Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2009) 95, 705—711
MÉMOIRE ORIGINAL
Étude d’une série de luxations antérieures après arthroplastie totale de hanche. Analyse radiographique et tomodensitométrique du positionnement des implants et évolution après traitement orthopédique夽 Anterior total hip replacement dislocation. Radiographic and CT-scan assessment. Ultimate outcome following conservative management M. Di Schino a,∗, F. Baudart a, S. Zilber b, A. Poignard b, J. Allain b a b
Service d’orthopédie, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France Service d’orthopédie, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France
Acceptation définitive le : 24 septembre 2009
MOTS CLÉS Luxation antérieure ; Prothèse totale de hanche ; Tomodensitométrie ; Traitement orthopédique
Résumé Fondement. — La luxation est une des complications les plus fréquentes de l’arthroplastie totale de hanche. La majorité des luxations sont postérieures, tandis que la luxation antérieure est rare et son traitement est controversé. Hypothèse. — Évaluer cliniquement et radiologiquement le résultat du traitement orthopédique des luxations antérieures d’arthroplasties totales par immobilisation en flexion de hanche d’environ 45◦ , en rotation neutre associée à une abduction de 10 à 20◦ (position transatlantique). Patients et méthodes. — Entre 1997 et 2007, 19 patients (11 femmes et sept hommes) d’un âge moyen de 64,6 ans (36—89) ont présenté une luxation antérieure de prothèse totale de hanche cimentée implantée par voie postérolatérale pour coxarthrose. Une instabilité peropératoire en extension combinée à de la rotation externe avait été notée huit fois. Dix luxations étaient survenues en postopératoire immédiat et neuf de fac ¸on retardée après un délai moyen de 39 jours (6—82 jours). Après réduction de la luxation par manœuvres externes, les patients ont
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2009.08.003. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Di Schino). 夽
1877-0517/$ – see front matter © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rcot.2009.10.004
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M. Di Schino et al. été traités par immobilisation en position transatlantique pendant une durée moyenne de deux semaines (10—21 jours). L’évaluation fonctionnelle (fondée sur le score Merle d’Aubigné [PMA]) et radiologique a été réalisée au recul moyen de quatre ans. L’angle d’obliquité frontale de la cupule et l’éventuelle modification de longueur du membre opéré ont été mesurés sur une radiographie de bassin de face en position debout. L’antéversion des cupules et des pivots fémoraux a été calculée à l’aide d’un examen tomodensitométrique dans 16 cas. Résultats. — Au dernier recul, quatre patients avaient présenté une récidive de luxation antérieure (un patient a récidivé deux fois). Ils ont de nouveau été traités par immobilisation en position transatlantique pendant deux semaines et n’ont plus récidivé. Aucun patient n’avait subit d’intervention itérative sur la hanche opérée et temporairement instable. Treize étaient indolores et 11 avaient un périmètre de marche illimité. Le score PMA moyen final était de 16 (12—18). Les patients ayant présenté une ou deux récidives avaient un PMA de 18 au recul final. Six patients présentaient un raccourcissement supérieur ou égal à 5 mm (valeur moyenne : 10 mm, maximum : 25 mm) pour un cas d’allongement de 10 mm. L’angle d’inclinaison frontale de la cupule était en moyenne de 48◦ (40—57◦ ). Il était supérieur à 50◦ dans sept cas. L’antéversion moyenne de la cupule était de 30◦ (14—60◦ ). L’antéversion fémorale moyenne était de 24◦ (3—52◦ ). Au total, 12 implants (huit cupules et quatre tiges fémorales) présentaient un excès d’antéversion d’au moins 25◦ . Discussion, conclusion. — La luxation antérieure après arthroplastie de hanche est associée à un excès d’antéversion fémorale ou acétabulaire d’environ 10◦ respectivement. Toutefois, la correction de ces anomalies architecturales n’est pas nécessaire puisque l’immobilisation en position transatlantique pendant deux semaines prévient efficacement les récidives et aboutit à des résultats fonctionnels satisfaisants à moyen terme. Niveau de preuve. — Niveau IV : étude rétrospective. © 2009 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
Introduction Le taux moyen de luxation après arthroplastie totale de hanche rapporté dans la littérature est de 2 % [1]. La direction de ces luxations semble être postérieure dans la grande majorité des cas [1]. Les luxations antérieures apparaissent ainsi rares et leur traitement est par conséquent mal codifié. Notre objectif était d’analyser une population de luxations antérieures après arthroplastie totale de hanche implantée par voie postérolatérale pour en déterminer les facteurs de risque et d’évaluer le résultat après traitement orthopédique par immobilisation en flexion de hanche d’environ 45◦ , en rotation neutre associée à une abduction de 10 à 20◦ (position transatlantique).
Patients et méthodes Patients Nous avons étudié rétrospectivement 19 cas de luxation antérieure après arthroplastie totale de hanche (14 droites et cinq gauches) survenus entre 1997 et 2007. Nous avons évalué la fréquence de survenue de la luxation antérieure entre 0,5 et 1 % correspondant à une activité chirurgicale de notre service de dix ans (période durant laquelle environ 2000 arthroplasties totales de hanche ont été réalisées). Cette fréquence est beaucoup plus élevée que celles de la littérature [1]. La série comportait sept hommes et 11 femmes (un cas bilatéral) d’un âge moyen de 64,6 ans (36—89). L’index de masse corporel (IMC) était en moyenne de 28,5 (19—39). Nous avons exclu les luxations survenues à la suite de reprises de prothèses totales de hanche pour ne considérer que les cas survenus après implantation primaire. Les principaux antécédents étaient quatre dysplasies
congénitales de hanche (22 %) traitées par ostéotomie fémorale de varisation (un cas) ou de valgisation (un cas) ou ostéotomie du bassin selon Chiari (un cas), une fracture de l’acétabulum, une hémiplégie ipsilatérale à l’arthroplastie, une épilepsie et quatre intoxications éthyliques.
Méthode chirurgicale L’arthroplastie totale de hanche était réalisée par voie postérolatérale. Les cupules, en polyéthylène, étaient toutes cimentées. Les tiges fémorales étaient en titane (OstéalTM , Ceraver, France), également cimentées et les têtes étaient en alumine (16 têtes de diamètre 32 et trois têtes de diamètres 28). L’indication ayant conduit à l’implantation comportait cinq ostéonécroses de stade 4 (dont un cas bilatéral), quatre dysplasies de hanche, une coxarthrose séquelle d’une fracture de l’acétabulum et neuf coxarthroses primitives. En préopératoire, le côté opéré présentait un raccourcissement trois fois d’une valeur moyenne de 25 mm (8—72 mm) et était trop long deux fois d’une valeur moyenne de 9 mm. La survenue de la luxation a été dépistée cliniquement par l’apparition d’une impotence fonctionnelle (bien que généralement moins marquée que dans les formes postérieures), un raccourcissement inconstant et surtout une attitude en grande rotation externe de hanche puis diagnostiquée radiologiquement par une radiographie du bassin de face au lit (Fig. 1). La luxation était réduite en urgence au bloc opératoire sous anesthésie générale, par manœuvres externes. Les patients étaient ensuite immobilisés au lit strict en position transatlantique comportant une flexion de hanche d’environ 45◦ en rotation neutre associée à une abduction de 10 à 20◦ pendant théoriquement deux semaines.
Traitement orthopédique des luxations antérieures après arthroplastie totale de hanche
Figure 1 Radiographie de bassin de face : luxation antérieure de prothèse totale de hanche gauche.
Méthodes d’évaluation Nous avons analysé le délai de survenue de la luxation après l’intervention, la notion éventuelle d’une instabilité prothétique peropératoire, la durée réelle de l’immobilisation, la survenue éventuelle d’une ou plusieurs récidives et la nécessité ou non d’une réintervention. Le score fonctionnel de Merle d’Aubigné (PMA) a été évalué au dernier recul. L’évaluation radiologique a été réalisée sur deux incidences radiographiques et pour 16 cas par une tomodensitométrie (TDM) destinée à mesurer l’antéversion des implants fémoraux et acétabulaires. Une radiographie de bassin de face en charge, genoux et hanches en extension, nous a permis de mesurer :
Figure 3
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Figure 2 Mesure de l’inclinaison (verticalité) de la cupule sur le bassin de face par rapport à la ligne bi-ischiatique.
• la verticalité de la cupule en mesurant l’angle passant par la ligne reliant la ligne bi-ischiatique à la tangente à la pièce acétabulaire ; • les longueurs pré- et postopératoires par la distance comparative ischion/petit trochanter rapportée à l’axe vertical (Fig. 2). La technique utilisée pour la mesure TDM d’antéversion des implants (comparatif droit/gauche) était celle précédemment décrite par Goutallier et al. [2] : le patient étant en décubitus dorsal, les genoux étant en extension, les deux membres inférieurs étaient parallèles et immobilisés à l’aide de cales et de sangles. Des repères cutanés, placés sur chacun des genoux, permettaient de vérifier qu’en fin d’examen le malade n’avait pas bougé. Le repérage des coupes était effectué sur un topogramme de face. L’axe
Tomodensitométrie pour la mesure de l’antéversion de la pièce fémorale.
0 0 −6 39,2 67 4 côté droit
39,2 67 4 côté gauche
24,7 22 76 36 2 3
IMC : index de masse corporelle. a Différentiel entre le côté prothétique versus hanche controlatérale.
1
+9
0 +1 +10 1
−25 0 −72 0 2 1
+7 +10
+2 +24
−5 0 −4 67 1
25,5
Fracture acétabulum — Ostéonécrose bilatérale Éthylisme. Ostéonécrose bilatérale Éthylisme. Ostéonécrose bilatérale
1
+3
Différence longueur préopératoire (mm) Nombre de récidives Antécédents IMC Âge Patients
Caractéristiques des récidives. Tableau 1
Figure 5 Mesure d’antéversion de la cupule : angle formé entre la ligne joignant les bords postérieurs des os iliaques sur la coupe passant par le centre de la cupule (correspondant à la zone des épines sciatiques) et celle coupant les extrémités antérieures et postérieures de l’anneau métallique situé à la périphérie de l’implant acétabulaire.
Différentiela d’antéversion fémorale
fémoral supérieur était évalué à partir de deux coupes épaisses d’environ 8 à 10 mm, l’une passant par le centre de la tête fémorale et l’autre par le milieu de la base du col. L’axe fémoral inférieur correspondait à la tangente à la face postérieure des deux condyles fémoraux tracés sur une coupe de 5 mm d’épaisseur, au niveau où l’échancrure intercondylienne a la forme d’une voûte romane. L’antéversion fémorale était obtenue par simple lecture, tracée directement sur l’écran de télévision et correspondant à l’angle entre l’axe fémoral supérieur et l’inférieur (Fig. 3). L’antéversion de la cupule était définie par la valeur de l’angle formé entre la ligne joignant les bords postérieurs des deux os iliaques sur la coupe passant par le centre de la cupule (correspondant à la zone des épines sciatiques) et celle coupant les extrémités antérieures et postérieures de l’anneau métallique situé à la périphérie de l’implant acétabulaire (Fig. 4 et 5).
Différentiela d’antéversion acétabulaire
Figure 4 Repère du centre de la cupule passant par le plan des épines sciatiques.
0
M. Di Schino et al.
Différence longueur postopératoire (mm)
708
Traitement orthopédique des luxations antérieures après arthroplastie totale de hanche Tableau 2
Résultats des mesures tomodensitométriques d’antéversion fémorale et acétabulaire.
Somme des antéversions Différentiela d’antéversion fémorale Différentiela d’antéversion acétabulaire Inclinaison de la cupule de face a
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Série globale (mini—maxi) (◦ )
Récidive (mini—maxi) (◦ )
Population sans récidive (mini—maxi) (◦ )
58 (17 à 110) 9,1 (−7 à 30) 9,3 (−4 à 42) 48 (40 à 60)
50,4 (30 à 77) 7,8 (3 à 10) 3,8 (−4 à 24) 46 (40 à 55)
62,3 (17 à 110) 9,8 (−7 à 30) 12,4 (−1 à 42) 48 (40 à 60)
Différentiel entre le côté prothétique versus hanche controlatérale.
Résultats Résultats cliniques Les résultats ont été évalués au recul moyen de quatre ans. Huit instabilités peropératoires (42 %) en extension combinée à de la rotation externe était décrites dans le compte rendu opératoire. L’épisode de luxation est survenu lors des 48 premières heures postopératoires dans dix cas (53 %), parmi lesquels sept instabilités antérieures peropératoires avaient été notées. Il est apparu secondairement avec un délai moyen de 33 jours (2—82) dans neuf cas (47 %). La luxation est survenue en décubitus dorsal 14 fois (73 %), en passant de la position couchée à la position debout quatre fois (21 %) et une était post-traumatique. Tous les patients ont été immobilisés en position transatlantique. La durée moyenne réelle d’immobilisation a été de 13 jours (7—21 jours). Aucune complication cutanée, thromboembolique ou infectieuse n’est survenue. Quatre patients (cinq cas car un cas bilatéral, soit 26 %) ont présenté une récidive de luxation antérieure parmi lesquels un cas bilatéral et un ayant récidivé deux fois à j7 et j14 du lever. Pour tous ces patients, le diamètre de la tête utilisée était de 32 mm. Ils ont été de nouveau immobilisés en position transatlantique pour une durée moyenne de 20 jours sans récidive ultérieure. Toutes les récidives sont survenues précocement, dans les deux semaines ayant suivi la remise en charge des patients (j1, j1, j4, j7 et j14). Quatre sont apparues lors du passage de la position couchée à la position debout et une en post-traumatique dans les suites immédiates d’une chute. Enfin, un cas de luxation postérieure isolée est survenu après la remise en charge. Aucun patient n’a présenté de récidive ultérieure. Il n’est donc apparu aucun cas d’instabilité chronique ayant nécessité une réintervention. Le score PMA au dernier recul était de 16 (12—18). Onze patients avaient un périmètre de marche illimité (60 %). Treize étaient indolores (72 %), quatre avaient des douleurs occasionnelles et un rapportait des douleurs permanentes. Le score PMA était jugé bon ou très bon dans 77 % des cas. Les quatre patients ayant récidivé avaient tous un score PMA de 18 au dernier recul.
Résultats radiographiques Six patients (33 %) présentaient un raccourcissement supérieur ou égal à 5 mm (5—25 mm) pour un cas trop long de 18 mm. Les trois patients isolongs en préopératoire ont eu un raccourcissement inférieur ou égal à 5 mm sans reten-
tissement clinique. Les trois patients qui présentaient un raccourcissement en préopératoire avaient une égalisation de longueur ou n’avaient été modifiés en postopératoire. L’opéré avec le plus grand raccourcissement (25 mm) correspond au seul cas ayant récidivé deux fois. L’angle d’inclinaison frontale de la cupule était de 48◦ (40—60◦ ). Cet angle était supérieur à 50◦ dans sept cas dont deux ayant récidivé une fois. L’antéversion moyenne de la cupule du côté opéré était de 30◦ (14—60◦ ) versus 19◦ (14—31◦ ) du côté controlatéral. Le différentiel moyen d’antéversion entre le côté opéré et le controlatéral était de 9,3◦ (−4◦ , 42◦ ). Parmi les huit antéversions supérieures à 25◦ (42 %), deux ont récidivé. Les cinq récidives sont survenues pour des différentiels d’antéversion du côté prothétique versus côté opposé de respectivement 1◦ , −4◦ , −4◦ , 2◦ et 24◦ (Tableau 1). L’antéversion de l’implant fémoral était en moyenne de 24◦ (3—52◦ ) versus 16◦ (6—34◦ ) du côté controlatéral. Le différentiel moyen d’antéversion entre le côté opéré et le controlatéral était de 9,1◦ (−7◦ , 30◦ ). Parmi les deux antéversions supérieures ou égales à 50◦ , aucun n’a récidivé. Les cinq récidives sont survenues pour des excès d’antéversion du côté prothétique de respectivement 3◦ , 7◦ , 10◦ , 10◦ et 9◦ . (Tableau 1). La somme des antéversions fémorales et acétabulaires mesurées en TDM était en moyenne de 58◦ (17—110◦ ) pour 39◦ du côté opposé (17◦ , 57◦ ) (Tableau 2). L’ensemble des caractéristiques des cinq cas de récidives est résumé dans le Tableau 1 (Tableau 1).
Discussion Bien que la littérature se soit très peu intéressée spécifiquement à cette complication, il nous semble que le taux de luxations antérieures de prothèses totales de hanche implantée par voie postérolatérale soit sous-estimé. Une partie des luxations précoces, prises en charge en urgence et considérées comme postérieures, sont probablement antérieures. Il apparaît indispensable d’en faire la distinction afin d’adapter l’attitude thérapeutique. Afin de tenter d’identifier les facteurs favorisants les luxations antérieures précoces après prothèse totale de hanche, nous avons comparé les caractéristiques de notre population à celles de deux séries de prothèse totale de hanche [3,4] réalisées dans notre service (même recrutement, mêmes opérateurs, même technique chirurgicale, mêmes implants) portant sur 100 [3] et 156 cas [4]. Notre population était en moyenne plus âgée de six ans que dans ces deux séries. L’IMC moyen était de 28 ,5 versus 25 correspondant à un excédant de poids moyen de 10 kg.
710 Le taux de dysplasie congénitale de hanche de notre étude (22 %) est supérieur à celui des deux autres séries (12 et 19 %). Le défaut de couverture antérieure et supérieure de l’acétabulum secondaire à la dysplasie peut être à l’origine d’un défaut de positionnement comportant une hyper-antéversion et une verticalisation de la cupule résultant de la modification des repères anatomiques et de la tendance naturelle de l’opérateur à antéverser à l’excès la cupule pour obtenir une bonne couverture osseuse de l’implant. Le taux d’ostéonécrose de la tête fémorale (26 %) de notre population corrobore les résultats de Nishii et al. [5] rapportant que ces patients ont un risque plus élevé de luxation que les coxarthroses. Cela s’explique probablement par le fait qu’il s’agit de hanches habituellement beaucoup plus mobiles que dans les cas de coxarthrose et donc potentiellement plus instables. L’examen de référence pour dépister les erreurs de positionnement des implants est la TDM [2,6,7], mais son interprétation doit être prudente [8]. Pinoit et al. [9], Ala Eddine et al. [10] et De Thomasson et al. [11] ont démontré que dans plus de 90 % des cas une rétroversion pelvienne survient lors du passage de la position couchée à celle debout. L’antéversion acétabulaire est par conséquent majorée en position debout (confirmée par nos quatre luxations lors du passage couché-debout). Dans notre étude, la mesure TDM de l’antéversion des implants étant effectuée en position couchée, elle sous-estime l’antéversion réelle en orthostatisme. Cela peut expliquer la survenue de luxations antérieures pour de faibles excès d’antéversion acétabulaire mesurés en position couchée. Pour certains auteurs, les meilleures conditions anatomiques sont réunies lorsque la somme des antéversions est environ de 20◦ [12,13]. Dans notre série, elle était en moyenne de 58◦ . Comme l’ont montré Fontes et al. [13] et Lewinnek et al. [14], nous confirmons donc que la survenue d’une luxation antérieure de prothèse totale de hanche est associée à un excès d’antéversion de l’implant fémoral et/ou acétabulaire. Les luxations sont survenues dans notre série pour des excès moyens d’antéversion fémorale et acétabulaire de 9,1◦ et 9,3◦ par rapport au côté sain. Les patients ayant récidivé ne sont pas ceux qui présentaient les plus grands excès d’antéversion fémorale ou acétabulaire, cependant ces patients avaient des antéversions moyennes plus faibles que dans la série globale. L’absence d’instabilité récidivante malgré ces anomalies anatomiques (aucune récidive ayant nécessité une reprise chirurgicale dans les quatre cas d’hyper-antéversion fémorale ou acétabulaire de 50◦ et plus) confirme qu’après cicatrisation, les excès d’antéversion prothétique sont bien tolérés, sans conséquence néfaste sur la stabilité de la hanche. Le rôle de l’inégalité de longueur ou d’un défaut de verticalité de la cupule en postopératoire est plus difficile à évaluer puisque les trois patients n’ayant pas d’inégalité de longueur en préopératoire ont eu un raccourcissement inférieur ou égal à 5 mm sans retentissement clinique et les trois patients qui présentaient un raccourcissement en préopératoire ont été égalisés ou non modifiés en postopératoire. Le score fonctionnel PMA jugé bon à excellent dans 72 % des cas, paraît décevant en comparaison à d’autres séries provenant de la même activité (89 %) [4]. Cette différence est difficilement imputable à l’épisode de luxation antérieure de prothèse totale de hanche, aucun ne présentant
M. Di Schino et al. d’instabilité chronique de la hanche au dernier recul et aucun n’ayant été réopéré. Peut-être ce résultat s’expliquet-il par les caractéristiques de notre série constituée de patients plus âgés, ayant un IMC plus élevé. La mise en évidence d’une instabilité antérieure lors du testing opératoire en extension-rotation externe d’une prothèse totale de hanche apparaît corrélée au risque de luxation antérieure précoce. Dans notre série, elle a été retrouvée dans huit cas (42 %) dont trois qui ont récidivé malgré le traitement par immobilisation au lit. La découverte d’une instabilité antérieure lors du testing opératoire doit donc soit conduire à la réduction de l’antéversion fémorale si cela est possible ou à une adaptation du protocole de rééducation postopératoire, tout particulièrement lors des 48 premières heures (sept des huit luxations précoces avaient été considérées instables en avant en peropératoire). L’instabilité survenant principalement au lit alors que le patient est en décubitus dorsal (14 cas), il serait peut-être logique d’autoriser une reprise normale de la déambulation et de la position assise tout en maintenant une position transatlantique au lit pour une quinzaine de jours. Ce protocole pourrait à la fois prévenir les épisodes d’instabilité antérieure de la prothèse tout en évitant le décubitus strict au lit en position transatlantique que nous préconisons en cas de luxation postopératoire avérée.
Conclusion La survenue d’une luxation antérieure de prothèse totale de hanche implantée par voie postérolatérale est une complication non exceptionnelle. Sa survenue est précoce. La population à risque comporte les sujets âgés avec un IMC élevé et ceux présentant une dysplasie congénitale ou une ostéonécrose de hanche. Elle est en rapport avec un défaut de positionnement prothétique associant un excès d’antéversion des implants fémoral et/ou acétabulaire. Nous avons traité orthopédiquement ces luxations antérieures précoces après arthroplastie totale de hanche par immobilisation en position transatlantique pendant en moyenne 14 jours. Ce traitement a été bien toléré, sans complication iatrogène. Si 26 % des patients ont récidivé, un seul a présenté deux récidives et aucun n’a développé d’instabilité chronique ayant imposé une reprise chirurgicale à quatre ans de recul.
Conflit d’intérêt Aucun.
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