Journal français d’ophtalmologie (2011) 34, e1—e2
REVUE DE PRESSE
Évolution de la maladie herpétique : une incitation forte à la prévention The evolution of herpes disease: A strong argument for prevention M. Labetoulle a,∗,b a
Service d’ophtalmologie, CHU de Bicêtre, 78, rue du général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France b Laboratoire de virologie moléculaire et structurale CNRS, 91198 Gif-sur-Yvette, France
La maladie herpétique oculaire est caractérisée par son caractère récurrent. Jusqu’à très récemment, les principales données épidémiologiques sur le taux de récidive dataient d’une publication de Liesegang et al. en 1989 qui rapportait les résultats de l’étude de cohorte de Rochester, réalisée entre les années 1950 et 1980 [1]. Cette étude avait montré que le taux de récurrence de l’herpès oculaire était de l’ordre de 10 % un an, 20 % à deux ans, 40 % à cinq ans et 60 % à 20 ans. Pour remédier à ces récidives, le groupe d’études sur l’herpes oculaire (HEDS) a montré en 1998 que l’aciclovir, à la dose de 800 mg par jour en deux prises orales, permet de réduire d’un facteur deux le taux de nombre de récurrences herpétiques oculaires chez les patients atteints d’au moins deux poussées par an [2]. Les nouveaux résultats publiés par Young et al. [3] apportent de nouvelles informations sur ces deux principales données épidémiologiques. Cette étude est en réalité la suite de l’étude de Rochester précédemment citée. Il s’agissait d’une étude de cohorte sur la population du comté d’Olmsted, Minnesota, en analysant les données des consultations et hospitalisations de la Mayo Clinic et des hôpitaux affiliés. Pour la publication de Young et al., tous les patients enregistrés dans Rochester Epidemiology Project (REP)
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entre 1976 et 2007 ont été inclus dans l’analyse statistique. Les résultats apportés sont nombreux et intéressants à plusieurs égards. On y remarque en premier lieu que le risque d’herpès oculaire ne cesse de croître tout au cours de la vie, y compris les primo-manifestations, confirmant en cela l’étude franc ¸aise publiée en 2005 [4]. L’article de Young et al. rapporte en outre que la fréquence des récidives augmente avec le nombre des épisodes. Ainsi, pour les patients n’ayant présenté qu’une seule crise d’herpès oculaire, le risque de développer une première récurrence dans les cinq années suivantes est de 50 %, alors qu’il passe à 65 % pour les trois épisodes suivants. Cette publication a aussi le mérite de montrer que la maladie oculaire herpétique doit continuer d’être considérée comme potentiellement grave malgré l’amélioration globale de la prise en charge depuis les années 1980. En effet, 5 % des patients présentaient finalement une acuité visuelle inférieure à 1/10e dans l’œil atteint dans les cinq ans qui suivaient le premier épisode et même 10 % au bout de 20 ans d’évolution de la maladie herpétique. Il est intéressant de noter que 85 % des patients avec complication sévère ne prenaient pas de traitement prophylactique au moment de la dernière poussée précédant la constatation d’une acuité visuelle très basse, 65 % n’en avaient jamais rec ¸u tout au long de leur vie. Mais le résultat le plus important de cette étude observationnelle concerne l’intérêt du traitement préventif dans la vraie vie. D’après ces données épidémiologiques, le
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e2 risque relatif de présenter une kératite épithéliale ou une atteinte stromale est environ dix fois inférieur lorsqu’un traitement préventif au long cours est proposé. Cette efficacité est d’ailleurs largement supérieure à celle observée dans l’étude Princeps de l’HEDS (50 % de réduction de la fréquence des récidives pendant la première année de traitement). La principale différence avec cette étude historique, randomisée et prospective, est qu’elle concerne des événements enregistrés au cours du temps, en dehors d’un contexte d’études cliniques et sur des patients traités plusieurs années (en moyenne 2,8 ans). L’étude épidémiologique de Young et al. réalisée sur une population importante (644 dossiers médicaux d’herpès oculaire présumé ont été examinés) confirme donc que l’histoire naturelle de la maladie n’est pas celle d’une extinction spontanée, au moins en ce qui concerne les quatre premiers épisodes, alors qu’à l’inverse, le traitement antiviral préventif à long terme est efficace avec des effets bénéfiques qui ont tendance à se cumuler avec le temps.
M. Labetoulle
Conflit d’intérêt Conflit d’intérêt en rapport avec l’objet de l’article : néant.
Références [1] Liesegang TJ, Melton III LJ, Daly PJ, Ilstrup DM. Epidemiology of ocular herpes simplex. Arch Ophthalmol 1989;107:1155—9. [2] Herpetic Eye Disease Study Group. Acyclovir for the prevention of recurrent herpes simplex virus eye disease. N Engl J Med 1998;339:300—6. [3] Young RC, Hodge DO, Liesegang TJ, Baratz KH. Incidence, recurrence, and outcomes of herpes simplex virus eye disease in Olmsted County, Minnesota, 1976—2007. The effect of oral antiviral prophylaxis. Ophthalmology 2010;128:1178—83. [4] Labetoulle M, Auquier P, Conrad H, CrocHard A, Daniloski M, Bouée S, et al. Incidence of herpes simplex virus keratitis in a western European country (France). Ophthalmology 2005;112:888—95.