En finir avec le paradoxe de l’asthme

En finir avec le paradoxe de l’asthme

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2011), 3, S86-S92 ISSN 1877-1203 Revue des Maladies Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneu...

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Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2011), 3, S86-S92 ISSN 1877-1203

Revue des

Maladies

Respiratoires Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Actualités Éducation et observance au CPLF 2011 Jean-Pierre Chaumuzeau, Martin Drès

67243

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Mundipharma

www.splf.org

Mars Vol 3 2011

Supplément

2

En Ànir avec le paradoxe de l’asthme Fighting the asthma paradox

D’après les communications de N. Rochea, C. Raherisonb, F. de Blayc, au symposium organisé par le laboratoire Mundipharma au CPLF 2011 aService

de pneumologie, Hôtel-Dieu, Groupement hospitalier universitaire Ouest, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4, France bService de pneumologie, pôle cardio-thoracique, hôpital Haut-Lévêque — Centre François Magendie, Avenue de Magellan, 33604 Pessac cedex, France cService de pneumologie, hôpital Lyautey, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 1, place de l’hôpital, 67091 Strasbourg, France Article rédigé par M. Dresa

MOTS CLÉS Asthme ; Observance ; Déterminants ; Éducation thérapeutique

KEYWORDS Asthma; Compliance; Determinants; Education

Résumé L’asthme est une maladie fréquente, potentiellement grave, et pour laquelle les traitements efÀcaces existent et permettent de mener une vie normale pour la grande majorité des patients, pour autant qu’ils soient effectivement pris. En effet, le contrôle de l’asthme se distingue par un niveau très inférieur dans la vraie vie à celui qui pourrait être attendu d’après les données des essais thérapeutiques. Les causes de ce mauvais contrôle sont, pour beaucoup, connues. L’une d’entre elles, l’inobservance, est à l’origine de nombreux travaux destinés à mieux en comprendre les déterminants. Des programmes innovants tels que le programme EOLE.com ont été conçus pour améliorer l’observance des patients asthmatiques. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Asthma is a common, potentially life-threatening disease. Treatments exist and can allow patients to live a normal life in the majority of cases. But to be effective, they have to be actually taken. This is the asthma paradox : despite the treatments, the control of disease is poor. Many factors are involved, including poor compliance. Innovative programs such as EOLE, are designed to improve observance. © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (M. Dres) © 2011 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

En Ànir avec le paradoxe de l’asthme

Introduction Ce symposium organisé sous l’égide du laboratoire Mundipharma avait pour objectif de passer en revue les causes de ce qu’il est désormais coutume d’appeler « le paradoxe de l’asthme ». Pourquoi paradoxe ? Parce qu’en dépit de traitements disponibles, efÀcaces et relativement bien tolérés, l’asthme est une maladie dont le niveau de contrôle reste insufÀsant dans la vraie vie. En outre, la mortalité liée à l’asthme, bien que moindre que dans le passé, a atteint un plateau depuis plusieurs années. Le Dr Jean-Pierre Chaumuzeau, en introduction, a présenté les enjeux de ce problème en rappelant que près de 70 % des patients asthmatiques sont contrôlables mais qu’en réalité les enquêtes nationales et internationales rapportent des données moins optimistes [1]. La cause principale est la mauvaise observance. Il s’agit d’un des leviers principaux sur lesquels agir. L’utilisation des dispositifs d’inhalation peut être également une source d’erreurs et d’inadaptation thérapeutique. Certains facteurs déclenchants ou d’entretien de la maladie contribuent également au mauvais contrôle. Au cours de ce symposium, les trois orateurs ont éclairé de façon originale cette problématique. Le Pr Nicolas Roche a discuté du décalage entre le contrôle espéré de la maladie et la réalité clinique. Il a ensuite identiÀé les facteurs qui participent à dégrader le contrôle de l’asthme. Le Pr Chantal Raherison est intervenu pour décrire les déterminants de l’observance thérapeutique et ses aspects psycho-sociaux. EnÀn, le Pr Frédéric de Blay a présenté une initiative innovante conçue pour améliorer le contrôle de l’asthme par le biais d’une éducation à l’observance : le programmeEole.com.

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de traitement : il s’agit des cas où le traitement n’est tout simplement pas adapté à la sévérité de l’asthme. Pour combattre et éviter de telles situations, un effort doit être entrepris pour diffuser les recommandations disponibles auprès des médecins en charge de ces patients, de façon à ce qu’ils les identiÀent et soient à même de déterminer leurs besoins thérapeutiques. La mauvaise évaluation du contrôle de l’asthme peut être une autre explication des différences entre la vraie vie et les études contrôlées. En effet, déterminer de façon Àable la qualité du contrôle requiert d’utiliser une « grille d’évaluation » performante, reposant sur des critères de jugement adéquats. De fait, les comparaisons du ressenti des patients à des questionnaires standardisés et validés (ACT par exemple) montrent des discordances notables [5]. Dans une étude de malades suivis en médecine générale, 70 % des patients jugeaient que leur asthme allait « bien ou parfaitement bien » alors que 70 % avaient en réalité un contrôle inacceptable selon les critères GINA 3… Il ne faut, pour autant, pas accabler les patients : les médecins évaluent encore moins bien l’intensité de leurs symptômes (Fig. 1). La sous-évaluation de la sévérité et du contrôle de l’asthme a un impact négatif sur la prise en charge. L’élaboration d’un moyen d’évaluer Àdèlement le contrôle de la maladie est un déÀ pour tous les praticiens.

Tableau 1 Causes de non contrôle de la fréquence de l’asthme. - Traitement inadapté - Évaluation insufÀsamment rigoureuse du contrôle - Rhinite

Les traitements de l’asthme : quels décalages ? D’après la communication de Nicolas Roche, Paris Dans un essai thérapeutique paru en 2004, il a été montré que les traitements de fond de l’asthme (corticostéroïdes inhalés, en particulier lorsqu’ils sont associés à des bêta-2agonistes de longue durée d’action) permettent d’obtenir un contrôle acceptable, voire total, chez la plupart des patients [2]. Malheureusement, les travaux réalisés en population générale montrent une réalité différente avec des données comptabilisant jusqu’à près de deux tiers de patients dont le contrôle est jugé inacceptable et seulement un cinquième qui ont un contrôle optimal [3]. Il existe un fossé entre le contrôle tel que l’on peut l’obtenir et la réalité de la pratique quotidienne.

- ReÁux - Expositions environnementales - Tabac - Surpoids - Dispositif et technique d’inhalation - Observance

63

Dyspnée

24 51

Réveils

17

Les causes de contrôle sous-optimal de l’asthme dans la « vraie vie » ont été recensées (Tableau 1) [4]. Une des premières causes possible est le sous-traitement ou l’absence

MG

46

Parole

Évaluation du contrôle et des besoins thérapeutiques

Patients

52 46

Toux 8 0

10

20

30

40

50

60

70

% de patients concernés ≥ 1fois/mois

Figure 1. Comparaison de l’évaluation des symptômes par les médecins et les patients. D’après [6].

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Facteurs aggravants Le tableau ne doit pas être noirci à outrance, et dans certains cas, malgré une observance correcte et un traitement adapté à la sévérité de la maladie, le contrôle n’est pas atteint. Une démarche rigoureuse et raisonnée doit alors être entreprise aÀn de dépister les facteurs aggravants ou d’entretien de la maladie. Les patients doivent être interrogés sur l’existence d’une rhinite ou d’un reÁux gastro – œsophagien et traités le cas échéant. L’association d’une rhinite à l’asthme compromet le contrôle de la maladie sur l’ensemble des critères étudiés (consultation aux urgences, exacerbations, consommations de corticostéroïdes inhalés (CSI)…) et son traitement peut permettre de mieux contrôler la maladie asthmatique [7]. La prise en charge du tabagisme actif et passif est essentielle. Parmi les facteurs indépendants associés à un mauvais contrôle de l’asthme chez 1351 asthmatiques suivis et traités, le tabac était associé à un risque relatif de 1,4 pour un tabagisme inférieur ou égal à 9 cigarettes par jour. Cette association était dose dépendante, puisque le risque relatif atteignait 2,7 pour un tabagisme supérieur à 10 cigarettes par jour [8]. Le tabac est responsable d’une inÁammation pulmonaire en partie réversible après sevrage, illustrée par une amélioration du score de contrôle, de la concentration de monoxyde d’azote exhalée et du pourcentage de polynucléaires neutrophiles présents dans les expectorations [9]. EnÀn le tabagisme diminue l’efÀcacité des traitements de fond anti-asthmatiques [10]. Le surpoids s’intègre également parmi les causes de mauvais contrôle. Une analyse portant sur environ 3000 asthmatiques stratiÀés selon trois catégories d’indice de masse corporelle différents a montré que les patients avec les IMC les plus importants sont associés à un plus mauvais contrôle sous traitement par CSI ou par anti-leucotriènes [11]. Une hypothèse explicative serait l’existence d’une résistance au traitement favorisée par la leptine produite en excès chez les patients obèses. La perte de poids peut améliorer le contrôle de l’asthme, par exemple par la chirurgie bariatrique avec une augmentation signiÀcative du score ACT [12].

Prise des traitements Un contrôle non satisfaisant doit aussi inciter à s’intéresser à la façon de délivrer les corticoïdes inhalés. Les dispositifs d’inhalation sont nombreux, tous ont leurs avantages et leurs inconvénients. Une réÁexion commune avec le patient permet de déterminer lequel est le plus approprié. Cependant, les erreurs sont nombreuses et les médecins doivent être vigilants sur ce point. Les mauvaises utilisations des dispositifs sont associées à un mauvais contrôle. Le score d’instabilité augmente avec la proportion de patients « mauvais coordinateurs » [13]. Les médecins en sont conscients et jugent que la mauvaise utilisation est un problème pour 90 % d’entre eux. Pourtant, ils ne vériÀent la technique auprès de leurs patients qu’une fois sur deux en cas de mauvais contrôle, et dans moins de 20 % des cas de façon systématique [14]. Il faut insister sur l’importance d’observer les patients utiliser les dispositifs et de corriger les erreurs. Cette attitude a une efÀcacité immédiate dans 50 à 80 % des cas avec toutefois

D’après les communications de N. Roche, C. Raherison, F. de Blay

2003-2005 ; n = 12,502, suivi : 17 mois

Persistance sur 1 an (traitement de fond anti-inflammatoire pour l’asthme) 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0% MK

ICS

ICS/LABA

Figure 2. Consommation d’anti-inÁammatoires dans le traitement de l’asthme. D’après [15].

un risque de rechute à moyen terme de 50 %. Pour cela, les professionnels de santé doivent eux-mêmes être capables d’utiliser les dispositifs, ce qui n’est vériÀé que chez 47 % des internes, 35 % des inÀrmières et 85 % des spécialistes. L’observance, enÀn, doit être appréciée lors de la consultation. Des travaux français réalisés à partir des données de l’assurance maladie constatent une faible consommation des traitements de fond démontrée par une persistance (renouvellement des ordonnances) inférieure à 44 % tous traitements confondus (Fig. 2). En conclusion, un non contrôle de l’asthme doit conduire à une démarche d’investigation rigoureuse. La connaissance et l’application des recommandations nationales et internationales constituent la pierre angulaire de cette démarche. Les praticiens doivent s’en saisir et les faire diffuser. L’évaluation effective du contrôle de la maladie, facilitée par l’utilisation des scores, détermine le niveau d’engagement diagnostic et thérapeutique. De façon systématique, les facteurs d’entretien ou aggravants doivent être recherchés et traités notamment la lutte contre le tabagisme. L’éducation thérapeutique et en particulier le maniement des dispositifs d’inhalation doit devenir une préoccupation constante de tous les professionnels de santé. EnÀn, la question de l’observance du patient est toujours à inclure dans la réÁexion. L’ampleur du phénomène de l’inobservance nous invite à une compréhension encore plus Àne des patients.

Les déterminants de l’observance : aspects psycho-sociaux. D’après la communication de Chantal Raherison, Bordeaux L’observance peut être déÀnie comme la concordance entre le comportement d’une personne et les recommandations d’un soignant ; elle peut concerner la prise de médicaments, le suivi d’un régime et/ou un changement de comportement. Selon l’organisation mondiale de la santé, il s’agit d’un

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Tableau 2 Australie

Absence de prise médicamenteuse

USA Nouvelle Zélande Suède Norvège Islande UK Hollande Italie Irlande France Espagne Allemagne Belgique 20

30

Les types d’inobservance.

40

50

60

Prescription médicale (%)

Prise de médicaments injustiÀée Erreur de dose Erreur dans l’horaire Prise de médicaments non prescrits par le médecin

Tableau 3 Échelle de Morisky de l’observance. D’après [19]. 70

80

90

OUI

100

Médiane

Figure 3. L’observance dans l’asthme selon les données de l’étude ECRHS. D’après [18].

véritable enjeu de santé publique puisqu’elle est estimée à 50 % dans les pays développés et encore inférieure dans les pays en voie de développement. Plusieurs types d’erreurs par excès ou par défaut sont listés (Tableau 2) ; de façon attendue, plus le traitement est astreignant avec un nombre de prise croissant et plus l’inobservance est importante [16]. Ceci doit inciter à simpliÀer les traitements au maximum.

Évaluation de l’observance L’observance peut être évaluée par plusieurs mesures allant des dires du patient aux dosages thérapeutiques en passant par le décompte de gélules et des marqueurs biologiques (Fig. 3). Les dosages thérapeutiques représentent le « gold standard » mais ne sont pas toujours disponibles. Depuis quelques années, les données de l’assurance maladie concernant le remboursement des médicaments de l’asthme sont utilisées dans l’évaluation de la persistance, qui indique la durée de prise continue du traitement sans dépassement du délai inter-prescription [17]. Les données de l’enquête européenne ECRHS (European Community Respiratory Health Survey), étude de cohorte rassemblant plus de 17 000 personnes, rapportent qu’à état stable, les 1700 individus âgés de 20 à 44 ans identiÀés comme asthmatiques, répondaient positivement à la question « Prenez vous votre traitement lorsqu’il est prescrit par votre médecin ? » dans 67 % des cas en moyenne (tous les pays confondus) [18]. Ce chiffre passe à 75 % dans les situations d’asthme décompensé. Ceci témoigne du fait que l’observance est plus importante quand les patients vont moins bien. L’observance est souvent définie selon un seuil de tolérance jugé cliniquement signiÀant, en dessous duquel le patient sera considéré comme non observant. De façon consensuelle, les études internationales retiennent le seuil de 80 %. L’échelle de Morisky est un questionnaire d’aide à l’évaluation de l’observance qui s’appuie sur quatre questions simples adaptables à différentes maladies chroniques (Tableau 3). L’ASK-20 est un autre questionnaire, plus long,

NON

1. Vous arrive t-il d’oublier de prendre votre traitement pour (nom de la maladie) ? 2. Avez-vous parfois du mal à vous rappeler de prendre votre traitement pour (nom de la maladie) ? 3. Quand vous vous sentez mieux, vous arrive-t-il d’arrêter de prendre votre traitement pour (nom de la maladie) ? 4. Si vous vous sentez moins bien lorsque vous prenez votre traitement pour (nom de la maladie), arrêtez-vous parfois de le prendre ? qui propose pour chaque question plusieurs types de réponses possibles de façon à prendre en compte différents domaines psycho-sociaux et à terme de travailler avec le patient au moyen de micro-objectifs éducatifs [20]. L’inobservance peut se manifester de plusieurs manières. Dans une étude portant sur plusieurs pays, les auteurs identiÀaient l’observance comme le fait de se faire délivrer une ordonnance, d’acheter le médicament et enÀn de le prendre ; la non-observance primaire décrivait les patients n’allant pas acheter le médicament et la non-observance secondaire les sujets achetant le médicament mais le consommant pas [21]. Cette étude illustre le fait que l’inobservance regroupe des comportements différents.

Déterminants de l’observance Les déterminants de l’observance liés au patient s’articulent autour de trois composantes : les facteurs sociaux (âge, sexe, éducation, culture, isolement, niveau économique), physiques (acuité visuelle et/ou auditive, mémorisation et apprentissage) et psychologiques (perception de la maladie et de sa gravité par le patient). L’état de santé global avec le poids des comorbidités est également impliqué, ainsi que le caractère plus ou moins symptomatique de la maladie. Dans le cadre des maladies chroniques, la question du déni complexiÀe la prise en charge. Les médecins doivent

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explorer cet aspect pour prévenir les difÀcultés probables d’observance. Les médicaments et leur galénique, l’ordonnance et la clarté des instructions, le nombre de médicaments quotidiens et le nombre de prises journalières sont autant de déterminants centrés sur le traitement qui inÁuencent l’observance, auxquels s’ajoute le poids éventuel des effets indésirables. La relation médecin-malade est essentielle pour garantir une observance satisfaisante. Les autres professionnels de santé (inÀrmières, pharmaciens, diététiciennes, kinésithérapeute) contribuent à alimenter cette relation de conÀance indispensable. Pour appréhender la personnalité du patient et adapter la prise en charge, certaines écoles utilisent des tests comme le test personna qui, à partir de 60 items, oriente vers quatre proÀls individualisables (Fig. 4). Peut-être encore plus nettement que dans les autres pathologies chroniques, l’asthme est une pathologie dans laquelle l’aspect psychologique est déterminant dans la prise en charge de l’observance thérapeutique des patients. Des travaux de psychologie ont mis en évidence que la représentation du mot « asthme » parmi une liste de 35 termes était associée à des mots comme « suffocation », « allergie », « crise », « hérédité » et « psychologie » et le traitement à « danger », « risque de dépendance » et « toxicité » [22]. En conclusion, l’observance thérapeutique des patients asthmatiques est un phénomène complexe qui fait intervenir de nombreux déterminants. Ceux-ci doivent être à l’esprit des différents acteurs aux différentes étapes de la prise en charge aÀn d’adapter le discours et le suivi.

Le programme EOLE.com : une nouvelle initiative pour améliorer l’observance du patient asthmatique D’après la communication de Frédéric de Blay, Strasbourg Le contrôle de l’asthme est fortement lié à l’observance thérapeutique. Une revue Cochrane montrait en 2007 que l’éducation thérapeutique diminuait significativement les hospitalisations en urgence avec un risque relatif de 0,5 [IC : 0,27-0,91] et un bon rapport coût-efÀcacité [23]. Un autre travail rapportait que l’autogestion de l’asthme était associée à une réduction des hospitalisations (RR 0,64 [IC : 0,5-0,82]), à une réduction des visites en urgence (RR 0,82 [IC : 0,7-0,9]), à une réduction des visites non programmées chez le médecin (RR 0,67 [IC 0,56-0,79]) et à une amélioration de la qualité de vie (RR 0,29 [IC : 0,11-0,47]) [24].

Le cadre légal Les preuves sont là, et la promotion de programmes d’éducation thérapeutique doit faire désormais partie de la politique de prise en charge de l’asthme. La loi Hôpital, Patient, Santé, Territoire (HPST) votée le 21 juillet 2009

D’après les communications de N. Roche, C. Raherison, F. de Blay

Promouvante

Facilitante

(dominante, expansive)

(consentante, expansive)

Contrôlante

Analysante

(dominante, réservée)

(consentante, réservée)

Figure 4. Personnalités psychologiques selon le test personna.

encadre la réalisation de tels programmes. L’article L.1161-1 précise que « [l’éducation thérapeutique] a pour but de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie » [25]. Les professionnels agissant dans ce cadre doivent justiÀer de compétences déterminées par décret ministériel. Dans le cadre des programmes d’éducation thérapeutique, « tout contact direct entre un malade ou son entourage et une entreprise […] est interdit ». Les programmes doivent être conformes à un cahier des charges national puis mis en œuvre au niveau local après autorisation des agences régionales de santé [26]. Dans le cadre des programmes d’éducation thérapeutique, peuvent être mis en œuvre des programmes d’accompagnement ayant pour but « d’apporter une assistance et un soutien aux malades et à leur entourage […] » [27]. Ceux-ci ne peuvent être mis en œuvre par l’industrie mais le Ànancement est autorisé. Les associations de patients sont associées à ces programmes et leur concours est incontournable.

Une expérience antérieure : RESEDAA L’expérience RESEDAA 67 (RESeau Education des Asthmatiques et Allergiques) menée dans le Bas-Rhin en 2005 avait pour but de délivrer l’éducation thérapeutique aux patients par l’intermédiaire de quatre modules : réalisation d’un débit expiratoire de pointe, conduite à tenir en cas d’urgence, physiopathologie simple de la maladie asthmatique, apprentissage de la prise des traitements inhalés. Les intervenants étaient multiples : médecin, pharmacien, inÀrmières, kinésithérapeute et tous participaient aux différents modules à l’exception du module « conduite à tenir en cas de crise » qui était sous la responsabilité d’un médecin. Outre les quatre modules dérogatoires, le patient pouvait participer à des ateliers optionnels conçus autour de la diététique, de la psychologie, de l’éviction de facteurs déclenchant et de l’habitat. Ce programme a fait participer 187 professionnels de santé et a inclus 412 patients. L’inquiétude initiale des professionnels quant au risque de mainmise de l’hôpital sur le réseau a été levée ; la part de l’éducation réalisée en ville était environ deux fois plus importante en ville qu’à l’hôpital. Les patients cibles de REDEDAA étaient les enfants et les adultes asthmatiques sévères. L’enquête réalisée auprès des patients a révélé que 50 % des patients inclus étaient

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asthmatiques persistants sévères et modérés et 19 % des asthmatiques intermittents. Soixante-huit pour cent des patients avaient moins de 19 ans. Malgré les incitations, le taux d’inclusion dans le réseau s’est avéré faible et peu de médecins ont participé à l’inclusion (moins de 20 %), la moitié environ était spécialiste, l’autre généraliste. Ce constat décevant a interpellé les organisateurs du réseau qui ont cherché à en comprendre les facteurs explicatifs : il s’avère que si, dans 98 % des cas, les médecins sont convaincus de l’utilité de l’éducation thérapeutique, ils ne la réalisent pas eux-mêmes par manque de temps et rejet des charges administratives. Cette volonté de délégation concerne 91 % des médecins généralistes et 90 % des pédiatres de ce réseau. Cette propension à déléguer l’éducation thérapeutique a suggéré la mise en œuvre d’outils plus simples et moins chronophages pour le médecin, pour améliorer l’observance.

Le programme EOLE Le programme EOLE (Education Observance dans L’asthmE) est né de ces constats. Il est piloté par un comité scientiÀque constitué de pneumologues et allergologues hospitaliers et libéraux, et soutenu par le laboratoire Mundipharma, en partenariat avec l’Association Asthme & Allergies. L’objectif principal est d’améliorer l’observance chez les patients asthmatiques. Le programme EOLE accompagne les patients à partir d’un site internet www.programmeEOLE.com. Le site est conçu et validé par un comité d’experts. Il est réservé aux pneumologues et allergologues dans un premier temps, puis pourra être ouvert aux médecins généralistes. Les patients y ont un accès personnalisé par l’intermédiaire d’un code délivré par le médecin. Le patient s’identiÀe et est accueilli par un message d’introduction énoncé par la représentation virtuelle de son médecin et/ou d’un conseiller virtuel. Il lui

Arborescence du site internet

est ensuite proposé de tester le contrôle de son asthme par le score ACT. Selon le résultat, il est proposé au visiteur de s’informer sur l’asthme (« Asthme, en savoir plus ») si sa maladie est bien contrôlée. Dans le cas contraire, si l’asthme est mal ou insufÀsamment contrôlé, le patient est invité à vériÀer une check-list du non contrôle de l’asthme puis à entrer dans le module « observance ». Ce module propose au patient de tester son observance en répondant au questionnaire de Morisky, qui s’efforce de quantiÀer l’observance du patient (Tableau 3). Si le patient n’a aucune réponse afÀrmative, il est considéré comme observant et peut continuer sa visite du site et s’informer sur l’asthme. S’il existe au moins une réponse afÀrmative, il est proposé au patient de remplir un questionnaire d’observance qualitatif (Fig. 5 et 6). Un modèle d’intervention est alors mis en œuvre en rapport avec les causes identiÀées. En conclusion, le site programmeEOLE.com, conçu par un comité d’expert, a pour objectifs d’accompagner le patient via internet et d’optimiser son observance. La représentation virtuelle du médecin constitue l’originalité de ce site car elle permet de maintenir un lien entre les médecins et leurs malades en dehors des consultations. Le site permet aux patients d’estimer eux-mêmes le contrôle de leur asthme et d’évaluer leur niveau d’observance. En outre, les patients peuvent bénéÀcier d’informations simpliÀées sur la physiopathologie de l’asthme et ainsi mieux comprendre les déterminants de leur maladie.

ConÁit d’intérêt N.R. : Aucun en rapport avec le thème de l’article. C.R. : Aucun en rapport avec le thème de l’article. F.d.B. : interventions ponctuelles : rapports d’expertise et activités de conseil pour ALK, MSD-Schering, Mundipharma,

Arborescence du site internet (suite)

Login et mot de passe remis au patient par le médecin

Message d’introduction par la représentation virtuelle du médecin et présentation du conseiller virtuel

Module observance

Questionnaire d’observance « quantitatif » Mesure de l’observance (Morisky) Aucune réponse affirmative

Bonne observance

Au moins une réponse affirmative

Non-observance

Test de Contrôle de l’Asthme

Asthme bien contrôlé

Asthme mal ou insuffisamment contrôlé Check-list du non contrôle de l’asthme

Asthme : pour en savoir plus

Asthme : pour en savoir plus

Questionnaire d’observance « quantitatif » Recherche des causes d’inobservance

Modèle d’intervention suivant les causes retrouvées

Module observance

Figure 5. Arborescence du site www.programmeEOLE.com.

Figure 6. Arborescence du module Observance du site www. programmeEOLE.com.

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Novartis, Stallergènes ; essais cliniques : en qualité d’investigateur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal pour ALK, Amgen, Artu, Allergopharma, GSK, Novartis, Stallergènes. M.D. : conférences : invitations en qualité d’auditeur (frais de déplacement et d’hébergement pris en charge par une entreprise) par Mundipharma.

Références [1]

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D’après les communications de N. Roche, C. Raherison, F. de Blay

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