Annales de dermatologie et de vénéréologie (2009) 136, 223—225
HISTOPATHOLOGIE CUTANÉE / Sauvé par le microscope
Éruption papuleuse généralisée chez une enfant de trois mois Generalised papular rash in a three-month-old infant M.D. Vignon-Pennamen a,∗, F. Cordoliani b, M. Rybojad b, E. Bourrat b,c a
Dermatologie, pathologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP, université Paris-7, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France b Dermatologie, hôpital Saint-Louis, AP-HP, université Paris-7, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France c Pédiatrie, hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris, France
Un nourrisson de sexe féminin a développé à trois mois une éruption papuleuse généralisée sur l’ensemble du tégument, ne respectant que les muqueuses. Sa dermatose était apparue deux mois après une vaccination par le BCG, responsable d’une papulocroûte pigmentée au point d’injection. Elle a été adressée au service de dermatologie pour avis diagnostique devant la chronicité de la dermatose et de son absence de réponse aux traitements locaux à dix mois. Elle était en bon état général, sans retard staturopondéral et son développement psychomoteur était normal. Sur l’ensemble du corps, il existait un semis de micropapules monomorphes, fermes, couleur chair ou très discrètement brunes non prurigineuses (Fig. 1a, b, c). Elle n’avait pas d’antécédents infectieux significatifs. Son examen clinique était normal et aucune anomalie biologique n’a été identifiée. Le père de la fillette, âgé de 28 ans, était suivi en rhumatologie depuis sa petite enfance pour une sarcoïdose articulaire et oculaire sévère traitée par prednisolone et méthotrexate (Fig. 2). La biopsie cutanée montrait, dans le derme, un infiltrat épithélioïde et gigantocellulaire sans nécrose accompagné de rares lymphocytes (Fig. 3 et 4). Une étude génétique réalisée chez le nourrisson et chez son père confirmait le diagnostic de syndrome de Blau, montrant une mutation R334w à l’état hétérozygote sur l’exon 4 du gène CARD15/NOD2. Dans les mois suivant le diagnostic, la fillette, dont la maladie était initialement purement cutanée, a développé des arthrites symétriques des poignets, doigts, chevilles et genoux avec limitation de l’extension des articulations atteintes. Un traitement par prednisone auquel a ensuite été adjoint le méthotrexate apportait une réponse partielle aux atteintes articulaires et n’a pas permis de prévenir l’apparition d’une uvéite bilatérale quelques mois plus tard.
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.D. Vignon-Pennamen).
0151-9638/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2008.12.008
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M.D. Vignon-Pennamen et al.
Figure 1.
a,b,c : éruption disséminée de papules couleur chair ou brune.
Figure 2.
Déformations articulaires (père du cas présenté). Figure 3.
La fillette a maintenant trois ans, son éruption s’est effacée et sa maladie articulaire et oculaire est évolutive, nécessitant la poursuite des traitements systémiques.
Discussion Le syndrome de Blau est un syndrome auto-inflammatoire chronique autosomique dominant décrit en 1985. Il débute très tôt dans la vie avant l’âge de quatre ans et associe classiquement une éruption maculopapuleuse, une arthrite chronique symétrique (90 %) et une uvéite (67 %). D’autres manifestations plus rares peuvent se voir, telles une fièvre intermittente, des atteintes des paires crâniennes, des atteintes hépatiques et rénales [1]. Le rôle du dermatologue dans le diagnostic est essentiel car les signes cutanés sont dans plus de la moitié des cas la première manifestation du syndrome et se voient chez plus de 70 % des patients [2]. L’éruption montrée ici
Infiltrat dermique granulomateux (HES ×100).
est typique, la plus fréquemment rapportée et pourtant, dans certains cas elle est confondue avec une dermatite atopique. La biopsie cutanée, geste simple, permet de suspecter le diagnostic et d’entreprendre une étude génétique ciblée. Grâce à ces études génétiques, nous savons maintenant que le syndrome de Blau et la sarcoïdose infantile sont les mêmes maladies sous-tendues par les mêmes mutations du gène NOD2, mutations non trouvées dans la sarcoïdose classique, y compris dans ses formes familiales. Ce gène, localisé sur le chromosome 16, code une protéine NOD2 qui est un récepteur cytosolique des voies moléculaires impliquées dans les réponses immunes innées contre les bactéries [3]. NOD2, exprimé plus particulièrement par les monocytes, intervient dans les mécanismes régulateurs de l’apoptose et de l’activation de la voie NF Kappa B. Toutes les mutations observées s’accompagnent d’une
Une éruption papuleuse généralisée chez une enfant de trois mois
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d’un cas à l’autre, y compris au sein d’une même famille. Le pronostic dépend de l’atteinte oculaire qui peut être très sévère, responsable de cécité précoce répondant mal aux traitements classiques. De nouvelles stratégies thérapeutiques sont à l’étude, comme l’utilisation des anti-IL1 [4].
Références
Figure 4. Histiocytes épithélioïdes et cellules plurinucléées (HES ×200).
expression clinique (100 % de pénétrance) et correspondent à des mutations de novo dans la sarcoïdose infantile. Les recherches se poursuivent pour comprendre l’hétérogénéité clinique du syndrome, l’absence de certains signes, la présence de manifestations atypiques et la sévérité variable
[1] Becker ML, Rose CD. Blau syndrome and related genetic disorders causing childhood arthritis. Curr Rheumatol Rep 2005;7:427—33. [2] Schaffer JV, Chandra P, Keegan BR, Heller P, Shin HT. Widespread granulomatous dermatitis of infancy: an early sign of Blau syndrome. Arch Dermatol 2007;143:386— 91. [3] Miceli-Richard C, Lesage S, Rybojad M, Prieur AM, ManouvrierHanu S, Häfner R, et al. CARD15 mutations in Blau syndrome. Nat Genet 2001;29:19—20. [4] Arostegui JI, Arnal C, Merino R, Modesto C, Antonia Carballo M, Moreno P, et al. NOD2 gene-associated pediatric granulomatous arthritis: clinical diversity, novel and recurrent mutations and evidence of clinical improvement with interleukin-1 blockade in a Spanish cohort. Arthritis Rheum 2007;56: 3805—13.