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ScienceDirect www.sciencedirect.com Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 63 (2015) 67–75
Revue de littérature
Enjeux et perspectives psychopathologiques de la phobie scolaire Psychopathological problems and viewpoints about school phobia J.-L. Gaspard a,∗ , N. Liengme b , R. Minjard c a
EA 4050, université Rennes 2, place Recteur-le-Moal, 35043 Rennes cedex, France b 49, avenue Blanc, 1202 Genève, Suisse c CRPPC, université Lumière-Lyon 2, 5, avenue P. Mendès-France CP 11, 69676 Bron cedex, France
Résumé Introduction. – Dans notre société moderne, les difficultés que peuvent rencontrer les enfants et adolescents dans leur scolarité constituent un motif fréquent de consultation médicale. En effet, les impératifs scolaires qui interfèrent souvent avec les processus pubertaires et adolescents et peuvent être source de conflits psychoaffectifs. Malgré les bonnes capacités intellectuelles du jeune, ces conflits peuvent aussi conduire à des situations de refus anxieux – souvent incompréhensibles pour les enseignants et les parents. Méthode. – Prenant appui sur une importante revue de littérature historique et clinique, les auteurs rappellent l’intérêt dont a bénéficié la notion de phobie scolaire. Objet d’un nombre considérable de comptes rendus en psychiatrie et psychopathologie, distinguée en regard d’autres phobies, de la fugue (ou école buissonnière) comme du refus scolaire, la « phobie scolaire » a été défendue par l’orientation psychodynamique de la psychiatrie européenne. Elle connaît de nos jours une certaine désaffection. Plus récemment, la promotion du refus de l’école (School Refusal) constitue l’acmé de la psychologisation des expériences infanto-juvéniles dans le cadre scolaire. Porteur d’indéniables enjeux économiques et idéologiques, le refus de l’école est appelé à servir d’attracteur dans le champ de la santé. Résultats. – L’article montre l’intérêt de la notion de phobie scolaire au carrefour de la pathologie mentale. Là où le refus de l’école – en regroupant les plus divers accidents du lien scolaire (défection, addiction, évitement, auto-sabotage) – vient lisser toutes les particularités cliniques de ces comportements, la phobie scolaire a historiquement permis des débats essentiels sur l’angoisse, la dépression et d’autre part, la distinction entre les symptômes phobiques de facture classique et ceux qui relèvent de formules défensives très diverses (états-limites, psychose). Discussions. – Pour un nombre d’enfants et d’adolescents, la phobie scolaire relève d’une symptomatologie de première urgence. Cette solution subjective est certes très précaire. Elle peut cependant être le support d’un important « travail sur soi ». Les auteurs rappellent, au-delà des catégories syndromiques contemporaines, l’importance de l’écoute thérapeutique. La prise en charge pluridisciplinaire de l’adolescent doit laisser une place importante à la dynamique de l’économie psychique familiale. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Phobie scolaire ; Refus de l’école ; Solution subjective ; Adolescence ; Psychopathologie
Abstract Background. – In our modern society, the number of teenagers and adolescents refusing to go to school is regularly increasing. These difficulties are a common reason for medical consultation. Indeed, school requirements which often interfere with puberty and with adolescent processes can be a source of important psychological conflicts. Despite the intellectual abilities of these young people, these situations of anxious refusal are often incomprehensible for professors and parents alike. Methods. – Building on an extensive review of historical and clinical literature, the authors recall the interest enjoyed by the generic term “school phobia”. Object of a considerable number of reports and studies in psychiatry and psychopathology, distinguished from other forms of phobias or educational problems (truancy, learning refusal), school phobia was defended by the psychodynamic orientation of European psychiatry. This notion knows nowadays some disaffection. More recently, the promotion of school refusal is currently the peak of the psychologizing of youth and adolescent experiences in school. With undeniable political and economic issues, “school refusal” is expected as an ideological attractor in the field of health.
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Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (J.-L. Gaspard),
[email protected] (N. Liengme), r
[email protected] (R. Minjard).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.11.004 0222-9617/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Results. – The article shows the importance of school phobia at the crossroads of mental pathology. When school refusal includes the most diverse school issues (defection, addiction, avoidance, self-sabotage) and mask the clinical characteristics of these behaviors, school phobia has historically allowed for essential clinical discussions on anxiety, depression and secondly to distinguish phobic symptoms of classic style and those belonging to very diverse defensive formulas (borderline, psychosis). Discussions. – For many children and adolescents, school phobia is part of a very emergency symptomatology. This subjective solution is certainly very precarious. It may however be the support of a major “work on oneself.” beyond contemporary syndromic categories, the authors point the importance of active listening. The multidisciplinary care of the adolescent must pay significant attention to the dynamics of the family psychic economy. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: School phobia; School refusal; Subjective solution; Adolescence; Psychopathology
1. Position du problème Historiquement, l’école buissonnière (truancy) a constitué le terreau fécond des travaux interrogeant le lien possible entre les conduites de déscolarisation et la délinquance. Dans les pays anglo-saxons, Healy (1915) et Burt (1925) sont considérés comme des pionniers [1,2]. Il faut attendre le tournant des années 1930 pour que soit soulignée l’importance de l’angoisse dans certains cas d’évitement scolaire. L’américain Broadwin (1932) est ainsi le premier clinicien à décrire cette forme atypique d’école buissonnière [3]. Quelques années plus tard, en Angleterre, Partridge (1939) nomme ce mode particulier de refus d’aller à l’école « psychoneurotic truancy » et le décrit comme un « mother-following syndrome » [4]. Des références éparses [5,6] en dénominations successives, ce mode anxieux d’évitement scolaire (strictement distingué de l’école buissonnière) fait en 1941 une entrée décisive dans la littérature spécialisée sous le terme de « school phobia » ou « phobie scolaire » [7]. Le contexte clinique est précisé. À la différence des élèves fugueurs (école buissonnière), il s’agit d’enfants qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de panique, quand on essaie de les y forcer. Dans une orientation psychodynamique, ces premiers cliniciens définissent ainsi cette peur par déplacement de l’angoisse sur l’objet école (enseignant, pairs, situation) selon un mécanisme phobique. D’autres présentent la « phobie scolaire » comme une névrose profondément fixée de type obsessionnel. Mais tous les auteurs soulignent l’importance de la dynamique familiale (anxiété maternelle, désaccord conjugal, inconséquence parentale). Dans cette perspective, la mère de l’enfant « phobique scolaire » est le support inconscient des peurs de l’enfant par une forte complaisance aux plaintes que peut exprimer ce dernier à l’endroit de l’école. Warren (1948) compare des enfants entre neuf et quatorze ans présentant un refus angoissé d’aller à l’école et des écoliers des buissons [8]. Les premiers sont considérés comme névrotiques et décrits – malgré leurs performances intellectuelles et scolaires – comme timides et très dépendants vis-à-vis des mères généralement fragiles au plan émotionnel. Dans le groupe des élèves fugueurs, seul un tiers des enfants présente de l’anxiété. Dès cette époque, le terme de « phobie scolaire » (ou phobie de l’école) tend à s’imposer dans la littérature [9–12]. Berg et al. (1969) proposent la définition
suivante : sévères difficultés à fréquenter l’école entraînant le plus souvent une absence prolongée, bouleversement émotionnel important avec des craintes excessives, une humeur injustifiée, une souffrance ou des plaintes concernant le sentiment d’être malade dès qu’il s’agit d’aller à l’école, séjour à la maison au su des parents, absence de comportement antisocial manifeste [13]. Un critère supplémentaire est rajouté par King et al. (1995) pour les cas sévères : une absence prolongée supérieure à 40 % du temps scolaire (sur un mois) [14]. Alors qu’au plan de l’observation, règne un large consensus, de nombreux travaux vont s’employer à affiner et décliner les caractéristiques psychopathologiques propres à certaines subdivisions de la « phobie scolaire ». Ainsi, relatant une étude débutée en 1953 au Judge Baker Guidance Center, Coolidge et al. (1957) divisent les cas rencontrés en types « névrotique » (« neurotic ») et « caractériel » (« characterological ») [15]. Sperling (1967) présente un tableau clinique très approfondi [16]. Elle distingue les phobies scolaires aiguës ou chroniques, induites ou communes. Les phobies scolaires chroniques s’avèrent plus difficiles à traiter et indiquent un trouble grave de la personnalité (notamment à l’adolescence). Ce diagnostic est partagé par un nombre d’auteurs [17–20]. Le tableau clinique nécessite une prise en charge globale du jeune et de la famille. Cependant, les diverses tentatives de classification de la « phobie scolaire » ne parviennent à faire l’unanimité. Johnson, dès son premier article [7], consigne l’incidence de l’angoisse de séparation dans ces états anxieux associés ou remplacés par des troubles somatiques (qui permettent à l’enfant de rester à la maison). Jugeant incorrect le terme de « phobie scolaire » (la situation redoutée étant le fait de quitter la maison), l’auteur propose qu’il soit remplacé par celui d’« angoisse de séparation » [21]. Une majorité d’études ultérieures feront de l’angoisse de séparation un déterminant majeur de la « phobie scolaire »[22–26]. Ainsi, Eysenck et Rachman (1965) établissent une distinction entre la « phobie scolaire » (dans laquelle l’angoisse s’attacherait au cadre scolaire) et l’« angoisse de séparation dans la situation scolaire » où la problématique de séparation prédominerait le tableau clinique [27]. Mises (1994) décrit une forme de phobie scolaire larvée dans laquelle l’élève parvient à rester en classe tout en entretenant des rituels contraignants avec sa mère qui doit apparaître derrière la porte ou les grilles de l’école au moment de la récréation [28]. Par ailleurs, la connaissance parentale du refus d’aller à l’école ne semble pas être un critère diagnostique satisfaisant :
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Werry (1996) note qu’une petite proportion de jeunes réussissent à dissimuler un temps leur trouble à l’entourage [29]. En France, si le diagnostic différentiel entre école buissonnière, refus scolaire et phobie scolaire est maintenu [30], l’incertitude demeure. Reprenant ce mouvement des idées, Ajuriaguerra en vient à se demander « jusqu’à quel point le terme « phobie scolaire » est adéquat, car en fait ce n’est pas l’école qui est crainte mais la séparation qui déclenche une angoisse » [31], (p. 919). Et l’auteur de souligner l’hétérogénéité du groupe des phobies scolaires. Dans cette veine, Lebovici (1990) rappelle qu’à l’adolescence la phobie scolaire peut conduire à un comportement contra-phobique d’allure antisociale [32]. Cet auteur rejoint en partie les conclusions de nombreuses études montrant des cas mixtes avec l’école buissonnière (fugue) [33–37]. Dès lors, la phobie scolaire ne serait-elle qu’un « concept limite » qu’il conviendrait d’abandonner au profit du terme plus générique de refus de l’école (School Refusal) ? Ce serait faire fi du formidable débat qu’a initié cette notion dans le champ de la psychopathologie et de la psychiatrie infanto-juvénile. Avec pour conséquences : l’émergence de prises de positions extrêmement tranchées sur l’angoisse, la dépression et la phobie mais aussi paradoxalement le dégagement d’un consensus sur le distinguo entre les symptômes phobiques de facture classique et ceux qui relèvent par défaut de formules défensives très diverses. 2. Phobie scolaire : une approche en compréhension Dès son introduction, un argument majeur a été opposé à la notion de « phobie scolaire » : le constat que la situation redoutée tient majoritairement au fait de quitter la maison et que l’école n’entraîne pas systématiquement une recrudescence de l’angoisse [38]. Parmi la population observée par Hersov (1960), seule une minorité se plaint en effet de l’école (enseignant, élèves) tandis qu’une bonne part s’y sent en parfaite sécurité, l’angoisse culminant au départ de la maison ou en chemin [39]. Ainsi, ce traitement particulier de l’angoisse projetée sur l’objet désigné (l’école) laisse perplexe et apparaît d’autant plus inadéquat que l’enfant est soumis à l’obligation scolaire. Ces considérations s’opposent radicalement aux développements de Sperling sur la question [16]. Pour l’auteur, la phobie scolaire doit être comprise comme « une psychonévrose au vrai sens du terme, reposant sur des conflits et des fantasmes inconscients, et que les raisons données par un enfant phobique sur son comportement sont des rationalisations, tandis que les vraies raisons sont ignorées de lui » (Ibid., p. 266). S’appuyant sur la position d’A. Freud, Sperling souligne le rôle décisif des éléments prégénitaux dans l’étiologie et la dynamique de cette symptomatologie. Selon elle, l’abord des phobies scolaires est possible non pas uniquement selon le symptôme mis en avant dans chaque cas mais surtout en fonction de l’âge. Dans les phobies scolaires aiguës, la situation qui cristallise la phobie tient à la maladie ou au décès redouté d’une figure parentale, un accident ou une intervention chirurgicale sur le sujet où domine le sentiment d’avoir échappé à la mort. « L’événement prend valeur d’une menace intense de séparation, qui, chez l’enfant prédisposé à la phobie par des fixations au stade sadique anal, symbolise une mort imminente (du parent ou de l’enfant
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lui-même) » (p. 268). La phobie scolaire aiguë est définie comme une névrose traumatique dont le refus de l’école est le symptôme manifeste et où « il est possible de mettre en relation l’apparition de la phobie avec le (ou les) événement(s) condensateur(s), généralement (celui ou) ceux qui débusquent ces peurs et ces désirs inconscients liés aux conflits œdipiens » (p. 284). Parmi les phobies scolaires chroniques, l’ensemble de la personnalité est généralement affecté. L’évitement scolaire est une tentative pour maintenir un semblant d’équilibre. La phobie permet certes de localiser l’angoisse dans une aire spécifiée mais le symptôme ne se manifeste qu’au milieu de divers troubles de la personnalité. L’exemple de Fred souligne ce mouvement : la fixation à sa mère, manifestée dès le jardin d’enfants, est le support de difficultés de fréquentation scolaire précoces et récurrentes. À l’âge de neuf ans et demi, il développe une symptomatologie psychosomatique (nausées et vomissements) le contraignant à manquer l’école pendant une période prolongée. La psychothérapie et les prises de médicaments lui permettent de retourner, de manière chaotique, en classe non sans le développement de rituels obsessionnels. À treize ans, nouvel effondrement : présentant un épisode psychotique aigu avec des idées paranoïdes, accompagné d’une anorexie avec perte de poids, il est hospitalisé : « Chaque fois qu’il retournait à l’école, les parents considéraient que le problème était réglé, refusant de reconnaître la détérioration progressive de sa personnalité, jusqu’à ce qu’il refusât tout à fait de fréquenter l’école » (p. 279). Lorsque Sperling rencontre Fred, à l’âge de 15 ans : celuici présente (malgré une efficience intellectuelle supérieure) un tableau régressif sévère de nature phobique avec phénomènes psychosomatiques associés. Incapable de faire face aux réalités scolaires, surtout sur le plan social, ainsi qu’aux exigences de l’adolescence, Fred est victime de taquineries et de moqueries vécues « comme un échec permanent et une blessure narcissique continuelle, ce qui ne faisait qu’augmenter son besoin d’une régression encore plus profonde et d’un retrait encore plus grand de la réalité » (p. 279). Dans toutes les formes chroniques, on retrouve des fixations préœdipiennes non liquidées. Sperling compare le lien pathologique parent–enfant/adolescent à celui de la schizophrénie symbiotique. Dès lors que le traitement ne parvient pas à distendre ou dissoudre l’influence pathologique de l’adulte inducteur, le pronostic reste mauvais. Les rechutes se font tout particulièrement à la puberté et à l’adolescence, périodes propices aux manifestations phobiques, psychotiques ou psychosomatiques. Chez les adolescentes, Sperling souligne la dominante de traits agoraphobiques avec des fantasmes sexuels : « L’attachement phobique à la mère, avec sa coloration homosexuelle, recouvre l’hostilité et les désirs de mort sous-jacents » (p.284). Le tableau parental présente une mère surprotectrice et omniprésente et un père séducteur contribuant à intensifier les conflits œdipiens. Sperling exprime sa totale opposition à toute orientation prônant un retour prompt dans le cadre scolaire ou invoquant l’autorité légale pour obtenir la fréquentation régulière [40]. Cette attitude qui conduit à méconnaître la possible gravité d’une phobie scolaire peut même être utilisée par la famille pour interrompre un traitement perc¸u comme menac¸ant la poursuite du lien pathologique. Pour les adolescents, le travail d’élaboration nécessite par ailleurs que
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les contacts avec les parents soient réduits au minimum [41]. Si le parent impliqué a besoin d’un soin continu, il est adressé à un autre thérapeute auquel est proposé de focaliser le traitement de fac¸on élective sur la relation parent–enfant/adolescent. Dans ce cadre, le parent est considéré « comme l’aîné des partenaires dans la relation pathologique » tandis que le traitement est centré sur sa relation spécifique à l’adolescent. 3. La phobie scolaire : carrefour de la pathologie mentale Alors qu’elle laisse à penser la « phobie scolaire » comme homologue d’une phobie d’objet, Sperling contourne habilement l’obstacle par la référence à la problématique de séparation. L’angoisse de séparation qui est associée inconsciemment au risque potentiel de mort de la mère ou de l’adolescent constitue le facteur dynamique interférant dans la résolution des conflits œdipiens. Mais son rôle est situable à un niveau différent de celui proposé par Johnson : non comme un déterminant primaire mais comme vecteur secondaire. D’autre part, Sperling rapporte dans plusieurs cas l’utilisation des données du Rorschach pour dégager un diagnostic et orienter sa thérapie, preuve de la difficulté d’établir un diagnostic notamment entre les formes « commune » ou « induite ». Parvient-elle cependant à faire taire toutes les critiques sur sa conception « uniciste » de la phobie scolaire ? Il n’en sera rien, même si cette analyse va trouver écho favorable outre-atlantique dans divers travaux [19,42]. Loin de contester la complexité de la situation phobogène, Lebovici va en faire même un trait différentiel vis-à-vis des phobies plus banales [32]. Sont ainsi distingués : le trajet pour aller en cours durant lequel un tiers peut jouer le rôle d’objet contra-phobique et l’expérience scolaire qui implique l’absence de toute protection parentale. Qu’il s’agisse donc de refus mineurs avec plaintes somatiques et troubles fonctionnels à l’heure du départ en classe, d’un refus aigu (angoisse de séparation), de claustrophobie (avec son cortège de malaises physiques, de crainte d’étouffement, etc.), d’agoraphobie où l’angoisse apparemment infondée est souvent masquée par une symptomatologie somatique (sentiment de malaise, dyspnée, palpitations, envies de vomir, etc.), le diagnostic de phobie ne fait guère de doute. En fait, le maintien de cette lecture clinique paraît pleinement justifié à partir de la période de latence que la phobie scolaire vient subvertir, traduisant l’échec de la sublimation et des processus identificatoires à trouver des issues aux conflits inconscients. Pour expliquer la nature des conflits, la référence à l’angoisse de séparation est légitime mais non exclusive. En soutenant (à l’instar de Sperling) que la phobie scolaire est un symptôme névrotique grave, Lebovici dénonce les auteurs qui « préfèrent sans doute suivre la mode qui voudrait éviter le recours à cette notion clinique » (p. 58). À l’adolescence, l’émergence de ce symptôme invalidant est d’autant plus inquiétante qu’elle se situe « aux confins du comportement psychopathique et des interprétations pathologiques, aux confins de la névrose grave, en un mot aux états-limites » (Ibid.). On retiendra ici la manière plus insidieuse par laquelle s’installe le trouble comme le polymorphisme des expressions dans lequel il se trouve noyé [43]. Écartant les cas franchement psychotiques où la phobie scolaire marque le début
d’une décompensation, Lebovici estime que celle-ci a rarement la valeur contraignante du symptôme phobique mais se situe plutôt « au carrefour de l’insuffisance de l’élaboration névrotique et de la mise en actes » [19]. De fait, quand le balancement entre les difficultés de comportements et la phobie s’enracine dans la perturbation chronique et profonde des relations familiales, l’organisation psychique à l’adolescence est difficile à évaluer [20,44,45]. Comme il est fréquemment constaté dans la littérature, la situation devient inextricable dès lors que la famille ne supporte pas les crises de l’adolescent, chargeant inconsciemment celui-ci de réaliser leurs désirs refoulés, ou projetant eux aussi sur la scolarité des souvenirs d’échec comme des représentations angoissantes. Il en est ainsi du cas René qui présente une phobie scolaire suite au décès de son père. La mère, toute à son ambivalence, témoigne d’angoisse et d’admiration pour les comportements violents de son fils. Le refus de l’école, entretenu par la famille durant de longues années, va entraîner la destruction de l’équilibre précaire de celle-ci et l’aggravation des troubles de comportements de René [19]. Ainsi, par delà les réaménagements psychiques inhérents à l’adolescence et qui exercent, sans conteste, une influence dans sa catalyse, la phobie scolaire témoigne ici de la fragilité des assises narcissiques. La nécessité de masquer cette faille dessine diverses réponses pathologiques. À un premier niveau, les auteurs soulignent la transformation de l’angoisse de séparation en réponse à une « menace dépressive » [46–50]. Dans ce cas, la dépression ne peut être qualifiée de « névrotique » [51] et doit être « attribuée à une économie qui se trouve nullement organisée sous le primat du génital, ni à l’ombre de la triangulation œdipienne et dans laquelle le Surmoi ne joue qu’un rôle modeste » (p. 142). Pour ces cliniciens, l’anticipation du danger de surgissement de l’affect se vérifie notamment au plan transférentiel dans le travail thérapeutique. La phobie scolaire trouve alors les issues les plus diverses : l’abandon de la scolarité, la fugue adolescente contra-phobique (sous une patine antisociale) [52], « le recours au passage à l’acte et l’installation d’un système comportemental, psychopathie ou névrose de comportement, dont l’avenir est préoccupant » (p. 149). Nul doute alors que cette absence d’élaboration ne conduise à l’abrasement des capacités intellectuelles comme à de graves défaillances de la pensée et de la représentation [53]. Ce qu’un célèbre cas freudien va nous permettre de mettre en exergue. 4. La « phobie scolaire » de l’homme aux loups Au vu du nombre considérable de publications et d’articles qui ont eu cours depuis la publication par Freud des éléments de sa cure, le cas de Sergueï Pankejeff, plus connu sous le surnom de l’homme aux loups1 , semble avoir résisté tout autant à la doctrine qu’à la sollicitude de la communauté psychanalytique. Il est vrai qu’une série d’affrontements doctrinaux ont pu voir le jour autour des enjeux de diagnostic différentiel (relatifs notamment à certains épisodes hallucinatoires), au rapport paradoxal du sujet vis-à-vis de la castration (reconnaissance et rejet) et 1
Pour exemple, ces dernières parutions en langue franc¸aise [55–59].
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enfin de la réalité clinique chez ce sujet de ce que Freud présentait comme un exemple de « névrose infantile » [54] et que Lacan n’hésita pas à ranger un temps dans la catégorie borderline2 . Mis en cause à propos de la reconstruction au forceps de la scène primitive chez son patient3 , Freud entreprend un véritable réquisitoire : « Je prétends que l’influence de l’enfance se fait sentir jusque dans la situation initiale où se forme la névrose en jouant un rôle décisif pour déterminer si et en quel point l’individu faillira devant les problèmes réels de la vie » (p. 364). De fait, dans l’anamnèse du cas, Freud note que les années d’enfance avaient été « dominées par de graves troubles névrotiques qui avaient éclaté juste avant son 4e anniversaire sous forme d’une hystérie d’angoisse (phobie d’animaux) » (p. 326). Cette phobie infantile n’est pas sans faire écho (mais dans une version plus œdipienne) à celle d’un autre cas célèbre de Freud : le petit Hans [61]. Chez ce dernier, l’angoisse (qui finira par se fixer en peur que les chevaux ne le mordent) se présente aussi par un cauchemar : l’enfant se réveille en larmes après avoir rêvé que sa mère allait partir. Pour Freud, le rêve d’angoisse qui constitue le temps inaugural de la crise phobique chez cet enfant doit être mis en rapport avec l’amour de nature libidinale porté à la mère. L’angoisse de séparation ferait ainsi le lit d’une élaboration secondaire, corrélée à une menace imaginaire tentant de barrer une tendresse accrue pour la mère et non le risque réel de départ de la mère. Chez l’homme aux loups, c’est là encore un rêve (p. 342–343) qui est le point de départ de la phobie et sera aussi le support de l’investigation frénétique de Freud conduisant à la reconstruction d’une scène primitive traumatique. Mais, le point qui mérite toute notre attention dans le présent article et qui a été fort peu exploité tient en une courte anecdote relatée par Freud à propos de la scolarité de notre personnage. On connaît le rôle « pacifiant » de précepteurs qui avaient permis aux troubles de se transformer « en névrose obsessionnelle à contenu religieux, troubles ayant persisté, ainsi que leurs dérivés, jusque dans la dixième année du malade » (Ibid.). Le voici parvenu à l’adolescence au lycée lorsque le destin lui fournit « une curieuse occasion de revivifier [.] sa phobie des loups et de se servir de la relation qui en constituait le fond pour se créer de graves inhibitions » (p. 351). Cette cristallisation symptomatique va indiscutablement dans le sens de nos développements précédents. En effet, dans le cadre d’une fragilité des assises narcissiques ou d’un blocage de l’évolution libidinale (organisation limite de la personnalité), une des modalités défensives à l’adolescence peut être du registre de la phobie scolaire [62]. L’angoisse de perte d’objet de plus en plus contraignante survient dès lors qu’un objet anaclitique ou une représentation à forte valeur d’étayage narcissique en vient à faire défaut. Si l’on s’en tient au contexte relevé par Freud, la situation rencontrée par notre personnage est d’une grande simplicité et renvoie aux rapports avec un enseignant : « Dès le début, ce maître l’intimida et il fut une fois sévèrement pris à partie par lui pour avoir fait 2 Lacan J., lec ¸ on du 19 décembre 1962 de la version prononcée du Séminaire X. On notera l’absence de cette mention dans l’édition publiée [60]. 3 « Il est maintenant question non plus de fantasmes du malade, mais de fantasmes de l’analyste qu’il impose à l’analysé en vertu de certains complexes personnels » [54], (p. 362).
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dans une traduction latine une faute stupide ; de ce jour, il ne put se défendre d’une peur paralysante en présence de ce maître, peur bientôt transférée à d’autres professeurs » (p. 351–352). Cependant, loin d’être anodine, cette erreur de traduction recèle une vérité propre au plan inconscient et possède une forte charge fantasmatique : « Il avait à traduire le mot latin filius et il le fit par le mot franc¸ais fils au lieu de se servir du mot adéquat dans sa langue natale ». Nous voici donc ramenés par cet acte manqué à la question de la filiation, des origines et en filigrane de la fonction paternelle. Reste qu’il nous manque le chaînon qui permettrait de saisir les enjeux subjectifs qui concourent à la situation d’angoisse et d’embarras rencontrée par notre lycéen. Sur ce point, la réponse est pour le moins surprenante et pourrait même – si elle n’était pas donnée par Freud – tenir de la pure invention du narrateur : « le maître qui enseignait le latin dans sa classe se nommait Wolf (loup) ». Mauvaise rencontre donc véritablement massive avec ce « Wolf » qui permet de saisir en quoi, « l’occasion à laquelle il avait commis une bévue dans sa traduction n’était pas non plus sans rapport avec son complexe ». Cette simple erreur prend dès lors au plan inconscient une toute autre résonance : « le loup continuait toujours à être son père » (p.352). Ainsi, peut-on voir, suite à cet incident, l’adolescent tenter de se dédouaner de « cette violente prise à partie par le maître-loup (Wolf) » en s’inscrivant dans la soumission vis-à-vis de ce professeur. C’est du reste dans le registre anal – fixation qui renvoie dans une majorité de cas à un échec du processus de maîtrise de l’objet et des pulsions sexuelles – que s’inscrit le mode hypothétique de réparation imaginé par les camarades de classe de l’homme aux loups : « Après il apprit que, d’après l’opinion générale de ses camarades, ce maître attendait, afin d’être apaisé, de l’argent de sa part ». Grâce au surplomb que nous offre cette présentation de cas, nous pouvons mettre en valeur la conjoncture d’une « phobie scolaire » à l’adolescence qu’esquissent ces quelques données d’anamnèse. Il s’agit ici d’une situation où le signifiant « loup », véritable condensateur de la problématique du sujet conduit à nouveau ce dernier à convoquer au plan imaginaire un père terrible. Angoisse de castration donc, transformée ici en peur du maître, qui constitue le « mobile le plus fort de sa maladie » et qui n’est pas sans rappeler les derniers termes de la séquence que nous livre l’analyse freudienne du cauchemar de l’homme aux loups : problèmes sexuels – castration – le père – quelque chose de terrible. Toute la dialectique de la rivalité passivante avec le père, celle-là même qui avait été jusqu’alors superficiellement écartée par les interventions de personnages fortement investis (précepteurs) comme par l’introduction du sujet à la religion, fait donc retour. Au travers de la « chose scolaire », de l’autre côté de la fenêtre fantasmatique censée ouvrir sur le savoir, et par les effets de pouvoir et de domination du corps enseignant, vient se dresser à nouveau dans l’imaginaire de cet adolescent, un « maître-loup » menac¸ant et dévorateur. En remettant en selle le signifiant organisateur de la phobie (ici « le loup »), l’espace du lycée réactualise le trauma infantile et devient ainsi le support d’une crise subjective profonde et le lieu qui ouvre à l’inhibition. Pour Sergueï Pankejeff, l’affaire ne s’arrêtera pas là. Le destin va s’acharner par la suite pour le conduire à un échec rédhibitoire de la scolarité. En effet, ce n’est pas uniquement l’orientation
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disciplinaire et une mauvaise pédagogie qui seront incriminées par notre homme dans ses mémoires mais une série d’événements à forte résonance traumatique. En effet, parallèlement à sa « phobie scolaire », le voici qui contracte avec une fille de la campagne une gonorrhée. Cette infection qui avait été précédée entre 12 et 15 ans de deux autres inflammations du pénis (l’une provoquée par des tiques, la seconde par un manque d’hygiène) le plonge un temps dans une grande dépressivité et le confronte à une angoisse de « pourrissement » prenant appui sur les propres dires de son père. Quelque temps après, sa sœur, son « unique camarade » dont on connaît le lien « incestuel » se suicide. La rechute est immédiate : cette fois-ci Sergueï sombre dans un état profond de dépression, suivi de ruminations obsessionnelles, de doute et d’agoraphobie avec un évitement phobique de toute relation. C’est à cette époque qu’il décide de s’ouvrir de ses difficultés à son père4 et qu’il se met à peindre notamment des paysages, activité qu’il poursuivra jusqu’à la fin de sa vie. Comme le montre magistralement le cas freudien, la « phobie scolaire » peut émerger à différents niveaux de structuration psychique : celui de l’angoisse liée à une problématique œdipienne comme à celui, plus archaïque, où la pensée ne peut se libérer du jeu des investissements et contre-investissements. Il n’est donc pas surprenant qu’elle se présente avec une grande fréquence à l’adolescence sous un mode régressif pour protéger le moi, menacé dans sa continuité, par l’effraction du pubertaire ou par la réactivation d’angoisses primaires du fait de la défaillance des objets narcissiques (structure familiale n’offrant pas à l’adolescent des conditions d’identification solides, effondrement phobique ou dépressif d’un des parents). La phobie scolaire relève donc d’un « choix forcé » et met souvent à jour une séquence en deux temps : réactualisation d’une problématique phobique (fixation à un stade préœdipien ou œdipien) et action pathogène consécutive sur l’expérience scolaire (troubles de la pensée et des apprentissages, peur des enseignants, des camarades, etc.). Certes, l’environnement scolaire participe à la catalyse, mais en devenant, soit le support d’un surmoi non intégré et archaïque, soit l’objet d’une projection rendant l’évitement inadéquat car ne protégeant pas de la morosité ou d’une angoisse pure non élaborée. À ce titre, le nombre de conduites de détour discrètes (évitement ponctuel d’un cours, désinvestissement scolaire sectoriel) généralement rationalisées par l’adolescent pourraient rentrer dans ce cadre sans pour autant virer à la « phobie » proprement dite. De cette histoire, deux autres enseignements peuvent être tirés. L’effondrement subjectif dont témoigne la « phobie scolaire » ne relève du rapport au savoir que dans la mesure où celui-ci (généralement fortement 4 Notre personnage consultera successivement un neurologue, le docteur Betcherev (Saint-Pétersbourg) qui se prononce pour une neurasthénie et propose un traitement hypnotique, l’éminent Kraepelin (en Allemagne) qui diagnostique un état « maniaco-dépressif » comme son père avant de se rétracter, puis le Dr Drosnes (suivi psychologique) qui l’orientera à Vienne chez Freud. Ce dernier l’accueille en février 1910 puis le revoit en 1918 pour une post-cure, de fac¸on épisodique entre 1920 et 1924. Il l’envoie en 1926 chez Ruth Mack Brunswick (qui permettra l’extinction de l’épisode dit psychotique et la rémission de l’hypocondrie). Puis ce sera un long cheminement de psychanalyste en psychiatre, mais aussi à certaines périodes de dentiste en dermatologue jusqu’à la fin de sa vie en hôpital psychiatrique.
investi) ne se révèle pas en mesure de fournir un appui pour régler toute « mauvaise rencontre » traumatique, qu’il s’agisse de la réviviscence d’une phobie infantile, de la confrontation à l’énigme du sexuel, voire des origines (situation rencontrée chez des adolescents ayant été adoptés ou nés de donneur anonyme), de la supposition chez le jeune (autre exemple) de la pathologie d’un des parents et donc dès lors que ce discours scolaire ne protège en rien du développement de l’angoisse. C’est dans un recul de l’obligation de choix (prendre par exemple position vis-à-vis de la castration), dans un « n’en rien vouloir savoir », dans cette difficulté particulière à affronter des interrogations portant sur le féminin, le sexe ou la mort, que ces conduites adolescentes d’évitement ou de refus viennent traduire l’impasse, voire pour certains, l’impossibilité de négocier tout retour de l’infantile. Ainsi, dans le cas de l’homme aux loups, il est difficile de reconnaître l’histoire d’une névrose infantile aboutie [62], « sans doute n’est-elle pas non plus une névrose de l’enfant. Les traumatismes précoces ont empêché le moi de construire sa cohésion, cohésion qu’il recherchera ultérieurement dans des tentatives de névrotisation » [63]. Et sur ce point, nous devons admettre qu’il ne suffisait pas à l’homme aux loups d’avoir, en son temps, admis la réalité de la castration pour être en mesure d’en tirer toutes les conséquences5 . Dernier point : notre pratique de terrain invite à repenser le rapport actuel qu’entretiennent l’adolescent et leurs parents vis-à-vis de cette passe phobique et vis-à-vis des prises en charge qui sont proposées. L’expérience clinique montre ainsi la nécessité d’une approche globale du jeune dans son environnement, comprenant et se dégageant à la fois d’une réduction au seul travail du symptôme. Le retour du sujet au centre des préoccupations thérapeutiques et familiales offre ainsi, au travers d’une pensée ouverte à la complexité, de nouvelles voies de compréhension. Grâce notamment aux effets de « musement »6 et aux interactions transférentielles – lors de séances de travail en présence des parents ou lors de réunions de synthèse – peuvent être réinterrogées une histoire infantile et une économie psychique familiale dans ses aspects intersubjectifs et trans-subjectifs. 5. Conclusion Au terme de ce travail de recension et de synthèse sur la « phobie scolaire », force est de constater le formidable engouement théorico-clinique qui a eu cours dans la seconde moitié du XXe siècle pour ce qui paraît être une véritable « symptomatologie-limite ». Regroupant des comportements divers d’évitement, de non-assiduité ou de déscolarisation de
5 Seul un travail de cure pouvait (selon Freud) lui offrir la possibilité de réviser sa position à cet endroit. On sait qu’il n’en fût rien. D’où les dérives hypocondriaques et les épisodes hallucinatoires et psychosomatiques. 6 Le « musement » peut se définir comme une technique de libre pensée permettant les émergences associatives produites au chevet du patient ou dans le cadre d’une réflexion d’équipe. Cette possibilité de rêver éveillé, de témoigner de ce qui vient pour chacun (que le patient soit présent ou non) permet d’enrichir l’abord de la problématique du cas mais aussi dans ses effets inconscients ou non conscients d’étayer les capacités d’élaborations (parfois limitées ou sous contraintes) du patient [64,65].
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mode anxieux, la « phobie scolaire » ne peut d’aucune fac¸on être considérée comme un syndrome ou un trouble homogène. Devant la dispersion des manifestations et des tableaux cliniques, deux axes explicatifs principaux ont émergé de la littérature psychopathologique pour s’attacher à l’impossible définition de la « phobie scolaire ». Le premier courant a tenu à inscrire fermement celle-ci dans un contexte de psychopathologie individuelle. Le second a insisté sur l’importance de la dynamique relationnelle intrafamiliale [7,66] et sur le rôle que joue chaque parent [67]. La phobie scolaire grave s’est vue rattacher aux vicissitudes du travail de séparation. La place centrale qu’occupe la position dépressive [68] est soulignée dans ce processus comme la spécificité des faits pathologiques qui peuvent chez l’enfant comme pour l’adolescent découler de son défaut d’élaboration [69]. Ainsi, tout échec partiel, toute entrave dans ce travail de séparation peut conduire, soit à interdire l’entrée dans une configuration œdipienne structurante névrotique, soit à des défaillances de la pensée et de la représentation par l’incapacité à penser l’absence [70]. À la lecture des théories de l’apprentissage et des approches sur l’angoisse de séparation [71,72], cette orientation servira ensuite de base pour la mise au point de protocoles thérapeutiques cognitivo-comportementaux [73]. Ainsi, depuis son émergence, la « phobie scolaire » n’a cessé de jouer le rôle d’attracteur aux multiples enjeux (théoriques, cliniques mais aussi professionnels, idéologiques, etc.). À cet effet, il serait aussi possible de convoquer les cas désormais classiques de Richard qui permettra à Mélanie Klein (1945) d’affirmer son hypothèse d’Oedipe précoce [74] comme de Frankie, cet enfant « phobique scolaire » analysé par Bornstein (1940), puis par Ritvo (1965) dont le devenir fera l’objet d’importantes confrontations doctrinales entre psychanalystes [75]. Alors que cette notion se voit critiquée [38,76,77] et supplantée par le terme générique de refus de l’école/School Refusal [78–81], comment ne pas reconnaître son importance dans le déploiement au cours du siècle précédent d’une psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ? Cette mutation historique a eu pour conséquences de dégager cette dernière du modèle psychiatrique classique de l’adulte, de participer à la psychologisation moderne des expériences scolaires. Remettant à l’ordre du jour l’affect, les théories les plus récentes sur le refus de l’école [82,83] participent quant à elles de l’opération de démantèlement des structures cliniques, de mise à l’étouffoir de l’orientation psychodynamique pour privilégier les solutions chimiothérapiques [84,85]. Certes, la « phobie scolaire » révèle l’inadéquation entre un jeune et son environnement (scolaire, familial) mais l’on ne doit pas oublier en contre-point l’inadaptation fréquente de ces structures au plan de l’étayage comme du cadre (rigidité, défaut d’écoute, de reconnaissance d’une singularité, etc.) [86]. D’où l’intérêt de porter une attention particulière sur les liens du sujet à son environnement et ses origines [87] dans la prise en charge, d’individualiser le dispositif ambulatoire ou hospitalier (qu’il y ait urgence ou non) sans rompre le sentiment de liberté du jeune. Bref d’offrir des dispositifs ouverts et malléables comme supports et activateurs de l’économie psychique familiale [88], là où une médicalisation par trop systématisée des conduites d’évitement et d’objection scolaire a tendance à faire porter le
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poids de l’échec scolaire et la culpabilité sur le seul adolescent [89]. Par ailleurs, dans la volonté d’une sédation rapide du trouble, s’attacher strictement à la manifestation d’affect (présenté dans la littérature comme un élément clé et déterminant) ou aux seuls critères comportementaux (crise, résistance, fuite, etc.) qui ne sont en rien discriminants peut conduire à bien des errements diagnostiques et thérapeutiques [90]. Face à la logique utilitariste et consumériste qui se déploie dans nos sociétés actuelles, la notion de « phobie scolaire » permet pourtant de rappeler « l’utilité » de la phobie [63], la permanence du débat sur les liens entre angoisse, dépression et phobie [91], le fait clinique que tout objet phobogène peut avoir une valeur totalement différente d’un sujet à un autre. D’où le caractère foncièrement hétérogène des phénomènes qu’elle subsume parfois associée à d’autres entités (dysmorphophobie, éreutophobie, agoraphobie, claustrophobie) très fréquentes à l’adolescence [92,93]. Enfin, loin d’être un simple jeu d’esprit, comment ne pas souligner ici l’angle de vue tout à fait précieux qu’offre la « phobie scolaire » sur l’adolescence : cette « passe » en quelque sorte charnière où peut se vérifier l’incapacité particulière pour certains à maintenir la réponse que constitue la névrose infantile (cette phallicisation du désir) ou son aporie, quand le sujet adolescent est condamné à devoir affronter la question sans réponse et parfois traumatique que pose la sexualité et qu’il ne peut indéfiniment esquiver. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Healy W. The individual delinquent. London: Heinemann; 1915. [2] Burt C. American journal of the young delinquent. London: University of London Press; 1925. [3] Broadwin IT. A contribution to the study of truancy. Am J Orthopsychiatry 1932;2:253–9. [4] Partridge JM. Truancy. J Ment Sci 1939;85:45–81. [5] Jung CG. A case of neurosis in a child. The collected works of C. G. Jung, 4. New York: Basic Books; 1961. [6] Klein M. Essais de psychanalyse (1921–1945). Paris: Payot; 1998. [7] Johnson AM, Falstein EI, Szurek SA, Svendson M. School phobia. Am J Orthopsychiatry 1941;11:702–11. [8] Warren W. Acute neurotic breakdown in children with refusal to go to school. Arch Dis Child 1948;23:266–72. [9] Van Houten J. Mother-child relationship in twelve cases of school phobia. Smith College studies in social works, 18; 1948. p. 101–80. [10] Goldberg TB. Factors in the development of school phobia. Smith College studies in social works, 23; 1953. p. 227–48. [11] Suttenfield Y. School Phobia. A study of five cases. Am J Orthopsychiatry 1954;24:368–80. [12] Talbot M. Panic in school phobia. Am J Orthopsychiatry 1957;27:286. [13] Berg I, Nichols K, Pritchard C. School phobia – its classification and relationship to dependency. J Child Psychol Psychiatr 1969;10:123–41. [14] King N, Ollendick TH, Tonge BJ. School refusal: assessment and treatment. Needham Heights, MA: Allyn & Bacon; 1995. [15] Coolidge JC, Hahn P, Peck A. School phobia: neurotic crisis or way of life. Am J Orthopsychiatry 1957;27:296–306. [16] Sperling M. School phobias: classification, dynamic and treatment. Psychoanalytic study of the child, 22. New York: International Universities
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