Échelle EDAAP 1. La douleur de la personne polyhandicapée : la comprendre et évaluer ses spécificités d’expression par une échelle

Échelle EDAAP 1. La douleur de la personne polyhandicapée : la comprendre et évaluer ses spécificités d’expression par une échelle

Motricité cérébrale 29 (2008) 45–52 Polyhandicap Échelle EDAAP 1. La douleur de la personne polyhandicapée : la comprendre et évaluer ses spécificit...

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Motricité cérébrale 29 (2008) 45–52

Polyhandicap

Échelle EDAAP 1. La douleur de la personne polyhandicapée : la comprendre et évaluer ses spécificités d’expression par une échelle The EDAAP 1 scale: A tool for apprehending the specific features of pain in the multiple handicapped patient F. Rondi a,*, P. Marrimpoey b, M. Belot c, A. Gallois d, J. Léger d, E. Pambrun d, M.-A. Jutand d a

IDE, hôpital Marin de Hendaye, AP–HP, B.P. 411, 64704 Hendaye cedex, France b HAD, pays de Saint-Malo et Dinan, AUB santé, France c Centre hospitalier Lannemezan, France d Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement, université Victor-Segalen Bordeaux-2, France

Résumé Comprendre la douleur de la personne polyhandicapée revient à évaluer l’expression de celle-ci, basée sur une observation fine de son comportement. Le corps étant son seul moyen d’expression, la personne polyhandicapée nous rappelle l’importance de l’enracinement de l’être dans le corps. Cet article présente donc une échelle d’hétéroévaluation de la douleur, mise en place à l’hôpital marin d’Hendaye, ainsi que les règles de son utilisation. Cette échelle d’Expression de la douleur adulte ou adolescent polyhandicapé (EDAAP) permet une évaluation fiable puisqu’elle a bénéficié d’une validation statistique en 2007 (voir article prochain numéro). Elle propose aux soignants de réaliser eux-mêmes, sans présence médicale, des dépistages de situations douloureuses. Les auteurs rappellent le caractère inacceptable de la douleur pour tout individu, a fortiori pour une personne lourdement dépendante, en soulignant la nécessité d’une prise en charge globale permettant au polyhandicapé de mieux habiter son corps et se sentir en confiance (stimulation basale notamment). # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Apprehending the pain experienced by a multiple handicapped patient requires knowledge of how the patient expresses pain and a careful observation of his-her behavior. It is essential to recall the importance of bodily expression, the patient’s only means of communication. This article presents an observer-assessment pain scale for multiple handicapped adolescent or adult patients developed at the Hendaye Marin Hospital as well as the instructions for use. The Expression de la Douleur Adulte ou Adolescent Polyhandicapé (EDAAP) scale was validated statistically in 2007. This scale enables healthcare personnel to screen for painful situations without specialized medical assistance. We recall that pain is unacceptable, whatever the person’s condition, a principle

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Rondi). 0245-5919/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.motcer.2008.04.003

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that most certainly applies to the dependent multiple handicapped patient. Emphasis must be placed on overall care in order to help the patient accept his-her body and acquire a certain degree of confidence (basal stimulation). # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Polyhandicap ; Évaluation de la douleur ; EDAAP ; Stimulation basale Keywords: Multiple handicap; Pain assessment; EDAAP; Basal stimulation

Dans l’éditorial Le Métayer M. Infirmité motrice cérébrale et polyhandicap. Motricité Cérébrale 2007; 28(4):147-148, nous informions nos lecteurs d’un pas important dans la collaboration entre le CESAPet le CDI en vue d’accorder une plus large place au polyhandicap dans la rédaction de la revue Motricité Cérébrale. Il nous plaît de souligner l’intérêt de cet article. 1. Introduction Ce travail se propose de présenter l’échelle d’hétéroévaluation de la douleur chez la personne adulte ou adolescente polyhandicapée. Celle-ci a été travaillée par le Comité de lutte contre la douleur (CLUD) de l’hôpital Marin de Hendaye en partenariat avec l’Institut de santé publique, épidémiologie et développement (ISPED) de l’université de Bordeaux-2 qui en a assuré la validation statistique. Lorsque nous avons débuté ce travail en 1999, nous ne savions pas qu’il nous occuperait pendant autant d’années ! Mais bien que les chemins professionnels des principaux promoteurs de ce projet aient pris des directions différentes, notre intérêt pour la personne polyhandicapée est resté intact et nos recherches ont permis d’aboutir à la création de cette grille dont la validation statistique vient de se terminer en 2007 et fera l’objet d’une présentation dans le prochain numéro de Motricité Cérébrale. Le test de validation statistique étant passé, nous pouvons donc vous proposer d’utiliser ce nouvel outil appelé « Expression de la douleur adulte ou adolescent polyhandicapé (EDAAP) » dans vos institutions. 2. Polyhandicap et douleur 2.1. Définitions La douleur est une expérience subjective d’un désordre physique. Selon la définition de l’International Association for Study Pain (IASP), la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à des lésions tissulaires réelles ou probables, ou décrite en fonction d’un tel dommage. L’intérêt de cette définition est d’insister sur l’expérience existentielle de

la douleur (sensorielle et émotionnelle) et de reconnaître l’existence d’une douleur en dehors de causes lésionnelles démontrées ou avérées. Cela revient à affirmer que toute expression de la douleur sera reconnue et validée, la personne douloureuse ne devant pas amener la preuve de sa douleur. Plusieurs facteurs interviennent dans l’expression de la douleur : une « composante sensorielle » (perception et discrimination), une « composante affective ou émotionnelle » (la douleur agresse, angoisse, fatigue, use, déprime. . .), une « composante cognitive » (perturbation de l’attention mentale, processus d’anticipation, d’interprétation, d’intellectualisation de la douleur), et une « composante comportementale » (ensemble des manifestations verbales et non verbales, observables chez la personne douloureuse). Le polyhandicap est défini comme un « handicap grave à expression multiple chez lequel la déficience mentale sévère est associée à des troubles moteurs entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation » [1]. Cette définition « classique » du polyhandicap a été à nouveau réfléchie quant à son évolution et de nombreuses associations comme le Groupe polyhandicap France (GPF) y ont contribué, proposant une vision plus globale de cette personne vulnérable : « Le polyhandicap est une situation de vie spécifique d’une personne présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu en cours de développement, ayant pour conséquences de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la construction des moyens de communication avec l’environnement, qui nécessite une aide humaine et technique proche, individualisée et continue. Il s’agit là d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et sociale au cours de laquelle certaines de ces personnes peuvent présenter de manière transitoire ou durable des signes de la série autistique. La situation complexe de la personne polyhandicapée nécessite, pour son éducation et la mise en œuvre de son projet de vie, le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de communication, le développe-

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ment des capacités d’éveil sensorimoteur et intellectuelles, l’ensemble concourant à l’exercice d’autonomies optimales. » La reconnaissance et l’évaluation de la douleur dans le domaine du polyhandicap posent encore de nombreux problèmes auprès des équipes professionnelles prenant en charge de telles personnes. Certains auteurs comme Bernard Durey affirment : « pour les polyhandicapés, nous n’avons pas d’autres prétentions que de soulager des souffrances » [2]. Peut-on distinguer ou opposer la douleur physique et la souffrance psychique ? Notre réponse est clairement : non. Nous rappellerons d’abord le statut déprécié du corps dans la représentation occidentale de l’homme. La gravité du handicap oblige la personne polyhandicapée à utiliser le corps pour exprimer ce qu’elle ressent, ses émotions et sa souffrance. Nous devons donc nous adapter à son mode de communication, l’aider à mieux habiter son corps pour mieux vivre, évaluer et traiter la douleur lorsqu’elle existe. 2.2. Comprendre la douleur La douleur chez la personne polyhandicapée est une expérience subjective aggravée par des difficultés de communication, au point que seule une échelle d’hétéroévaluation est possible, avec les problèmes d’interprétation inhérents à l’observation d’autrui. Cette évaluation de la douleur est en fait une évaluation comportementale de l’expression de la douleur. Chez les personnes polyhandicapées n’ayant pas la possibilité de parler nous observons essentiellement les expressions somatiques (émissions vocales, pleurs, cris, attitudes antalgiques, sensibilité au toucher. . .) et le retentissement psychomoteur (modifications du tonus, des mimiques, des mouvements du corps, de l’intérêt pour les personnes et l’environnement, des déstabilisations ou troubles du comportement). Cette évaluation ne peut qu’analyser l’expression de la douleur, basée sur l’observation de la personne. Ce qui s’observe est un mal-être, qu’il soit physique ou psychologique, en insistant sur cette impossibilité de dissocier les deux, mais en gardant à l’esprit que les difficultés d’expression des personnes polyhandicapées augmentent le risque de méconnaître une douleur physique. Pour nous, deux points sont essentiels :  l’observation est réalisée dans une lecture de l’unité psyché-soma où l’être et le corps sont confondus ;  l’observation doit s’accompagner d’une bonne connaissance de la personne, notamment de ses

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réactions sensorielles habituelles et des canaux de communication habituellement utilisés. L’entourage ou le personnel qui participe à l’évaluation doit être sensible, proche de la personne, quasiment un être familier : le toucher, l’observation, l’analyse et le contrôle lors des stimulations est ici essentiel. L’analyse de la douleur est déconcertante par :  le polymorphisme des sensations de douleur. Le seuil à partir duquel la douleur se manifeste semble constant pour chaque individu et varie d’un individu à l’autre. L’intensité de la douleur ne dit rien de la gravité de la cause. Il existe des débuts de cancers indolores et des caries dentaires insupportables. La personne polyhandicapée présente une palette diversifiée de sensations douloureuses : le clou des points d’appui, les fourmillements et picotements de l’immobilisme, les brûlures des gastrites et des reflux, les douleurs dites « exquises » lors des fractures, les fausses routes, les faux mouvements lors de la toilette ou de l’habillage, les douleurs dentaires, les otites, les encombrements pharyngés et bronchiques, les douleurs d’inconfort, les chocs et les tensions dus aux mouvements athétosiques. . .  l’impact sur l’état mental du sujet. L’homme ne se contente pas de souffrir. Il sait qu’il éprouve cette réalité, ce qui la redouble. Il ne vit pas sa souffrance seulement au présent : le souvenir de souffrances passées peut l’envahir, l’emmurer et l’empêcher de vivre le présent et le futur. Il y a une mémoire de la souffrance. Il existe donc une continuité, une transitivité, une réflexivité entre douleur physique et souffrance psychique. Il semble préférable de prendre en compte cette globalité plutôt que de vouloir les séparer. Ainsi, les distinctions entre douleur physique et souffrance psychique, entre douleur (passagère) et souffrance (douleur chronique) ne sont pas d’une grande pertinence du point de vue de la personne polyhandicapée douloureuse. 2.3. Spécificité de l’expression de la douleur chez la personne polyhandicapée De façon générale, le terrain psychologique initial semble jouer un rôle dans l’accroissement ou la diminution du sentiment de souffrance. La personne polyhandicapée échappe aux classifications psychiatriques classiques (comme l’autisme, la psychose. . .).

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Le développement psychologique va être altéré par les lésions cérébrales (cerebral palsy1), avec pour conséquences des difficultés de perception, d’intégration, de compréhension de soi et du monde environnant. La personne handicapée est mal lotie pour prendre conscience progressivement de son propre corps par rapport au monde extérieur, pour éprouver le sentiment de continuité d’être, indispensable à la maturation psychique. Le retard mental va limiter le développement psychologique et la rendre plus vulnérable aux traumatismes affectifs2, d’autant qu’elle a subi souvent des soins, des séparations, des hospitalisations, des placements à répétition. . . Notre expérience clinique nous oblige à relativiser cette supposée « fragilité psychologique des personnes polyhandicapées ». Elle est issue des représentations que nous projetons sur elles. Combien de douleurs, d’épreuves, de situations proches de la mort sont surmontées avec force et courage par ces personnes. Combien de fois avons-nous été étonnés par les ressources vitales dont elles font preuve ? La personne polyhandicapée est démunie pour prendre conscience d’elle-même : le corps est paralysé, l’exploration et les activités sont rendues difficiles par une mobilité réduite, la communication et la connaissance sont très limitées par l’absence de langage verbal et une scolarité inaccessible. Quelles expériences peuton avoir alors que, totalement dépendant, on ne peut pas se nourrir, se laver, s’habiller, se toucher, parler de soi et que, lorsque de petites expériences sont possibles, elles sont souvent répétitives, stéréotypées (balancements, mains dans la bouche. . .) ? Le corps étant son seul moyen d’expression, la personne polyhandicapée nous rappelle l’importance de l’enracinement de l’être dans le corps. Nous avons déjà noté le poids du corps pour la personne polyhandicapée :  il impose à la personne le réel douloureux : corps meurtri, paralysé, souffrant. . .  il est dépendant, il faut le soigner, l’entretenir. . .  de par l’absence de langage verbal, l’expression et la communication passent essentiellement par le corps.

douloureux, c’est parler le même langage ou le traduire. Or la personne polyhandicapée parle avec son corps. Elle n’a pas la possibilité de prendre de la distance. Tout le sujet est tiré vers le corps, un corps qui a beaucoup de difficultés à se mouvoir. La communication étant extrêmement difficile, le soignant doit interpréter les signes comme si le corps détenait un secret à mettre à jour. Déchiffrer des signes, tels des hiéroglyphes, voilà un des rôles nobles des accompagnateurs de la personne présentant un polyhandicap. Il est important de noter qu’il n’y a pas de langage infraverbal universel. Chacun détient sa propre langue que nous devons apprendre. Plus la personne présente des difficultés d’expression, plus les signes qu’elle doit utiliser sont polyvalents. Il faudra bien l’observer dans son rapport avec l’environnement et avec les autres pour avoir une évaluation individuelle la plus fine et précise possible.

3. Présentation de l’« EDAAP » 3.1. Pourquoi créer un nouvel outil ? Cette réflexion a commencé en 1999. En effet, après avoir listé les outils utilisés dans les autres établissements tels que l’échelle Doloplus3 en gériatrie et l’échelle de San Salvadour4 concernant la douleur de l’enfant polyhandicapé (DESS) [3], il s’est avéré qu’aucune n’était adaptée à une population adulte : les patients polyhandicapés âgés de 30 à 50 ans (et actuellement audelà de cet âge) ne peuvent être considérés comme des enfants, et encore moins des déments, et ce, malgré leur lourd passé d’« abandonnisme » et d’« hospitalisme ». Ainsi, une nouvelle grille d’évaluation a été conçue, répondant le plus possible à la population ciblée. Cet outil a été statistiquement validé en 2007. L’outil se veut simple, facile à utiliser, tout en respectant une approche globale de la personne polyhandicapée. Il peut être utilisé par les professionnels de santé sans la présence du médecin. Il est essentiel que cette évaluation se fasse par un binôme (au minimum) de soignants dont un infirmier. En amont,

Le langage constitue un élément essentiel dans l’analyse du phénomène douloureux. Interroger un 1 Pour nous, la paralysie est une des composantes fondamentales du polyhandicap. 2 Qui se structurent souvent sous la menace phobique qui consiste à surveiller tout le temps le maintien de l’image de base essentielle. Ce contrôle de soi et de l’environnement est extrêmement épuisant.

3 Échelle Doloplus : échelle d’hétéroévaluation de la douleur de la personne âgée non communicante. 4 Échelle de San Salvadour : cette échelle a été développée par Combe et Collignon, inspirée de la grille d’observation comportementale de la Douleur de l’enfant Gustave Roussy (DEGR). Il s’agit d’une échelle d’hétéroévaluation, élaborée spécifiquement pour les enfants polyhandicapés.

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une évaluation de l’état basal du patient non douloureux sera réalisée. Cet outil permet d’étudier l’expression de la douleur. Il est utilisé devant toute suspicion de douleur observée lors des modifications du comportement habituel du patient par les professionnels de santé. La spécificité de l’expression de la douleur de la personne polyhandicapée tient à son expression globale, corporelle et infraverbale. D’où l’importance de l’observation et surtout d’une observation avec une mesure : l’échelle d’hétéroévaluation. Pourquoi évaluer ? Pour donner de la valeur à un ou des symptômes, établir un langage et des références communes, faciliter la communication entre soignants, provoquer la décision de prescription, aider à la recherche d’une cause, contrôler les effets des antalgiques, notamment des morphiniques. 3.2. Composition de l’échelle EDAAP (Annexe A) Nous avons souhaité un outil simple : l’échelle comprend 11 items, repartis en deux parties :  retentissement somatique ;  retentissement psychomoteur et corporel. Chaque item est coté de 0 à 3, 4 ou 5. Le score maximal possible est de 41 points. L’expression de la personne polyhandicapée est dépendante de ses capacités. Il est donc important de bien les évaluer pour éviter des fausses reconnaissances, des erreurs d’appréciation, d’où l’intérêt d’une première évaluation, appelée évaluation de l’état de base, dans un contexte sans douleur. Nous déterminons ce profil de base qui prend en compte les particularités de chacun, sa fragilité, ses faiblesses, ses façons de communiquer. Ce profil sera modifié lors d’un épisode douloureux aigu ou lors d’un épisode psychopathologique aigu. Il faudra alors faire une seconde évaluation et la comparer avec l’évaluation de base. La grille ne mesure pas directement la douleur. En fait, l’expression du corps permet de déceler une éventuelle douleur lorsque celle-ci est différente du comportement habituel, car cette douleur peut avoir des retentissements sur l’humeur, le sommeil, l’appétit, l’investissement du patient sur lui-même, sur l’extérieur. L’évaluation prend donc en compte l’écart entre l’expression habituelle de la personne (avec toutes ses particularités) et l’expression perturbée dans l’hypothèse d’une douleur. Elle permet d’affirmer l’existence d’une douleur pour tout score supérieur

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ou égal à 7. Elle est confirmée par un retour progressif vers l’expression habituelle, sous traitement antalgique, que celui-ci comporte des moyens pharmacologiques, thérapeutiques physiques ou activités occupationnelles. 3.3. Utilisation de la grille EAADP L’utilisation est simple mais elle nécessite un petit apprentissage. Une cotation dure environ cinq minutes. Il est recommandé de faire l’évaluation en équipe, au minimum à deux personnes. On cote 0 en cas d’item inadapté. On ne peut pas, ni ne doit, comparer les scores de patients différents. La réévaluation sera systématique (toutes les deux ou trois heures, selon la durée d’action des antalgiques mis en place), jusqu’à la sédation des douleurs. L’échelle côte la douleur et non la dépression, la dépendance ou les fonctions cognitives. 3.3.1. L’expression du retentissement somatique On peut identifier un retentissement somatique par les caractéristiques suivantes :  les plaintes somatiques, qui sont des signes d’appel : les pleurs, les cris, les émissions vocales ;  le changement de mimique : le sourire, les mimiques faciales et le regard peuvent exprimer des sentiments et des émotions (joie, peur, tristesse, indifférence volontaire, fuite, opposition, bouderie, malaise. . .). Il est essentiel, par exemple, de faire comprendre à la personne la force de son regard et de ses mimiques. La communication non verbale permet de ne faire passer que des messages globaux et peu différenciés, donc le contexte doit être décrit pour éviter les erreurs d’interprétation ;  les positions antalgiques du corps : les positions inhabituelles qui cherchent à éviter la douleur ;  la protection des zones douloureuses ;  la perturbation du sommeil. 3.3.2. L’expression du retentissement psychomoteur et corporel On peut distinguer les caractéristiques suivantes :     

les modifications du tonus ; les mimiques ; l’expression du corps, l’agitation ; les réactions lors de soins douloureux ; les modifications des modes habituels communication : réactions aux interactions ;

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 les modifications de l’intérêt pour l’environnement : réactions aux stimulations et aux propositions d’activités ;  l’accentuation ou changement du comportement habituel. Certaines manifestations comme l’automutilation ou l’autoagression sont de bons indicateurs pour signaler une douleur interne, localisée ou non sur la zone douloureuse. Il existe une corrélation entre l’efficience cognitive, la maturité physiologique (fonctionnelle) et l’expression par les comportements. Les troubles du comportement sont à la fois des parasites qui brouillent l’observation et un signe parmi d’autres pour indiquer la douleur. Nous ne devrions réserver le terme de « trouble du comportement » qu’aux écarts entre le comportement habituel et le comportement observé. 4. Conclusion 4.1. Le primat du corps dans l’expression de la personne polyhandicapée Le dualisme corps/esprit influence notre représentation occidentale de l’être humain. On doit s’en défaire lorsqu’on s’occupe de la douleur et lorsqu’on prend en charge des personnes polyhandicapées, avec deux raisons majeures et incontournables : la douleur physique et la souffrance psychique sont particulièrement imbriquées qu’il est vain d’essayer de les dissocier ; la communication verbale étant impossible à la personne polyhandicapée, c’est par le corps qu’elle s’exprime et de plus avec des difficultés. Nous devons également penser le corps (avec un e). Hélas, la polysémie des signes et les difficultés de communication ne nous facilitent pas la tâche. 4.2. La douleur est inacceptable Toute personne cérébrolésée ou polyhandicapée est sensible à la douleur. Les hypoesthésies sont rares, même si elles sont impressionnantes. Il n’y a pas de beauté dans la douleur ni de raison pour la cultiver. Le « dolorisme », c’est-à-dire un amour plus ou moins morbide pour la douleur ou la souffrance n’a aucune justification philosophique, psychologique, artistique ou spirituelle. La douleur est un non-sens qui brouille l’existence du sujet. Nous devons évaluer et traiter la douleur. Il s’agit d’évaluer la douleur avec des outils adaptés aux canaux de communication de la personne polyhandicapée [4,5].

Il faudrait traiter médicalement la douleur : rechercher la cause et l’éliminer si possible. Elle doit toujours être identifiée ; utiliser des antalgiques, appartenant à l’un des trois paliers de l’OMS (y compris les morphiniques) selon l’intensité de la douleur. Un traitement global de la personne douloureuse sera déterminé. Des aménagements vont permettre un mieux être à la personne polyhandicapée douloureuse. L’activité et l’occupation rendent la douleur moins aiguë et envahissante. Or nous savons que les activités éducatives et artistiques sont très limitées avec les personnes polyhandicapées. D’autant plus que la participation, l’intérêt, la motivation sont réduits lorsqu’une douleur envahit notre vie. Les activités et les stratégies de détournement sont efficaces dans la prévention et l’accompagnement de la douleur : les activités d’animation, les ateliers créatifs, la musique, la relaxation, les séances Snoezelen, les sorties, le cinéma. . . 4.3. Mieux habiter son corps et se sentir en confiance On cherche à favoriser la perception de soi et à instaurer une relation de confiance. On maîtrise mieux la douleur lorsqu’on se connaît, lorsqu’on se sent bien compris, bien entouré. C’est un moyen de prévenir et de soulager la souffrance psychique. La pratique régulière de massages, de stimulations vibratoires, vestibulaires, de stimulations motrices, de bains. . . permettent, non seulement l’éveil, mais aussi de mieux habiter le corps. Les prises en charge globales (comme la stimulation basale [6], l’approche Affolter, l’intégration neurosensorielle) aident la personne polyhandicapée à ressentir un centre et une unité à la personne. Autant d’expériences utiles aux accompagnateurs : pour mieux connaître la personne, observer les réactions habituelles et potentiellement douloureuses ; pour établir une confiance, une compréhension si utile en cas de souffrance. Encore faut-il que cela soit intégré dans la vie quotidienne et pratiqué tous les jours ! Les personnes polyhandicapées ont besoin de s’enraciner. La prévention de la souffrance psychique passe par l’enracinement5 de l’être dans son corps, dans son histoire, dans sa famille, dans ses relations affectives et sociales. De même, nous les cérébraux assis ou les hyperactifs dispersés, nous devons mieux habiter notre corps pour pouvoir s’occuper des personnes présentant un polyhandicap. 5

Selon le terme cher à la philosophe Simone Weil : Weil S. L’enracinement. Gallimard. Essais Folio, 2001.

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Annexe A. Échelle EDAAP ÉVALUATION DE L’EXPRESSION DE LA DOULEUR ADULTE OU ADOLESCENT POLYHANDICAPÉ (EDAAP) NOM : Prénom : Pavillon : Date : RETENTISSEMENT SOMATIQUE PLAINTES SOMATIQUES

POSITIONS ANTALGIQUES AU REPOS

IDENTIFICATION DES ZONES DOULOUREUSES

SOMMEIL

1. Émissions vocales (langage rudimentaire) et/ou pleurs et/ou cris Em. voc. et/ou pleurs et/ou cris habituels ou absence habituelle. . . Em. voc. et/ou pleurs et/ou cris habituels intensifiés ou apparition de pleurs et/ou cris. . . Em. voc. et/ou pleurs et/ou cris provoqués par les manipulations. . . Em. voc. et/ou pleurs et/ou cris spontanés tout à fait inhabituels. . . Em. voc. et/ou mêmes signes avec manifestations neurovégétatives. . . 2. Attitude antalgique Pas d’attitude antalgique Recherche d’une position antalgique Attitude antalgique spontanée Attitude antalgique déterminée par le soignant Obnubilé(e) par sa douleur 3. Zone douloureuse Aucune zone douloureuse Zone sensible localisée lors des soins (visage, pieds, mains, ventre. . .), nommée : Zone douloureuse révélée par la palpation Zone douloureuse révélée dès l’inspection lors de l’examen Zone douloureuse désignée de façon spontanée Examen impossible du fait de la douleur 4. Troubles du sommeil Sommeil habituel Sommeil agité Insomnies (troubles de l’endormissement ou réveil nocturne) Perte totale du cycle nycthéméral (déséquilibre du cycle veille/sommeil)

RETENTISSEMENT PSYCHOMOTEUR ET CORPOREL TONUS 5. Tonus Tonus normal, hypotonique, hypertonique Accentuation du tonus lors des manipulations ou gestes potentiellement douloureux Accentuation spontanée du tonus au repos Mêmes signes que 3 avec mimique douloureuse Mêmes signes que 2 avec cris et pleurs MIMIQUE 6. Mimique douloureuse, expression du visage traduisant la douleur Peu de capacité d’expression par les mimiques de manière habituelle Faciès détendu ou faciès inquiet habituel Faciès inquiet inhabituel Mimique douloureuse lors des manipulations Mimique douloureuse spontanée Même signe que 1 - 2 - 3 accompagné de manifestations neurovégétatives EXPRESSION DU 7. Observation des mouvements spontanés (volontaires ou non, coordonnés ou non) CORPS Capacité à s’exprimer et/ou agir par le corps de manière habituelle Peu de capacité à s’exprimer et/ou à agir de manière habituelle Mouvements stéréotypés ou hyperactivité (si possibilité motrice) Recrudescence de mouvements spontanés État d’agitation inhabituel ou prostation Mêmes signes que 1 ou 2 avec mimique douloureuse Mêmes signes que 1 - 2 ou 3 avec cris et pleurs

Heures 0 1 2 3 4

0 1 2 3 4

0 1 3 3 4

0 1 2 3 4

0 1 2 3 4

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0 1 2 3 4 5

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0 0 1 2 3 4

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Annexe A (suite) RETENTISSEMENT PSYCHOMOTEUR ET CORPOREL INTERACTION LORS DES SOINS

COMMUNICATION

VIE SOCIALE INTERÊT POUR L’ENVIRONNEMENT

TROUBLES DU COMPORTEMENT

Heures

8. Capacité à interagir avec le soignant, modes relationnels Acceptation du contact ou aide partielle lors des soins (habillage, transfert. . .) Réaction d’appréhension habituelle au toucher Réaction d’appréhension inhabituelle au toucher Réaction d’opposition ou de retrait Réaction de repli 9. Communication verbale ou non verbale Peu de capacités d’expression de la communication Capacité d’expression de la communication Demandes intensifiées : attire l’attention de façon inhabituelle Difficultés temporaires pour établir une communication Refus hostile de toute communication 10. Relation au monde Intérêt pour l’environnement limité à ses préoccupations habituelles S’intéresse peu à l’environnement S’intéresse et cherche à contrôler l’environnement Baisse de l’intérêt, doit être sollicité(e) Réaction d’appréhension aux stimuli sonores (bruits) et visuels (lumière) Désintérêt total pour l’environnement 11. Comportement et personnalité Personnalité harmonieuse = stabilité émotionnelle Déstabilisation (cris, fuite, évitement, stéréotypie, auto- ou hétéroagression) passagère Déstabilisation durable (cris, fuite, évitement, stéréotypie, auto- ou hétéroagression) Réaction de panique (hurlements, réactions neurovégétatives) Actes d’automutilation

0 0 1 2 3

0 0 1 2 3

0 0 1 2 3

0 0 1 2 3

0 0 1 2 3

0 0 1 2 3

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0 0 0 1 2 3

0 0 0 1 2 3

0 1 2 3 4

0 1 2 3 4

0 1 2 3 4

TOTAL

Références [1] CTNERHI. Les multi handicapés. Enfants atteints de handicaps associés. Rapport d’un groupe d’étude. Paris: P.U.F.; 1985. [2] Durey B. Pratique du massage dans les psychothérapies à médiation corporelle. Nîmes: Éditions du Champ Social; 2001. [3] Collignon P, Giusiano B, Jimeno MT, Combe JC, Thirion X, Porsmoguer E. Une échelle d’hétéroévaluation de la douleur chez l’enfant polyhandicapé.In: La douleur chez l’enfant : échelles d’évaluation, traitements médicamenteux. Collection :

Recherche clinique et décision thérapeutique, Paris: Springer Verlag; 1993. [4] Winfried M. Basale kommunikation – Ein Weg zum andern, In: Geistige Behinderung, 23. Jg., Heft 1, Lebenshilfe Verlag, Marbourg, 1984. [5] Chauvie JM, Iribagiza R, Musitellii TH. La communication : un inventaire des modes d’expression et une approche « basale ». In: Aspeckte 57, Lucerne : Éditions du Secrétariat suisse de Pédagogie Curative et Spécialisée ; 1994. [6] Frohlich A. La stimulation basale. Lucerne : Éditions du Secrétariat suisse de Pédagogie Curative et Spécialisée ; 2000.