Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales

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MEDLEG-210; No. of Pages 7 La revue de médecine légale (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales Descriptive retrospective study on male victims of domestic violence K.M.E.V. Ebouat a,*, J. Hiquet b, E. Christin b, J. Fougas b, O. Dubourg b, S. Gromb-Monnoyeur b a

´ de formation et de recherche sciences me ´ dicales d’Abidjan Cocody, de ´ partement de me ´ decine du Unite ´ decine le ´ gale et toxicologie, universite ´ Fe ´ lix Houphoue ¨ t-Boigny d’Abidjan, 01 BP V 34, 33000 travail, me Abidjan 01, Cote d’Ivoire b ´ decine le ´ gale, ´ethique et droit me ´ dical, service de me ´ decine le ´ gale, CHU, site Pellegrin, Laboratoire de me ´ lie-Raba-Le ´ on, 33076 Bordeaux cedex, France place Ame

MOTS CLÉS Violences intrafamiliales ; Hommes ; Médecine légale clinique

Résumé But de l’e´tude. — Le but de cette étude était d’établir un descriptif des violences exercées à l’égard des hommes dans le cadre familial. Patients et me´thode. — Cette étude rétrospective descriptive porte sur l’ensemble des hommes âgés de plus de 18 ans victimes de violences intrafamiliales examinés avec ou sans réquisition de l’autorité judiciaire au centre d’accueil en urgence des victimes d’agression (CAUVA) du CHU de Bordeaux entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015. Re ´sultats. — Cent quatre-vingt dossiers ont été retenus parmi les 2586 dossiers de violences intrafamiliales recensées tout sexe confondus, soit 2,89 % de notre file active totale sur cette période (6217 consultations). La majorité de nos sujets étaient des adultes d’âge moyen (41 ans), victimes de violences le plus souvent physiques (58,34 %), survenant généralement à domicile (42,86 %) dans la soirée (39,16 %). Il s’agissait dans la majorité des cas de sujets n’ayant pas consulté un service de soins (55,56 %) avant l’examen médicolégal qui se faisait généralement dans les trois jours suivant les violences (65,03 %). L’homme était le plus souvent agressé par sa conjointe (41,11 %) et présentait généralement des lésions contuses (69,32 %) sans déstabilisation psychologique (51,97 %). L’incapacité totale de travail (ITT) suite à ces violences était le plus souvent évaluée entre 1 et 8 jours (75,6 %).

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (K.M.E.V. Ebouat). http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003 1878-6529/# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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K.M.E.V. Ebouat et al. Conclusion. — Bien que moins fréquentes, les violences intrafamiliales sous toutes leurs formes sont susceptibles d’être exercées sur les hommes. Une bonne connaissance du phénomène et de ces conséquences est de nature à optimiser leur dépistage et la qualité de la prise en charge. # 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Domestic violence; Men; Clinical forensic pathology

Summary Introduction. — The aim of this study was to make a description of violence perpetrated against men in the family. Patients and method. — This retrospective descriptive study concerns all the men aged over 18, victims of domestic violence, examined with or without request of the judicial authority at the Emergency center for victims of aggression (CAUVA) of Bordeaux university hospital between 1 January 2014 and 31 December 2015. Results. — One hundred and eighty legal visits were held on 2586 domestic violence recorded a total of 6217 legal consultations. Most of our subjects were middle-aged adults (average age = 41 years), victims of physical violence more often (58.34%), usually occurring at home (42.86%) during the evening (39.16%). It was in the majority of subjects who did not consult a health care service (55.56%) before the forensic examination that was generally within 3 days of violence (65.03%). The man was often assaulted by his wife (41.11%) and generally had contused lesions (69.32%) without psychological destabilization (51.97%). The duration of the total incapacity (ITT) following the violence was most often between 1 and 8 days (75.6%). Conclusion. — Although less frequent, domestic violence in all its forms are likely to be exercised over men. A good knowledge of the phenomenon and its consequences is likely to optimize their testing and quality management. # 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les violences intrafamiliales (VIF) sont fréquentes, complexes, difficiles à appréhender et constituent une violation des droits fondamentaux de l’individu. Actuelles ou passées, leur impact est lourd sur la santé physique et psychique avec un retentissement pluriel sur la vie relationnelle, familiale, sociale, professionnelle et économique [1,2]. Les VIF se définissent comme des violences psychologiques, physiques, sexuelles et/ou économiques entre individus liés par une relation privilégiée, d’alliance, de filiation ou de fratrie [3]. Les VIF s’exercent dans tous les types de familles (monoparentales, recomposées) et de couples (mariés ou non, hétéro- ou homosexuels, vivant ensemble ou séparés) [3]. Les VIF comportent les violences entre partenaires intimes (VPI) ainsi que celles exercées au sein de la fratrie, entre parents et enfants, entre petits enfants et grands-parents. . . Si les VPI ont fait et font l’objet de nombreuses études [4], la question des hommes victimes de VIF est un sujet qui demeure marginal [5]. Selon Wielzer-Lang, les travaux portants sur les « hommes battus » oscillent entre un populisme aigu (les hommes seraient aussi battus que les femmes) et un misérabilisme sévère selon lequel seules les femmes subissent cette forme d’oppression domestique [6]. Au Cameroun, dans une étude anthropologique sur les VPI, Chouala et Chouala décrivent la violence des femmes à l’égard des hommes comme une violence d’ordre physique mais également sexuelle qui se manifesterait par un refus de tout rapport sexuel [7]. Au Nigéria, Anyanechi retrouvait, dans son étude relative aux fractures mandibulaires survenues au cours des VIF, que la victime était un homme dans 71 % des cas [8]. Aux États-Unis, Blosnish et Blossarte objectivaient, dans un travail portant

sur les violences exercées par les femmes envers leur conjoint entre 2005 et 2007, 1619 cas de violences physiques, 1038 cas de violences verbales et 179 cas de violences sexuelles [9]. En Australie, 15,5 % des hommes reçus aux urgences rapportaient avoir vécu une expérience de VPI selon Boyle et al. [10]. Au Canada, Hotton montrait que 22 % des hommes qui ont été en contact avec une ancienne conjointe au cours des cinq années, ont dit avoir été victime de violences de cette dernière durant la cohabitation ou après la séparation [11]. En France, l’enquête « Cadre de vie et sécurité, 2007 » rapportait que 1,3 % des hommes se déclaraient victimes de VIF physiques ou sexuelles entre 2010 et 2011, essentiellement dans le cadre de VPI [12]. Le rapport 2014 de la Délégation aux victimes recensait pour l’année 2013 en zone de gendarmerie 3360 hommes victimes de coups et violences non mortels par leur conjoint(e) ou exconjoint(e) et 08, victimes de violences sexuelles qualifiées de viols, contre un total de 3776 hommes en zone police [13]. Alors que Guillam et al. constataient le peu de données issues de sources hospitalières en France et en Europe [14], notre étude a pour finalité de répondre à ce besoin de données chiffrées mais également à décrire cette forme de violence souvent ignorée mais bel et bien existante.

Patients et méthode Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive réalisée sur une période de 24 mois (1er janvier 2014 au 31 décembre 2015). Tous les hommes âgés de plus de 18 ans examinés avec ou sans réquisition judiciaire au centre d’accueil en urgence des victimes d’agression (CAUVA) du CHU de Bordeaux pour des faits de VIF ont été inclus.

Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences Tableau 1 d’âges.

sentiment allégué de peur et de stress, pleurs à l’évocation des faits, troubles du sommeil (insomnies d’endormissement, cauchemars, réveils nocturnes), pertes d’appétit et réviviscences des faits. L’étude statistique a été réalisée à partir du logiciel Excel1.

Répartition des victimes en fonction des classes

Classe d’âge

Effectifs

Pourcentages (%)

18—29 30—39 40—49 50—59 60—69 70—79 80—90 Total

46 42 51 23 10 5 3 180

25,56 23,33 28,33 12,78 5,55 2,78 1,67 100

3

Résultats Âge

Ont été retenues comme VIF les violences entre partenaires actuels et ex-partenaires, les violences au sein de la fratrie, entre ascendants et descendants mais également entre membres de la sphère familiale élargie (oncles, tantes, cousins, cousines, nouveaux partenaires intimes d’un parent. . .). Les 180 dossiers anonymisés ont été étudiés par un médecin légiste. Les variables suivantes ont été reportées dans un tableau Excel1 : âge de la victime, horaire et lieu de l’agression, lien entre l’agresseur et la victime, nature et périodicité des violences, délai entre les faits et la consultation médicolégale, existence d’une prise en charge médicale antérieure à la consultation médicolégale, existence de lésions physiques et/ou de déstabilisation psychologique et durée de l’ITT. Les lésions physiques ont été classées en lésions contuses (dermabrasions, ecchymoses, hématomes et plaies), brûlures et atteintes ostéo-articulaires (fracture et luxation). Les douleurs alléguées ont également été retenues lorsque le sujet ne présentait aucune lésion physique. Concernant le retentissement psychologique des faits de violences, les éléments cliniques suivants ont été retenus :

La moyenne d’âge est de 41 ans avec des âges extrêmes allant de 18 à 90 ans. La répartition des classes d’âges est représentée dans le Tableau 1.

Périodicité et nature des violences Dans 77,78 % (n = 140) des cas, les victimes rapportaient des faits uniques de violences contre 22,22 % (n = 40) de faits itératifs. Concernant la nature des violences, l’item était renseigné dans 170 dossiers. Il s’agissait avant tout de violences physiques dans 58,34 % des cas (n = 105) suivies de violences psychologiques et physiques associées dans 31,11 % des cas (n = 56), et de violences psychologiques seules dans 4,44 % des cas (n = 8) cas. Seul un cas de violence sexuelle était rapporté.

Horaires et lieu d’agression Concernant l’horaire d’agression, l’item était renseigné dans 166 dossiers parmi lesquels 39,16 % des violences survenaient dans la soirée entre 18 h et 23 h 59 (n = 65), 30,12 % dans l’après-midi entre 12 h et 17 h 59 (n = 50), 18,07 % le matin entre 06 h et 11 h 59 (n = 30) et 12,65 % dans la nuit entre 00— 05 h 59 (n = 21).

80 42,86% (n=75) 70 60 50 40 20% (n=35) 16% (n=28)

30

9,14% (n=16)

20

12% (n=21)

10 0 Domicile commun

Figure 1

Domicile vicme

Voie publique

Domicile agresseur

Autres (Domicile autre, lieux mulples, Commerce, Lieu de travail, Milieu universitaire)

Répartition des victimes en fonction du lieu d’agression.

Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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K.M.E.V. Ebouat et al. Tableau 2 Répartition en fonction du délai agression — consultation médicolégale.

Tableau 4 Répartition en fonction des lésions physiques observées sur les sujets.

Délai agression — Consultation (jours)

Effectifs

Pourcentages (%)

Types de lésions

Effectifs

[0—3] [4—10] [11—15] [16—200] Total

106 34 11 12 163

65,03 20,86 6,75 7,36 100

Douleurs alléguées Lésions contuses (dermabrasions, ecchymoses, hématomes et plaies) Lésions ostéo-articulaires (fractures, luxations) Brûlures Absence de lésions Total

22 122

12,5 69,32

11

6,25

3 18 176

1,70 10,23 100

Concernant le lieu de commission des violences, l’item est renseigné dans 175 dossiers. Les résultats dont illustrés sur la Fig. 1. Délai entre les faits de violences et la consultation médicolégale et prise en charge médicale antérieure. Le délai entre l’agression et la prise en charge médicolégale était renseigné dans 163 dossiers avec une répartition illustrée dans le Tableau 2. Concernant la notion de prise en charge médicale antérieure à la consultation médicolégale, la majorité des victimes (n = 100) n’avait pas eu recours à une prise en charge médicale antérieure (55,56 %). Parmi les autres, 27,22 % avaient consulté au sein d’un service d’urgences (n = 49), 15 % avaient consulté leur médecin généraliste (n = 27) et 2,22 % avaient été pris en charge par SOS médecin (n = 04).

Tableau 5 l’ITT.

Pourcentages (%)

Répartition en fonction de la détermination de

Détermination de l’ITT

Effectifs

0 jour Inférieur ou égal à 8 jours Strictement supérieur à 8 jours Non évaluable Total

12 127 23

7,14 75,60 13,69

6 168

3,57 100

Pourcentages (%)

Lien avec la victime Concernant le lien unissant la victime et l’agresseur (Tableau 3). L’item était systématiquement renseigné (n = 180). Dans 74 cas (41,11 %), il s’agissait de la partenaire de la victime et dans 32 cas (17,78 %) de son ex-partenaire. Les enfants étaient à l’origine des violences dans 12 dossiers (6,67 %). L’auteur était une femme dans un cas sur deux (53,3 % des cas) qui agissait seule (87,84 %).

Bilan lésionnel physique

Répartition en fonction du lien avec la victime.

Lien avec la victime Partenaire intime Famille — Autre Ex-partenaire intime Enfant Fratrie Parents Partenaire intime d’un parent Oncle, tante Petits-enfants Total

L’item était renseigné dans 152 dossiers. Environ une personne sur deux (n = 79, 48,03 %) présentait des éléments cliniques de déstabilisation psychologique secondaire à un vécu traumatique.

Durée de l’ITT

L’item était renseigné dans 176 cas. La répartition est illustrée dans le Tableau 4.

Tableau 3

Déstabilisation psychologique

Effectifs

Pourcentages (%)

74 37 32 12 8 7 8

41,11 20,56 17,78 6,67 4,44 3,89 4,45

1 1 180

0,55 0,55 100

L’item était renseigné dans 168 cas. La répartition est illustrée dans le Tableau 5.

Discussion Notre étude a montré que les prises en charge d’hommes se disant victimes de VIF représentaient seulement 2,89 % de notre file active totale sur les deux années d’étude et ce malgré une définition relativement large des VIF. Un constat identique à celui de Roberts et al. qui retrouvaient 8,5 % d’hommes victimes de VIF au cours des consultations dans les services d’urgences australiens [15]. En Angleterre, ce pourcentage était porté à 11,5 % au cours de l’année 2008 [16]. Selon Romdeau, ce résultat s’explique par les multiples entités pouvant être intégrées dans les VIF [17]. Pour certains auteurs, il semblerait que ce résultat serait en lien avec le tabou social que constitue ce type

Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences de violences auquel s’ajoute la crainte de ne pas être cru, d’être jugé voire rejeté, à quoi s’ajoute le peu de structures dédiées et l’insuffisance, voire l’absence de formation des professionnels médicaux et judicaires [14,18]. Au Canada, les principales raisons à la non-judiciarisation des cas de VPI par les hommes portaient sur le caractère personnel et intime des faits, les services enquêteurs devant rester étrangers aux problématiques de la sphère privée du couple [10]. Concernant l’âge, les hommes victimes de VIF étaient âgés de 41 ans en moyenne avec une large représentation des 18—49 ans. Un constat quasi-similaire était fait, au Portugal, par Carmo qui retrouvait un âge moyen identique avec la moitié des victimes comprise entre 34 ans et 49 ans [19]. Ceci pourrait s’expliquer par la chute progressive des tabous sur la perception des hommes victimes, par un accès à l’information plus aisé pour les nouvelles générations, ainsi que par l’instauration de structures médicolégales cliniques pluridisciplinaires hospitalières depuis la mise en place de la réforme de la médecine légale (2011). Ainsi, ces structures spécifiques dédiées aux victimes sont à présent bien identifiées par les acteurs médicaux, judiciaires, sociaux et associatifs garantissant ainsi aux victimes une prise en charge globale optimale. Les violences survenaient généralement au cours de la soirée au domicile commun comme le rapporte également Reijnders et Ceelen à Amsterdam et Goodman aux États-Unis [20,21]. Pour Thureau et al., ce constat est en lien avec la prédominance des VPI qui se caractérisent par une proximité de l’agresseur et de la victime durant la soirée au sein du foyer familial [22]. Dans notre étude, les violences étaient le plus souvent le fait du partenaire intime ou de l’ex-partenaire intime, à la différence des travaux de Penny et al. qui décrivaient que l’agresseur était le plus souvent un membre de la fratrie avec un passage à l’acte justifié par des réactions d’autodéfense [23]. Pour Gleason, la faible implication des partenaires intimes de sexe féminin dans la survenue des VPI s’expliquerait par des facteurs culturels, notamment par un schéma familial patriarcal qui encourage les hommes à rechercher le pouvoir et le contrôle sur les femmes [24]. De façon générale, il est observé qu’au sein des sociétés patriarcales, les hommes ne sont que très rarement victimes de VPI [25]. En dehors des VPI et des violences faîtes aux personnes âgées, les autres types de VIF font l’objet d’une faible documentation dans la littérature. Pour certains auteurs, n’ayant pas été élevées au rang de problématique de santé publique, elles seraient plus tolérées sur le plan social minorant probablement leur retentissement sur la sphère familiale. Quant aux personnes âgées victimes de VIF, Jean Roche rapportait que, dans 1 cas sur 2, le maltraitant appartient à la sphère familiale et dépend financièrement de la victime [26,27]. Dans notre étude tout comme dans celle de Thureau, la consultation médicolégale se faisait rapidement et généralement sans consultation préalable au sein d’un service de soins [22]. Ce faible recours en première intention pourrait s’expliquer, soit par la gêne que peuvent éprouver les victimes à consulter pour ce motif, soit par le caractère le plus souvent bénin des lésions physiques qu’elles génèrent. En effet, Carmo et al. rapportaient que les femmes portugaises font le plus souvent preuve d’une violence physique modérée

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à l’égard de leur conjoint, à l’origine de peu de lésions visibles [19]. Concernant la périodicité des violences, ces dernières étaient le plus souvent ponctuelles dans notre travail alors que Thureau observait une proportion de violences itératives et ponctuelles quasi similaire [22]. Il est difficile d’établir un comparatif pour deux raison. L’étude citée ne portait que sur les hommes victimes de VPI et, d’autre part, nous n’avons pas étudié la périodicité en fonction du type de violence mais toutes violences confondues. Alors que Shumacher et Carney décrivaient une prédominance de violences psychologiques (insultes, cris, propos dévalorisants. . .), précédent souvent un passage à l’acte physique [28,29], les violences physiques prédominaient dans notre étude. Cette différence peut être liée à une tendance à la banalisation des cas de violences psychologiques et un recours à la judiciarisation plus fréquent en cas de violences physiques avec stigmates traumatiques. Pour Sinha, les victimes de VIF sont plus sujettes aux blessures corporelles [30], et ce, d’autant plus qu’il n’est pas rare que les auteurs utilisent des objets ou des armes [25]. Les violences ont généré le plus souvent des lésions physiques contuses comme le montrait Carmo et al. [19]. Cela pourrait se traduire, d’une part, par la volonté de l’agresseur d’affirmer sa supériorité et son contrôle sur la victime en la marquant physiquement mais également, dans le cadre spécifique des VPI par un raptus violent d’un sujet, de sexe féminin le plus souvent, en réponse à des violences chroniques [31]. En effet, certaines femmes jugées pour des VIF à type de VPI étaient des femmes violentées ayant retourné la violence contre leur agresseur habituel. Selon Swan et al., la violence subie par une femme de la part de son partenaire est un facteur important dans la compréhension de l’usage de la violence par celle-ci [32]. Pour Swan et al., la violence physique aurait pour finalité de provoquer une effraction psychologique avec effondrement des barrières psychiques de la victime afin de fragiliser cette dernière et de lui faire perdre toute confiance en elle [32]. Dans notre étude, des éléments de déstabilisation psychologique étaient retrouvés dans un cas sur deux (48,03 %). À l’inverse, Donna et Michelle, dans leur travail sur les VPI au Canada [33] et Swahnberg et al., dans un travail sur les violences émotionnelles, physiques et sexuelles subies par les hommes, rapportaient que bien que la violence physique soit la forme la plus répandue, elle peut ne pas avoir nécessairement un fort impact psychique chez les hommes [34]. Selon Rondeau, à la différence des femmes, les hommes victimes de violences dans la sphère privée auraient pour la plupart la possibilité de regagner dans la sphère publique différents privilèges associés à leur sexe, contrebalançant ainsi les effets potentiellement destructeurs de la violence [17]. Gromb et Dost rappellent que le constat des violences aussi bien physiques que psychologiques doit donner lieu à l’évaluation de la période d’incapacité temporaire totale (ITT) permettant ainsi au magistrat de qualifier l’infraction et d’orienter le dossier vers la juridiction de jugement compétente [35]. Dans la grande majorité de nos dossiers, cette période était inférieure ou égale à huit jours, conformément aux résultats Thureau [22]. Si la durée de l’ITT permet d’obtenir un reflet de la gravité du tableau traumatique, elle n’est pas d’un intérêt premier dans les

Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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K.M.E.V. Ebouat et al.

cas de VIF, et surtout de VPI, puisque cette situation constitue d’emblée une circonstance aggravante au regard du droit, qualifiant ainsi l’infraction de délit quelle que soit sa durée.

Conclusion Cette étude a permis de mettre en évidence que les hommes victimes de VIF étaient certes minoritaires mais pas inexistants dans la file active d’un service de victimologie. Sous réserves des limites liées à la méthodologie rétrospective de ce travail, ce dernier souligne que nos victimes étaient préférentiellement des sujets jeunes âgés en moyenne de 41 ans, victimes de VPI au domicile en soirée et qui présentaient principalement des lésions contuses superficielles associée une fois sur deux à un tableau de déstabilisation psychologique, le tout justifiant dans la plupart de cas une période d’ITT inférieure ou égale à huit jours. Les auteurs soulignent que compte tenu des conséquences plurielles pour les victimes, ces dernières doivent bénéficier d’une prise en charge globale médico-psychosociale au sein d’unités spécialisées composées de professionnels spécialement formés à la victimologie.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Ebouat KMEV, et al. Étude rétrospective descriptive relative aux hommes victimes de violences intrafamiliales. La revue de médecine légale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.medleg.2016.09.003

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