Actualités pharmaceutiques Ř n° 503 Ř Février 2011
pratique thérapeutique
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Étude à l’officine de l’observance des traitements au paracétamol par les patients arthrosiques
L’observance des traitements de longue durée est loin d’être optimale. Le pharmacien d’officine, du fait de sa proximité et de sa disponibilité, peut jouer un rôle majeur dans son amélioration. C’est ce que confirme une étude qui s’est intéressée à l’observance d’un traitement chronique par paracétamol par des patients arthrosiques
L’
observance des traitements de longue durée est primordiale pour leur efficacité et pour l’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques telles que l’arthrose. L’étude présentée ici, réalisée à l’officine, avait pour principal objectif d’évaluer l’observance d’un traitement chronique par paracétamol par des patients arthrosiques. Cette observance a été mesurée par le patient lui-même et par le pharmacien. Elle devait également permettre d’identifier des leviers potentiels d’amélioration de l’observance des traitements chroniques à travers la relation pharmacien-patient.
50 ans, fréquentant régulièrement la pharmacie depuis au moins 6 mois et venant pour la délivrance de tout ou partie d’une ordonnance comportant un traitement par paracétamol de 3 à 4 g par jour, en prises systématiques, pour une durée d’au moins un mois, pour des douleurs arthrosiques. Le traitement devait avoir débuté depuis plus d’un mois. Ř Recueil des données Le recueil des données a été réalisé, d’une part, sur les deux premiers patients consécutifs répondant aux critères d’inclusion et acceptant de participer à l’étude et, d’autre part, sur chaque officine. Ř Type de données recueillies Les données recueillies étaient, pour chaque patient, les renseignements démographiques, l’histoire de la maladie, la façon dont le patient prenait son traitement par paracétamol, les conseils délivrés par le pharmacien, les informations que le patient aurait souhaité recevoir et son avis sur le rôle du pharmacien, ainsi que des questions permettant une auto-évaluation de l’observance au traitement par paracétamol. Par ailleurs, pour chaque pharmacie, étaient collectés les caractéristiques de l’officine, ainsi qu’un questionnaire portant sur le patient et son traitement, la délivrance de conseils à cette personne et l’évaluation de l’observance du traitement par paracétamol.
Méthodes Cette étude, pharmaco-épidémiologique, observationnelle, transversale et prospective, a été conduite dans les officines en France métropolitaine. Plus de 5 700 pharmacies ont ainsi été sélectionnées dans la base de données TVF (groupe Cegedim) par un tirage au sort stratifié par département, et ont été invitées, en 2007, par courrier, à participer à l’étude. Ř Sélection des patients Les patients sélectionnés étaient des hommes ou des femmes, âgés de plus de
Résultats et discussion Ř Caractéristiques des pharmacies et des pharmaciens Parmi les 1 076 pharmacies ayant accepté de participer à l’étude, 599 (56 %) ont inclus au moins un patient exploitable dans l’étude. Les pharmaciens concernés étaient majoritairement de sexe féminin (55 %), âgés de 41 à 60 ans (64 %), titulaires (83 %), avec une ancienneté dans la pharmacie de 10 ans ou plus (48 %).
Ř Caractéristiques des patients et du traitement Au total, 1 079 patients arthrosiques ont été inclus dans cette étude. La majorité (70 %) était des femmes, 60 % étaient âgés de plus de 70 ans ; la grande majorité (82 %) était donc retraitée. Enfin, 45 % d’entre eux avaient un niveau d’études élémentaire (certificat d’études). L’ancien neté de l’arthrose était de plus de 5 ans pour 66 % des patients. Pour la plupart (85 %), il s’agissait d’habitués de la pharmacie depuis plus de 5 ans. Le traitement était délivré par la même officine depuis plus d’un an pour 62 % des patients. La durée médiane de traitement indiquée sur l’ordonnance en cours – y compris les renouvellements – était de 2 mois, variant de 1 à 12 mois. Dans 81 % des cas, l’ordonnance était délivrée dans sa totalité et, pour 19 % des patients, elle était partielle, le plus souvent en raison d’une demande du patient (68 % des cas) et, dans 19 % des cas, par décision du pharmacien. Ř Évaluation de l’observance du traitement par paracétamol Une bonne observance était reconnue par le pharmacien chez seulement 45 % des patients alors que 72 % à 80 % de ces derniers s’estimaient « bons observants » d’après leur propre évaluation. Cette mauvaise observance du traitement par paracétamol a déjà été observée. Les patients semblent adopter un comportement particulier vis-à-vis des analgésiques : ils montrent une réticence ayant pour conséquence qu’ils en prennent généralement moins que ce qui leur est prescrit. De plus, les pathologies chroniques étant souvent asymptomatiques, de nombreux patients ne sont pas convaincus de la nécessité de prendre leur médicament. Il est donc nécessaire de leur rappeler régulièrement les effets bénéfiques du traitement à long terme.
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Ř Raisons de non-observance Les patients ont principalement expliqué la non-observance par l’oubli non intentionnel, mais 19 % d’entre eux adaptaient les prises par commodité (sorties, vacances, repas pris à l’extérieur...) et 18 % trouvaient que les prises étaient trop fréquentes dans la journée ou que trop de médicaments étaient pris. Une voie d’amélioration de l’observance pourrait donc tenir, chaque fois que cela est possible, à une simplification des traitements. Ř Facteurs prédictifs de bonne observance au traitement Il a été montré qu’une bonne observance du traitement au long cours par paracétamol était plus fréquemment observée chez les patients retraités et quand l’ordonnance était délivrée en totalité. En effet, il semble que la délivrance de la prescription en totalité n’expose pas la personne au risque d’oublier de faire renouveler son ordonnance et puisse favoriser une meilleure observance. Une moins bonne observance chez les patients non retraités peut s’expliquer par le fait que ces derniers, probablement plus jeunes, sont moins conscients que leurs aînés des ris-
Points à retenir Ř/őREVHUYDQFHDXWUDLWHPHQW SDUbSDUDF«WDPROGRLWHQFRUH¬WUHbDP«OLRU«H FKH]OHVSDWLHQWVDUWKURVLTXHV Ř8QHERQQHREVHUYDQFHHVWbIDYRULV«H SDUbODG«OLYUDQFHFRPSOªWH GHbODbSUHVFULSWLRQ Ř1RPEUHGHSDWLHQWVVRQWDWWHQWLIV DX[bFRQVHLOVG«OLYU«VSDUOHVSKDUPDFLHQV HWGHPDQGHXUVGőLQIRUPDWLRQVPLVHV ¢GLVSRVLWLRQGDQVODSKDUPDFLH &HFLbVRXOLJQHOőLPSRUWDQFHGHODUHODWLRQ SKDUPDFLHQSDWLHQWSRXUFRQWU¶OHU HWbDP«OLRUHUOőREVHUYDQFHDX[WUDLWHPHQWV FKURQLTXHV
ques de la pathologie et éprouvent plus de difficulté à se convaincre de l’intérêt d’une thérapie préventive. Ř Analyse de la relation pharmacienpatient L’analyse des réponses des pharmaciens et des patients sur la relation pharmacienpatient et son rôle a mis en évidence une forte demande pour une information fournie par le pharmacien et un réel intérêt pour les conseils reçus sur le traitement. Dans cette étude, les pharmaciens ont déclaré avoir délivré des conseils concernant le traitement par paracétamol à 85 % des patients, principalement sur la prise de traitement (72 %) et l’observance (74 %). La majorité des patients ayant reçu des conseils a été intéressée et attentive, surtout ceux jugés bons observants par les pharmaciens (85 % des observants contre 78 % des non observants). La quasi-totalité des patients (97 %) considérait la pharmacie comme un lieu adapté pour recevoir des informations médicales et 43 % des patients ont reçu du pharmacien des documents d’information sur l’arthrose. Près de 84 % d’entre eux se déclaraient intéressés par la mise à disposition de supports d’information dans les pharmacies, plutôt sous forme de brochures détaillées (59 % des personnes intéressées) ou de fiches synthétiques (56 %) portant sur la pathologie (81 %) et les médicaments (60 %).
Conclusion La participation des pharmaciens et des patients à cette étude était basée sur le volontariat. Il ne peut être exclus que les patients ayant accepté d’y apporter leur contribution aient été plutôt susceptibles d’avoir une bonne observance, ce qui conduirait à une surestimation de la bonne observance et à une sous-estimation des besoins à mettre en place pour améliorer cette observance.
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ŘLes patients semblent adopter un comportement particulier vis-à-vis des analgésiques : ils en prennent généralement moins que ce qui leur est prescrit.
Il est également possible que les pharmaciens aient eu tendance à inclure des patients qu’ils connaissaient particulièrement, bien que le protocole demandait de retenir les deux premières personnes remplissant les critères d’inclusion. Ce point doit être pris en compte dans l’analyse de la relation pharmacien-patient pour ne pas sous-estimer les besoins des patients. Malgré ces limitations, cette étude souligne l’importance de la relation pharmacien-patient pour contrôler et améliorer l’observance aux traitements chroniques. Alain Saraux Service de rhumatologie, CHU La Cavale Blanche, Brest (29)
Catherine Payen-Champenois Bristol-Myers Squibb, Rueil-Malmaison (92)
Anne Filipovics Bristol-Myers Squibb, Rueil-Malmaison (92)
Pierre Marie Bristol-Myers Squibb, Rueil-Malmaison (92)
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Élisabeth Kern Lincoln, Boulogne-Billancourt (92)
Conflits d’intérêt : interventions ponctuelles ; activités de conseil (BMS).