Endocardites infectieuses en service de dermatologie

Endocardites infectieuses en service de dermatologie

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 869—875 MÉMOIRE ORIGINAL Endocardites infectieuses en service de dermatologie Infective endoc...

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Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 869—875

MÉMOIRE ORIGINAL

Endocardites infectieuses en service de dermatologie Infective endocarditis in a dermatology unit M.-P. Konstantinou a, L. Valeyrie-Allanore a,∗, P. Lesprit b, S. Terrazzoni c, N. Ortonne d, J.-C. Roujeau a, M. Bagot a a

Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, université Paris-XII, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France b Unité de contrôle, épidémiologie et prévention de l’infection, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, université Paris-XII, 94010 Créteil, France c Fédération de cardiologie, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, université Paris-XII, 94010 Créteil, France d Service d’anatomie pathologique, hôpital Henri-Mondor, AP—HP, université Paris-XII, 94010 Créteil, France Rec ¸u le 8 avril 2009 ; accepté le 18 septembre 2009 Disponible sur Internet le 10 novembre 2009

MOTS CLÉS Endocardite ; Dermatologie



Résumé Introduction. — Le diagnostic d’endocardite infectieuse (EI) est souvent suspecté cliniquement, mais reste particulièrement difficile à confirmer. Les manifestations dermatologiques de l’endocardite sont variées et doivent être recherchées de fac ¸on systématique dans un contexte de suspicion d’EI. Le but de cette étude était d’étudier les modalités de révélation de l’EI dans un service de dermatologie. Malades et méthodes. — Nous avons inclus rétrospectivement l’ensemble des patients hospitalisés de fac ¸on consécutive dans le service de dermatologie de l’hôpital Henri-Mondor entre mai 2006 et mai 2007, pour lesquels un diagnostic d’EI avait été posé selon les critères de Duke. Résultats. — Sept malades ont été inclus, d’un âge moyen de 61 ans. Les motifs d’hospitalisation en dermatologie étaient : ulcères chroniques des membres inférieurs (n = 2), syndrome de Sézary (n = 1), épidermolyse bulleuse acquise (n = 1), dermatite atopique (n = 1), purpura (n = 1). Les manifestations dermatologiques de l’EI comprenaient : purpura (n = 5), nécroses cutanées distales (n = 2), hémorragies sous-unguéales (n = 1). Les hémocultures étaient positives dans trois cas (Staphylococcus aureus sensible [n = 2] ou résistant [n = 1] à la méticilline). La sérologie Coxiella burnetti était positive dans un cas. La porte d’entrée était cutanée dans six cas, sur une dermohypodermite chronique ou une dermatose chronique à peau colonisée (n = 3), une perfusion périphérique (n = 2), un cathéter d’hémodialyse (n = 1). L’échographie transthoracique était négative six fois sur sept, l’échographie transœsophagienne permettant de confirmer

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Valeyrie-Allanore).

0151-9638/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2009.10.187

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M.-P. Konstantinou et al. le diagnostic dans cinq cas sur six avec un délai diagnostique moyen de 21 jours. La localisation de l’EI était la valve mitrale (n = 3), la valve aortique (n = 2), les valves mitrale et aortique (n = 1), la sonde de pacemaker (n = 1). Cinq patients sont décédés dans un délai moyen de 78 jours. Conclusion. — Le diagnostic d’EI reste particulièrement difficile. Il doit être discuté devant des signes cutanés comme un purpura ou des nécroses distales. . ., mais également devant des dermatoses chroniques partiellement contrôlées, voire réfractaires aux traitements, qui constituent des portes d’entrée à ne pas sous-estimer. Cette étude souligne la nécessité d’une vigilance accrue des cliniciens lors de la prise en charge de patients colonisés ou subissant des gestes invasifs sur peau lésée. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Endocarditis; Dermatology

Summary Background. — Although often clinically suspected, infectious endocarditis (IE) is frequently difficult to diagnose with certainty. Although the dermatological signs of endocarditis can vary, they must be routinely sought where there is a suspicion of IE. The aim of this study was to reveal the diversity of clinical manifestations of IE in a dermatology unit. Patients and methods. — This retrospective study was conducted between May 2006 and May 2007 and included all patients hospitalized in the dermatology unit in whom an IE was diagnosed according to the modified Duke criteria. Results. — Seven patients were included with a median age of 61 years. The reasons for hospital admission were: chronic ulcers (n = 1), Sezary’s syndrome (n = 1), atopic dermatitis (n = 1), epidermolysis bullosa acquisita (n = 1) and purpura (n = 1). Specific dermatological manifestations of IE included necrotic lesions on the lower limbs (n = 2), purpura (n = 5) and splinter haemorrhages (n = 1). Blood cultures were positive in 3 cases (MSSA = 2, MRSA = 1). One patient had serological evidence of Coxiella burnetti IE. Cutaneous sources of IE were found in 6 cases, including acute dermohypodermitis or chronic dermatosis (3), peripheral venous catheter (n = 2) and haemodialysis (n = 1). Transthoracic echocardiography was negative in 6 patients, whereas transoesophageal echocardiography performed in 6 patients confirmed the diagnosis in 5 cases. The mean time to diagnosis was 21 days. Among these patients, 5 died after a mean period of 78 days. Conclusion. — Diagnosing IE remains a clinical challenge and must be routinely considered in the presence of unusual dermatological findings such as purpura or distal necrosis, but also in patients with partially or poorly controlled chronic dermatosis, which comprise an underestimated potential source of IE. Physicians treating such patients must consider the risk of IE, especially in the event of chronic dermatosis or of an invasive cutaneous procedure involving affected skin. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

L’endocardite infectieuse (EI) est une affection rare, de présentation clinique souvent insidieuse et polymorphe, conduisant à un retard diagnostique. Son incidence reste stable malgré la progression de la prévention et notamment de l’antibioprophylaxie. L’incidence en France a récemment été réévaluée à 31 cas par million d’habitants standardisés sur l’âge et le sexe [1]. Cependant, le profil épidémiologique s’est modifié au cours des dernières décennies. Si l’EI résulte toujours de la colonisation, par des bactéries circulantes du sang, d’une végétation fibrinoplaquettaire initialement stérile développée sur un endocarde lésé, l’origine de la bactériémie, le micro-organisme en cause et la nature des anomalies valvulaires ont considérablement évolué [1]. Cette évolution a provoqué des modifications de la présentation clinique, avec des signes et des symptômes extrêmement variables. Les manifestations cutanées sont présentes uniquement dans 5 à 25 % des cas mais sont d’une grande valeur diagnostique. Le purpura vasculaire, les pétéchies conjonctivales,

sus-claviculaires et des extrémités, l’érythème palmoplantaire de Janeway, les hémorragies sous-unguéales en flammèches, le faux panaris d’Osler sont les signes les plus fréquemment rapportés dans la littérature [2]. La procédure diagnostique s’inscrit actuellement dans une constellation de critères majeurs et mineurs (cliniques, bactériologiques et échocardiographiques) structurés selon la classification de Duke (Tableau 1). Ces critères, proposés en 1994 avec une sensibilité de 76 %, ont fait la preuve de leur efficacité et constituent un point de repère pour le clinicien [3]. En 2000, le groupe de la Duke University a proposé une modification des précédents critères, permettant d’augmenter encore leur sensibilité [4]. L’EI est grevée d’une morbidité et d’une mortalité importante. Cette dernière est de 20 % lorsqu’on ne considère que la phase initiale intrahospitalière, mais s’élève à 40 % à cinq ans [1]. L’endocardite reste toujours un challenge diagnostique et thérapeutique. Le but de ce travail est d’en étudier les

Endocardites infectieuses en service de dermatologie Tableau 1

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Critères d’endocardite : critères de Duke modifiés [4].

Critères majeurs Critères microbiologiques Micro-organismes typiques pour une endocardite infectieuse (EI) dans 2 hémocultures séparées : Streptococcus viridans, Streptococcus bovis, bactéries du groupe HACEK (Haemophilus spp., Actinobacillus actinomycetemcomitans, Cardiobacterium hominis, Eikenella corrodens et Kingella kingae), Staphylococcus aureus ; ou enterococci aquis dans la communauté, en l’absence d’un foyer infectieux primaire Micro-organismes non typiques pour une EI mais isolés dans des hémocultures positives persistantes (> 12 heures ou 3/3) 1 hémoculture positive pour Coxiella burnetii ou un titre d’anticorps IgG antiphase I > 1:800 Preuve d’une atteinte de l’endocarde Échographie cardiaque positive pour une EI (échocardiaque transœsophagien recommandé chez des patients avec valves prothétiques et chez ceux définis comme EI possibles sur la base des critères cliniques ou qui ont une EI compliquée), définie comme suit : masse oscillante intracardiaque sur une valve, sur le trajet d’un reflux, sur du matériel prothétique ou abcès ou nouvelle déhiscence de valve prothétique Nouveau souffle d’insuffisance valvulaire (aggravation/modification d’un souffle connu ne suffisent pas) Critères mineurs Cardiopathie prédisposante (à risque élevé ou modéré d’EI) ou toxicomanie intraveineuse Fièvre ≥ 38 ◦ C Phénomènes vasculaires : embolies artérielles, anévrismes mycotiques, pétéchies, hémorragie intracrânienne ou conjonctivale, lésions de Janeway Phénomènes immunologiques : glomérulonéphrites, nodules d’Osler, taches de Roth, facteur rhumatoïde Hémoculture positive mais ne remplissant pas les critères majeurs ou sérologie positive pour une affection active avec un germe compatible avec une EI Définition de l’endocardite infectieuse Endocardite infectieuse certaine Critères pathologiques Micro-organismes identifiés par culture ou examen histologique d’une végétation, d’une végétation qui a embolisé ou d’un abcès intracardiaque ; ou lésions pathologiques : présence d’une végétation ou d’un abcès intracardiaque avec confirmation histologique d’une endocardite active Critères cliniques 2 critères majeurs 1 critère majeur et 3 critères mineurs 5 critères mineurs Endocardite infectieuse possible 1 critère majeur et 1 à 2 critère(s) mineur(s) 3 à 4 critères mineurs Endocardite infectieuse non retenue Diagnostic alternatif certain Résolution du syndrome d’endocardite infectieuse avec une antibiothérapie < 4 jours Absence d’évidence d’endocardite infectieuse lors de la chirurgie ou de l’autopsie après une antibiothérapie < 4 jours Ne remplit pas les critères d’une endocardite infectieuse possible

modalités de révélation au sein d’un service de dermatologie.



Malades et méthodes Nous avons conduit une étude rétrospective de tous les patients hospitalisés de fac ¸on consécutive dans notre service entre mai 2006 et mai 2007, pour lesquels le diagnostic d’EI était retenu selon les critères modifiés de Duke [4]. Les données cliniques et épidémiologiques comprenaient : • le sexe ; • l’âge ; • la présence de facteur prédisposant (diabète, immunodépression, hémodialyse et insuffisance rénale, soin

• • • • • • •

dentaire préalable, sonde de pacemaker, défibrillateur, procédures médicales invasives) ; d’une cardiopathie sous-jacente à risque (cardiopathies congénitales, prothèses valvulaires, antécédents personnels d’EI, insuffisance ou rétrécissement aortique, insuffisance mitrale, cardiomyopathie hypertrophique obstructive) ; la porte d’entrée ; le motif initial d’hospitalisation ; les signes révélateurs ; les signes dermatologiques ; l’apparition d’un nouveau souffle cardiaque ou la modification d’un souffle ancien ; le syndrome inflammatoire ; le bilan immunologique ;

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• les hémocultures ; • l’échographie transthoracique (ETT) et l’échographie transœsophagienne (ETO) ; • le délai diagnostique ; • l’évolution clinique. Ces résultats ont été comparés aux données de la littérature.

Résultats Sept cent soixante-seize patients ont été hospitalisés dans le service entre mai 2006 et mai 2007. Sept d’entre eux ont été pris en charge avec un diagnostic final d’EI (taux d’incidence estimé à neuf cas pour 1000), dont cinq avec un diagnostic définitif et deux avec un diagnostic probable selon les critères modifiés de Duke (Tableau 1). Il s’agissait de trois femmes et quatre hommes, d’un âge moyen de 61 ± 14 ans (46 à 83 ans). Six présentaient des facteurs de risque d’EI à type de diabète (n = 4), immunodépression iatrogène ou secondaire à une affection maligne (n = 3), stimulateur cardiaque (n = 1), interventions médicales invasives à risque (dialyse = 1, soins dentaires = 1) ; enfin deux patients portaient une valve mécanique, dont un avait un antécédent d’EI. Le motif d’hospitalisation était soit la prise en charge d’une dermatose chronique (n = 5), soit l’exploration d’un purpura (n = 2). La porte d’entrée présumée était cutanée chez six patients. Il s’agissait d’ulcères géants des membres inférieurs (n = 2), de dermatite atopique (n = 1), de mise en place de cathéters de perfusion périphérique sur une peau lésée et colonisée de dermatoses chroniques diffuses en poussée (une épidermolyse bulleuse acquise, un syndrome de Sézary, une mise en place de cathéter de dialyse sur peau colonisée non lésée). Pour un patient, le point de départ restait mal établi ; une porte d’entrée dentaire était fortement suspectée. Des manifestations dermatologiques de l’EI étaient présentes chez tous les malades. Il s’agissait d’un purpura vasculaire (Fig. 1) (n = 5), d’une nécrose cutanée diffuse des extrémités nécessitant des amputations itératives (n = 2), d’hémorragies sous-unguéales linéaires (n = 1). Plus spécifiquement, deux patients de notre série présentaient un

Figure 1.

Purpura de l’abdomen.

Figure 2. Lésions nécrotiques et purpuriques distales d’un membre inférieur.

purpura bulleux distal à évolution nécrotique secondaire à de multiples embolies distales (Fig. 2). Ces manifestations purement dermatologiques étaient inaugurales chez quatre patients ; pour les trois autres, les signes révélateurs d’EI étaient représentés par une hyperthermie prolongée inexpliquée (n = 2) ou des manifestations neurologiques à type d’accident vasculaire ischémique (n = 1). L’hyperthermie était le signe clinique le plus constamment observé (n = 6), associée plus ou moins à une asthénie et une altération de l’état général (n = 4). Aucun malade de notre série ne présentait de nouveau souffle cardiaque ni des modifications de souffle ancien. Les examens complémentaires montraient le plus souvent un syndrome inflammatoire (n = 6). Une protéinurie à 0,6 g/24 heures était décelée dans un cas. Les explorations immunologiques (facteur rhumatoïde, anticorps antinucléaires, anticorps anticytoplasme des neutrophiles [ANCA], complément hémolytique total et fractions C3 et C4) étaient normales chez six patients. Des ANCA de spécificité antiprotéinase 3 étaient trouvés chez une patiente. Des biopsies cutanées réalisées sur des lésions purpuriques (n = 3) mettaient en évidence dans deux cas une vascularite leucocytoclasique sans thrombose des vaisseaux (Fig. 3a et b) ; le troisième prélèvement montrait des lésions de stase non spécifiques. L’immunofluorescence directe (n = 3) montrait dans deux cas des dépôts de complexes immuns sur les vaisseaux dermiques (IgA, IgM et C3 dans un cas, IgA isolées dans l’autre) ; elle était négative chez le troisième patient. Une biopsie rénale était réalisée dans un cas ; elle mettait en évidence une glomérulonéphrite proliférative endocapillaire sans nécrose fibrinoïde ni prolifération extracapillaire, compatible avec une origine infectieuse. Les examens bactériologiques retrouvaient dans trois cas des hémocultures positives à Staphylococcus aureus : deux souches sensibles (SAMS) et une résistante (SAMR) à la méticilline, superposables aux résultats des cartes bactériennes cutanées. Le point de départ de l’EI était très probablement cutané, compte tenu de la concordance des prélèvements cutanés et sanguins et de l’absence d’autre point d’appel clinique objectif. Les hémocultures étaient négatives chez les quatre autres patients, qui avaient tous rec ¸u une antibiothérapie préalable. L’un d’entre eux avait une sérologie de Coxiella Burnetti positive, compatible avec une fièvre Q ;

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Figure 3. Examen histologique d’une biopsie de lésion purpurique (a : HES × 100 ; b : HES × 200) mettant en évidence des altérations vasculaires des vaisseaux dermiques superficiels et moyens à type de vascularite leucocytoclasique, associées à un infiltrat inflammatoire polymorphe contenant des polynucléaires neutrophiles leucocytoclasiques de topographie périvasculaire.

chez les trois autres, les prélèvements cutanés faisaient fortement suspecter la responsabilité d’un SAMR (n = 2) ou d’un Streptococcus pyogenes (n = 1). Une ETT était réalisée en première intention dans tous les cas, dans un délai moyen de quatre jours. Six fois sur sept, cet examen était non contributif. Le seul cas où l’ETT permit d’emblée le diagnostic était une endocardite de la valve mitrale, avec une végétation de 1 × 3 cm associée à une perforation et une rupture de cordages ; l’évolution clinique fut rapidement défavorable chez ce malade, malgré un remplacement valvulaire chirurgical. Chez les six autres patients avec ETT négative, une réévaluation fut décidée sur des arguments cliniques : dans deux cas en raison des signes cutanés, et dans quatre cas en raison d’un sepsis non contrôlé. Dans un cas, une seconde ETT de nouveau négative, mais de mauvaise qualité, imposa la réalisation d’une ETO qui mit en évidence une végétation de petite taille de la valve aortique. Les cinq autres patients furent réévalués d’emblée par ETO. Cet examen permit de mettre en évidence des végétations chez quatre d’entre eux. Pour un patient, une seconde ETO fut nécessaire pour visualiser une végétation en regard de la sonde d’entraînement du pacemaker. En moyenne, l’ETO de contrôle était réalisée dans un délai de 21 ± 21 jours (trois à 62 jours) après l’ETT. Au total, l’ETO était l’examen clé, permettant la détection de végétations six fois sur sept. L’EI s’était développée sur prothèse mécanique (n = 2), sonde de pacemaker (n = 1), ou sans cardiopathie à risque sous-jacente (n = 4). Les structures atteintes étaient la valve aortique (n = 3), la valve mitrale (n = 2), une sonde de pacemaker (n = 1), l’anneau mitro-aortique (n = 1).

Le délai moyen entre la suspicion et la confirmation du diagnostic était de 27 jours (quatre à 72 jours). Deux patients ont eu une évolution aiguë défavorable. Chez deux autres patients, des amputations itératives ont été nécessaires pour contrôler la nécrose et le syndrome infectieux. La mortalité globale était de 71,4 % (n = 5), dans un délai moyen de 78 ± 109 jours (sept à 270 jours).

Discussion L’EI est souvent de développement insidieux et s’accompagne d’un retard diagnostique important. Au sein de notre activité de dermatologie hospitalière, nous rapportons une prévalence de l’EI de 0,9 %. Ce taux peut notamment être expliqué par l’activité d’urgence dermatologique du service et par ses orientations spécifiques. Les manifestations dermatologiques associées à l’EI sont à rechercher de fac ¸on systématique dans ce contexte. Parmi elles, le purpura vasculaire est un signe classique dont la physiopathologie implique plusieurs mécanismes : une réponse immunitaire cellulaire et humorale aboutissant à la formation de complexes immuns dont le dépôt est responsable d’une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux ; et par ailleurs la migration d’emboles septiques qui conduit, selon leur taille, à l’obstruction de vaisseaux de plus ou de moins gros calibre [5]. Un purpura était présent chez cinq de nos patients. Dans une série de 172 patients suivis pour vascularite, publiée en 1998, le diagnostic d’EI a été établi uniquement chez quatre patients (2,3 %), confir-

874 mant la rareté de l’EI comme étiologie des vascularites [6]. De même, parmi 138 patients avec vascularite leucocytoclasique, une cause infectieuse n’était identifiée que dans quatre cas (trois endocardites, une méningococcémie) [7]. Bien que l’EI soit une cause rare de vascularite, elle doit être évoquée devant tout purpura fébrile, notamment dans un contexte prédisposant. En présence d’un nouveau souffle cardiaque ou d’un souffle récemment modifié, des hémocultures doivent être réalisées de fac ¸on systématique [8]. Parmi les autres manifestations dermatologiques, des lésions nécrotiques, voire bulleuses, des extrémités peuvent révéler l’EI [2,9,10] comme nous l’avons observé chez deux patients. La physiopathologie de ces lésions reste controversée : les hypothèses privilégiées sont un mécanisme immunologique avec dépôts vasculaires de complexes immuns circulants de type IgM et C3 [9], et des emboles septiques artériolaires responsables d’une ischémie et d’une nécrose secondaire [2]. Les autres manifestations, telles que les faux panaris d’Osler et les hémorragies sous-unguéales, sont retrouvées dans 10 à 25 % des cas [11]. L’EI succède toujours à une bactériémie, la porte d’entrée étant cutanée dans 20 % des cas [1]. Les capacités d’adhésion propres de chaque micro-organisme, ainsi que l’importance et la durée de la bactériémie, sont des facteurs déterminants. La flore bactérienne cutanée normale est constituée à 63 % de staphylocoques coagulase négatif et à 30 % de S. aureus [12]. Les dermatoses chroniques, étendues, partiellement contrôlées, voire réfractaires aux traitements, constituent une porte d’entrée à ne pas sousestimer. Dans notre série, trois patients avec EI à S. aureus sur valve native avaient été initialement admis pour des poussées de dermatoses chroniques traitées dans tous les cas par immunosuppresseurs topiques ou généraux, qui constituaient un facteur de risque adjuvant. Strom et al., dans une étude cas—témoin incluant 273 patients, soulignent les risques d’EI sur peau colonisée et plus particulièrement le rôle des infections cutanées et de la mise en place de cathéters sur peau lésée [13]. Hoen et al., dans une étude épidémiologique prospective de 390 patients, soulignent le rôle d’une porte d’entrée cutanée dans 20 % des cas, représentée par des plaies post-traumatiques ou chroniques, des manipulations invasives iatrogéniques ou une toxicomanie parentérale [1]. Les bactéries colonisant la peau pathologique sont avant tout représentées par S. aureus. Le portage cutané de ce dernier est observé chez 10 % des sujets dans la population générale, 64 % dans la dermatite atopique, 48 % dans la forme érythrodermique du syndrome de Sézary, 26 % dans le mycosis fongoïde et 21 % dans le psoriasis [14]. Ce portage est favorisé chez les atopiques par le déficit de l’immunité intrinsèque. Une autre étude menée chez des atopiques a mis en évidence S. aureus dans les narines de 79 % des sujets, sur la peau saine de 76 % d’entre eux et sur la peau lésée de 93 % [12]. Bien évidemment, sur une peau lésée et colonisée par S. aureus, des bactériémies transitoires peuvent survenir à la suite de manœuvres diagnostiques et thérapeutiques minimes, et parfois même au cours d’activités quotidiennes non invasives comme le grattage. Une preuve indiscutable est la survenue possible d’endocardites staphylococciques aiguës, voire fulminantes, chez des sujets jeunes atteints d’une dermatite atopique partiellement contrôlée, et dans un tiers des cas dépourvus de car-

M.-P. Konstantinou et al. diopathie sous-jacente [15,16]. Dans une méta-analyse de 26 articles publiés entre 1993 et 2003, réunissant un total de 3784 épisodes d’EI, Moreillon et Que ont souligné la première place des staphylocoques, qui ont maintenant supplanté les streptocoques dans la répartition des microorganismes responsables d’EI [17]. L’émergence de S. aureus a un impact particulier en dermatologie. Toute bactériémie à S. aureus, notamment sur un terrain prédisposant (acquisition communautaire, toxicomanie intraveineuse, cardiopathie sous-jacente, antécédent d’EI), justifie la recherche d’une EI [18,19]. D’autres bactéries cependant, et notamment le streptocoque ␤ hémolytique du groupe A, peuvent être responsables d’EI à point de départ cutané. Bernaldo de Quiros et al. ont réalisé une étude prospective sur dix ans des bactériémies à streptocoque du groupe A. Parmi les 100 patients inclus, 62 étaient toxicomanes et quatre présentait une EI. Chez les autres patients, la bactériémie était en relation avec un dispositif médical dans 35 % des cas [20]. La durée de la symptomatologie précédant le diagnostic d’EI est habituellement relativement longue : seuls 25 % des diagnostics sont établis dans les dix jours suivant la survenue des symptômes [21]. Le délai diagnostique moyen était dans notre étude de 27 ± 23 jours (quatre à 72 jours), expliqué notamment par la faible sensibilité de l’ETT. La sensibilité de l’ETT varie classiquement entre 40 et 63 %, et celle de l’ETO entre 90 et 100 % ; leurs spécificités restent, cependant, comparables, avec des taux situés respectivement entre 87 et 100 % et entre 91 et 98 % [22]. Certains auteurs proposent l’ETT comme examen de dépistage devant toute suspicion clinique d’EI [23]. En cas de faible suspicion, une ETT normale et de bonne qualité permet d’écarter le diagnostic. En cas de forte présomption clinique, une ETO doit compléter le bilan et sa négativité impose une réévaluation sept à dix jours plus tard [21]. D’un autre côté, les critères de Duke modifiés publiés en 2000 proposent la réalisation d’une ETO en première intention en cas d’EI sur valves prothétiques, d’EI compliquée mais également dans le cadre d’une suspicion clinique probable [4]. Les indications de l’ETO d’emblée ont été élargies aux enfants atteints de cardiopathies congénitales complexes et aux patients avec bactériémie à S. aureus et anomalies valvulaires préexistantes qui affectent la qualité de l’ETT (comme, par exemple, la sténose aortique calcifiée) [24]. Par ailleurs, de nombreux auteurs recommandent de réaliser systématiquement une ETO en cas de bactériémie à S. aureus, quelle que soit la porte d’entrée, compte tenu du pourcentage élevé (20 %) de découverte d’anomalies compatibles avec le diagnostic d’EI [24]. Dans notre série, l’ETT était réalisée d’emblée devant la suspicion d’EI, qui était probable chez cinq patients et faible chez deux autres. L’ETT était négative six fois sur sept et l’ETO une fois sur six. Une application stricte des indications proposées ci-dessus aurait imposé la réalisation d’une ETO d’emblée chez cinq patients, avec un raccourcissement important du délai diagnostique. Cependant, l’étude de Sochowski et Chan a démontré une moins bonne spécificité de l’ETO lorsqu’elle est réalisée très précocement au cours d’une endocardite. Cinq patients sur 65 ayant une ETO initialement non contributive étaient finalement reconnus atteints d’endocardite. Chez trois

Endocardites infectieuses en service de dermatologie d’entre eux, une réévaluation par ETO une à deux semaines plus tard permettait de visualiser des végétations [25]. En conclusion, le diagnostic d’EI reste particulièrement difficile et doit être discuté devant des signes cutanés tels que purpura et nécroses distales. . ., mais également devant des dermatoses chroniques partiellement contrôlées, voire réfractaires aux traitements, qui constituent une porte d’entrée à ne pas sous-estimer. Cette étude souligne la nécessité d’une vigilance accrue des cliniciens dans le cadre de la prise en charge de patients colonisés ou subissant des gestes invasifs sur peau lésée. Ces résultats soulignent l’intérêt de toujours confronter les résultats échographiques aux données cliniques et ne pas hésiter à contrôler l’échographie cardiaque en cas de forte suspicion d’endocardite.

Conflit d’intérêt Aucun.

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