© Masson, Paris. Ann Fr Anesth R6anim, 1 9 9 5 ; 1 4 : 1 - 7
ARTICLE ORIGINAL
Douleurs Iombaires et c6phal6es dans le postpartum imm6diat, R61e de I'analg6sie p6ridurale obst6tricale Lowback pain and headache immediately after parturition. Contribution of epidural analgesia P. PALOT *, D.H. JOLLY **, H. VISSEAUX *, C. BOTMANS *, M. ABDI ***, R. GABRIEL** J.C. PIRE * * D#partement d'Anesth#sie-R6animation ** D6partement d'lnformation M6dicale, *** Service de Gynbcologie-Obst#tricale, CHU, 51092 Reims Cedex
RI~SUMI~ : Cette 6tude men6e chez 200 patientes ayant accoucb6 par voie basse a eu pour but de d6terminer les facteurs associ6s /i ia survenue de douleurs lombaires (DL +) et de c6phal~es (Ceph +) darts le postpartum imm6diat (PPI). Les patientes du groupe DL + 6taient plus jeunes que les patientes du groupe D L - (p < 0,03), enes ont eu plus souvent une analg6sie p6ridurale (APD) (p < 0,05) et plus souvent des cervicalgies (p < 0,04) et des Iombalgies (p < 0,02) pendant la grossesse que les patientes DL - . Lors du PPI, il a plus fr6quemment 6t6 observ6 de cervicalgies, dorsalgies et c6phal6es darts le groupe DL + que dans le groupe D L - (p < 0,01). La dur~e du travail, de la pr6sence en salle de travail et de rAPD 6tait identique darts les deux groupes. L'intensit6 de la lombalgie 6tait plus faible dans le PPI que pendant ia grossesse (p < 0,006). Les facteurs de risque de survenue d'une lombalgie du PPI 6taient: I'APD (odds ratio [OR] = rapport de risques = 6,59), la lombalgie (OR = 6,50) et la cervicalgie (OR = 2,75) pendant la grossesse. Darts le groupe Ceph + , il y a eu plus de c6phal6es pendant la grossesse (p < 0,001) et plus d'APD (p < 0,05) que clans le groupe Ceph - . Darts le PPI, il y a eu plus de cervicalgies, de dorsalgies et de lombalgies (p < 0,01) dans le groupe Ceph + que dans le groupe Ceph - . Les facteurs de risque de la c6pbal6e du PPI 6taient: la c6phal6e pendant ia grossesse (OR = 12,41) et rAPD (OR = 3,09). L'intensit~ des c6phal6es 6tait 6quivalente pendant ia grossesse et le postpartum. L'APD semble un facteur associ6 plut6t qu'un facteur causal de ia survenue des Iombalgies du P P I ; quant /i sa responsabilit6 dans la survenue de c6phal6es, elle est n6gligeable face /~ I'existence de c6phaI~es pendant la grossesse. Ces r~sultats m6ritent d'6tre confirm6s sur une plus Iongue s~rie de patientes. Mots-cMs : Analg6sie : obst6tricale ; Complications : algi-
que, neurologique ; P6ridurale.
Re~u le 7 janvier 1994, accept6 apr~s r6vision le 29 novembre 1994.
ABSTRACT: The rate of lowback pain and headache following parturition seems to be higher in patients delivered under epidural analgesia. The aim of this study, performed in the immediate postpartum (up to 3rd day) and including 200 patients delivered vaginally, was to assess the incidence and the risk factors of Iowback pain and headache. A total of 31.5 % of them complained of Iowback pain (LBP +) after parturition. They were significantly younger than those without Iowback pain ( L B P - ) (p < 0.03) and have had significantly more often epidural analgesia (p < 0.05). However, there were no statistically significant differences concerning weight, weight gain, parity, duration of labour and duration of epidural analgesia. The LBP + patients complained significantly more often of cervical (p < 0.04) and lowback pain (p < 0.02) during pregnancy, than the L B P - . In the immediate postpartum period, cervical and dorsal pain as well as headache occurred significantly more often in LBP + than in LBP + (p < 0.001). The intensity of postpartum LBP was significantly lower than the intensity of lowback pain during pregnancy (p < 0.006). Risk factors for postpartum LBP were epidural analgesia (OR = odds ratio = 6.59), LBP (OR = 6.50) and cervical pain (OR = 2.75) during pregnancy. The influence of epidural analgesia is questionable, as there was no difference between duration of labour and duration of epidural analgesia, if used, between the two groups. Patients for whom epidural analgesia was required are probably more susceptible to pain during pregnancy. Patients who suffered from postpartum headache (PPHDA +) were comparable to those who did not ( P P D H A - ) . During pregnancy, headache was statistically more frequent in PPDHA+ than in PPDHApatients (p < 0.001). In the immediate pospartum period, cervial pain (p < 0.001), dorsal pain (p < 0.01) and LBP (p < 0.01) occurred significantly more often in PPDHA + than in PPDHA - patients. Risks factors for
Tirds a part: M. Palot.
2
PPDHA were headache during pregnancy (OR = 12.41) and epidural analgesia (OR = 3.09). The intensity of postpartum headache was similar to the intensity of headache during pregnancy. Key-words : Analgesia obstetrics ; Epidural ; Parturition.
INTRODUCTION
Diff6rents auteurs ont r6cemment insist6 sur la fr6quence des lombalgies du postpartum lorsque l'accouchement a eu lieu sous analg6sie p6ridurale, tant dans le postpartum imm6diat [3, 6] que dans les mois qui suivent la naissance [7, 8]. Certains auteurs infirment cette notion [1]. D'autres insistent sur la survenue de c6phal6es dans les mois qui suivent l'accouchement sous analg6sie p6ridurale [8]. Le but de cette 6tude, men6e dans le postpartum imm6diat, chez des patientes ayant accouch6 par voie basse, a 6t6 de d6terminer les facteurs associ6s ~ la survenue des lombalgies et des c6pha16es du postpartum imm6diat, ainsi que l'intensit6 de la douleur. PATIENTES ET METHODES
D e u x cents p a t i e n t e s cons6cutives, ayant accouch6 par voie basse, ont 6t6 interrog6es au 3ejour du postpartum par l'6quipe de sagesfemmes de l'unit6 de suites de couches (service de gyn6cologie-obst6trique pr p WArIL) ~ l'aide d'un questionnaire. L'interrogatoire portait sur les douleurs ressenties ~ t o u s l e s niveaux de la colonne, au niveau du bassin, et sur l'existence de c6pha16es, en cours de grossesse et le jour de l'enqu6te. Les douleurs de l'6pisiotomie et celles li6es aux contractions ut6rines du postpartum ont 6galement 6t6 not6es. L'intensit6 de la douleur 6tait 6valu6e par 6chelle visuelle analogique (EVA), pr6sent6e horizontalement par la sage-femme. Etaient collig6s l'~ge, la parit6, le poids en fin de grossesse, la prise de poids, le niveau socioculturel (ethnie, 6tudes primaires, secondaires, sup6rieures), la dur6e totale du travail, la dur6e de s6jour sur la table d'accouchement, la dur6e de l'analg6sie p6ridurale (APD) si elle a eu lieu, sa difficult6 de r6alisation, le mode d'accouchement (normal ou par forceps), le poids de naissance des enfants et le mode d'allaitement (maternel ou artificiel). La recherche de l'espace p6ridural a 6t6 effectu6e par la technique du mandrin liquide ~ l'aide d'une aiguille de Tuohy 18G (Portex®), puis un cath6ter de 20G ~ orifice terminal (Portex ®) a 6t6. introduit dans l'espace p6ridural. L'APD a 6t6
P. PALOT ET COLL.
induite par la bupivacaine h 0,25 % associ6e 15 ixg de sufentanil et entretenue h d6bit constant (10 m L . h -1) ~t l'aide de bupivacaine ~ 0,0625 % et de 0,4 p,g. mL -1 de sufentanil. La survenue d'un bloc moteur sup6rieur ~ 1 dans l'6chelle de Bromage a 6t6 exceptionnelle. Les patientes ont 6t6 s6par6es en deux groupes deux reprises: d'une part un groupe avec pr6sence de douleur lombaire du postpartum (DL +) et un groupe avec absence de douleur lombaire du postpartum (DL - ) ; d'autre part un groupe avec pr6sence de c6phal6es du postpartum (Ceph +) et un groupe avec absence de c6phal6es du postpartum ( C e p h - ) . Les r6sultats sont exprim6s en moyenne + 6carttype. Les comparaisons univari6es entre variables quantitatives ont 6t6 effectu6es par le test t de Student ou le test de Wilcoxon, ceux-ci 6tant choisis en fonction des distributions. Les variables qualitatives ont 6t6 compar6es par te test du chi 2 de Pearson, corrig6 selon la m6thode de Yates, si besoin. Les comparaisons des fr6quences des douleurs pendant la grossesse et le postpartum ont 6t6 effectu6es par le test du chi 2 de Mac Nemar. Une analyse multivari6e a 6t6 r6alis6e selon le mod61e de r6gression logistique ~ l'aide du logiciel BMDP ® (BMDP Statistical Software, Inc., Los Angeles). Ce mod61e permet les estimations des odds ratio (OR = rapport de risques) de chacune des variables qui permettent d'expliquer la survenue de lombalgies dans le postpartum imm6diat. Ces estimations sont ajust6es, et l'estimation de I'OR rapport6e ~ une des variables tenant compte de la pr6sence des autres variables s61ectionn6es dans le mod61e. Les variables significativement diff6rentes (p < 0,05) entre les groupes DL + et D L - , puis Ceph + et C e p h - en analyse univari6e ont 6t6 s61ectionn6es pour r6aliser une r6gression logistique ascendante pas h pas. Le mod61e permet ainsi le calcul de I'OR en fonction de la pr6sence ou de l'absence de chacun des items s61ectionn6s. Le seuil de signification retenu est p < 0,05. R~SULTATS Resultats globaux
Pendant la grossesse, 168 patientes (84 %) se sont plaint d'au moins une douleur de la colonne, du bassin ou de c6phal6es. La r6partition de ces douleurs en fonction de leur localisation pendant la grossesse et le postpartum est illustr6e dans la figure 1. Pendant la grossesse, ce sont les douleurs lombaires (55 %), pelviennes (31%), les douleurs de type sciatique (35 %) et les c6phal6es (19,5 %) qui ont domin6. Dans le postpartum imm6diat, ce sont les douleurs li6es ~ l'6pisiotomie (68 %) (p < 0,0001 v s t o u s l e s autres items), aux contractions ut6rines (43,5 %) et les douleurs lombaires (31,5 %) qui ont 6t6 les plus fr6quentes. La fr6-
LOMBALGIES ET CEPHALI~ES DU POSTPARTUM IMMEDIAT %
3
= l)
40
Les patientes qui se plaignaient d'une douleur cervicale, dorsale, lombaire, pelvienne ou d'une c6phal6e pendant la grossesse se sont plaint, dans le postpartum imm6diat, d'une douleur au m6me niveau, plus fr6quemment que les patientes qui n'avaient pas eu de douleurs pendant la grossesse (fig. 2).
•
30
Douleurs Iombaires du postpartum (Groupes DL +, D L - )
20
Parmi les 200 patientes, 63 (31,5 %) se sont plaint de douleurs lombaires dans le postpartum imm6diat (J3) (tableau I).
60
50
•,,
I[] aros,esse [•
Postpartum
I [
w
@
.o =
O D.,
10
Cervicale Dorsale
Lombaire Sciatique
Bassin C6phal6es
Douleurs
Fig. 1. - - R6partition des douleurs pendant la grossesse et le postpartum. I1 existe une diminution significative de l'incidence des douleurs lombaires, des douleurs de type sciatique et des douleurs du bassin dans le postpartum imm6diat compar6 h la p6riode de grossesse ( * * * p < 0,01).
quence des douleurs lombaires, des douleurs de type sciatique et des douleurs pelviennes est significativement plus basse dans le postpartum imm6diat que pendant la grossesse (p < 0,001 pour les trois items).
50
%
Tableau I. - - Caract6ristiques des patientes avec et sans douleurs Iombaires du postpartum. Les patientes du groupe DL + ont eu plus souvent des cervicalgies et des dorsalgies pendant la grossesse que celles du groupe D L - . Dans le postpartum, les patientes du groupe DL + ont eu significativement plus de cervicalgies, de dorsalgies et de c6phalees que celles du groupe DL - . Groupe DL + (n = 63)
Groupe DL (n = 137)
Age (ans)
25,9 + 5,3
27,7 + 4,9*
Poids (kg)
71,3 + 10,4
71,7 + 12,3
Prise de poids (kg)
13,0 + 5,3
12,5 + 4,7
41,3
35,0
Ethnies (%)
9,5
10,2
Etudes primaires (%)
9,5
13,9
Dur6e du travail (min)
488 + 241
446 + 193
Salle de travail (min)
285 __+ 157
249 + 170
3 338 + 599
3 300 + 526
Primipares (%)
E
Poids de naissance (g)
~- 40
Allaitement maternel (%)
38,1
49,6
0 o.
A P D (%)
69,8
51,1"
219 + 116
212 + 113
•"
Dur6e A P D (min)
30
* p < 0,05 compar6 au groupe DL +.
o "o
o
20
10 o
•-~ 10 ' Ig D.
O'
Cervicale Dorsale
Lombaire Sciatique
Bassin C6phal6es
Oouleur
Fig. 2. - - Incidence des douleurs du postpartum selon l'existence ou non de douleurs pendant la grossesse. Lorsqu'une douleur existait pendant la grossesse (G + ) , il y avait significativement plus de patientes dont la douleur a persist6 dans le postpartum imm6diat (PP +), que de patientes qui ont vu apparaitre une douleur ~ un site qui ne les avait pas fait souffrir pendant la grossesse (G - ) (* p < 0,05 ; ** p < 0,01).
Les patientes du groupe DL + 6taient statistiquement plus jeunes que celles du groupe DL - . Elles ont eu significativement plus de cervicalgies et de lombalgies pendant la grossesse que celles du groupe D L - . Parmi les 200 patientes, 114 (57 %) ont eu une APD. Les patientes de groupe DL + ont plus souvent b6n6fici6 d'une p6ridurale obst6tricale que celles du groupes D L - . Pour 17 patientes, la r6alisation de I'APD a 6t6 jug6e difficile, 9 appartenaient au groupe DL + et 8 au groupe D L - . Ceci n'a pas influ6 sur la survenue d'une douleur lombaire (9/44 v s 8/70). Vingt patientes ayant eu une APD ont accouch6 ~ l'aide d'un forceps, 6 ont eu des douleurs lombaires du postpartum.
4
P. PALOT ET COLL.
Ceci n'est pas statistiquement diff6rent des patientes ayant accouch6 n o r m a l e m e n t sous A P D (38/94). I1 n ' y a pas eu de diff6rence significative p o u r les autres p a r a m 6 t r e s 6tudi6s (tableau I). D a n s le p o s t p a r t u m imm6diat, les patientes du g r o u p e D L + ont eu significativement plus de cervicalgies, de dorsalgies et de c6phal6es que les patientes du g r o u p e D L (tableau II).
Tableau II. w Facteurs associ6s aux douleurs Iombaires pendant la grossesse et le postpartum. Les patientes du groupe DL + ont eu plus de cervicalgies et de dorsalgies pendant la grossesse que celles du groupe D L - . Dans le postpartum, les patientes du groupe DL + ont eu significativement plus de cervicalgies, de dorsalgies et de c~phal~es que celles du groupe DL - .
Douleurs
(%)
Grossesse DL + (n=63)
DL DL + ( n = 137) (n=63)
Cervicales
11,1
Dorsales
22,2
13,9
Lombaires
71,4
51,8"
Seiatiques
33,3
C6phal6es
23,8
APD
69,9
Postpartum
3,6*
Pour les patientes qui ont eu des douleurs lombaires ~ la lois p e n d a n t la grossesse et le postpart u m , l'intensit6 de celles-ci a 6t6 significativement plus basse clans le p o s t p a r t u m (5,0 + 2,3 v s 3,9 + 2,2;p < 0,006) (fig. 3). L ' a n a l y s e u m v a r i 6 e a permis de s61ectionner trois variables c o m m e facteurs associ6s h la survenue d ' u n e lombalgie du p o s t p a r t u m et le mod61e de r6gression logistique de calculer l'odds ratio ( O R ) : I ' A P D ( O R = 6,59 ; p < 0,02), la douleur l o m b a i r e p e n d a n t la grossesse ( O R = 6 , 5 0 ; p < 0,02) et la cervicalgie p e n d a n t la grossesse ( O R = 2,75 ; NS). Les estimations de I ' O R p o u r les diff6rentes combinaisons de ces variables sont pr6sent6es darts le tableau I I I et illustrent le fait que la survenue d ' u n e lombalgie est, en th6orie, plus fr6quente lorsque les facteurs sont associ6s.
DL ( n = 137)
12,7
1,5"*
19,0
6,6**
35,0
II,1
7,3
17,5
26,9
8,0"*
Tableau III. - - Risque de survenue d'une Iombalgie du postpartum imm~diat. Lorsque les patientes n'ont eu ni APD ni Iornbalgie, ni cervicalgie pendant la grossesse, I'OR, t~moin du risque relatif de survenue de Iombalgie dans le postpartum, est de 1. Celui-ci augmente avec I'association des diff&ents facteurs selon la formule: OR combin6--e (log O R x l + l o g OR × 2 ...+ log OR × n).
Analg6sie p6ridurale
Lombalgie pendant la grossesse
Cervicalgie pendant la grossesse
Ratio
-
-
+
2,75
-
+
-
6,5
-
+
+
17,8
+
-
-
+
-
+
18
+
+
-
42,5
+
+
+
51,1"
APD difficile 20,4 11,4 * p < 0,05 compar6 au groupe DL + ; ** DL +.
p <
0,01 compar6 au groupe
cm
10-
[
1~ Grossesse [ ] Postpartum
Odds
6,59
8'
116
6
C6phal6es du postpartum (Groupes Ceph + et Ceph - )
:P W
V/A
Ii N
Dorsala
Lombaire
Sciatique
Bassin
C6phal6es
Fig. 3. - - Intensit6 compar6e des douleurs de la grossesse et du postpartum. Lorsque les patientes exprimaient une douleur la lois pendant la grossesse et le postpartum, l'intensit6 de celle-ci 6tait significativement moins importante en postpartum ' pour les douleurs lombaires (n = 45) et les douleurs de type sciatique (n = 15). Douleurs dorsales (n = 10), douleurs pelviennes (n = 12), c6phal6es (n = 13) (* p < 0,05).
P a r m i les 200 patientes, 28 (14 % ) ont eu des c6phal6es dans le p o s t p a r t u m imm6diat, Les caract6ristiques des patientes des g r o u p e s C e p h + et C e p h - sont expos6es dans le t a b l e a u IV. II n ' y a pas eu de diff6rence statistiquement significative entre les diff6rents p a r a m 6 t r e s 6tudi6s, hormis p o u r la fr6quence des A P D , qui est plus 61ev6e dans le groupe C e p h + (21/28 v s 93/172; p < 0,05). P a r m i les patientes qui ont eu des c6phal6es dans le p o s t p a r t u m et qui ont b6n6fici6 d ' u n e A P D p e n d a n t le travail, la c6phal6e a 6t6 continue, non positionnelle et non calm6e p a r le repos en d6cubitus dorsal. U n e seule p a t i e n t e a eu une br6che d u r e - m 6 r i e n n e accidentelle, et ella ne s'est pas plaint de c6phal6es dans le p o s t p a r t u m imm6-
LOMBALGIES ET CI~PHALI~ES DU POSTPARTUM IMMFtDIAT
5
Tableau IV. - - Caract6ristiques d6mographiques des patientes avec et sans c6phal~es pendant le postpartum immediat. Les patientes avec des c6phal6es (Ceph +) ont eu plus souvent une APD que celles sans c~phal6es (Ceph -).
Treize patientes ont eu tl la fois des cEphal6es pendant la grossesse et le postpartum; l'intensit6 6tait 6quivalente (4,1 _+ 2,2 v s 4,3 + 2,6) (fig. 3). Le modEle logistique permet de s61ectionner deux variables comme facteurs associEs ~ la survenue d'une cEphal6e du postpartum: la c6phal6e pendant la grossesse (OR = 12,41 ; p < 0,0005) et I'APD (OR = 3,09; p < 0,04). Lorsque les patientes ont eu h la fois des c6phalEes pendant la grossesse et une APD pour l'accouchement, la probabilit6 de survenue d'une c6phal6e dans le postpartum est de 38,35.
Groupe Ceph + (n = 28)
Groupe Ceph (n = 172)
Age (arts)
27,9 _+ 6,2
26,9 + 4,9
Poids (kg)
69,1 + 8,5
71,9 _+ 12,1
Prise de poids (kg)
12,9 + 4,3
12,6 + 4,9
Primipares (%)
41,3
35,0
Ethnies (%)
10,7
11,6
Etudes primaires (%)
10,7
9,3
Dur6e du travail (rain)
4121 -+ 158
465 + 216
Salle de travail (min)
276 + 149
242 +_ 163
3 242 _+ 533
3 324 + 533
Poids de naissance (g) Allaitement maternel (%)
53,6
43,4
APD (%)
75
54,1"
DurEe APD (min)
202 _+ 121
218 + 113
* p < 0,05 compare au groupe Ceph +.
diat. Les cEphalEes n'ont pas 6t6 rapportEes h une poussEe tensionnelle ; dans le groupe 6tudiE, il ne figurait que des cas d'hypertension de la grossesse modErEe et pas de patientes toxEmiques sEvEres. Les patientes du groupe Ceph + ont eu plus de cEphalEes pendant la grossesse (p < 0,001) que celles du groupe C e p h - . Dans le postpartum immEdiat, les patientes du groupe Ceph + ont eu statistiquement plus de cervicalgies, plus de dorsalgies et plus de lombalgies que celles du groupe Ceph - (tableau V).
Tableau V. - - Frequence des c6phal6es pendant la grossesse et le postpartum. Dans le postpartum, les patientes du groupe Ceph + ont eu plus de cervicalgies, de dorsalgies et de Iombalgies que celles du groupe Ceph - . Grossesse Douleurs
Postpartum
Ceph + (n=28)
Ceph ( n = 172)
Ceph + (n=28)
Ceph ( n = 172)
Cervicales (%)
10,7
5,2
21,4
2,3***
Dorsales (%)
25
15,1
25
8,1"*
Lombaires (%)
67,9
56,4
57,1
Sciatiques (%)
50
31,9
7,1
CEphalEes (%)
46,4
17,5"**
APD (%)
75
54,1"
27,3** 8,7
* p < 0,05 compare au groupe Ceph + ; ** p < 0,01 compare au groupe Ceph + ; *** p < 0,00l compare au groupe Ceph +.
DISCUSSION
Si les travaux consacr6s exclusivement aux lombalgies et aux c6phal6es du postpartum sont paradoxalement assez peu nombreux, celles-ci pr6occupent grandement les anesthEsistes el: les patientes. Une 6tude retrospective [7] de 11 701 patientes, dont 4 766 ont bEnEfici6 d'une APD pour le travail ou la c6sarienne, portant sur l'incidence des lombalgies survenant dans les trois mois suivant la naissance et persistant au moins 6 semaines, a montr6 que le pourcentage de lombalgies 6tait significativement plus important chez celles qui ont eu une APD pour le travail que chez celles qui n'en ont pas eu. Lorsque la naissance a eu lieu par c6sarienne et en urgence, les patientes ayant eu une APD ont eu statistiquement plus de lombalgies que celles qui ont eu une anesth6sie g6nErale (AG). En revanche, si la cEsarienne 6tait programmEe, l'incidence des lombalgies 6tait identique, quel que soit le type d'anesthEsie. Les auteurs concluent que la responsabilit6 de I'APD dans la survenue des lombalgies est incontestable et que l'analg6sie procur6e et le bloc moteur induit par la technique favoriseraient les mauvaises positions sur la table d'accouchement. La responsabilit6 de la ponction elle-m~me 6tait 6cart6e, en raison de l'absence d'augmentation des lombalgies aprEs cEsarienne programm6e sous ADP. Reprenant la mEme sErie r6trospective, les m~mes auteurs [8] mettent en Evidence non seulement une augmentation significative des lombalgies aprEs APD obst6tricale, mais aussi des c6phalEes et des migraines en cas d'accouchement par voie basse. Malheureusement dans ces deux articles, les concentrations d'anesth6sique local ne sont pas indiquEes. Dans une autre 6tude retrospective [11] de 50 patientes, il a 6t6 montr6 que les lombalgies persistant plus de 6 semaines 6taient plus frEquentes aprEs dElivrance artificielle du placenta sous APD qu'aprEs AG. Aucun renseignement n'est fourni sur la dur6e du travail, ni sur la concentration de l'anesthEsique local. Une enqu&e prospective [2] chez 262 patientes qui ont accouch6 sous APD a analyse les rEponses
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fournies par les 167 patientes qui n'avaient pas eu de douleurs lombaires avant l'accouchement. Le pourcentage de lombalgies du postpartum a 6t6 de 46,7 %. La dur6e du travail a 6t6 statistiquement plus courte chez les patientes qui ont eu des douleurs lombaires du postpartum. Les ponctions difficiles ou multiples n'6taient pas un facteur favorisant les lombalgies du postpartum. Une 6tude prospective [1] de l'incidence des douleurs lombaires dans les 4 h 8 semaines suivant la naissance, chez 511 patientes ayant accouch6 par c6sarienne ou par voie basse, a montr6 que la fr6quence des douleurs lombaires 6tait identique au d6cours des accouchements par voie basse et des c6sariennes. Pour les patientes accouchant par voie basse, la fr6quence 6tait similaire, qu'il y ait eu APD ou non. En revanche, la fr6quence des lombalgies jug6es s6v6res par les patientes a 6t6 moins 61ev6e, mais de faqon non significative, au d6cours des accouchements par voie basse avec APD. Une 6tude prospective [6] de 1 039 patientes, interrog6es au 3e jour du postpartum, a mis en 6vidence 32,3 % de lombalgies dans le postpartum imm6diat. Les facteurs de risque 6taient : les douleurs lombaires avant l'accouchement, I'APD et la multiparit6. Chez les patientes sans ant6c6dents de rachialgies, l'incidence des lombalgies 6tait significativement plus 61ev6e chez les multipares qui avaient eu une APD. Dans la litt6rature, une seule 6tude [1] mentionne l'intensit6 de la douleur lombaire. Dans notre 6tude, le taux global de lombalgies du postpartum imm6diat est de 31,5 %, en accord avec ceux de la litt6rature [1, 6, 11]. Les facteurs pr6disposant h la survenue de lombalgies dans le postpartum imm6diat ont 6t6 I'APD, les lombalgies et les cervicalgies pendant la grossesse. A l'inverse de certains auteurs, nous n'avons pas observ6 d'influence de la parit6, du poids [6], ou de la dur6e du travail [2] sur la survenue de lombalgies du postpartum. De m~me, la dur6e de s6jour sur la table d'accouchement, la dur6e de I'APD et le mode d'accouchement ne sont pas apparus comme facteurs associ6s aux lombalgies du postpartum. En revanche, les lombalgies pendant la grossesse 6taient un facteur presque aussi important que I'APD. Nous avons not6 que les patientes du groupe DL + se plaignaient plus fr6quemment de dorsalgies, de cervicalgies et de c6phal6es dans le postpartum imm6diat que celles du groupe D L - . Ceci est ~ rapprocher du ~ postural cervical myofascial pain syndrome ~ [5], qui associe douleurs cervicales, c6phal6es et contracture de toute la partie sup6rieure du dos. Le m6canisme de la douleur lombaire est difficile ti interpr6ter, puisque la dur6e de s6jour sur la table d'accouchement et la dur6e d'APD sont identiques dans le groupe DL + et D L - . Ceci
P. PALOT ET COLL.
peut faire mettre en doute le r61e des positions forc6es rendues possibles par l'analg6sie et le bloc moteur [7, 8]. D'ailleurs, les tr6s faibles concentrations d'anesth6sique local que nous utilisons causent un bloc moteur clinique tr6s mod6r6. Les patientes du groupe DL + ont eu significativement plus de lombalgies et de cervicalgies pendant la grossesse que les patientes du groupe D L - et il peut ~tre sugg6r6 que les deux groupes de patientes avaient une approche diff6rente de la douleur. Ceci conduit h penser que si I'APD est un facteur associ6 ~ la survenue de lombalgies dans le postpartum, elle n'est peut-6tre pas un facteur causal. Comparer des r6sultats d'EVA imm6diats (J3) et des r6sultats d'EVA faisant appel ~t un souvenir (intensit6 de la douleur pendant la grossesse) peut para~tre contestable. En pratiquant l'interrogatoire, il est apparu que les patientes faisaient spontan6ment la comparaison entre les deux p6riodes. I1 nous semble donc important de souligner que la lombalgie du postpartum est 6valu6e comme moins intense que la lombalgie de la grossesse par les patientes du groupe DL +. Des 6tudes ont rapport6 l'incidence des c6pha16es du postpartum imm6diat [4, 9] apr6s accouchement avec ou sans APD. Les taux 6taient respectivement de 20 % [9] et 22,3 % [4] sans APD et de 18 % [9] et 19,4 % [4] lors d'accouchement sous APD. Une 6tude [10] prospective de 40 patientes, qui ont accouch6 sans APD, a rapproch6 les c6phal6es du postpartum de migraines 16g6res et observ6 leur survenue dans 37 % des cas; la c6phal6e survenait le plus fr6quemment entre le 3c et le 6e jour apr6s l'accouchement. Ceci est contemporain du d6but de la perte de poids qui suit l'accouchement. Toutefois, les auteurs [10] n'effectuant aucune comparaison statistique, il n'est pas possible de savoir si les patientes qui avaient des c6phal6es avaient une courbe de d6croissance pond6rale diff6rente de celles indemnes de c6phal6es. Aucune cause hormonale n'a 6t6 mise en 6vidence. En effectuant l'interrogatoire au 3e jour, il est possible que nous ayons saisi le taux le plus important de c6phal6es, mais le taux de 14 % que nous avons observ6 est inf6rieur a celui des autres 6tudes [4, 9]. Dans notre 6tude, les deux crit6res pr6dictifs de c6phal6es du postpartum sont la c6phal6e pendant la grossesse, et ~ un moindre degr6 I'APD. I1 est ~ noter que les patientes du groupe Ceph + ont eu significativement plus fr6quemment de cervicalgies, dorsalgies et lombalgies que les patientes du groupe Ceph - . Ceci se rapproche encore du ~ postpartum cervical myofascial pain syndrome ~ [5]. Mais, si les lombalgies ont 6t6 une g6ne douloureuse dans le postpartum imm6diat, facilement reli6es par les patientes ~ l'analg6sie p6ridurale obst6tricale, il ne faut pas oublier que la plainte la
LOMBALGIES ET CI~PHALI~ES DU POSTPARTUM IMMg:DIAT
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plus fr6quente 6tait due ~ la douleur de la contraction ut6rine et de l'6pisiotomie lorsqu'elle a eu lieu, donc directement en relation avec l'accouchement et non avec l'acte d'analg6sie.
2. CLARK VA, McQUEEN MA. Factors influencing backache following epidural analgesia in labour. Int J Obstet Anaesth, 1993 ; 2 : 193-196.
CONCLUSION
Les lombalgies du postpartum sont un 6v6nement fr6quent, dans la survenue duquel le r61e de I'APD doit ~tre r6examin6 ~ l'aide de s6ries importantes de cas. L'existence d'une c6phal6e du postpartum est certes moins fr6quente mais parfois plus invalidante pour les patientes ; le r61e de I'APD est probablement n6gligeable et m6rite aussi d'6tre v6rifi6 sur une s6rie plus longue. Les m6canismes de survenue de ces deux ph6nom6nes douloureux du postpartum ne nous paraissent pas clairement 6tablis. Remerciements : Les auteurs remercient Mesdames CoussoN, DOLIVET-LELOUP, FOURNIER, FUCHET et HI'NON, sages-femmes, qui ont effectu6 l'interrogatoire des patientes.
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Pr6cis de m6decine foetale et n6onatale. - - G. SCHLAEDER, J. MESSER, J. HADDAD, B. LANGER. - Springer-Verlag, 406 pages, 130 illustrations, Paris, 1993. Les auteurs ont congu un livre traitant des maladies fcetales et p6rinatales. L'originalit6 tient & la presentation des descriptions cliniques: p6riode ant6natale prise en charge & la naissance, conduite & tenir apr6s ta naissance. Les premiers chapitres, qui d6crivent les maladies par appareil, sont assez coherents, bien que la p6riode antenatale soit dans I'ensemble largement hypertrophiee par rapport & la p6riode n6onatale proprement dite. Les derniers chapitres sont un peu ,, fourre-tout ,, (par exemple: infections, grossesse et p6rinatologie), comme si les auteurs avaient cherch6 & combler les lacunes des chapitres prec6dents. Ainsi la pr6maturit6 est trait6e & la fin du livre, alors que les affections pulmonaires de la pr6maturit6 sont traitees au debut. La partie consacree & la th6rapeutique dans
chaque chapitre est tr6s restreinte et parfois mal actualisee. Par exemple, en cas de suspicion d'infection materno-fcetale, une trith6rapie de premiere intention est actuellement de r6gle et non plus une bitherapie, compte tenu de I'evolution de la sensibilite des souches vis6es. Malgr6 tout, cet ouvrage est un bon compromis de base qui sera utile aux etudiants en fin de scolarite et aux jeunes internes, car sa force est d'integrer I'ant6 et le postnatal, comme les auteurs •rannoncent dans leur preface. A c e titre, il peut 6tre utile aux internes d'anesthesie en stage d'obstetrique, afin qu'ils integrent les 616ments d6cisionnels de la demarche obst6trico-pediatrique. I. MURAT (Paris)