Effet de l’arrêt des corticoïdes au cours de l’urticaire chronique (étude prospective de 17 malades)

Effet de l’arrêt des corticoïdes au cours de l’urticaire chronique (étude prospective de 17 malades)

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 21—25 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MÉMOIRE ORIGINAL Effet de l’arrêt des co...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 21—25

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

MÉMOIRE ORIGINAL

Effet de l’arrêt des corticoïdes au cours de l’urticaire chronique (étude prospective de 17 malades) Impact of corticosteroid withdrawal in chronic urticaria: A prospective study of 17 patients F. Augey ∗, I. Guillot-Pouget, N. Gunera-Saad, F. Berard, J.-F. Nicolas Service d’immuno-allergologie, pavillon Dufourt, centre hospitalier Lyon-Sud, université Claude-Bernard Lyon-I, 69495 Pierre-Bénite cedex, France Rec ¸u le 8 f´ evrier 2007 ; accepté le 29 juin 2007 Disponible sur Internet le 22 janvier 2008

MOTS CLÉS Urticaire chronique ; Corticothérapie



Résumé Introduction. — Bien que deux auteurs aient rapporté un bénéfice de l’utilisation des corticoïdes généraux dans l’urticaire aiguë, la conférence franc ¸aise de consensus a souligné l’absence d’intérêt dans l’urticaire chronique idiopathique et la rareté des études. Afin de juger de l’utilité des corticoïdes généraux dans l’urticaire chronique sévère, nous avons suivi une cohorte de malades ayant accepté de les interrompre pendant un an. Malades et méthodes. — Cette étude prospective monocentrique s’intéressait à des malades adultes (1) ayant une urticaire chronique idiopathique selon les critères de la conférence franc ¸aise de consensus, (2) avec au moins deux critères parmi les trois suivants : prurit insomniant, œdèmes segmentaires répétés, signes extracutanés, (3) peu ou non améliorés par les antihistaminiques H1 (anti-H1), (4) prenant des corticoïdes généraux plus de deux jours par mois. Les modalités de l’arrêt des corticoïdes généraux, rapide ou progressif, étaient adaptées à chaque cas. Un double traitement anti-H1 était institué d’emblée et un suivi évolutif réalisé deux, quatre et 12 mois après arrêt complet des corticoïdes généraux. Résultats. — Parmi les 17 malades inclus (sex-ratio H/F : 0,54 ; âge moyen : 40 ans), sept avaient des signes extracutanés (fièvre, arthralgies et douleurs diverses), neuf une urticaire retardée à la pression et trois une vasculite histologique cutanée idiopathique. Les corticoïdes généraux étaient pris avant inclusion trois à 30 jours par mois. Trois malades avaient essayé sans succès des traitements alternatifs, notamment des immunosuppresseurs. À l’arrêt des corticoïdes généraux ont été observés (1) un rebond passager de l’urticaire chronique dans 47 % des cas,

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Augey).

0151-9638/$ — see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2007.06.003

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F. Augey et al. (2) trois échecs avec sortie d’étude à quatre mois, (3) une rémission complète à 12 mois dans six cas (35 %) dont trois avec urticaire retardée à la pression, (4) une rémission partielle dans huit cas (47 %) dont cinq cas d’urticaire retardée à la pression (5) une disparition constante des signes associés. Discussion. — Cette étude tend à montrer que les corticoïdes généraux sont peu utiles dans la prise en charge de l’urticaire chronique, car l’inefficacité des anti-H1 n’est le plus souvent que temporaire. À l’arrêt des corticoïdes généraux ont été observés fréquemment un rebond temporaire de l’urticaire chronique et une constante rémission des signes cliniques extracutanés et/ou de vasculite. Cela suggère que la résistance aux anti-H1 peut être favorisée par les corticoïdes généraux. Leur utilisation dans l’urticaire retardée à la pression n’apparaît pas non plus justifiée et nous recommandons, en l’attente d’une indispensable étude contrˆ olée, une extrême modération de leur prescription au cours de l’urticaire chronique. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Chronic urticaria; Corticosteroid treatment

Summary Background. — Although two reports have indicated benefits of oral steroids in acute urticaria, the 2003 French guidelines emphasized their inefficacy in the treatment of idiopathic chronic urticaria, and the lack of studies. We present the results of a prospective study in 17 patients presenting severe chronic urticaria who agreed to stop taking oral steroids over a one-year period. Patients and methods. — This single-centre prospective study included adults (1) presenting chronic urticaria as defined by the French consensus conference committee on chronic urticaria (2003), (2) exhibiting at least two of the following three criteria: sleep disturbance due to itching, repeated angiœdema, general symptoms; (3) unresponsive or mildly improved by antihistaminic (anti-H1) therapy; (4) receiving oral steroids at least three days per month. After inclusion in the study, oral steroids were stopped either immediately or gradually, on a case-by-case basis. Two different anti-H1 agents were prescribed at inclusion with follow-up visits two, four and 12 months after complete withdrawal of oral steroids. Results. — Seventeen patients were included (M/F sex-ratio: 0.54; mean age: 40 years). General signs (fever, arthralgia, various pains), delayed pressure urticaria, and idiopathic cutaneous vasculitis were noted respectively, in seven, nine and three cases. Oral steroids had been taken for three to 30 days per month before inclusion. Three patients had received prior treatment (e.g., immunosuppressants), with no improvement. After withdrawal of oral steroids, (1) 47% of patients presented a short relapse and/or worsening of chronic urticaria, (2) three patients dropped out of the study at four months (persistence of chronic urticaria unacceptable to patients, despite a clinical score showing mild response), (3) six (35%) had complete remission of chronic urticaria at 12 months, with delayed pressure urticaria in three of these cases, (4) eight (47%) had partial remission, five of whom had delayed pressure urticaria, (5) lasting remission of general symptoms. Discussion. — Our study shows that most cases of chronic urticaria are managed without oral steroids since inefficacy of anti-H1 drugs is generally only temporary. After withdrawal of oral steroids, a short increase in chronic urticaria was frequently observed with constant remission from extracutaneous signs and/or histological evidence of vasculitis. We suggest an active role of oral steroids in the failure of anti-H1 therapy. Moreover, oral steroids do not seem to confer any benefits in delayed pressure urticaria, and pending further prospective controlled studies, we recommend that these drugs be prescribed sparingly in chronic urticaria. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Parmi les malades atteints d’urticaire chronique (UC), 1,5 à 45 %, selon les études, sont peu améliorés par les antihistaminiques H1 (anti-H1) [1] entraînant un recours aux corticoïdes généraux (CG) ou à des traitements d’exception. Il est en effet admis que d’autres médiateurs que l’histamine peuvent être impliqués dans la physiopathologie de l’UC [2]. La place des CG dans le traitement de l’UC est cependant controversée. Bien que deux études aient montré un bénéfice modeste en phase aiguë [3,4], le jury de la conférence de consensus franc ¸aise de 2003 a

considéré qu’ils n’ont pas de place dans le traitement de l’UC idiopathique [5]. Un des experts exprimait notamment la crainte d’épuisement de leur effet à long terme, voire d’aggravation avec corticodépendance [6]. Certains auteurs les considèrent comme utiles dans les formes sévères, autoimmunes ou avec vascularite [7,8]. Ces recommandations ne s’appuient cependant que sur un faible niveau de preuves du fait de la rareté des études dans cette pathologie fréquente, invalidante et propice au nomadisme médical. Afin de juger de l’utilité des CG dans l’UC sévère, nous avons suivi

Effet de l’arrêt des corticoïdes au cours de l’urticaire chronique (étude prospective de 17 malades)

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pendant un an une cohorte de malades ayant accepté de les interrompre.

en l’absence d’urticaire le mois précédent, et l’échec, justifiant la sortie d’étude à M4.

Malades et méthodes

Résultats

Les malades inclus dans cette étude prospective ouverte monocentrique de novembre 2003 à décembre 2005 étaient des adultes souffrant d’urticaire chronique « idiopathique » sévère et traités par CG plus de deux jours par mois. L’urticaire était quotidienne ou présente plus de trois jours par semaine. Le caractère « idiopathique » était affirmé après un interrogatoire soigneux, précisant notamment le traitement général du malade, et par la normalité des examens clinique et biologique préconisés par la conférence de consensus de 2003 (numération formule sanguine, plaquettes, vitesse de sédimentation, anticorps antithyroïdiens, transaminases). Un examen histologique cutané et un dosage du taux d’anticorps antinucléaires étaient réalisés si les données cliniques orientaient vers une urticaire systémique, les dosages pondéral et fonctionnel de C1 inhibiteur en cas d’œdèmes segmentaires répétés. Le bilan était élargi si nécessaire. L’urticaire était qualifiée de sévère en l’absence de soulagement par les antiH1 (amélioration de moins de 75 % du nombre et/ou de l’intensité des crises) et si le malade souffrait d’au moins deux des trois manifestations cliniques suivantes : • un prurit insomniant ou générateur d’un état dépressif ; • des œdèmes segmentaires (angiœdème) répétés ; • des symptômes extracutanés lors des poussées.

Dix-sept malades ont été inclus dans l’étude : il s’agissait de six hommes et 11 femmes (sex-ratio : 0,54) âgés de 21 à 72 ans (moyenne : 40 ; médiane : 38) qui avaient une urticaire sévère depuis six semaines à dix ans (moyenne : 48 mois ; médiane : 36). Un ou plusieurs signes généraux étaient concomitants des crises d’urticaire chez sept malades : fièvre (n = 3), arthralgies (n = 2), douleurs abdominales (n = 1) ou rétrosternales (n = 4). Dans un cas, l’intensité des douleurs thoraciques avait fait craindre, à tort, une péricardite. Neuf des 17 malades décrivaient en outre une symptomatologie typique d’urticaire retardée à la pression (URP), dans un délai minimal de deux heures après l’événement déclenchant (port de charges lourdes, autres travaux de force. . .) à type notamment d’œdèmes douloureux palmoplantaires ou des grosses articulations (Tableau 1). Onze malades atteints d’urticaire sévère n’ont pas été inclus dans l’étude pour divers motifs : • l’absence de prises récentes (n = 4) ou même anciennes de corticoïdes (n = 2) ; • le refus du protocole (n = 1) ; • la mise en évidence d’antithyroperoxydases à taux élevé (n = 3).

Les malades devaient accepter l’arrêt des corticoïdes et de se traiter que par l’association de deux anti-H1 (au choix du prescripteur), auxquels pouvait être adjoint du tritoqualine (Hypostamine® ) lors des poussées. Ce dernier était prescrit dans le but de limiter le risque de reprise des corticoïdes et donc d’exclusion du protocole. Ils étaient informés de la possibilité d’une recrudescence de l’UC dans les jours ou semaines suivant cet arrêt. Les modalités du sevrage en CG étaient discutées au cas par cas : • l’arrêt immédiat si la corticothérapie était jugée modérée ; • le relais par hydrocortisone, puis arrêt en deux mois (après test fonctionnel surrénalien) dans le cas contraire. Les critères de non-inclusion étaient l’âge inférieur à 18 ans, la prise d’inhibiteurs d’enzymes de conversion ou de sartans, une anomalie des examens complémentaires décrits ci-dessus à l’exception de la mise en évidence d’une vasculite cutanée isolée et/ou d’un taux d’anticorps antinucléaires inférieur à 1/640. En cas de non-observance du protocole thérapeutique, le malade était exclu de l’étude. Les malades étaient revus en consultation deux et quatre mois après arrêt complet des CG. À 12 mois, une consultation ou un entretien téléphonique était réalisée. Une rémission partielle (RP) était définie par une diminution des deux tiers au moins de la fréquence mensuelle des crises invalidantes (entraînant une réduction d’activité). Les alternatives étaient la rémission complète (RC),

Les CG chez les malades inclus étaient pris trois à 30 jours par mois, administrés le plus souvent par voie orale, parfois intraveineuse. Une malade (no 9) avait rec ¸u des bolus de méthylprednisolone, car une maladie de Still avait été initialement suspectée. Tous avaient jugé les anti-H1 peu ou pas efficaces, même associés entre eux ou à un antihistaminique H2. Trois malades avaient rec ¸u sans succès des traitements alternatifs : montelukast, hydroxychloroquine pour les deux premiers ; doxepine, divers immunosuppresseurs et veinoglobulines pour le dernier (dont la consommation de CG était la plus élevée de notre étude). Le bilan paraclinique de l’urticaire, le plus souvent répété et élargi du fait d’un nomadisme médical avant inclusion, était normal chez 14 malades. Les trois autres avaient une vasculite cutanée, lymphocytaire (n = 2) ou leucocytoclasique (n = 1). L’immunofluorescence directe était négative chez deux de ces malades (malgré un taux faible d’anticorps antinucléaires), et n’a pas été réalisée dans le troxième cas (Tableau 1). Quatre malades ont eu une exploration de l’axe corticosurrénalien mettant en évidence une inertie iatrogène surrénalienne (n = 3) ou corticotrope (n = 1) et justifiant un sevrage progressif. Une recrudescence initiale de l’urticaire a été observée chez huit malades, durant deux à 40 jours (en moyenne : 17 jours). L’évolution de l’urticaire des 17 malades est détaillée dans la Figure 1 et le Tableau 2. Parmi les neuf malades ayant une URP associée à l’urticaire commune, cinq étaient à un an en RP et trois en RC.

Discussion Cette étude montre que les CG sont le plus souvent inutiles dans la prise en charge au long cours de l’UC et semblent

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F. Augey et al.

Tableau 1 Données cliniques, paracliniques et évolutives des 17 malades atteints d’urticaire chronique sévère avant et 12 mois après sevrage des corticoïdes généraux.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

Sexe

Âge (ans)

Ancienneté (mois)

URP

H F F F H H F H F H H F F F F F F

27 21 44 41 45 36 44 38 38 44 38 34 35 58 24 42 72

2 1,5 3 9 2 6 36 36 1,5 72 75 78 84 12 120 5 50

+ + + + + +

Signes associés

Anomalies paracliniques

Évolution à un an

Vly

RP RC RC RP RC RP RP Échec RC RP RP RC RP RC Échec Échec RP

D. abdominales Fièvre élevée Acan : 1/320 ;Vly ; IFD − Fièvre, D. rétrosternales

Arthralgies +++ + + +

Acan : 1/80 ;VL ; IFD − D. rétrosternales

Fièvre, arthromyalgies D. rétrosternales

URP : urticaire retardée à la pression ; Vly : vasculite lymphocytique ; VL : vasculite leucocytoclasique ; IFD : immunofluorescence directe ; D : douleur ; RP : rémission partielle ; RC : rémission complète.

même parfois l’aggraver. En effet, alors que les malades étaient considérés avant inclusion comme résistant aux antihistaminiques et traités par CG, les trois-quarts d’entre eux ont, à l’arrêt de la corticothérapie, été nettement ou complètement soulagés par un traitement symptomatique banal associant anti-H1 et tritoqualine. Cette restauration de l’effet des anti-H1 peut-être attribuée à divers facteurs : • l’effet « protocole », par une information renouvelée sur la maladie et une meilleure observance du traitement ; • l’adjonction de tritoqualine ; • les prescriptions antérieures d’anti-H1 insuffisantes en nombre et en durée ; • l’interruption des corticoïdes. « L’effet protocole » a pu jouer un rôle important dans cette maladie volontiers désespérante. Cependant, trois

malades avaient déjà été pris en charge de manière prolongée en milieu hospitalier où d’autres protocoles incluant des anti-H1 et des traitements d’exception avaient été essayés sans succès. Le tritoqualine, préconisé dans notre étude pour éviter un recours injustifié aux stéroïdes lors des poussées, n’a qu’un effet modeste (à ce jour non démontré) dans l’UC et a toujours été utilisé de manière discontinue par les malades. La troisième hypothèse « insuffisance de prescription antérieure des anti-H1 » est peu vraisemblable. En effet, tous les malades avaient rec ¸u plusieurs anti-H1, parfois pendant plusieurs années pour ceux qui avaient un long passé d’UC. Une partie au moins des améliorations observées nous semble être en fait directement liée à l’arrêt des CG. Deux des malades décrivaient que leur UC avait été sensible aux anti-H1 pendant plusieurs années, puis y était devenue résistante peu de temps après l’introduction des CG. Une symptomatologie d’URP était alors apparue. Les données d’interrogatoire des autres malades étaient moins précises.

Tableau 2 Évolution de l’urticaire après arrêt des corticoïdes (n = 17). *

M2 M4 M12 Figure 1. Évolution de l’urticaire deux, quatre et 12 mois après sevrage en corticoïdes généraux. RP : rémission partielle ; RC : rémission complète.

Échecs (%)

2 (12) 3 (17) 3 (17)

Rémission partielle (%)

13 (76) 7 (41) 8 (47)

Rémission complète ST

AT

Total (%)

1 2 6

1 5 0

2 (12) 7 (41) 6 (35)

M : mois ; ST : sans traitement ; AT : avec traitement anti-H1. * Nombre de mois après arrêt des corticoïdes généraux.

Effet de l’arrêt des corticoïdes au cours de l’urticaire chronique (étude prospective de 17 malades) La constatation d’un rebond de la symptomatologie presque une fois sur deux à l’arrêt des CG est un deuxième argument important. Elle accrédite l’idée d’un risque de corticodépendance dans l’UC. Celle-ci pourrait s’installer, selon notre expérience, après quelques jours seulement de traitement continu, mais aussi au cours d’un traitement intermittent. La régression en quelques mois des signes cliniques et/ou histologiques atypiques, ayant fait évoquer une urticaire systémique chez sept des 17 malades, est un autre élément remarquable de notre étude. L’évolution a ainsi été favorable chez les trois malades avec vasculite lymphocytaire ou leucocytoclasique. Cela confirme la grande hétérogénéité du syndrome « vasculite urticarienne » [9] et le fait qu’un tel aspect histologique n’est pas obligatoirement corrélé à une urticaire systémique notamment en l’absence de purpura palpable, de nécrose, de livédo, de nodules, de dépôts vasculaires d’immunoréactants et d’hypocomplémentémie [10—12]. De même, les signes extracutanés tels qu’arthralgies, fièvre, douleurs thoraciques n’ont pu être reliés à aucune cause systémique d’urticaire dans notre série et n’ont pas eu non plus de signification pronostique. Un bilan complémentaire était cependant justifié pour écarter les authentiques, mais rares urticaires systémiques observées au cours des dysglobulinémies, des connectivites ou dans le syndrome de Mac Duffie [13]. Des épisodes fébriles peuvent également amener à discuter les exceptionnelles fièvres périodiques qui débutent le plus souvent dans la petite enfance [14]. Les signes extracutanés étant parfois au premier plan, l’urticaire peut être négligée dans la démarche diagnostique ce qui entraîne une prise en charge inadaptée. Une péricardite et la maladie de Still avaient été ainsi envisagées chez deux des malades (entraînant des bolus de corticoïdes dans le second cas). Cette confusion est également illustrée par la création en 1987 de l’acronyme AHA par une équipe rhumatologique d’après la triade angiœdème (A), poussée d’urticaire (H : « hives »), arthralgies ou arthrites (A). Ces symptômes étaient présents chez leurs neuf malades, très majoritairement des femmes, et le bilan paraclinique n’était pas informatif [15]. Ils étaient également associés chez deux de nos malades (nos 9 et 16). Cet acronyme témoigne d’une certaine méconnaissance de la richesse séméiologique de l’urticaire, notamment de l’URP, non discuté dans l’article princeps. L’URP peut en effet générer des œdèmes articulaires pseudoarthritiques et s’associe fréquemment à une urticaire commune. Il s’agit de la forme la plus invalidante d’UC, car la composante douloureuse répond peu aux anti-H1. Les traitements alternatifs (sulfones, colchicine, indométacine. . .) sont d’efficacité très inconstante [16—18], amenant souvent à prolonger une corticothérapie générale débutée avant l’avis spécialisé. Neuf des 17 malades avaient une URP, toujours associée à une urticaire commune. Dans deux cas cette URP avait succédé de manière certaine à la prise de corticoïdes. Un an après l’arrêt des CG, un tiers des malades était en rémission complète sans traitement et plus de la moitié (cinq sur neuf) en rémission partielle (les crises survenant alors essentiellement après un stress psychologique). À la lumière de notre étude, les CG apparaissent donc également peu utiles et parfois délétères dans la prise en charge de l’URP.

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Ainsi, la résistance ou l’échappement aux anti-H1 apparaît souvent transitoire lors de la prise en charge d’une urticaire. Il ne faut donc pas les écarter prématurément. Après un bilan complémentaire limité, conforme aux recommandations de la Conférence de consensus, un suivi régulier par le dermatologue nous semble nécessaire, notamment pour faire prendre conscience au malade de la dimension psychologique de sa maladie. Une étude prospective randomisée pourrait préciser la place des CG, mais notre étude ouverte incite pour l’instant à limiter davantage encore leur prescription.

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