Pathologie Biologie 55 (2007) 382–389 http://france.elsevier.com/direct/PATBIO/
Étude des populations staphylococciques hospitalières : apport des techniques récentes de biologie moléculaire Interest of new molecular typing method in the study of hospital transmitted Staphylococcus aureus population S. Védyb,*, E. Garnotelb, J.-L. Koecka, F. Simond, S. Molinierd, A. Puidupinc a Laboratoire de biologie médicale, HIA Robert-Picqué, Bordeaux, France Laboratoire de biologie médicale, HIA Laveran, boulevard A.-Laveran, 13998 Marseille, France c Service de réanimation, HIA Laveran, boulevard A.-Laveran, 13998 Marseille, France d Service de pathologie infectieuse et tropicale, HIA Laveran, boulevard A.-Laveran, 13998 Marseille, France b
Reçu le 3 mai 2007 ; accepté le 29 juin 2007 Disponible sur internet le 01 octobre 2007
Résumé But de l’étude. – L’objectif de cette étude est de déterminer l’origine des souches de Staphylococcus aureus acquises en portage et en infection par les patients hospitalisés. En particulier, nous souhaitons évaluer l’existence et l’intensité de la transmission entre les personnels soignants et les patients hospitalisés. Patients et méthodes. – Une enquête prospective d’une durée de deux mois a été menée au sein de services à risque : réanimation, dermatologie, pathologie infectieuse et tropicale et médecine interne. Les souches bactériennes ont été isolées par écouvillonnage nasal des patients et personnels soignants. Leur comparaison a été réalisée grâce à leur phénotype de résistance aux bêtalactamines et par biologie moléculaire. La technique de typage utilisée est récente. Il s’agit du MLVA (multi locus variable number of tandem repeat). Elle n’a jamais été utilisée dans ce contexte. Résultats. – Cent cinquante-sept souches de S. aureus ont été obtenues. Leur comparaison a nécessité la réalisation de 1900 PCR environ (et autant de migration en gel d’agarose), le tout réalisé sur une durée de dix jours. Elle nous a permis de mettre en évidence l’existence d’un clone prédominant en portage chez les patients mais également en acquisition durant l’hospitalisation. Il se rapproche du clone hospitalier V (Méti-R Genta-S agr 1) décrit, par ailleurs, avec d’autres techniques de typage. Cette étude a aussi montré l’existence d’une transmission personnel soignant–patient (et inversement) et ce, en dehors de tout phénomène épidémique. Conclusion. – Les résultats obtenus sont quantitativement insuffisants pour décider de mettre en place une politique de lutte basée sur le dépistage des personnels soignants. En revanche, cette étude nous a permis de vérifier que le MLVA pouvait être un outil d’usage courant pour les équipes opérationnelles d’hygiène du fait de son pouvoir discriminant, de la pertinence des données qu’il fournit et de sa rapidité d’emploi. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – To determinate the origin of acquired S. aureus among hospitalised patients and to evaluate the transmission of strains between health care workers and hopistalised patients. Methods. – The method chosen is a prospective study in risky clinical yards. Nasal swabing of patients and health care workers has been done to isolate bacterial samples. Caracterisation and comparaison of bacterial strains have been made using their antibiotic resistance profil and a recent molecular genotyping technic named MLVA (Multi Locus Variable Number of Tandem Repeat). It has never been used in such context.
* Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Védy).
0369-8114/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.patbio.2007.06.005
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Résults. – One hundred and fifty-seven strains have been isolated. They have been compared while realizing 1900 PCR and agar gel electrophoresis in 10 days. 15 clones were identified. One of them is mainly represented among patient’s nasal carriage and acquired strains. As far as antibiotype and agr type are concerned, it is similar to hospital-acquired clone described in Europe with other technics (MRSA, Gentamicine-S agr 1). This clone appears to be also transmitted between health care workers and patients. Conclusion. – Although it exists, we can’t appreciate the intensity of this transmission. These results don’t allow us to proceed to a systematic screening for nasal carriage among our health care workers. This study shows that MLVA could be a reliable molecular typing method, which could be used in every day practice. In our experience, it is as performing as PFGE, more didactic, faster and easier. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : MLVA ; S. aureus ; Portage ; Personnel soignant ; EOH Keywords: MLVA; S. aureus; Nasal carriage; Health care worker
1. Introduction En matière de lutte contre les infections nosocomiales, les infections à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) constituent une préoccupation internationale. Elles font l’objet d’un certain nombre de mesures basées entre autres sur le dépistage des patients à risque et leur isolement ainsi que sur l’hygiène des mains. S’il est vrai que le rôle du manuportage n’est plus à démontrer dans la transmission hospitalière du germe, il est de plus en plus nécessaire de s’interroger sur l’origine des souches transmises, en particulier pour essayer de dégager de nouveaux axes de lutte dans ce domaine. La recherche systématique du portage de SARM auprès du personnel soignant entre dans ce cadre. Nous avons voulu évaluer son intérêt en répondant à deux questions :
N’ont été retenus que les patients hospitalisés plus de 48 heures. 2.2. Méthode de prélèvement
2. Matériel et méthodes
Tous les participants ont bénéficié d’un écouvillonnage nasal selon la procédure suivante : cinq tours dans chaque narine avec un écouvillon stérile unique introduit sur 1 cm de profondeur. Ils ont tous signé un consentement éclairé. Les PS ont été prélevés par l’équipe d’investigation, deux fois, en début et en fin de protocole. Les patients ont été prélevés par le personnel des services, à leur admission (dans les 48 heures) puis une deuxième fois à leur sortie ou à j15 s’ils étaient toujours présents. En réanimation, nous nous sommes appuyés sur la stratégie en place dans la lutte contre les infections nosocomiales. Le dépistage des patients hospitalisés était effectué à l’admission, de manière hebdomadaire tout au long de l’hospitalisation et à la sortie. La liste nominative de tous les participants a été conservée par l’investigateur (médecin) sur papier uniquement. Les résultats ont été transmis lors d’entretiens privés aux personnes qui en font la demande. Toutes les données ont été anonymées lors de leur retranscription informatique.
2.1. Population étudiée
2.3. Méthode d’isolement des souches bactériennes
Sur une durée de deux mois, entre le 6 mars 2006 et le 2 mai 2006, nous avons procédé à une enquête prospective au sein de notre hôpital. Les services retenus pour participer à cette étude ont été ceux où furent isolées le plus grand nombre de souches de S. aureus durant l’année 2005, tous prélèvements et phénotypes de résistance confondus : réanimation (REA), pathologie infectieuse et tropicale (PIT), médecine interne (MIT) et dermatologie (DERM). PIT et MIT ont la particularité d’occuper une unité commune et de partager la même équipe paramédicale. Les personnels soignants (PS) inclus étaient les médecins, infirmier(e)s, aides-soignantes et femmes de ménage, équipes de jour et de nuit. N’ont été pris en compte que ceux présents dans les services à la date de début du protocole et pour toute la durée de celui-ci. Les patients concernés étaient les hospitalisés dans les services sélectionnés à compter de la date de début de l’enquête.
Chaque écouvillon sert à l’ensemencement d’un milieu chromogène (SAID®, Biomérieux) incubé 24 à 48 heures à 37 °C en aérobiose. Les colonies de S. aureus y apparaissent en vert. Les colonies « douteuses » bénéficient d’un complément d’identification par l’emploi d’un test rapide d’agglutination (Slidex® Staph Plus, Biomérieux). Quatre colonies distinctes sont prélevées pour la réalisation d’un antibiogramme par diffusion en milieu gélosé, dans le respect des recommandations du Comité de l’antibiogramme de la Société française de microbiologie (CASFM). Sont testées les sensibilités aux antibiotiques suivants : mupirocine, β-lactamines (céfoxitine et pénicilline G) et aminosides (kanamycine, tobramycine, et gentamicine). Les antibiogrammes sont lus et archivés sur automate SIRSCAN® (Société I2A). Chaque souche est ensuite conservée à –80 °C, à partir du contrôle de pureté de l’antibiogramme réalisé, sur tube de conservation cryobille®.
● quel est le taux de portage de S. aureus par le personnel soignant ? ● les souches isolées chez lui sont-elles les souches transmises au patient lors de son hospitalisation ?
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Durant la même période d’étude, tous les isolats issus de prélèvements à visée diagnostique et qui ont bénéficié d’un antibiogramme (souches « infectieuses ») sont également conservés à –80 °C selon le même procédé. 2.4. Méthodes de comparaison des souches 2.4.1. Génotypage par MLVA Tous les organismes (eucaryotes et procaryotes) possèdent dans leur génome des successions de motifs ADN identiques. Ils sont appelés mini- ou microsatellites selon leur taille. Le polymorphisme de longueur des minisatellites est lié au nombre de répétitions du motif qui les compose (nombre variable de répétition ou variable number of tandem repeat, VNTR). Le séquençage de l’ensemble du génome de certaines espèces bactériennes a permis d’identifier plusieurs minisatellites hautement polymorphes. C’est le cas pour S. aureus. La comparaison des souches est habituellement réalisée sur la taille de sept minisatellites différents. Nous en avons utilisé dix. La technique associe une réaction de PCR par minisatellite et par souche testée (avec amorce correspondante à la séquence recherchée) suivie d’une révélation par électrophorèse en gel d’agarose. La taille des minisatellites est évaluée par comparaison avec un étalon de poids moléculaire et avec la souche Mu 50 (souche de S. aureus entièrement séquencée dont la taille des séquences minisatellites est connue) L’exploitation des données est réalisée à l’aide du logiciel Bionumerics®. Le résultat produit est un graphique (Fig. 1). Le génotype est défini par l’absence de différence pour les dix marqueurs testés. Un clone est défini par l’ensemble des souches avec au plus un marqueur différent.
2.5. Exploitation des résultats Les dates, origines et natures des résultats de chacun des prélèvements sont reportées au sein de tableaux synoptiques (un par unité de soins). Leur principe de fonctionnement est résumé dans la Fig. 2. Apparaissent dans ces tableaux : ● ● ● ●
la catégorie des personnes prélevées (patient, PS) ; leurs références d’inclusion dans le protocole ; la date des différents prélèvements réalisés ; leurs résultats symbolisés par un code couleur (gris clair pour les prélèvements négatifs et noirs pour les positifs).
L’exploitation statistique des données est réalisée à partir du logiciel Microsoft Excel®. 3. Résultats Sur la durée de l’étude, 268 personnes ont été prélevées (84 soignants et 184 patients) ce qui représente un total de 536 échantillons. Quatre-vingt-quinze isolats différents de S. aureus ont été obtenus (157 avant dédoublonnage). L’exploitation en biologie moléculaire de chacun d’eux a nécessité environ 1900 PCR et autant de migrations en gel d’agarose, le tout réalisé en dix jours (HIA Robert-Picqué, Bordeaux). 3.1. Données générales
2.4.2. Typage « agr » des souches Le locus agr (accessory gene regulator) est présent chez tous les membres de l’espèce S. aureus. Il contrôle l’expression de la plupart des facteurs de virulence de la bactérie. Il existe quatre groupes agr : I, II, III et IV. Ce typage faiblement discriminant sert à valider les résultats du génotypage MLVA (deux souches du même clone ne peuvent être de groupe agr différent). Le principe technique est le même que celui du MLVA (PCR + électrophorèse en gel d’agarose et comparaison à un témoin).
3.1.1. Concernant les patients Sur les 184 prélevés, 128 sont restés hospitalisés plus de 48 heures. L’exhaustivité de nos prélèvements est supérieure à 79,83 % dans cette population. Cent treize d’entre eux ont bénéficié d’au moins un prélèvement d’entrée et de sortie. Trois n’ont pas eu de prélèvement d’entrée et 12 de prélèvement de sortie (11,7 % de dossiers incomplets). Le taux de portage sur le prélèvement réalisé à l’admission était de 20 % (25/125). Le taux de portage sur les prélèvements de sortie était de 23,28 % (27/116).
Fig. 1. Représentation graphique des clones et génotypes après traitement informatique.
Fig. 2. Exemple de tableau synoptique. Dans le cas présenté, le patient 18 a acquis une souche bactérienne en portage, lors de son hospitalisation.
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Tableau 1 Taux de portage selon les fonctions occupées par les personnels soignants Fonction Médecin IDE As Ash
Effectif portage NEG 7 26 13 7
Effectif portage POS 1 4 12 1
Effectif total 8 30 25 8
Pourcentage de portage POS 12,5 (1/8) 16,66 48 12,5 (1/8)
p NS NS 0,0047 NS
Risque relatif NS NS 3,15 NS
Nous n’avons pas observé de différences statistiquement significatives de ces taux entre les différents services étudiés. Sur les 92 patients dont le prélèvement d’entrée était négatif, 13 ont été détectés positifs en sortie d’hospitalisation. Ce sont des suspicions d’acquisition de portage. Cela représente un Taux d’acquisition de portage évalué à 14,13 %. La relation service–acquisition de portage en fin d’hospitalisation est statistiquement significative pour le service de réanimation avec un risque relatif évalué à RR = 3,94 (p < 0,01).
Tableau 2 Tableau de contingence pour l’évaluation statistique du lien existant entre appartenance au clone A et résistance à la méticilline
3.1.2. Concernant les personnels soignants Le taux de participation des personnels sollicités est de 94,4 % (84/89). Sur les 84 PS prélevés, 21 ont eu au moins un prélèvement positif, soit un taux de portage auprès des PS de : 25 % (16–34 %). Aucune différence statistique n’a été observée entre les différents services étudiés. Ce taux de portage varie selon les fonctions occupées dans les unités de soins. Les aides-soignantes constituent la population dans laquelle il est le plus élevé : 48 % (p = 0,0047, Tableau 1).
L’étude MLVA des 95 isolats révèle l’existence de 86 génotypes différents, regroupés en 15 clones. Quatre d’entre eux sont prédominants : A, B, C et D (Fig. 3). Le clone A regroupe presque la totalité des souches résistantes à la méticilline isolées dans le protocole (p < 0,001) (Tableau 2). Ce caractère apparaît sur la Fig. 4. Les SAMR du clone A sont tous sensibles à la gentamicine. Ils appartiennent également tous au groupe agr I. De la même façon, nous avons étudié le lien existant entre ce clone et le caractère acquis des souches (c’est-à-dire souches isolées sur un deuxième prélèvement et non dépistées sur le prélèvement d’entrée ou en début de protocole) (Fig. 5). Neuf des 13 souches acquises appartiennent à A (p < 0,05, test exact de Fisher). A regroupe à lui seul 23 % (9/39) des isolats infectieux. Si l’on considère maintenant la distribution de A dans les populations étudiées, il apparaît statistiquement plus lié aux patients qu’aux personnels soignants (Tableau 3, Fig. 6). Quarante-cinq pour cent des souches en portage chez le patient appartiennent à A.
3.1.3. Concernant les prélèvements à visée diagnostique Ils ont permis l’isolement de 39 souches infectieuses. Aucune corrélation statistique entre portage positif et infection n’a été démontrée en dermatologie et PIT-MIT. Cette corrélation existe en réanimation (p = 0,036) sans que l’on puisse présager de l’événement qui survient en premier (portage ou infection).
Clone A Autres clones Total
SAMR 37 6 43
SAMS 7 107 114
Total 44 113 157
p < 0,001
3.2. Étude des génotypes
Fig. 3. Représentation graphique des 86 génotypes et des 15 clones.
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Fig. 4. Répartition des SARM au sein de la population staphylococcique étudiée.
Fig. 5. Répartition des souches acquises au sein de la population staphylococcique étudiée.
Tableau 3 Tableau de contingence pour l’évaluation statistique du lien existant entre appartenance au clone A et populations étudiées Clone Patients PS
A 16 3
B 3 4
C 3 3
D 5 3
3.3. Résultats dans l’espace et dans le temps Les tableaux synoptiques permettent d’émettre des hypothèses sur d’éventuelles transmissions survenues pendant la durée de l’étude. Par souci de concision, nous ne présentons ici que les résultats observés en réanimation (Fig. 7). Le PS35 est la première personne chez laquelle une souche du clone A a été mise en évidence en réanimation (le 07/03, clone A génotype 51). Les patients 44 et 88 étaient négatifs à l’admission. Ils deviennent positifs en cours d’hospitalisation
avec une souche du même clone et même génotype. L’hypothèse d’une transmission PS–patient est très probable ici. Pour le patient 96, la transmission a pu se produire à partir du même personnel soignant ou des patients précédents puisqu’ils furent hospitalisés en même temps (transmission croisée). À noter ici, les cas remarquables des patients 88 et 5 dont l’écouvillonnage nasal de sortie a révélé la présence de deux clones différents en portage dont le clone A (toujours le même génotype). La souche du clone A génotype 54 ne se retrouve que chez le patient 75. 4. Discussion Le thème était délicat à promouvoir auprès de soignants dont on sait qu’ils associent souvent l’infection nosocomiale
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Fig. 6. Répartition des souches isolées auprès des personnels soignants et des patients au sein de la population staphylococcique étudiée.
Fig. 7. Tableau synoptique établi à partir des résultats recueillis en réanimation. Les flèches noires figurent les hypothèses de transmission PS–Patients, les flèches en pointillés les hypothèses de transmissions croisées.
à la faute professionnelle. Malgré cela, le taux de participation a été excellent. Les chiffres retrouvés en termes de taux de portage chez les patients et le personnel soignant ne sont pas significativement différents de ce qui est décrit dans la littérature avec la technique utilisée ici en dépistage [1,2]. Cependant, plusieurs éléments sont sujets à discussion. Si les taux de portage des patients en entrée et sortie ne sont pas significativement différents, ils ne sont pas identiques. Les patients porteurs à l’entrée ne sont pas les mêmes qu’en sortie d’hospitalisation. Le séjour hospitalier est l’occasion d’une fluctuation du portage. La sensibilité excellente de la technique de dépistage utilisée ne suffit pas à l’expliquer.
Nous ne pouvons pas nous étendre sur les situations où le portage, positif à l’admission, devient négatif en fin de séjour. Elles nécessiteraient la prise en compte de facteurs extérieurs que nous n’avons pas étudié, comme l’antibiothérapie. Les situations d’acquisitions sont les plus intéressantes pour notre étude. Nous avons pu les formaliser ici sous la forme d’un taux d’acquisition de portage (14,13 %, R = 3,94 en réanimation). Malheureusement, sans comparatif dans la littérature, à notre connaissance, ce taux ne nous permet pas de nous situer par rapport aux autres structures de soins. D’où viennent ces souches acquises ? Le rôle de réservoir joué par certains PS pourrait être avancé si l’on rapporte le taux de portage à la fonction occupée. Le
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résultat obtenu auprès de nos aides soignantes (48 %) est, en effet, très important. Des taux jusqu’à 56 % ont été décrits par certains auteurs [1] mais sans préciser la catégorie professionnelle concernée. Sans savoir s’il est exceptionnel pour cette profession, on peut toutefois l’expliquer facilement : ● d’abord par les contacts plus étroits que ces personnels ont avec les patients, lors de toilettes par exemple. Leur rôle en tant que réservoir hospitalier est alors suspecté ; ● mais, on ne peut pas éliminer non plus une acquisition communautaire de ces souches. La littérature dans ce domaine ne donne que peu de comparatifs. Dans tous les cas, rien ne permet de dire ici si ces souches présentes en portage sont celles qui sont transmises. Il faut pousser l’analyse plus loin pour répondre à la question de l’origine des souches acquises. Dans ce contexte, le MLVA est une technique de biologie moléculaire particulièrement performante. La littérature avait déjà montré que cette technique de génotypage était aussi discriminante que la PFGE [3,4]. Nous avons eu l’occasion de vérifier qu’elle est également beaucoup plus rapide, peu coûteuse et facile à réaliser. La quantité des informations traitées et le laps de temps requis pour le faire sont convaincants. Par ailleurs, les résultats produits sous forme de graphiques sont très didactiques. La technique retrouve très clairement une population staphylococcique polyclonale si on la considère dans sa globalité. Cette polyclonalité disparaît cependant si l’on s’intéresse : ● aux souches isolées en portage et en infection chez les patients ; ● aux souches acquises lors de leur hospitalisation ; ● aux souches résistantes à la méticilline. Elles appartiennent toutes au même clone « A ». Le groupe agr de ce clone et le phénotype de résistance des souches qui le composent (SAMR Genta-S), nous permettent de dire qu’il correspond au clone majoritaire hospitalier connu et mis en évidence par les techniques de typage usuelles [5,6]. Il est très différent des clones communautaires également décrits : clone pédiatrique agr 2 et clone PVL 80-IV agr 3 PVL+. Le MLVA apparaît donc aussi comme une technique précise et exacte par rapport à celles déjà utilisées pour l’étude des populations staphylococciques. Ces éléments nous permettent de tirer plusieurs conclusions : ● l’hypothèse de l’existence d’un réservoir actif de germes constitué par le personnel soignant paraît peu probable. Même auprès de nos aides-soignantes, « A » n’est pas un clone prédominant. Mais, la transmission PS–patient existe tout de même si l’on prend en compte les résultats présentés en tableaux synoptiques. Elle est particulièrement suspecte
en réanimation, sans que l’on puisse évaluer son intensité. Le phénomène doit être minime si l’on en croit la polyclonalité du portage chez le personnel soignant ; ● la prédominance du clone A dans les recherches de portage est en rapport avec l’origine de cette population de patients. Nous savions qu’elle était pour une grande part constituée de patients âgés transférés de structures de longs séjours. 5. Conclusion On aurait pu penser que cette étude allait être difficile à réaliser en raison d’une mauvaise acceptabilité auprès des équipes de soins. Au contraire, leur professionnalisme et leur bonne volonté, ont permis qu’elle soit menée à bien. Les résultats obtenus ne nous autorisent pas à mettre en place une politique de lutte axée sur le dépistage systématique des personnels soignants. Cependant, deux actions doivent être entreprises : ● une éradication du portage nasal du PS35, en réanimation. Elle doit être réalisée en concertation avec les membres du CLIN et le service de médecine du personnel. Elle semble devoir s’imposer mais ces modalités restent à déterminer. L’application de Mupirocine® locale semble la mesure la plus adaptée dans le contexte [7] ; ● une rétro-information dépassant largement le cadre des participants est impérative pour dynamiser la lutte contre les infections nosocomiales. Ces résultats doivent nous donner une nouvelle impulsion pour promouvoir l’hygiène des mains, l’utilisation des solutions hydroalcooliques et la bonne gestion de l’antibiothérapie dans l’hôpital. Avec plus de recul, l’étude menée est une illustration intéressante de ce que peuvent apporter à l’hygiène hospitalière, les techniques récentes de biologie moléculaire, telles que le MLVA. Réactive, rapide, didactique et discriminante cette technique est particulièrement adaptée pour les équipes opérationnelles d’hygiène. Son emploi pour la traçabilité des souches au sein d’une structure hospitalière peut être très efficace. Elle entrouvre la porte des indicateurs d’infections nosocomiales aux marqueurs génomiques… Références [1] Pan ES, Diep BA, Carleton HA, Charlebois ED, Sensabaugh GF, Perdreau-Remington F, et al. Population dynamics of nasal strains of methicillin-resistant Staphylococcus aureus-and their relation to community-associated disease activity. J Infect Dis 2005;192:811–8. [2] Kluytmans J, van Belkum A, Verbrugh H. Nasal carriage of Staphylococcus aureus: epidemiology, underlying mechanisms, and associated risks. Clin Microbiol Rev 1997;10(3):505–20.
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