1. Les agents hypnotiques utilisables pour cette proc6dure sont les benzodiaz6pines, les barbituriques, et le propofol. Le fentanyl am61iore les conditions de r6alisation du geste. 2. La s6dation sous propofol est une technique valid6e. La dose d'induction en bolus est de 1 mg - kg -~ suivie d'un entretien ~ d6bit continu ~ la dose de 1 mg - kg -~ • h 1. 3. Quel que soit le protocole de s6dation utilis6, la d6pression respiratoire est omnipr6sente, justifiant la pr6oxyg6nation, I'oxyg6nation continue et le monitoring de la SaO:. La r6version des effets respiratoires des benzodiaz6pines et des morphiniques permet d'antagoniser passag6rement une d~pression respiratoire mena~ante. Mots-cl6s :
ANESTHES1E
( T E C H N I Q U E S ) : sddation ; I N T U B A T I O N
Le principal risque anesth6sique est d'origine respiratoire. PrOs de 30 % des d6c~s imputables l'anesth6sie sont associ6s ~ des intubations oesophagiennes m6connues et & des difficult6s d'intubation ou de contr61e de la ventilation Mrs de l'induction. Chez le malade anesth6si6, l'intubation trach6ale est le moyen le plus stir d'assurer l'6tanch6it6 et la perm6abilit6 des voies a6riennes. L'intubation trach6ale est un geste simple, lorsqu'il est r6alis6 au bloc op6ratoire sous anesth6sie g6n6tale. Cependant, ce geste technique peut s'av6rer difficile, voire impossible. L'incidence des intubations difficiles est comprise entre 1 et 4 % lots de l'anesth6sie g6n~rale, tandis que celle des intubations impossibles est de 0,05 ~t 0,3 %. En pratique clinique, l'anesth6siste pr6voit, lors de la consultation d'anesth6sie, ou constate h l'induction que l'intubation trach6ale est difficile ou impossible. La constatation d'une intubation difficile apr~s induction impose la mise en oeuvre d'une strat6gie de maintien de l'h6matose fond6e sur une approche pharmacologique (arr~t de l'anesth6sie) et/ou gestuelle (manoeuvres d'intubation de sauvetage). La pr6vision de l'intubation difficile est l'6tape d6cisive qui permet d'en diminuer la mor-
: clifficile ; P R O P O F O L .
bidit6 et la mortalit6. La cotation syst6matique, lots de la consultation d'anesth6sie, d'un score d'intubation fond6 sur l'anamn6se (ant6c6dent d'intubation difficile, ant6c6dent d'intubation prolong,e) et sur l'examen clinique (recherche de dysmorphie, mobilit6 rachidienne cervicale, ouverture de bouche, crit6res de Mallampati) permet de pr6voir quelle sera.la difficult~ d'intubation et de d6finir un protocole d'anesth6sie adaptS. L'utilisation du fibroscope bronchique permet, dans ces cas, de r6soudre la plupart des probl~mes rencontr6s lots de l'intubation difficile pr6vue.
ANESTHleSIE POUR INTUBATION DIFFICILE
La laryngoscopie, la travers6e de la r6gion oro ou nasopharyng6e par la sonde d'intubation ainsi que le cath6t6risme de la fili~re laryngotrach6ale sont des stimuli algog6nes tr~s intenses ; ils sont irr6alisables chez le sujet conscient. Une bonne pr6paration du patient et une technique d'anesth6sie vigile r6gl6e permettent d'att6nuer ou d'abolir ces r6ponses, tout en conservant un niveau de conscience adapt& II est classique de dire que les
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deux grands risques de I'intubation difficile sont l'hypoxie et l'inhalation. L'inhalation est plus souvent associ6e ~ des tentatives repetees ou ~ des manoeuvres d'intubation ,< hero'fques ~, chez des sujets anesthesies. L'hypoxie est la complication constamment redoutee, meme lors d'anesthesies adaptees h l'intubation prevue difficile. Imperatifs anesthesiques Iors de I'intubation vigile Preparation du patient
La preparation psychologique du patient et le respect scrupuleux des consignes de jefine preoperatoire sont fondamentaux dans ces conditions d'intubation. Abolition ou diminution des roponses a la laryngoscopie et au catheterisme de la trachee par la sonde d'intubation
L'anesthesie locale soigneuse et progressive, peut 6tre muqueuse de contact ou consecutive un bloc sensitif des nerfs pharyngolarynges (bloc laryng6 superieur bilateral et/ou de la branche linguale du glossopharyngien). Preservation de la ventilation spontanee et du tonus musculaire pharyngolarynge
Lorsque l'examen clinique pr~anesthesique detecte une intubation difficile, seule une intubation vigile permet de minimiser le risque du geste [1]. En effet, un etat de vigilance proche de la normale est un gage de securit6 venti[atoire. L'induction d'une sedation expose ~ des Episodes d'hypopnees centrales et necessite des precautions dans l'utilisation des agents hypnotiques. De plus, la sensibilit6 differentielle des groupes musculaires respiratoires (muscles des voies aeriennes superieures e t parietothoraciques) "~ l'action des agents hypnotiques peut engendrer I'obstruction des voles aeriennes superieures [8] et majorer le risque d'hypoventilation alveolaire. Conditions de laryngoscopie optimales
Les hypnotiques d'induction sont responsables d'une diminution des activites tonique et phasique des muscles pharyng6s [5] et le blocage des mecanorecepteurs par l'anesthesie locale muqueuse [4] entraine un collapsus des voies aeriennes superieures. Dans ces conditions, la reconnaissance des structures anatomiques pharyngees et laryngees devient difficile. Une sedation en ventilation spontanee permettant la preservation ou la recuperation rapide de l'activit6 tonique et phasique inspiratoire des muscles pharyngolarynges facilite le reperage laryngoscopique. Monitorage
Le monitorage de l'oxygenation est essentiel lots de l'intubation difficile. La surveillance continue
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de la SaO2 permet de detecter precocement les hypoxies et donc de mdnager des fen~tres de reoxyg6nation. La capnographie confirmera la position intratrachdale de la sonde d'intubation. Choix de ragent de sedation
L'agent de sedation ideal pour une intubation vigile devrait posseder les proprietds pharmacologiques suivantes : effet sddatif, titrable, de duree d'action br~ve, sans accumulation ou antagonisable ; respiratoires titrables, permettant de preserver une ventilation spontanee et assurant une recuperation rapide de l'activit6 tonique et phasique des muscles des voies aeriennes superieures ; effet anxiolytique, anti6metisant, antisialogogue. Malheureusement, aucun agent de la pharmacopee anesth6sique actuelle ne remplit ce cahier des charges. - -
- - e f f e t s
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Propofol
Le propofol est un hypnotique d'induction de demi-vie tr~s courte, ne s'accumulant pas dans le plasma, qui remplit partiellement le cahier des charges. Ses effets sedatifs et respiratoires titrables dependent de la dose et sont rapidement reversibles. Ses propridtes pharmacodynamiques stables meme lors d'inductions successives apportent une securit6 anesthesique. Utilisd fi dose sedative adaptde, le propofol permet de conserver un contact verbal avec le patient et reste moderdment ddpresseur ventilatoire. La ddcroissance de la concentration plasmatique, au-dessous de la concentration active est tres rapide ~ l'arret de l'administration, et permet un reveil complet darts un delai de quelques minutes et une recuperation rapide du tonus musculaire pharynge et des capacites de protection des voies aeriennes sup6rieures [10]. Le propofol serait anti6metisant et possederait des propriet6s myorelaxantes [7]. Benzodiazepines
Parmi les benzodiazepines,, le midazolam qui possede la demi-vie d'61imination la plus courte parait le plus adapt6 aux imp6ratifs de l'anesth6sie pour intubation sous fibroscopie. Le midazolam provoque une sedation titrable et antagonisable, une anxiolyse, une amnesie et n'est pas reconnu 6metisant ou sialogogue. Cependant, l'action depressive des benzodiazepines sur le tonus des muscles mobilisateurs de l'arche hyofde peut entrainer des conditions de laryngoscopie difficiles. L'augmentation des r6sistances pharyng6es et la d6pression respiratoire induites par les benzodiaz6pines sont, par contre, accessibles ~a une antagonisation titrable par le flumazenil,
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Morphiniques
Les morphiniques d6priment les centres respiratoires et semblent avoir une action s61ective sur les moto-neurones des muscles des voies a6riennes sup6rieures [2]. Bien qu'antagonisables et poss6dant, pour les plus r6cents, comme l'alfentanil, des demi-vies d'61imination courtes, leurs effets centraux d6presseurs respiratoires et leurs propri6t6s 6m6tisantes font des morphiniques, une classe th6rapeutique d'utilisation dangereuse lors de l'intubation vigile. Cependant, une anesth6sie locale muqueuse imparfaite peut rendre n6cessaire l'emploi de ces d6riv6s opioides. K.etamine
La k6tamine est int6ressante par ses propri6t6s antalgiques et analeptiques cardiorespiratoires. Cependant, malgr6 une activit6 d6pressive des muscles pharyng6s moins marqu6e que celle des autres hypnotiques d'induction, et une relative conservation de la r6ponse hypoxique h dose s6dative, ses effets psycho-dysleptiques majeurs, n6cessitant son association h des benzodiaz6pines, ne sont pas compatibles avec les conditions de calme requises pour la technique d'intubation sous fibroscope. Protocoleff de sedation Les donndes de la litt6rature concernant la sddation pour intubation vigile sous fibroscopie sont rares. En effet, dans une 6tude [6] sur le retentissement h6modynamique de l'intubation vigile, les auteurs proposent un protocole de sddation permettant de garder un contact verbal avec le patient associant une titration de midazolam (dose maximale 6gale ~i 7,5 rag) et de fentanyl (dose maximale 6gale "~ 100 ixg). L'injection prudente, lente et intermittente de thiopental adapt6e ~ la conscience (abolition du rdflexe ciliaire), associde ~t un bolus initial de fentanyl de 1 vtg. kg ~ est recommand6e [13]. L'intdr6t du propofol pour l'intubation vigile peut ~tre extrapold des rdsultats de deux dtudes randomis6es [3, 9] concernant la s6dation pour bronchofibroscopie diagnostique associ6e g une anesthdsie locale. Les auteurs proposent et comparent des protocoles utilisant une et/ou des associations de classes m6dicamenteuses. Certains auteurs [3] comparent la qualit6 de la sddation obtenue par des doses titrdes de midazolam ou de propofol. La dose moyenne de midazolam administrde dans leur 6tude est de 6 mg, alors que la dose moyenne de propofoi est de 155 mg (0,1171 m g . kg - l . min 1). Les conditions de laryngoscopie sont sensiblement identiques et les 6pisodes de d6saturation art6rielle initiale lors de la s6dation optimale sont de m~me intensit6 dans les deux groupes. La d6saturation maximale moyenne atteint 85 % [3]. La titration continue,
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adapt6e ~ la vigilance, est associ6e "h une r6cup6ration plus rapide constante (environ 5 rain), ind6pendante de la dose, dans le groupe propofol, alors que dans le groupe midazolam certains patients ont des s6dations prolong6es, notamment lorsque ia fibroscopie dure plus de 20 min [3]. Dans une revue g6n6rale sur la s6dation pour bronchoscopie [ll], les auteurs recommandent une combinaison d'agents anesth6siques permettant d'associer amn6sie, anxiolyse et analg6sie. Une 6tude [12] observe que le midazolam associ6 h la nalbuphine permet des conditions de bronchoscopie sup6rieures a celles procur6es par le midazolam seul, mais au prix d ' u n e d6pression respiratoire major6e. Un auteur [9] compare deux protocoles de s6dation pour fibroscopie bronchique. Le premier groupe ne reqoit que du propofol (bolus initial de 1 m g - kg -I puis entretien avec 1 mg. kg I. h-l), alors que dans le deuxi~me goupe les patients b6n6ficient d'une s6dation par 1 p,g . kg -I de fentanyl et 0,05 mg • kg-I de diaz6pare associ6s en bolus initial [9]. L'auteur conclut que les conditions de laryngoscopie et les scores de r6veil ne sont pas diff6rents. La d6pression respiratoire est pr6sente, mod6r6e (Sao2 moyenne apr~s s6dation 6gale ~l 90 %) et comparable entre les groupes, sans qu'aucun des patients n'ait d'apn6e. Cependant, si l'oxyg6nation est comparable, la fr6quence respiratoire est statistiquement plus basse dans le groupe fentanyl-diaz6pam.
BIBLIOGRAPHIE
Les r6f6rences sont pr6c6d6es : d ' u n • quand e]]es ont un i n t 6 r ~ t particulier, de , , en cas d ' i n t 6 r 6 t m a j e u r .
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pare deux protocoles anesth6siques de s6dation pour fibroscopie bronchique. Apr6s anesth6sie locale muqueuse nasopharyng6e et de la partie proximale de trach6e, la bronchofibroscopie est r6alis6e chez des patients dont la s6dation est assur6e sort par du propofol (bolus de 1 mg. kg 1 puis 1 mR" kg - t . min ~) sort par I'association fentanyl (1 ~ g k g r ) et diaz6pam (0,05 rag. kg i). Les deux protocoles de s6dation induisent des conditions de r6alisation du geste satisfaisantes. La d6pression respiratoire est pr6sente~ mod6r6e et comparable dans les deux groupes. 10. RIMANIOL JM, D'HONNEUR G, MERLE JC, BAUBILLIER E, DUVALDESTIN P. Evolution du r6flexe de d6glutition apr6s une anesthdsie au propofol. Ann Fr Anesth Rdanim, l l (suppl) : R13, 1992. 11. StiELLEY MP, WILSON P, NORMAN J. Sedation for fiberoptic bronchoscopy. Thorax, 44 : 769-775, 1989. 12. SuRY MR J, COLE PV. Nalbuphine combined with midazolam for outpatient sedation. An assessment in fibreoptic bronchoscopy patients. Anaesthesia, 4 3 : 285-288, 1988. 13. YENTIS SM. Intermittent thiopentone for teaching fiberoptic nasotracheal intubation. Anaesthesia, 48: 340-342, 1993,
ABSTRACT / R E C O M M E N D A T I O N S
No study has compared anaesthetic protocols appropriate for the sedation for fiberoptic tracheal intubation. Extrapolation of results of randomised studies comparing sedation techniques for diagnostic bronchoscopy under local anaesthesia enables the following conclusions : 1. Possible hypnotic agents for this procedure are benzodiazepines, barbiturates and propofol. Fentanyl improves the conditions for bronchoscopy. 2. Sedation using propofol is a well established technique. The induction dose, given as a bolus injection is I mg- kg ~, followed by continuous maintenance infusion of 1 m g . kg -~ - h -j. 3. Irrespective of the sedation protocol used, there is always respiratory depression which justifies the need for preoxygenation, continuous oxygenation and Spo2 monitoring. Reversal of benzodiazepine and opioid effects may temporarily protect against respiratory depression.