Ann FrAnesth Rkanim Q Elsevier, Paris
1998 ; 11 : 1241-g
Cas clinique
Efficacitt! de l’acide valproi’que sur les myoclonies d’action postanoxiques (syndrome de Lance et Adams) L Liron’, 1Service
de &animation,
2service
M Chambostt, de neurologie,
P Depierre2*,
centre
hospitalier
Nous rapportons le cas d’un patient qui, a la suite d’un arret cardiorespiratoire transitoire, a present6 des myoclonies d’action postanoxiques, c’est-a-dire un syndrome de Lance et Adams. Les benzodiazepines (clonazepam, midazolam, diazepam) sont restees inefficaces. L’acide valprolque a permis une evolution favorable avec une disparition complete des myoclonies. L’epilepsie et les myoclonies d’action postanoxiques, dont les pronostics neurologiques respectifs sont tres differents, doivent 6tre distinguees precocement afin d’eviter un retard dans la prise en charge therapeutique efficace. 0 1998 Elsevier, Paris syndrome valprdique
de Lance
et Adams
/ myoclonies
/ acide
ABSTRACT Effect of valproic acid sodium on postanoxic action myoclonus (Lance-Adams syndrome). We describe the case of a patient who experienced postanoxic action myoclonus after a transient cardiopulmonary arrest. Whereas benzodiazepines (clonazepam, midazolam, diazepam) were inefficient, valproic acid allowed a full control of the myoclonus. It is essential that the distinction between postanoxic action myoclonus and posthypoxic seizures is made early to avoid a delayed appropriate therapy and erroneous prognostic conclusions. 0 1998 Elsevier, Pans Lance-Adams
* Correspondance Requ le 6 janvier
syndrome
I myoclonus
et rirb d part 1998: acceptk aprbs r&vision
I valproic
en aoi3 1998
acid
gt%ral,
D Peillon’,
C Cornbe’
BP 436, 69400
Villefranche-sur-SaBne,
France
Le syndrome de Lance et Adams est une encephalopathie postanoxique consecutive a un arrCt cardiaque et se traduisant par des myoclonies [l]. Celles-ci peuvent &.re B l’origine de problemes diagnostiques et therapeutiques. Nous rapportons un tel cas qui a reagi tres favorablement 21un traitement par I’acide valproi’que se1 de sodium (DCpakine@).
OBSERVATION IJn homme de 30 ans, incarcbe en maisond’arret, ttait dtcouvert inconscient danssacellule lors d’une ronde. 11 s’agissait d’un toxicomane h l’herome, atteint d’une htpatite C chronique, VIH dgatif, et qui avait debut6 le meme jour un traitement substitutif par methadone en vue d’un sevrage.Du fait des gaspsrespiratoireset d’un pouls ma1percu, le mtdecin de la maison d’arret avait entrepris un massagecardiaque et une ventilation au masque, apres avoir prtvenu les secours medicalis&. Une activit6 cardiaquespontaneeetait not&ea la prise en charge par le Smur dans le quart d’heure suivant. Le patient Ctait en coma avec apnte, score de Glasgow 13, mydriase bilattrale. Le transfert en milieu hospitalier Ctait rtalise souscouvert d’une intubation orotrachtale et ventilation mecanique, sans sedation. A l’arrivee en reanimation, l’apparition de convulsions gentralisees, alors que le sujet Ctait toujours inconscient, motivait l’administration de thiopental (0,5 mgekg-i.h-1) et de midazolam (0,3 mg.kg-‘hi), ainsi que des injections de diazepam (20 mg.j-1). Ce traitement permettait de contrbler les convulsions. Un premier EEG realise le jour meme montrait une activite cerebrale ralentie, saris anomaliesparoxystiques, compatible avec l’administration de thiopental. Les mouvements cloniques reappa-
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I, Lhn
raissaient rapidement et Ie tabieau Cvoquait un Ctat de ma1 Cpileptique. Les EEG rCalis& au cows des 48 prem&es heures invalidaient cette hypothkse en ne montrant aucune anomalie paroxystique d’allure kpileptique, alors que les enregistrements avaient lieu en p&ode de crise. Le tableau clinique s’orientait alors vers des myoclonies diffuses. Elles se caract&isaient par leur exacerbation lors de stimulations sensorielles, tactiles et auditives. Leur persistance, avec une ClCvation des CPK, motivait une curarisation continue par cisatracurium (0,15 mg.kg’.h-‘) A partir de la 72e heure, afin d’kviter une hyperthermie et une rhabdomyolyse. Le traitement initial &ait alors arr&t$ et remplact par le clonazCpam (5 pgekg-g-h-1) associC au drop&idol (OJO mg-kg-l-h-‘). A l’arr& de la curarisation et de Ia s&iation, au 5” jour, on constatait d’une part la rdactivation des myoclonies et d’autre part, le reveil du patient avec ouverture des yeux et comprt5hension des ordres simples. Le bilan toxicoIogique initial n’avait mis en tvidence que la pr&ence de mkhadone dans les urines. La posologie de la m&hadone, d’emblCe maximale (70 mg.j-l), pouvait expliquer la survenue de 1’arrCt cardiorespiratoire. La TDM cQCbrale rbaliske au premier jour ttait strictement normale, de mCme que 1’6chographie cardiaque. La ponction lombaire ne montrait qu’une discrbte hypoprottinorachie. Les cholinest&ases plasmatiques n’&aient pas abaisskes. Une IRM cCr6brale &alis& au 1le jour, aprks le rkveil du patient, &it normale. Les exigences t~hniques de cet examen faisaient utiliser pour la skdation le propofol, 9 une dose variant de 5 ZI 8 mg.kg’-h-1, qui se rCvClait active sur les myoclonies, ce qui 6vitait de recourir g une curarisation.
Le diagnostic de syndrome de Lance et Adams Ctait &wqu~Z aprks I’extubation de la trachke au 7e jour, et incita ?I dtSbuter un traitement par Depak.ine@’ A liberation prolongCe. Des myoclonies persistaient durant quelques jours, uniquement lors de gestes volontaires. Elles &taient associ6es B un syndrome c&Cbelleux (ataxie, hyperm~trie) et 2 des troubles d’Clocution B type de begaiement. L’atteinte de concentrations plasmatiques thtrapeutiques d’acide valprdique co’incida avec la disparition de tout signe neurologique. La marche sans 6largissement du polygone de sustentation &ait possible, de mCme que les gestes fins de la vie courante. Cependant I’absence de certitude quant & l’efficacite propre de l’acide valprdique dans cette indication a conduit ZI interrompre momentan6ment cette thirapeutique, le temps de constater une d&gradation objective de 1’Ctat clinique avec r~apparition du ~gaiement et des my~lo~es, res-
et al
ponsables de chutes 2 la marche. 1-e patient, &ant connu pour &tre un simulateur, une autre forme galCnique du mCdicament (D&pakine@ gouttes) ttait administr&e B son insu et se r&&la effcace.
DISCUSSION Cette observation a conduit B envisager diffdrentes hypothbses &iofogiques : a) un syndrome skrotoni-
nergique devant l’association initiale de myoclonies, d’une hyperthermie, d’un coma et d’une hypertonie de type pyramidal; cette hypothkse a cependant & vite &zartCe du fait de l’kvolution prolongke (plus de 48 heures) des myoclonies, b) une intoxication par un produit ayant un cycle entkohkpatique responsable de la persistance de la scene clinique, mais la pose d’une sonde duodCnale en aspiration deuce n’a apportk aucune amklioration. Les myoclonies d’action postanoxiques, retenues comme diagnostic final, ont et& initialement d&rites par Lance et Adams en 1963 [l]. Elles sont une complication rare de l’arrb cardiocirculatoire transitoire ayant entrain6 des l&ions cCrt5brales. Elles se manifestent d&s les premiers jours suivant l’anoxie. Elles sont dklenchks d’une part & I’initiation du mouvement et, d’autre part, lors de stimulations tactiles ou auditives ou de situations ;i forte charge 6motionnelle. Elles correspondent Ii des mouvements anormaux, brusques, d’amplitude croissante et se renfort;ant en fin d’action. Elles concement principalement les membres supkieurs, avec perte de la finesse du geste. Les muscles de la face peuvent Ctre int&essCs et ils sont alors B l’origine d’une dysarthrie. II n’y a pas d’atteinte de la dkglutitjon et la motricitk oculaire extrindque est Cpargnde. L’existence d’un syndrome cCrkbelleux associk est discutke [2]. Le tableau clinique initial, reprCsentt5 par des clonies diffuses, est insuf~sant pour diffkencier &pilepsie postanoxique et myoclonies d’action du syndrome de Lance et Adams, d’autant plus qu’il est influencC
par une sCdation.
La possible
confusion
entre ces deux situations, dont les pronostics neuroIogiques respectifs sont trPs diffkrents, doit faire largement
recourir
2 des enregistrements
EEG.
Dans le syndrome de Lance et Adams, les traces EEG sont normaux en dehors des artefacts musculaires,
ou globalement
p~oxystiques
ralentis.
Des ClCments
non syn~hrones aux myocl~)n~es ont
Syndrome
de Lance
CtC decrits [2]. Les examens scanographiques cCr& braux sont habituellement normaux [3], ou mettent en evidence une atrophie corticale 143. Le mecanisme physiopathologique de ces myoclonies n’est pas tranche. La responsabilite des noyaux ventrolateraux du thalamus, envisagee initialement par Lance et Adams, semble avoir et6 ecartee par des etudes d’exploration stereotaxique [5]. De meme, la diminution dans le LCR du 5-hydroxy-indol-acetate, metabolite de la serotonine, a fait envisager une atteinte des structures du tronc cCrCbra1 a haute concentration en serotonine. Cette hypothese n’a pas et6 confirmee lors d’etudes anatomopathologiques [6]. De nombreuses therapeutiques ont CtC utilisees pour traiter les myoclonies du syndrome de Lance et Adams : alcool [7], piracetam, baclofene, clonazepam [8], acide valpro’ique [4, 81, tryptophane, levodopa, [3], gamma-hydroxybutyrate [9]. Dans cette indication, les agents antiepileptiques sont consider& comme assez peu efftcaces. Cependant, une Cvolution favorable sous acide valprdique a et6 rapportee [4]. I1 pourrait agir par inhibition concomitante de deux enzymes, la GABA-transaminase et la glutamate decarboxylase, augmentant ainsi la concentration cerebrale d’acide gamma-aminobutyrique. Dans notre observation, le traitement par l’acide valproique a Cte mis en route apres l’echec des premieres therapeutiques, et apres prise en compte des donnees de la litterature. Une excellente reponse au traitement a Cte observee, alors que toute autre thtrapeutique Ctait arr&Ce. La reprise des troubles apres l’arr& de l’acide valprdique a determine sa reintroduction avec un nouveau succes. Ces donnCes tendent done a confirmer l’efficacite de l’acide valproi’que dans cette indication. Le propofol, connu pour Ctre effkace dans le controle des crises
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et Adams
convulsives [lo], nous a semble une alternative interessante a la phase initiale du traitement des myoclonies d’action postanoxiques. En definitive, envisager le diagnostic de syndrome de Lance et Adams est essentiel afin d’eviter un retard diagnostique responsable d’une sedation inappropriee prolongee et des complications inherentes a la ventilation artificielle. Ceci permet surtout d’tviter une limitation de l’engagement thCrapeutique, alors que le pronostic fonctionnel peut &re favorable. RtiFtiRENCES I Lance JW, Adams RD. The syndrome of intention or action myoclonus as a sequel to hypoxic encephalopathy. Bruin 1963 ; 86: Ill-36 2 Goulon M, Hauw JJ, Vercken JB, Durand MC, Barois A, Sevestre H et al. Encephalopathie anoxique apres inefficacite cardiocirculatoire. In: SRLF, ed. Les comas. Paris: Expansion scientifique ; 1986. p 37-64 3 Coletti A, Mandelli A, Minolli G, Tredici G. Post-anoxic action myoclonus (Lance-Adams syndrome) treated with levodopa and gabaergic drugs. J Neural 1980 ; 223 : 67-70 4 Rollinson RD, Gilligan BS. Postanoxic action myoclonus (Lance-Adams syndrome) responding to sodium valproate. Arch Neural 1979 ; 36 : 44-5 5 Lhermitte F, Talairach J, Buser P, Gautier JG, Bancaud J, Gras R et al. Myoclonies d’intention et d’action postanoxiques: etude st&eotaxioue et destruction du noyau ventral lateral du thalamus. Rev ~euroll971 ; 124 : S-20 6 Haruer SJ. Wilkes RG. Posthvnoxic mvoclonus (the LanceAdams syndrome) in the intensive care unit. Amzesthesiu 1991 ; 46 : 199-201 7 Genton P, Guerrini R. Effect of alcohol on action myoclonus in Lance-Adams syndrome and progressive mycclonus epilepsy [letter]. Mov Disord 1992 ; 7 : 92 8 Wickleim EM, Schwendemann G. Use of clonazepam and sodium valproate in patients with Lance-Adams syndrome [letter].JRSocMed1993;86:618 9 Menon MK. Gamma-hydroxybutyrate in experimental myoclonus. Neurology 1982 ; 32 : 434-7 10 Duvaldestin P. Diprivan@ et Cpilepsie. Ann Fr Anesth Rlunim 1994 ; 13 : 494-7